Articles du Vendredi : Sélection du 17 juillet 2020


Stimulées par le réchauffement climatique, des nuées de criquets dévastent la Sardaigne
Marco Carlone et Daniela Sestito
https://reporterre.net/Stimulees-par-le-rechauffement-climatique-des-nuees-de-criquets-devastent-la-Sardaigne

Depuis le mois de mars, les criquets prolifèrent en Sardaigne, mettant à mal l’agriculture insulaire. Outre le dépeuplement des campagnes, le réchauffement et l’assèchement climatiques jouent un rôle dans cette infestation.

 « Voici ce qui reste d’un chou attaqué par les criquets [1], indique Giovanni en tenant dans sa main une tige verte, lisse et complètement exfoliée (les feuilles ont été mangées). On n’y croit pas. Une année entière de travail a été perdue. » Giovanni est un agriculteur de Bolotana, une petite ville située dans le centre de la Sardaigne. Sa ferme et quelque 200 autres ont été victimes d’une invasion de criquets qui ravage la vallée de la rivière Tirso depuis le mois d’avril. Plutôt que laisser tous ses légumes aux insectes, Giovanni a fait la récolte en avance et en a fait don à une association caritative.

Ces insectes, connus sous le nom de « criquets marocains » (Dociostaurus maroccanus), ont dévoré les pâturages, les terrains cultivés et ont envahi maisons et jardins. Des essaims de la même espèce avaient déjà causé des dégâts en 2019 sur une superficie de 2.000 hectares environ. « Mais, en un an seulement, la zone d’invasion a décuplé, atteignant entre 20 et 25.000 hectares. Et elle se développe encore, explique Alessandro Serra, président provincial de Coldiretti, la principale association d’agriculteurs italienne. Pour l’instant, il n’y a rien à faire pour sauver les pâturages, les criquets sont devenus trop gros, ils ont déjà des ailes. Ils peuvent donc migrer rapidement, en passant de champ en champ, et maintenant on ne peut plus les intercepter. »

 « Nous avons dû mettre une moustiquaire sur la cheminée pour les empêcher d’entrer dans la maison »

Se nourrissant principalement de la partie la plus riche en protéines des plantes, les locustes privent les troupeaux des éléments les plus protéiques et nutritifs. « J’ai fauché mes pâturages pour les chasser, mais il en reste encore beaucoup. Je peux les voir grâce aux mouettes qui survolent mes terres : elles viennent ici pour chercher les insectes, et elles en trouvent beaucoup », dit Alessandro, un jeune berger. « L’année dernière, il y avait déjà des criquets, mais ils s’étaient arrêtés au bord de ma propriété, je n’ai pas eu de dégâts. Cette année, cependant, le jour où j’ai tondu les moutons, j’ai trouvé les murs extérieurs de ma maison complètement couverts par les essaims », dit-il. Alessandro possède un grand troupeau, qui s’est toujours nourri des pâturages de sa propriété. Cette année, cependant, les choses se sont passées différemment. « Si vous entrez dans le champ, vous voyez qu’il n’y a plus rien. Je laisse les brebis paître tous les jours, mais elles reviennent affamées. »

Riccardo, un berger du village de Orotelli, a eu le même problème et a dû acheter des balles de foin en Italie continentale pour nourrir ses animaux. Dans les abreuvoirs de son troupeau, un amas de criquets noyés confirme l’ampleur de l’invasion. « Nous avons également dû mettre une moustiquaire sur la cheminée pour les empêcher d’entrer dans la maison », explique-t-il, désespéré. Il a labouré ses champs pour détruire les œufs de criquets pondus pendant l’invasion, mais il n’a pas le courage d’investir dans une autre culture par peur d’une nouvelle invasion : « Je ne veux pas mettre de pesticides dans mes champs, je risquerais d’empoisonner mon propre troupeau. »

Cependant, les locustes ne sont pas un phénomène inconnu sur l’île. « Les Sardes les ont toujours combattues, par tous les moyens. Avec l’arsenic en 1900, avec les lance-flammes dans les années 1930. Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, une invasion majeure a nécessité l’intervention de toute la population et de l’armée », explique le professeur Roberto Pantaleoni, entomologiste à l’université de Sassari. Dans plusieurs villages de l’arrière-pays, les agriculteurs célèbrent encore saint Narcisse, patron des bergers, qui, dans le passé, « a sauvé les terres cultivées des criquets par un miracle », dit-il. Dans l’après-guerre, un coléoptère se nourrissant d’œufs de criquets a même été introduit pour contenir les infestations. « Environ 20.000 spécimens ont été collectés en Italie continentale et ensuite transportés ici », précise le professeur.

 « Les températures ont une influence positive sur les populations de criquets »

À partir des années 1940, les invasions se sont progressivement atténuées, grâce aussi à la mécanisation agricole. Cependant, au cours des dernières années, la tendance s’est inversée à cause du dépeuplement progressif des campagnes. La superficie croissante des terres non cultivées crée des conditions optimales pour la ponte des insectes.

« Aujourd’hui, les infestations sont plus limitées qu’auparavant mais cela ne signifie pas que le problème est moins grave, il est le même que par le passé, avec de sérieux dommages aux cultures et aux pâturages. Et comme l’économie de la Sardaigne se fonde sur l’élevage de brebis, les répercussions sont majeures », explique le professeur Ignazio Floris, entomologiste à l’université de Sassari. Ignazio Floris a étudié les essaims de criquets qui se sont succédé ces deux dernières années, en identifiant les causes qui auraient favorisé leur infestation : outre le dépeuplement, les tendances climatiques à la hausse des températures ont joué un rôle clé. « Ces dernières années, nous avons observé en Sardaigne des conditions climatiques bizarres et particulièrement sèches au printemps et en été. C’est certainement l’un des facteurs qui ont favorisé ce phénomène d’infestation », explique l’entomologiste. « Les températures ont une influence positive sur les populations de criquets. D’une part, parce qu’elles affectent les conditions du sol et de la ressource en eau et que ces insectes ont besoin de sols arides et abandonnés pour y pondre leurs œufs. D’autre part, les criquets sont des animaux à sang froid et hétérothermes : plus la température est élevée, plus leur cycle biologique est accéléré. » Avec la hausse des températures estivales et le dessèchement des champs qui en résulte, les criquets se dispersent désormais vers les cultures irriguées. L’agence régionale pour l’application des programmes agricoles est en train de cartographier la zone de l’invasion par système d’information géographique (SIG). « De cette manière, dans les terres touchées, il sera possible de détruire les sites de nidification l’année prochaine, avant l’éclosion des œufs », explique le directeur de l’agence régionale, Marcello Onorato. L’une des solutions les plus viables — puisque les agriculteurs de la région ne peuvent pas agir sur les tendances climatiques — consiste à labourer ces terres pour exposer les œufs aux intempéries et aux prédateurs naturels. Ce n’est que de cette manière qu’il sera possible d’éviter que l’année prochaine, au début du printemps, les criquets réapparaissent encore plus nombreux.

« Immédiatement. Substantiellement. De manière permanente. » : des super-riches veulent être taxés davantaget
Magazine Marianne
www.marianne.net/economie/immediatement-substantiellement-de-maniere-permanente-des-super-riches-veulent-etre-taxes

Dans une lettre publiée ce lundi 13 juillet, avant la réunion des ministres des Finances du G20 et du sommet européen extraordinaire sur la relance de l’UE, un groupe de 83 millionnaires appelle à taxer davantage les grandes fortunes de la planète, afin de contribuer à la reprise après la crise du coronavirus.

L’oncle Picsou aurait-il décidé de devenir sympa ? Avant que ne débute la réunion des ministres des Finances du G20 et le sommet européen extraordinaire sur la relance de l’Union européenne, un groupe de 83 millionnaires appelle dans une lettre ouverte publiée ce 13 juillet à taxer davantage les grandes fortunes. Raison invoquée pour cette brusque crise de conscience : la pandémie de coronavirus, qui continue aujourd’hui de secouer la planète. « Alors que le Covid-19 frappe le monde, les millionnaire comme nous avons un rôle essentiel à jouer pour guérir le monde », demandent ses signataires.

Parmi ces bonnes âmes, on trouve notamment le cofondateur du géant américain des glaces Ben & Jerry’s, Jerry Greenfield, ou le réalisateur britannique Richard Curtis. La plupart d’entre eux sont Américains, Britanniques, ou encore Canadiens. Aucune fortune française ne semble -pour l’instant – avoir participé à l’initiative.

« Augmenter les taxes des gens comme nous »

Dans ce document, les millionnaires réclament aux gouvernements « d’augmenter les taxes de gens comme nous. Immédiatement, substantiellement et de manière permanente » : « Nous ne sommes pas ceux qui soignent les malades dans les unités de soins intensifs. Nous ne conduisons pas les ambulances qui amènent les malades à l’hôpital. Nous ne sommes pas ceux qui regarnissent les rayons des épiceries ou qui délivrent de la nourriture de porte à porte », écrit ce groupe qui se baptise Millionaires for Humanity, sur un site internet éponyme.

« Mais nous avons de l’argent, beaucoup. On a absolument besoin d’argent maintenant et on continuera à en avoir besoin dans les années à venir » pour se remettre de la crise, dont l’impact « durera des dizaines d’années » et pourrait « pousser un demi-milliard de personnes dans la pauvreté », poursuivent-ils. « Les problèmes causés et révélés par le Covid-19 ne peuvent être résolus par la charité, aussi généreuse soit-elle. Les chefs de gouvernement doivent prendre la responsabilité de lever les fonds dont nous avons besoin et les dépenser équitablement » pour financer « adéquatement nos systèmes de santé, les écoles et la sécurité via une augmentation permanente des taxes sur la plus fortunés de la planète, des gens comme nous ».

L’initiative n’est pas nouvelle : des milliardaires tels que Warren Buffett et Bill Gates demandent depuis des années à être taxés davantage. L’année dernière, un petit groupe de milliardaires américains comprenant l’homme d’affaires George Soros, le co-fondateur de Facebook Chris Hughes et des héritiers des empires Hyatt et Disney entre autres, avaient également publié une lettre pour soutenir l’idée d’un impôt sur la fortune.

La tentation éco-fasciste : migrations et écologie (2/2)
Pierre Madelin
www.terrestres.org/2020/06/26/la-tentation-eco-fasciste-migrations-et-ecologie

Du racisme biologique à l’ethno-différentialisme

Du 19ème siècle jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, c’est une conception naturaliste de la race qui a prévalu dans les sociétés occidentales : en Amérique, en Afrique, en Asie ou en Océanie, les populations blanches issues de la colonisation ou de l’immigration européenne étaient présentées comme intrinsèquement supérieures aux populations autochtones et aux esclaves ou descendants d’esclaves. En Europe, dans l’imaginaire nazi par exemple, les populations « aryennes » étaient quant à elles supposées intrinsèquement supérieures aux Juifs et aux Slaves. Dans l’un comme dans l’autre cas, la théorie de l’évolution, et plus spécifiquement le darwinisme social, furent utilisés pour légitimer une hiérarchie socio-raciale implacable, qui trouva son aboutissement logique dans l’extermination des Juifs d’Europe.

Par la suite, ce racisme biologique fut logiquement éclipsé ; mais l’extrême-droite n’avait pas dit son dernier mot, et certains de ses idéologues les plus astucieux commencèrent à élaborer dès les années 1960 un racisme « culturaliste » et « ethno-différentialiste ». Il ne s’agissait plus d’établir une hiérarchie entre des races biologiques, mais de tracer des frontières étanches entre des « cultures » ou des « civilisations » homogènes en leur composition interne mais totalement hétérogènes  les unes aux autres. Une même hantise demeurait cependant : celle du métissage. À  l’image des races auxquelles elles se substituaient, ces « cultures », en se brassant sous l’effet d’une mondialisation galopante, ne pouvaient que se gâter, se pervertir et in fine perdre leur identité. Cet ethno-différentialisme, aujourd’hui hégémonique dans les discours d’extrême-droite, est d’autant plus pervers qu’il se présente bien souvent (au moins en théorie) comme « hétérophile », par contraste avec « l’hétérophobie » de l’ancien racisme12. Aussi tend-il à célébrer l’Altérité des cultures du monde pour mieux exalter l’Identité de la culture au nom de laquelle il s’exprime, et pour déplorer la menace qui pèserait de façon indifférenciée sur toutes les sociétés dans le contexte de la mondialisation, en des termes qui s’inspirent d’ailleurs parfois explicitement de l’anthropologie sociale13.

Mais le naturel chassé par la porte est rapidement revenu par la fenêtre. En intégrant la question écologique, l’ethno-différentialisme s’est en effet progressivement doublé de ce que l’on pourrait appeler un « éco-différentialisme ». Sans remettre en cause le caractère spécifiquement culturel de l’identité du groupe, il s’est efforcé, via un raisonnement analogique, de montrer que cette identité était en dernière instance tributaire d’un support naturel : l’écosystème, le milieu, ou la bio-région. À chaque ensemble culturel correspondrait ainsi un territoire, et l’intégrité de l’un ne pourrait être respectée qu’à condition de respecter l’intégrité de l’autre. Tout comme la biodiversité, l’ethno-diversité devrait être protégée, et à l’image des écosystèmes, les cultures seraient des entités fragiles dont il faudrait préserver les équilibres lorsque ceux-ci sont menacés par des perturbations extérieures. Ce réseau d’analogies perverses qui réintroduit un naturalisme fort au cœur du dispositif ethno-différentialiste permet aujourd’hui à Marine le Pen de défendre ce que l’on pourrait appeler un « souverainisme éco-fasciste », en affirmant notamment qu’il faut protéger « les écosystèmes, à commencer par les écosystèmes humains que sont les nations »14. Il autorise aussi un auteur comme Hervé Juvin, nouveau « Monsieur écologie » du Rassemblement National, à comparer les migrants à des « espèces invasives », face auxquelles « l’homme doit défendre son biotope »15. Les amateurs d’histoire apprécieront et se souviendront du concept de Lebensraum cher aux idéologues du IIIème Reich, qui fut justement forgé pour traduire et germaniser le terme de biotope.

Mais la critique de l’immigration au nom de l’écologie ne s’arrête pas à ces considérations d’ordre anthropologique. Elle entend également montrer que l’immigration, dans la mesure où elle est partie prenante de la dynamique du capitalisme mondialisé, a un effet dévastateur direct sur l’environnement. Il existerait non seulement une symétrie entre l’intensification des flux de marchandises et des flux migratoires, mais aussi une complicité structurelle entre la mondialisation « par le haut », dévolue aux élites du capitalisme financier, et la mondialisation « par le bas » assurée par les migrants, accusés quant à eux d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des classes populaires des pays d’accueil. Dans cette perspective, actionnaires, patrons et migrants concourent tous à la baisse tendancielle des revenus et à la précarisation des autochtones. Le déracinement physique et territorial des migrants serait en quelque sorte le reflet du déracinement du capital transnational.

Ainsi, dans un texte au titre éloquent, « L’immigration, armée de réserve du Capital », Alain de Benoist use d’une rhétorique marxiste pour affirmer en substance qu’il est incohérent de critiquer le capitalisme tout en acceptant l’immigration :

« En 1973, peu de temps avant sa mort, le président Pompidou reconnaissait avoir ouvert les vannes de l’immigration à la demande d’un certain nombre de grands patrons désireux de bénéficier d’une main-d’œuvre docile, bon marché, dépourvue de conscience de classe et de toute tradition de luttes sociales, afin d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des travailleurs français, de réduire leurs ardeurs revendicatrices, et subsidiairement de briser l’unité du mouvement ouvrier. Ces grands patrons, soulignait-il, en ‘veulent toujours plus’. »16

En réalité, cette position est devenue un topos dans certains milieux d’extrême-droite, à tel point qu’on la retrouve sous la plume d’un certain Eric Zemmour : « les mouvements migratoires très importants de ces vingt dernières années ont été une des composantes majeures d’une croissance économique sans inflation, puisque ce flot continu de travailleurs à bas prix a pesé comme une chape de plomb sur les salaires des travailleurs occidentaux », écrit le chouchou des lecteurs du Figaro17. Patrick Crusius, le tueur d’El Paso, ne dit pas autre chose : « Être pour les grandes entreprises, c’est être pour l’immigration, écrivait-il dans son manifeste. Les grandes entreprises doivent remplir les bassins d’emploi peu qualifiés et qualifiés de façon à maintenir les salaires au plus bas. »

Immigration et destruction de l’environnement

Ce qui est en revanche relativement nouveau, c’est la façon dont cette association se trouve elle-même articulée depuis quelques années aux enjeux environnementaux. Aux effets écologiques dévastateurs de l’intensification des échanges marchands – qui induisent le développement des infrastructures de production, de transport et de distribution au détriment de l’intégrité des territoires et de leur biodiversité, ainsi qu’une hausse significative des émissions de gaz à effet de serre – s’ajouteraient les effets tout aussi dévastateurs de la multiplication des flux migratoires. Quels sont-ils ? Le discours de l’extrême droite contemporaine en relève principalement trois :

1) Les migrants et leurs descendants contribueraient de façon significative au réchauffement climatique. « La migration, peut-on lire sur le site d’extrême droite Boulevard Voltaire, c’est d’abord la multiplication des transports, et pas simplement une fois. Ce sont les allers-retours réguliers, saisonniers, avec le pays d’origine, souvent lointain. Donc la multiplication des transports aériens. C’est aussi l’instabilité géographique dans le pays ou le continent d’accueil. »18

2) L’immigration de masse contribuerait à la détérioration écologique du territoire des pays d’accueil, et compromettrait même la capacité de charge de leurs écosystèmes. Aux États-Unis, cette thèse a été défendue par des militants historiques comme Edward Abbey ou Dave Foreman, le fondateur du groupe Earth First !, mais aussi par des figures de proue de l’éthique environnementale comme Holmes Rolston III ou Philip Cafaro19. « Si vous ne pensez pas qu’il est nécessaire de limiter l’immigration, écrit Foreman, cela signifie que vous êtes favorables à ce que la population des États-Unis passe de 307 à 700 millions d’habitants d’ici 2100. Si notre population s’élève à 700 millions dans 90 ans, il sera devenu quasiment impossible de préserver les territoires et les créatures sauvages de notre pays. »20

3) Enfin, comble du cynisme, l’impact écologique de l’immigration de masse serait d’autant plus important que les migrants souhaitent tous adopter le « mode de vie américain » ou « européen », qui ne va pas sans une forte consommation de ressources naturelles. « L’immigration de masse renforce notre position de leaders mondiaux du réchauffement climatique »21, peut-on par exemple lire sur un prospectus d’extrême droite qui a connu une certaine diffusion aux États-Unis.

Cet anti-immigrationnisme vert ressemble à s’y méprendre à ce que Malcom Ferdinand désigne sous le nom « d’écologie de l’arche de Noé » :

« Embarquer sur l’arche de Noé, c’est d’abord avoir acté d’un point de vue singulier, d’un ensemble de limites tant dans la charge que peut supporter la Terre que dans la capacité de son ‘navire’. Monter sur l’arche de Noé, c’est quitter Terre et se protéger derrière un mur de la colère qu’un ‘nous indifférencié aurait suscitée. C’est adopter la survie de certains humains et certains non-humains comme principe de l’organisation sociale et politique, légitimant ainsi le recours à la sélection violente de l’embarquement. Par ‘politique de l’embarquement’, je désigne les dispositions et ingénieries politiques et sociales qui ont pour visée de déterminer ce et ceux qui sont comptés et embarqués dans le navire, et ce et ceux qui sont abandonnés. »22

Cette politique de l’embarquement correspond en tous points à celle qui est esquissée aujourd’hui par l’alliance entre rhétorique écologiste et discours anti-migrants. À terme, le risque est que cette alliance donne lieu à la naissance de deux figures là encore parfaitement identifiées par M. Ferdinand, celle du « xéno-guerrier » et celle du « sacrificateur ». « En confondant le monde avec son corps et celui de sa communauté, le xéno-guerrier considère l’autre comme l’élément pathogène et vicié qui doit être enlevé à travers une écologie immunitaire », tandis que le sacrificateur  « est celui qui désigne avec la légitimité scientifique ceux qui, étrangers ou non, représenteraient le trop-plein du monde et les sacrifie. Ces derniers ne sont pas simplement jetés par-dessus bord. Ils sont véritablement sacrifiés. Cela veut dire que leur élimination est racontée comme étant la condition malheureuse mais nécessaire pour calmer les cieux et la mer agitée par la tempête écologique aux tonnerres divins. Par son geste et son discours, le sacrificateur fabrique la nécessité de cet infâme troc : la préservation des écosystèmes contre les vies des Noirs, des pauvres et d’autres subalternes. »23

Tous les voyants sont au rouge pour que cette écologie de l’arche de Noé gagne du terrain. La compétition pour l’accès aux ressources et aux richesses en voie de raréfaction que nous avons décrite au début de ce texte va s’exacerber d’autant plus que la croissance démographique ne connaît de son côté aucune crise : l’on estime que 9,7 milliards d’humains peupleront la Terre en 2050. Pour ne rien arranger, c’est bien souvent dans les pays du Sud que non seulement l’augmentation de la population va être la plus soutenue, mais que les effets du réchauffement climatique vont être les plus vifs.

Prenons l’exemple de l’Afrique : sa population devrait doubler d’ici à 2050, et ce dans un contexte de diminution des ressources hydriques due à la hausse des températures et à la baisse des précipitations, avec de probables répercussions sur la sécurité alimentaire des populations locales. Cette situation va sans doute accroître les flux migratoires. Et si ceux-ci n’entraîneront pas nécessairement de « ruée vers l’Europe », pour reprendre le titre du best-seller de Stephen Smith dont les conclusions ont été fortement critiquées par le démographe François Héran24, si ils seront probablement, comme c’est le cas aujourd’hui, essentiellement nationaux et régionaux, une partie d’entre eux se dirigera néanmoins aussi vers une Europe gagnée par l’angoisse écologique et de plus en plus structurée par un discours politique et médiatique islamophobe.

Dans un tel contexte, le triomphe de cet éco-fascisme que nous avons décrit dans ses grandes lignes, s’il n’a rien d’inéluctable, semble malheureusement tout sauf improbable. Non seulement les Patrick Crusius et les Brenton Tarrant pourraient se multiplier, mais l’excroissance des idées qui les ont poussés à tuer pourrait à terme revêtir la forme monstrueuse d’une violence d’État, provoquant des crimes de masse dont les justifications idéologiques mêleraient motifs identitaires et écologiques. Cette alliance criminelle entre le « brun » et le « vert », nous ne sommes pas suffisamment préparés à la combattre, ni conceptuellement ni politiquement. Quels arguments lui opposer ? J’essaierai ici d’en esquisser quelques-uns pour conclure ce texte, mais il me semble que seul un effort intellectuel collectif réunissant chercheurs et militants pourra nous permettre d’avancer véritablement sur ce sujet crucial. Davantage qu’une conclusion, ces paragraphes finaux sont donc avant tout une invitation à poursuivre et à approfondir la réflexion.

Pour une justice socio-écologique

La première erreur serait de nier purement et simplement le rôle de la croissance démographique dans la crise écologique, ou tout au moins sa propension à en exacerber les effets. Cette tendance des écologistes soucieux de justice sociale à nier le facteur démographique est bien compréhensible, car historiquement, ce sont des idéologues libéraux et conservateurs (comme Garett Hardin ou Paul Ehrlich) qui ont lourdement insisté sur celui-ci, notamment pour dédouaner la dynamique du capitalisme de toute responsabilité dans la destruction du vivant et en attribuer la responsabilité exclusive aux taux de reproduction élevés attestés dans les milieux populaires et dans les pays « pauvres ». Ce néo-malthusianisme vert, nous l’avons vu, se retrouve d’ailleurs au cœur du discours anti-migrants des adeptes de « l’écologie de l’arche de Noé ».

Or s’il semble évident que l’on ne peut pas tenir la population comme telle pour seule responsable des catastrophes présentes et à venir, c’est parce que la « population » est un concept abstrait qui ne rend pas compte des disparités dans les modes de vie et, par là-même, de la diversité des responsabilités nationales et individuelles dans la crise écologique (pour rappel, et c’est un chiffre parmi bien d’autres, un nord-américain moyen consomme 32 fois plus de ressources et d’énergie qu’un kenyan moyen). Pour autant, il est indéniable que l’impact écologique d’une société, quand bien même elle serait gagnée par des idéaux de simplicité volontaire, sera plus difficile à gérer dans un monde à 9 milliards d’individus que dans un monde à 2 milliards (la population mondiale au début du XXème siècle), a fortiori si les fonctions écologiques élémentaires de la biosphère y sont endommagées. Et il ne semble pas exagéré de dire que, couplée aux dynamiques du capitalisme, la croissance démographique joue également un rôle dans la prolifération des plastiques, la déforestation, l’étalement urbain, les besoins accrus d’énergie et de terres arables, etc.

Si la décroissance et l’abolition des rapports sociaux capitalistes doivent demeurer des objectifs prioritaires, il serait donc malencontreux d’abandonner la question démographique aux idéologues d’extrême droite, qui en feront toujours un usage nauséabond et l’inscriront systématiquement dans le cadre de politiques autoritaires, eugénistes et racistes allant de la stérilisation forcée des femmes issues des populations subalternes à leur élimination pure et simple. Il vaudrait au contraire la peine de se demander dans quelles conditions une politique de décroissance démographique pourrait s’articuler à une visée émancipatrice. De ce point de vue, la pionnière française de l’éco-féminisme, Françoise d’Eaubonne, offre des perspectives intéressantes.

Dès la fin des années 1970, cette théoricienne avait en effet proposé d’articuler une politique de décroissance démographique, qu’elle jugeait indispensable, à la lutte des femmes contre le contrôle physique et juridique exercé par le patriarcat sur leurs capacités reproductives, et tout simplement contre leur assignation à une pure fonction reproductrice.

En garantissant un accès universel aux moyens de contraception et au droit à l’avortement, il était selon elle possible de faire coup double : promouvoir la liberté des femmes tout en réduisant les taux de natalité sans soulever le spectre de mesures coercitives. Dans cette perspective, il s’agirait en quelque sorte de dénaturaliser la croissance démographique et de montrer que celle-ci, loin d’être un phénomène purement biologique, est également la résultante du pouvoir exercé sur le corps des femmes par diverses institutions: la famille, l’Église ou encore l’État (lequel est bien souvent obsédé par la nécessité d’augmenter tout ou partie du “cheptel” humain sur lequel il peut compter à des fins raciales, économiques ou militaires).   La deuxième erreur serait d’écarter d’un revers de main tous les faits invoqués par « l’écologie de l’arche de Noé » sous prétexte qu’ils seraient intrinsèquement entachés par les perspectives ségrégationnistes et génocidaires au nom desquelles ils sont mobilisés. L’on sait par exemple qu’une société respectueuse de son milieu de vie ne pourra advenir qu’au prix d’une forte décroissance énergétique, qu’elle impliquerait donc également une diminution drastique de la mobilité motorisée – qu’elle soit aérienne, terrestre, ou maritime, celle-ci n’étant possible que dans le contexte d’abondance énergétique exceptionnelle et insoutenable que nous connaissons depuis environ deux siècles. Pour le dire autrement, elle impliquerait donc bel et bien une reterritorialisation radicale de l’organisation des collectifs humains et de la vie de leurs membres. Il est donc vrai qu’elle réduirait par là-même l’ampleur et l’échelle des échanges marchands mais aussi, par la force des choses, les interactions physiques des populations les plus éloignées les unes des autres à la surface du globe et donc, entre autres, certains flux migratoires. Mais cette décroissance n’aurait pas pour but premier d’instaurer des frontières raciales, ethniques ou culturelles infranchissables, elle serait simplement l’un des effets secondaires de l’autolimitation matérielle et énergétique qui définirait les contours de cette société nouvelle et idéale. L’immigration a-t-elle par ailleurs réellement constitué dès les origines du capitalisme « l’armée de réserve du Capital » ? A-t-elle depuis toujours été utilisée – fonctionnellement ou intentionnellement – par les « patrons » pour exercer une pression à la baisse sur les salaires des classes populaires autochtones ainsi qu’un chantage à l’emploi, comme l’affirment de Benoist et consorts ? Je l’ignore et je laisse à des historiens plus compétents le soin de répondre à cette question. D’un strict point de vue factuel, nous l’avons dit, il est en revanche probable que l’intensification des flux migratoires de longue distance soit solidaire des conditions matérielles créées par le capitalisme fossile, et que ces flux soient appelés à disparaître avec lui (ou en tout cas à diminuer fortement). La perversité du raisonnement associant les patrons d’un côté, et les migrants et leurs défenseurs de l’autre (« Laurence Parisot, Olivier Besancenot, même combat » écrit par exemple de Benoist) ne se situe donc pas nécessairement au niveau factuel ; elle tient davantage à l’interprétation de ces faits. En postulant une équivalence stricte entre le déracinement des élites transnationales et celui des migrants, ce raisonnement confond la cause et son symptôme ; il attribue un rôle de « militants » du Capital à des individus et à des groupes qui, s’ils sont bel et bien pris dans les rapports sociaux capitalistes comme nous le sommes pour ainsi dire tous, occupent généralement au sein de ces rapports et des inégalités qu’ils engendrent une position vulnérable. Paysans dépossédés de leurs terres par un projet minier ou un barrage, condamnés à cultiver des parcelles de mauvaise qualité dans des pays où il n’y a jamais eu de réforme agraire et où la terre appartient à une aristocratie foncière héritée de l’époque coloniale, ou bien disposant de bonnes parcelles mais victimes de la compétition déloyale de l’agriculture intensive ; ouvriers ou employés des centres et des périphéries urbaines abonnés aux salaires de misère ; personnes « inutiles » et « non-rentables » du point de vue de l’accumulation du Capital, faute de travail ; simples citoyens exposés à la menace de groupes armés dont l’éclosion est favorisée par des inégalités socio-économiques abyssales ; et enfin, appelés à se multiplier au cours des prochaines décennies, individus fuyant les sécheresses, les inondations, la montée des eaux ou les feux de forêt provoqués par le réchauffement climatique : le départ de toutes ces personnes est rarement étranger aux dynamiques les plus mortifères du capitalisme mondial et à la façon dont celui-ci s’articule aux situations nationales, régionales et locales. Les migrants ne sont donc pas les « complices » du Capital, comme le voudrait le raisonnement odieux des anti-immigrationnistes « verts ». Ils font au contraire partie des principales victimes de la division internationale, intrinsèquement hiérarchique, de l’accès au travail, aux richesses et aux ressources, mais aussi de l’exposition aux nuisances. En tant qu’écologistes anti-capitalistes, notre place est par conséquent à leurs côtés, pour des raisons éthiques bien sûr, en raison de la valeur incommensurable de chaque vie, mais aussi pour des raisons politiques ; les accueillir et leur offrir la possibilité de poursuivre leur existence sous des cieux plus cléments, c’est réparer en partie les injustices qu’ils ont eu à subir.

Notes

12. J’emprunte ces catégories à Pierre-André Taguieff, La force du préjugé. Gallimard, 1990.
13. Voir l’article de Sylvain Crépon, L’extrême-droite sur le terrain des anthropologues, une inquiétante familiarité, https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/164
14. https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/04/15/derriere-le-virage-ecologique-de-marine-le-pen-l-obsession-de-l-immigration_5450173_823448.html
15. https://hervejuvin.com/lhomme-doit-defendre-son-biotope/
16. https://blogelements.typepad.fr/blog/2013/01/limmigration-arm%C3%A9e-de-r%C3%A9serve-du-capital.html
17. Cité par Alain de Benoist dans : https://blogelements.typepad.fr/blog/2013/01/limmigration-arm%C3%A9e-de-r%C3%A9serve-du-capital.html
18. https://www.bvoltaire.fr/mondialisation-et-immigration-ne-sont-elles-pas-anti-ecologiques/
19. En ce qui concerne Rolston, voir son article “Feeding people versus saving nature”: https://mountainscholar.org/bitstream/handle/10217/37604/Feeding-People-Saving-Nature.pdf;sequence=1 Quant à Cafaro, il a carrément écrit un livre sur le sujet, How many is to many?, UCP, 2015.
20. https://climateandcapitalism.com/2012/04/25/dave-foreman-defending-wildlife-by-attacking-immigrants/
21. Ce prospectus est reproduit dans le livre de John Hultgren, Border Walls Gone Green:nature and anti-immigrant politics in America. University of Minnesota Press, 2015.
22. Une écologie décoloniale. Le Seuil, 2019.
23. Ibid.
24. https://laviedesidees.fr/migrations-afrique-prejuge-stephen_smith-oracle.html

Energia urritzearekin datorren ekonomiaren uzkurtzea
Xabier Letona Biteri
www.argia.eus/argia-astekaria/2695/energia-urritzearekin-datorren-ekonomiaren-uzkurtzea

Agian etxean ari zara irakurtzen erreportaje hau, paperean, ordenagailuan edo hamaika mineral daramatzan sakelako telefonoan, hormigoiz egindako eraikuntzaren babesean. Elektratresnak, autoak, errepideak, argi artifiziala, berogailua, aire egokitua… dena dago oinarritua lehengaietan eta horien artean gehienak meatzaritzan: ikatza, petrolioa, gasa, potasak, magnesitak, eraikuntzarako agregatuak, harri naturalak, baterietarako litioa… Denak dira ezinbestekoak gure egungo gizarte modernoaren izaerari eusteko eta denak agortu daitezke.

Natur baliabideak bukatu egiten direnez, galdera berez dator: nola dago planetaren baliagaien biltegia? Erantzuna txarra da, naturaren baliabideak gero eta urriagoak dira, eta zerbait egin behar da. Nola gaude eta zer egin behar dugu? Galdera horri erantzunez, ingurumenaren babesean diharduen Sustrai Erakuntza Fundazioak txostena enkargatu dio Antonio Aretxabala Iruñean bizi den geologoari: Nafarroako meatzaritza trantsizio energetiko eta globalaren testuinguru historiko berriaren aurrean. Uztailaren 2an aurkeztu zuen hiri bereko Katakrak aretoan eta ondorio argi batera iritsi da: gehiegi xahutu ditugu planetaren baliabideak eta hark kito esan du, ezin duela gehiago eman, eta beraz, ezin duela jarraitu gure gizarte moderno eta konplexua sostengatzen duen hazkunde ekonomikoa elikatzen. Ondorioak Nafarroari begira eginak dira, baina zientzialariak dioenez, berdin balio lezakete “Espainiako Estaturako edo Europa osorako, azken finean mundu mailako ekonomia ereduarentzat baita”. Zein da alternatiba? Azken bi hamarkadetan ekonomiaren desazkundearen mugimendua eskatzen ari den kontrako prozesua: ekonomia txikitzea, mehetzea, uzkurtzea. Adi baina, prozesu hori dagoeneko ez da borondatezkoa, Aretxabalak dioskunez, ez dago energia nahikorik munduan egungo hazkunde ekonomikoa sostengatzeko eta uzkurtzea bai ala bai gertatuko da, “planetak ez du negoziatzen”, eta  hortaz, pertsonok erabaki beharko dugu trantsizio energetiko hau nola egin, edo modu ordenatuan edo kolapso bidez.

Petrolioaren gailurra

Ondorengo erreportajean Aretxabalak aipatu txostenean deskribatzen dituen ildo nagusiak lantzen dira. Historian zehar hazkunde ekonomikoa eta energia erabilera estu lotuta egon dira eta humanitateak beti erabili du energia bere garapen ekonomikorako. Zenbat eta hazkunde ekonomiko handiagoa, orduan eta energia erabilera handiagoa. Gaur egungo terminoetan esanda, zenbat eta Barne Produktu Gordin (BPG) handiagoa, are eta energia gehiago behar izan da hazkunde horri eusteko. Ekuazio hori beti egon da estu lotuta historian zehar. Nazioarteko Energia Agentziaren (IEA, ingeleseko sigletan) arabera, peak-oil edo petrolio gailurra 2005-2006 artean eman zen eta energia fosilen gailurra 2018an. Horrek esan nahi du, hemendik aurrera energia kopuru gutxiago izango dugula erabilgarri eta, beraz, trikimailuen gainetik, ekonomiak uzkurtzeko joera izango duela. Gaur egun munduan kontsumitzen den energiaren %86 jatorri fosilekoa da (petrolioa, ikatza, gasa…) eta %14 jatorri berriztagarrikoa. Kontua da energia sortzeko energia gastatu behar dela eta energia sortzea gero eta garestiagoa dela; hots, energia kopuru bera sortzeko gero eta energia gehiago erabiltzen dugu edo, bestela esanda, energiaren berreskuratze tasa (EBT) gero eta txikiagoa da. Esate baterako, XX. mendeko 30eko edo 40ko hamarkadetan petrolio upel batekin 50 upel lortzen ziren (1:50); edo gasa 1:150 proportzioan eskuratzen zen. Fosilen EBT oro har –ikatza barne– 1:44koa izan zen iragan mendeko 60ko hamarkadan. Baina gero eta energia gehiago bideratzen dugu energia lortzera, eta EBT tasa gero eta txikiagoa da, gero eta azkarrago jaisten da: gaur egun 1:15 baloreetan gaude. Ikerketa asko daude eginak alor honetan eta Aretxabalak bibliografia zabala eskaintzen du bere txostenean. Adituen kalkulua da 1:10 -1:5eko tarteetan arazo handiak izango ditugula. Miraria energia berriztagarrietatik espero da, baina hauen berreskuratze tasa (EBT) are eta txikiagoa da: hidroelektrikoarena 1:6,5 da; lurreko eolikoarena 1:2,9 eta 1:2,3 artean dago; eta eguzkiaren fotoboltaikoarena 1:1,8. Garbi esanda, EBT horiekin ezinezkoa da gaur egungo hazkunde ekonomikoa sostengatzea. Egiazki, mundu mailako ekonomia dagoeneko uzkurtzen ari da 2008tik aurrera. Energia xahutze horren guztiaren ondorioak oso larriak dira mundu mailan eta kalterik agerikoena aldaketa klimatikoa da, baina bizi izandako krisi ugariren sustraia ere geologikoa da, nahiz eta finantzaz edo bestelako moldez bakarrik jantzita azaltzen zaizkigun. 2008ko krisian, berbarako, lehenik funtsezkoa izan zen energiaren garestitzea, eta ondoren, energiaren salneurrien ezegonkortasuna. BPG datuek gora egin dezaten amarru ugari erabiltzen badira ere –zorra, energiaren esternalizazioa, ezohiko ustiaketak…–,  egiazko ekonomiak mehetzen jarraitzen du harrez gero. Frackingaren ustiaketarekin estali nahi izan zen ohiko petrolio onaren agortzea iragan hamarkadan, baina negozio hori beti defizitarioa izan bada ere, une batean hainbaten interesekoa izan zen merkatura upel kantitate handia sartzeko, prezioek behera egin zezaten. Ondorioak latzak izan ziren, baina frackingarekin gertatutakoa zabalago landu dugu erreportajeko laukietako batean. Orain, aldiz, COVID-19aren pandemiarekin eskasiaren arazoaz gain, oso agerian geratu dira hornitze arazoak, bai energiarekin eta baita mundu globalizatuan atzera aurrera dabiltzan beste milaka produkturekin ere.

Instituzioen erantzuna

Energiaren agortzeak dakarren aldaketa hau guztia ezaguna da munduan, era askotako zientzialari, ekonomialari eta erakundek aspaldi piztu zuten argi gorria, eta instituzio nagusienak hasi dira trantsizio ekologikoa eta energetikoa prestatzen, ekonomia egokitzen. 2015ean NBEk Garapen Jasangarrirako 17 helburu eta 169 helmuga finkatu zituen. Agenda honekin planeta osoaren ongizatea bilatzen da, ingurumenarekin armonian biziko diren pertsonen bizimaila hobetzea; eta funtsean, inklusio soziala, ingurumenaren jasangarritasuna eta garapen –ez ezinbestean hazkundea– ekonomikoa bultzatzen dira. Egitasmoak 2015-2030eko epea du gauzatzeko eta helburuen artean dira justizia soziala, gobernantza parte-hartzailea eta, baliabideen eta natura kapitalaren kontserbazioa. Europar Batasuna ere murgildu da trantsizio horretan eta haren erakundeak SC/048 Irizpena onartu dute ekonomia eredu berrien garapena bultzatzeko. Joan den azaroaren 21ean aurkeztu zuten Iruñeko Civican-en. Aretxabalaren ustez, ostera, argi utzi behar da hor bultzatzen den ekonomia eredua guztiz bateraezina dela egungo antolaketa sozialarekin. Gaur egungoa “erauzi, ekoiztu, eduki eta bota” laukotean oinarritua dago eta hondakin fosilen gainbeheran. Eredu hori jasanezina da. Ekainaren 4an, Nafarroako Industriaren Elkarteak (AIN) antolatutako jardunaldietan parte hartu zuen Maria Mendiluce Garapen Ekonomikorako Enpresen Mundu Kontseiluko ordezkariak eta “mundu eta ekonomia jasangarriagorantz egitea posible dela” luzatu zien bertan bildutako industria gizon-emakume eta agintariei. Pandemian izandako geldiune ekonomikoari erreferentzia eginez, Mendilucek azpimarratu zuen ezinbestekoa zela egungo hornitze sareak gertuagokoak bihurtzea.

Dena da berde orain

Instituzioen eta enpresen munduan hasi dira ohartzen egoeraz, baina trantsizioaren fruitua heldu gabe dagoela argi dago. Ann Westmann EBko Ekonomia kontseilariaren esanetan, trantsizio energetikoa egin beharreko bidea da, baina “hazkunde ekonomiko jasangarria” ere bai, bi kontzeptu horiek –hazkundea eta jasangarria– bateragarriak balira moduan. Areago,  CO2 igorpenak eta BPGaren hazkunde ekonomikoa deslotu zituen, erakunde ugariren baieztapen eta ikerketek diotenaren aurka.
Ez da bakarra, aldiz, gertuago ere badira pentsamolde bertsua adierazten dutenak. Mikel Irujo Nafarroako Gobernuko  Kanpo Ekintzarako zuzendariak duela gutxi idatzi zuen “Green Deal, ekonomia eraldatu eta planeta salbatzeko itun berdea” artikulua (Green Deal Europe. Nafarroako Gobernua) eta bertan zehazten zuen etorkizunean “hazkunde ekonomikoa baliabideen erabileratik deslotuta egongo dela”. Aretxabalak bere lanean behin eta berriz dioskun gisan, hori ez da posible eta, besteren artean, oso argi ikusten dela 1972an argitaratutako Hazkundearen mugak (The Limits to Growth) txostenean. Gainera, energia berde gisa saltzen dena ere ez da guztiz garbia. Esate batera, mendian eraiki diren haize-errotak altzairuz eta zuntz-beiraz eginak daude, agregatuekin egiten dira mendietako pistak, dena kamioietan garraiatzen da goraino eta mantenurako ere autoak erabiltzen dira… garraio hori guztia dieselez dabil eta dieselen produkzio samurra gero eta gaitzagoa da, ohiko petrolio gordina gero eta urriagoa delako.

Zientzia, erlijio berria

NBEaren 2030eko agenda edo Europar Batasunaren irizpenei entzungor egiten zaie enpresa eta eremu instituzional zabaletan, pentsatuz orain galeran diren baliabide batzuk etorkizunean beste batzuek ordezkatuko dituztela. Baina hori –jarraitzen dugu Aretxabalaren esanak azalduz– desioen munduko nahia da, ez egiazko mundu honetakoa. Juan Luis Arsuaga zientzialari espainiarrak dioen legez, asko dira zientzia erlijioarekin parekatzen dutenak, jainkoarekin, zientziak dena lor dezakeelakoan, baina zientziak ez du miraririk egiten. Baliabideak agortu egiten dira eta ez dago hazkunde ekonomikorik baliabide horiek gabe. Historian inoiz ez da halakorik ikusi, eta ekonomia hazi denean beti energia gehiago kontsumitu da. Ez da inoiz izan ekonomiaren uzkurtze boluntariorik; uzkurtzea beti egon izan da pandemiei edo gerrei lotua, eta kasu horietan, energia kontsumoa ere jaitsi izan da. Agintari askoren heldulekua da ikuspegi hori: “Zientziak sortuko du zerbait” eta herritarrei ere botika hori saltzen zaie. Ekonomia ezinbestean txikitu beharraren diskurtsoa ez da herritarren gustukoa eta gustu txarreko txantxa dirudi ugaritasunera ohitutako gizartean, baina ezinbestekoa da dagoeneko biztanleriaren erdia pobrezian bizi den mundu honetan. Teknologiaren bidez energia eraginkorrago erabiliko dela sinetsi nahi da, baina bi zehaztapen bederen egin behar zaizkio diskurtso horri: batetik, posible da energia eraginkortasuna, baina historian hori lortu den bakoitzean, “errebote eragina” gertatu da; hau da, eraginkortasun horren emaitza ez da izan energia gutxiago gastatzea, gehiago baizik. Jevonsen Teoremak azaltzen du hori: efizientzia energetikoa lortu den bakoitzean, produkzioa handitzeko erabili izan da eta, hortaz, beti energia eta lehengai gehiago kontsumitu izan dira. Bestela esanda: ekonomian erabili izan diren energia mota berriek inoiz ez dituzte ordezkatu ordura arte erabiltzen ziren energia motak, beti lehengoei egindako gehikuntza izan dira, horrela energiaren erabilera gutxitu beharrean handituz.

BPG-an egindako iruzurra

2008tik gaurdaino desazkundea dagoeneko gertatzen ari da egiazko ekonomian, baina hainbat tokitan lortzen da BPG eta energia kontsumoa bereiztea, lehena haziz eta bigarrena urrituz. Hori, alabaina, gure burua engainatzea da, iruzur egitea. Europak, esaterako, lor dezake hori, baina energiaren produkzioa bere herrialdeetatik Txina, India, Afrikara edo beste hainbat lekutara aterata. Funtsean, BPGak mugetan oinarrituta egin daitezke, baina planetari begiratuta emaitza berbera da: Europak ez du berak erosi edo ekoiztuko dituen produktuen energia sortuko eta, beraz, ez ditu energia kopuru horiek bere gisa kontabilizatuko, baina haien kontsumorako ezinbestekoa den CO2 berdin zeruratuko da Txinatik edo Indiatik. Edo gerta liteke baita ere hazkunde ekonomikoa zorraren bidez finantzatzea, gero eta gehiago gertatzen ari den gisan, baina kasu horretan, klase ertainak gero eta gehiago zorpetu eta pobretzeaz gain, arazoa ondorengo belaunaldien esku uzten ari gara. Aretxabala argia eta zehatza da bere ondorio eta ohartarazpenetan. Hazkunde ekonomikoak etengabe sortu izan ditu hainbat burbuila, lehertu ondoren krisi bihurtu direnak. Bada ordua etengabe harri beraren gainean estropezu ez egiteko. Irtenbide teknologikoak baliagarriak izan daitezke desazkundearen bidean, beti ere automatismoak ez badira erabiltzen burbuila berriak sortzeko eta bai NBEren 17 helburu jasangarriak egikaritzeko. Gure helburua da egungo dinamika bihurria gainditzea, hau da, egungo ekonomiak ez du balio hazten ez bada, eta hazten bada, bere hazkunderako behar dituen oinarri naturalak suntsitzen ditu. Aberatsenak jaun eta jabe izango diren kaosa ala urrituz joango den aberastasuna banatuko duen gizarte eredu berria eraikitzeko abagunea baliatu, horra aukerak.