La réponse du gouvernement au Haut Conseil pour le Climat
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/exclusif-la-reponse-du-gouvernement-au-hcc,102406
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Le JDLE publie en exclusivité la réponse (tardive) du gouvernement au premier rapport du Haut conseil pour le climat. En une trentaine de pages, l’administration d’Edouard Philippe tente de démontrer l’efficacité de sa politique climatique. Sans convaincre.
Il aura le mis le temps. Légalement, le gouvernement disposait de 6 mois pour répondre aux critiques et aux recommandations formulées par le premier rapport du Haut conseil pour le climat (HCC). Edouard Philippe aurait dû poster sa copie avant le 25 décembre dernier. Il se sera accordé deux semaines de rab pour peaufiner sa réponse.
Expédiée le 10 janvier au HCC, la «suite au premier rapport du Haut conseil pour le climat» tient en une trentaine de pages : moitié moins que le rapport rédigé par l’équipe présidée par la climatologue Corinne Le Quéré.
En préambule de son premier opus, le HCC rappelait que l’objectif de neutralité carbone, adopté par la France, est «techniquement réalisable mais implique une transformation profonde de l’économie et de la société à grande échelle.»
Une remarque totalement occultée par le gouvernement. Certes, celui-ci convient que la protection du climat impose la mise en cohérence de «l’ensemble des politiques publiques». C’est l’ampleur de cette mobilisation qui pose question.
Le climat fait son entrée
Un peu partout le climat fait son entrée dans les textes. Souvent de façon marginale ou superficielle. L’impact climatique de la mise en œuvre des lois LOM, Egalim et Elan sera évalué. A posteriori. Encore faudra-t-il s’accorder sur les méthodes d’évaluation. Pas de nouveauté, en revanche, sur le financement des futures infrastructures ferroviaires (particulièrement menacé avec le milliard d’euros de pertes que la SNCF devra provisionner suite aux grèves 2019-2020), le sauvetage du fret ferroviaire ou sur l’arrêt de la construction d’infrastructures routières directement concurrentes de lignes ferroviaires.
L’Etat concède bien volontiers qu’il s’autorise encore 17,5 milliards d’euros par an de dépenses fiscales défavorables à l’atténuation du changement climatique. Ces subventions à la consommation d’énergies fossiles ne sont pas près de s’éteindre. C’est du bout des lèvres que le parlement a autorisé, dans la dernière loi de finances, l’augmentation de 2 cents/l le prix du gazole non routier ou une petite majoration de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Les quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires ainsi collectés financeront les «infrastructures de transports durables».
Le HCC soulignait que la «taxe carbone est un outil puissant [qui] devra être revu en profondeur pour garantir son appropriation sociale et son efficacité.» Qu’on se rassure, ce n’est pas demain la veille. La reprise de la progression de la contribution climat énergie n’est pas prévue avant la fin du quinquennat. Toutefois, le gouvernement indique qu’il a amélioré le chèque énergie, renforcé la prime à la conversion des véhicules anciens et transformé le Cite en prime. Bien, mais très insuffisant, à l’évidence.
Autre secteur montré du doigt par le HCC: le bâtiment. Un sujet d’avenir et qui le restera. Prévue pour 2020, la future norme environnementale (RE2020) devant encadrer la construction de logements neufs n’est toujours pas à l’horizon. Pas plus que les obligations de rénovation des logements anciens. Du moins pas avant 2028. Mais bon, «un chantier de modernisation du diagnostic de performance énergétique est en cours de finalisation». Et le gouvernement prévoit de «renforcer le label RGE», dont on peine, aujourd’hui à trouver l’utilité.
Contraintes communautaires
Les secteurs de l’industrie et de la production d’énergie n’ont pas été oubliés par le gouvernement. Ceux-ci devront surtout s’adapter aux futures contraintes communautaires, comme la nouvelle réforme annoncée du marché européen du carbone (ETS). En attendant la très hypothétique mise en œuvre de la taxe carbone aux frontières.
Autre gros émetteur de gaz à effet de serre, l’agriculture ne devrait pas être trop bousculée par la politique climatique Macron. Faute de PAC en vue, le secteur primaire devra se contenter de déployer le label bas carbone. Du très lourd. A moins que la future stratégie nationale sur les protéines végétales, déjà annoncée du temps du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, ne change la donne, en réduisant les besoins en engrais azotés. Mais il ne faut pas trop y compter.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre passe aussi par le développement des puits de carbone. En ce domaine, beaucoup d’idées, peu de réalisations. Certes, on parle de réduire l’artificialisation des sols. Mais nul ne sait encore ce que signifie vraiment le concept de «zéro artificialisation nette», ni comment les objectifs de cette nouvelle stratégie nationale seront tenus. Accroître les capacités du puits forestier alors? La déconfiture de l’Office national des forêts rend cette idée plus hypothétique encore que l’instauration de la taxe carbone aux frontières.
Ursula von der Leyen présente son Green Deal
Valéry Laramée de Tannenberg/strong>
www.journaldelenvironnement.net/article/ursula-von-der-leyen-presente-son-green-deal,101791
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Comme annoncé, la Commission européenne a présenté, ce mercredi 11 décembre, son projet de pacte vert (Green Deal). Ce vaste programme entend faire bouger les lignes des politiques énergétiques, de transports, du logement et même de la PAC. Tout en protégeant la biodiversité ! Reste à régler les questions de calendrier et de financement pour en faire la prochaine NDC (*) européenne, qui doit être publiée avant la COP 26. Ce qui n’est pas gagné.
(*) les Contributions déterminées au niveau national (NDCs) incarnent les efforts déployés par chaque pays pour réduire ses émissions nationales
Les députés européens n’étaient pas très nombreux, ce mercredi 11 décembre, à la présentation du projet de Pacte vert de la Commission européenne. Sa présidente, Ursula von der Leyen, leur avait pourtant réservé la primeur de la publication de ce qui s’annonce déjà comme le grand projet de sa mandature. «Les peuples d’Europe nous ont appelé à mener une action décisive contre le changement climatique. C’est pour eux que nous avons conçu cet ambitieux pacte vert», a lancé, d’emblée, la présidente de l’exécutif communautaire.
Objectifs et principes
De fait, le pacte est loin d’être complet. Sur une trentaine de pages, le texte présenté à Strasbourg égrène quantités d’objectifs et de principes qui pourraient encadrer un grand nombre de politiques communautaires dans les prochaines années. Pourrait, car rien n’est encore acquis. Ursula von der Leyen devra d’abord faire avaliser sa copie par le Conseil européen des 12 et 13 décembre. Le Parlement européen devrait ensuite donner sa position dans une résolution qui sera discutée lors de la session de janvier 2020. Restera ensuite à la Commission à déployer sa feuille de route.
Toutes les politiques
Première étape annoncée: la présentation, en mars 2020, d’une «législation européenne sur le climat». D’une portée encore inconnue, ce texte gravera dans le marbre juridique l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et imposera «que toutes les politiques de l’UE contribueront à l’objectif de neutralité climatique et que tous les secteurs joueront leur rôle.»
D’ici l’été prochain, Bruxelles proposera un plan, «assorti d’une analyse d’impact» pour réduire de 50% à 55% les émissions européennes de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Aujourd’hui, l’UE doit réduire d’au moins 40% ses rejets pour cette même période. Dans la foulée, la Commission révisera, si besoin, tous les instruments juridiques concernés. Dans les deux cas, rappelle le dernier rapport de l’ONU Environnement, c’est insuffisant pour stabiliser le réchauffement à 1,5 °C.
La directive ETS devrait être ainsi revue pour y renforcer la présence de l’aviation commerciale et y intégrer les transports maritime et terrestre. Et éventuellement le bâtiment, si les efforts nationaux en faveur de l’amélioration des performances thermiques des logements des précaires énergétiques se révélaient insuffisants.
Majorité qualifiée
En utilisant les dispositions des traités qui permettent de légiférer sur la fiscalité à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité, Ursula von der Leyen veut aussi retoucher, dès juin 2021, la directive sur la taxation des produits énergétiques, afin notamment de supprimer (si possible) les exemptions dont bénéficient certains secteurs, à commencer par le transport aérien et le fret maritime. Sensible aux arguments des compagnies gazières (repris d’ailleurs par de nombreux députés européens !), la Commission présentera, dans ce cadre, des mesures en faveur de la décarbonation du gaz et de la lutte contre les fuites de méthane.
Taxe carbone aux frontières
A plus long terme, l’Europe ne conclura plus d’accords commerciaux avec des pays ne respectant pas l’Accord de Paris. Disposition qui sera renforcée par la mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement aux frontières «pour certains secteurs». Cette taxe carbone sera conforme aux règles de l’organisation mondiale du commerce, a précisé la présidente de la Commission. Ce qui pourrait laisser supposer que les pays dotés, par exemple, d’un marché du carbone n’y seront pas soumis. Une façon de ne pas se fâcher à mort avec la Chine.
Au printemps prochain, la Commission adoptera aussi une stratégie industrielle. Au menu : économie circulaire[1], soutien à la décarbonation des industries lourdes. Des soutiens sont prévus pour financer ces adaptations industrielles, via le fonds pour l’innovation de l’ETS. Ils seront notamment ciblés sur la création d’une économie circulaire des batteries.
Plus floue est l’initiative en faveur de la lutte contre la précarité énergétique, situation qui touche une cinquantaine de millions d’Européens. La Commission envisage la mise en œuvre de financements innovants destinés à faciliter le financement des travaux dans les copropriétés.
Révision de la politique agricole commune
Pour le transport, en plus de l’inclusion de certains secteurs dans l’ETS, Bruxelles entend réviser, d’ici à 2021, une nouvelle fois la directive sur les transports combinés pour accroître la part du rail et de la voie d’eau dans les transports de marchandises. Comme annoncée, de nouvelles normes d’émission des véhicules individuels et utilitaires légers seront proposées. Objectif: tendre «vers une mobilité à émission nulle dès 2025».
Syndrôme Gilets Jaunes. Pour accompagner les régions et les secteurs appelés à se transformer, la Commission propose la création d’un Mécanisme de transition juste, doté de 100 milliards d’euros sur 7 ans. L’origine des fonds et le fonctionnement de ce fonds seront dévoilés dans les prochaines semaines.
C’était l’une des incertitudes du pacte vert. Toucherait-il ou non à la politique agricole commune (PAC)? C’est probable. D’ores et déjà, la publication de la prochaine mouture de la PAC est reportée au début de l’année 2022. On y trouvera, veut croire la présidente de la Commission, de nombreux plans sectoriels afin d’accroître l’agriculture de précision, le bio, l’agroécologie, des normes «plus strictes» en faveur du bien-être animal. Ces plans ambitionnent «une diminution significative de l’utilisation des pesticides chimiques et des risques qui y sont associés».
Comme le JDLE l’indiquait mardi 10 décembre, la Commission prépare aussi un vaste plan de reboisement, de boisement et de restauration des forêts dégradées «pour accroître l’absorption du CO2, tout en améliorant la résilience des forêts et en promouvant la bioéconomie circulaire.» Ce programme devrait être inséré dans la prochaine PAC.
NDC or not NDC?
Comment financer pareil programme? Pas de réponse précise à cette question, pour le moment. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que l’Europe devra consacrer l’équivalent de 1,5 % de son PIB annuel au financement de ses efforts, énergétiques notamment, pour abattre de 40 % ses émissions de GES entre 1990 et 2030. «Il faudra donc mettre sur la table au moins 2 % du PIB», estime l’eurodéputé (social-démocrate) Pierre Larrouturou. A l’évidence, l’exécutif combinera financements publics et privés. Sa stratégie en la matière devrait être présentée à l’automne 2020. Pour les premiers, Bruxelles prévoit de faire bouger les lignes des règles encadrant les aides d’Etat: de nouvelles lignes directrices sont attendues d’ici à 2021.
Dans l’hypothèse où ce vaste projet serait adopté dans les temps prévus par la Commission, le Pacte vert d’Ursula von der Leyen peut-il servir de base à la rédaction de la prochaine NDC européenne, qui doit être publiée avant la prochaine COP climat, de novembre 2020 ?
Interrogée par Le JDLE, la ministre française de la transition écologique et solidaire n’y croît pas trop. «Il faudrait pour cela que tout soit adopté d’ici le mois de septembre 2020, ce qui est très ambitieux», souligne Elisabeth Borne. Si tel n’était pas le cas, la situation deviendrait diplomatiquement difficile pour le vieux monde. D’un côté, l’Union européenne ambitionnerait de réduire de 50 à 55 % ses émissions entre 1990 et 2030. De l’autre, ses Etats membres seraient tenus de se conformer à l’objectif en vigueur : -40 %. Intenable !
L’avis de Pierre Larrouturou. Initiateur, avec le climatologue Jean Jouzel, d’un plan visant à financer la lutte contre le changement climatique, Pierre Larrouturou est dans une situation étonnante. Nouveau député européen, il sera le rapporteur du prochain budget de la Commission. Interrogé par Le JDLE, l’élu périgourdin se dit favorable aux objectifs climatiques du pacte von der Leyen. C’est la suite qui l’inquiète. «Où sont les moyens, quel est le calendrier pour que ce pacte devienne la NDC de l’Union européenne avant la COP 26 de Glasgow», s’interroge-t-il. Pour trouver les «400 à 500 milliards qui manquent», le co-créateur du pacte Finance Climat propose l’adoption d’une loi interdisant aux investisseurs européens de financer exploitation et utilisation d’énergies fossiles. Désormais décarbonée, la Banque européenne d’investissements (BEI) verrait ses fonds propres accrus, lui permettant d’augmenter considérablement sa capacité de financement «qui pour le moment ne permet d’injecter qu’une quinzaine de milliards sur le climat». L’eurodéputé préconise enfin une utilisation importante du mécanisme européen de stabilité. «Ce qui devrait permettre de lever 500 milliards d’euros», dans les prochaines années, pronostique-t-il.
[1] Des mesures sont notamment prévues pour réduire la consommation de ressources naturelles des secteurs du textile, de la construction, de l’électronique et des matières plastiques.
Le nucléaire, bon pour le climat ? Orano poursuivi pour « publicité mensongère »
Émilie Massemin
https://reporterre.net/Le-nucleaire-bon-pour-le-climat-Orano-poursuivi-pour-publicite-mensongere
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Le réseau Sortir du nucléaire porte plainte contre une campagne publicitaire d’Orano, qui présente l’énergie nucléaire comme une solution contre le changement climatique. Une affirmation fausse destinée à relancer les investissements dans une filière en déclin, dénonce l’association.
« Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète ! » « Pour faire du CO2 avec du nucléaire, il va falloir charbonner » « 95 % d’électricité décarbonée en France »… Pour sa dernière campagne publicitaire, diffusée dans la presse papier (telle que le supplément Femina du Télégramme) entre le 18 et le 24 novembre 2019 et sur sa page « idées reçues », le groupe spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire Orano a frappé fort. Objectif, démontrer à « 69 % des Français [qui] pensent que le nucléaire produit du CO2 et contribue au dérèglement climatique » qu’ils ont tort et que « l’énergie nucléaire fait partie des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre ».
« Une campagne fallacieuse », réagit le réseau Sortir du nucléaire. Qui, en guise de riposte, porte plainte ce jeudi 16 janvier devant le Jury de déontologie publicitaire pour toute une série de manquements d’Orano : défaut de véracité des actions, défaut de proportionnalité du message, défaut d’explicitation, défaut de vocabulaire approprié, défaut de responsabilité sociale.
Car derrière les slogans d’Orano, la réalité est plus complexe. « Ce que nous reprochons à Orano, ce sont des termes comme décarboné car, même si le nucléaire émet moins de gaz à effet de serre qu’une centrale à charbon ou à gaz, elle en produit quand même », rappelle Mme Frachisse. Ainsi, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) évalue les émissions de CO2 du nucléaire à 12 grammes par kilowattheure (g/kWh), contre 41 g/kWh pour le photovoltaïque, plus de 490 pour le gaz et 820 pour le charbon. « Effectivement, un réacteur nucléaire émet moins qu’une centrale à charbon. Mais, si l’on prend l’ensemble de la chaîne de production de l’énergie nucléaire de l’extraction minière à la gestion des déchets, ce bilan est beaucoup plus lourd », rappelle la juriste.
Dans sa plainte, le réseau pointe du doigt les mauvais élèves du cycle du combustible : l’usine Orano Malvési de traitement de l’uranium et ses émissions de protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 265 fois plus réchauffant que le CO2, le site de transformation et d’enrichissement de l’uranium d’Orano Tricastin et ses 2.928 tonnes équivalent CO2 émises chaque année (plus 1.558 tonnes équivalent CO2 d’émissions indirectes), l’usine de retraitement du combustible usé de La Hague et ses 80.551 tonnes de CO2 émises en 2007. Ainsi, le total des émissions de gaz à effet de serre d’Orano s’établissaient à plus de 260.000 tonnes équivalent CO2 en 2018.
Au-delà de tous ces chiffres, la question est mal posée
De la même manière, le message « grâce au nucléaire, la France a déjà atteint les objectifs fixés par le protocole de Kyoto en matière d’émissions de CO2 » reste en travers de la gorge du réseau Sortir du nucléaire. Ces objectifs étaient « très bas », puisqu’il « ne s’agissait que de stabiliser au niveau de 1990 ses émissions de gaz à effet de serre », rappelle l’association dans sa plainte. Et s’ils ont été atteints, c’est d’abord par « la désindustrialisation et délocalisation hors de France d’industries polluantes » : « Selon les données Citepa, les émissions du secteur manufacturier français sont ainsi passées de 144 à 80,9 millions de tonnes équivalent CO2 entre 1990 et 2017, une baisse bien plus importante que celle liée au secteur électrique. » D’ailleurs, le nucléaire a été explicitement exclu des mécanismes de Kyoto. Enfin, les objectifs du protocole de Kyoto ont été remplacés par d’autres, tels que la neutralité carbone en 2050, pour lesquels la France est déjà largement en retard.
Au-delà de tous ces chiffres, la question est mal posée, estime Mycle Schneider, consultant indépendant sur l’énergie et le nucléaire à l’initiative du rapport annuel « World Nuclear Industry Status Report », dont l’édition 2019 démonte méthodiquement l’argument selon lequel le nucléaire est une solution pour lutter contre la crise climatique.« Ce qu’il faut examiner, c’est la combinaison entre les gains d’émissions de gaz à effet de serre et les délais. Un euro ne peut être dépensé qu’une fois, et il doit servir à réduire les émissions le plus rapidement possible. Qu’importe la réduction des émissions de gaz à effet de serre, si elle n’a lieu que dans vingt ans voire cinquante ou au-delà — comme c’est envisagé pour les projets de fusion nucléaire. Et là, les chiffres sont éloquents : la durée moyenne de construction d’un parc éolien est peut-être de deux ans à trois ans, avec des records observés à moins d’un an ; et la durée moyenne de construction des 63 derniers réacteurs nucléaires bâtis dans le monde s’établit à dix ans, comptés à partir du cimentage des fondations du bâtiment réacteur. » Les délais sont encore plus longs pour le nouveau réacteur français : après une interminable accumulation de déboires, l’EPR de Flamanville ne devrait entrer en service que fin 2022, soit quinze ans après le début des travaux.
Aux dires de Mycle Schneider, le maintien du nucléaire existant n’est guère plus intéressant :« En considérant qu’on fait abstraction de toutes les autres questions — sûreté, sécurité, déchets, prolifération… —, il faut se poser la même question : pour un euro dépensé, quelle baisse des émissions pourrais-je durablement obtenir ? La réponse à cette question entraînerait la fermeture d’une grande partie des réacteurs nucléaires en service dans le monde, car ils ne sont pas compétitifs face à d’autres moyens de production d’électricité, comme les énergies renouvelables, et d’autres solutions bénéfiques pour le climat, comme l’efficacité énergétique. » Mais en France, le problème n’est pas posé en ces termes, déplore le consultant : « EDF ne publie ses coûts de production qu’à travers une moyenne — contestable par ailleurs — sur l’ensemble du parc, et non réacteur par réacteur ; idem pour la Cour des Comptes. Or, il ne fait aucun doute que certains réacteurs ne sont plus du tout compétitifs par rapport à d’autres moyens de production. EDF a remporté l’appel d’offre pour le premier éolien offshore au large de Dunkerque, une des technologies renouvelables les plus chères, pour 44 euros par mégawattheure. En 2016, selon la Cour des Comptes, celui du nucléaire existant était déjà 50% plus cher ! »
« Ce qui est fou, c’est qu’Orano mène cette campagne publicitaire au grand public alors qu’elle n’a rien à lui vendre »
La plupart des pays du monde ne s’y trompent pas et retirent leurs billes de l’industrie de l’atome. En 2019, la construction nucléaire était en déclin pour la cinquième année consécutive, avec 46 chantiers en cours à mi-2019, contre 68 tranches en 2013 et 234 en 1979, d’après le World Nuclear Industry Status Report de 2019. Le nombre de mises en construction est passé de 15 en 2010, année précédant Fukushima, à deux en 2019 (au 15 décembre).
Le 5 décembre dernier, les négociateurs du Parlement européen se mettaient d’accord pour exclure le nucléaire de leur nouvelle classification des investissements en finance verte, malgré un intense lobbying français. Le Giec, mis en avant par Orano dans sa campagne publicitaire, propose effectivement des scénarios de baisse des émissions mondiales de gaz à effet de serre comprenant une part de production d’énergie nucléaire ; mais il considère aussi les nuisances environnementales liées à cette industrie — production de milliers de tonnes de déchets radioactifs chaque année, pollution des mines d’uranium, risque persistant d’accident de type Tchernobyl ou Fukushima — comme des effets négatifs au regard des « objectifs de développement durable » (ODD) [1] Pour le réseau Sortir du nucléaire, la campagne publicitaire d’Orano serait une tentative désespérée d’infléchir cette tendance. « Ce qui est fou, c’est qu’Orano mène cette campagne publicitaire au grand public alors qu’elle n’a rien à lui vendre, puisqu’elle ne vend ses activités qu’à l’industrie nucléaire ! observe Mme Frachisse. Il s’agit de rallier la cause du changement climatique pour obtenir le soutien de la population et relancer les investissements en France et dans le monde. » Et peut-être préparer le terrain avant l’annonce éventuelle d’un projet de construction de six nouveaux EPR en France, en cours d’examen par EDF et par le gouvernement.
Ce n’est pas la première fois que le réseau Sortir du nucléaire saisit le Jury de déontologie publicitaire pour dénoncer les campagnes publicitaires de l’industrie nucléaire. Habituellement, c’est plutôt EDF qui fait l’objet de ces plaintes. « À chaque fois, nous avons obtenu des sanctions, par exemple lorsqu’EDF se présentait comme “partenaire d’un monde bas carbone” au moment de la COP21. Maintenant, EDF parle moins d’émissions de CO2 », raconte la juriste de l’association. Même si les décisions du Jury ne sont pas contraignantes et qu’elles ne peuvent pas déboucher sur un retrait de la campagne, « elles ont un fort impact moral sur les industriels et peuvent nous servir à saisir la justice si elles n’étaient pas suivies d’effets », conclut Mme Frachisse.
[1] « Nuclear power […] can increase the risks of proliferation, have negative environmental effects », p. 461 du rapport du Giec sur les moyens pour limiter le changement climatique à 1,5 °C.
Louer ou partager, la bonne piste écolo
Aurélie Delmas
www.liberation.fr/planete/2020/01/11/louer-ou-partager-la-bonne-piste-ecolo_1771977
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Voiture, chaussures, planche de surf ou visseuse-dévisseuse, pourquoi acheter ce qu’on ne va utiliser que très ponctuellement ?
En cette période de soldes, les consommateurs sont sursollicités pour acheter vite et neuf des produits qui vont prendre de la place dans leurs placards. D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), les ménages possèdent déjà en moyenne 99 équipements électriques et électroniques… alors qu’ils sont persuadés de n’en avoir qu’une trentaine ! Or on sait que la production, le transport et la fin de vie de l’électroménager mais aussi des vêtements, meubles ou moyens de transports sont très coûteux pour l’environnement.
En 2018, une étude de l’Ademe faisait un bilan de la consommation d’équivalent carbone des biens d’équipements. Pierre Galio, qui l’avait dirigée, expliquait alors à Libé que «la principale conclusion, c’est qu’on est entourés, dans notre domicile et dans nos actes d’achat, de carbone caché. Le deuxième enseignement, c’est que l’impact de la phase de fabrication est, de manière générale, très largement supérieur aux autres (livraison, usage, etc.) […] Donc, plus on change d’équipement, plus on émet de carbone», ajoutait-il. Pourquoi alors ne pas mieux réfléchir à ses besoins, en misant par exemple sur la location ou le partage ? Louer une paire de skis, une robe de soirée, partager une voiture, se faire prêter un appareil à raclette est de plus en plus facile. Et le bénéfice écologique est réel si cette pratique n’est pas utilisée pour changer trop souvent ses équipements.
Un des exemples très répandu dans les grandes villes françaises est la mobilité partagée : location de vélos en libre-service, location de voitures entre particuliers, ou encore covoiturage qui permet un bénéfice environnemental et économique. Mais de nombreux autres objets peuvent être loués à des particuliers ou à des entreprises comme ici, ici, là ou là. Si l’idée n’a rien de neuf, elle est favorisée par les outils numériques, et on parle aujourd’hui de «consommation collaborative».
A Châlons-en-Champagne, une bricothèque met gratuitement à disposition des habitants 250 outils de bricolage à disposition. Les particuliers peuvent emprunter du matériel, parfois encombrant, et apprendre à utiliser une scie sauteuse ou un rabot. L’association Zéro waste France explique régulièrement qu’une perceuse est utilisée en moyenne 12 minutes sur sa durée de vie. Parmi les propositions originales repérées sur la toile, on citera au hasard la location de sapins de Noël en pots qui seront replantés, de jouets (par là ou là), de couches lavables, de vêtements en «box» mensuelle ou pour une occasion spéciale (notamment les robes de mariées).
Un annuaire en ligne du ministère de la Transition écologique et de l’Ademe permet d’identifier quel professionnel pourra vous proposer le type d’objets que vous cherchez à louer, emprunter ou acheter d’occasion. Par exemple, vous obtiendrez douze références si vous cherchez des bijoux à louer, et 26 si vous cherchez un outil de bricolage ou de jardinage à Marseille. «Emprunter, louer, acheter d’occasion plutôt que d’acheter systématiquement du neuf, et réparer, donner, revendre, échanger plutôt que de jeter, permet d’optimiser l’utilisation de nos objets et reculer le plus tard possible le moment où il faudra s’en défaire», pointe le site.
Mexiko, infernu ekologiko
Julia Martí Comas, Mikel Otero Gabirondo, Iñaki Barcena Hinojal – Hurrenez hurren, OMAL eta Feministaldeko kidea, EHU Bilduko legebiltzarkidea eta EHUko irakaslea
www.berria.eus/paperekoa/1876/017/001/2020-01-15/mexiko-infernu-ekologiko.htm
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Euskal jendartean eta gure komunikabideen narratiba soziopolitikoan ezagunak dira Emiliano Zapata eta zapatismo berria, narkoen cartel-ak edota PRI eta PAN-en gobernuen ustelkeriak, herri indigenak eta Hego eta Erdialdeko Amerikako migranteen pairamen eta zapalkuntzak ere, dudarik gabe. Ez dira ezagutzen, aldiz, neoliberalismoaren poderioz, NAFTA edo Ipar Amerikako Merkataritza Libreko Akordioa (1994) eta Europar Batasunarekikoa (1997) sinatuz gero sortu ziren «paradisu industrialen» errealitate kutsakor, itolarri eta hilkorrak.
Duela hilabete batzuk Mexikoko ANAM-ek (Asamblea Nacional de Afectados Ambientales ) eta Amsterdam-eko Transnational Institute-k (TNI) gonbita egin ziguten Ozeano Baretik Kariberaino, 1.500 kilometroko karabana batean parte hartzeko, #toxicTour izenekoa. Hasieratik, helburu zehatz batzuk markatuta zeuden. Lehenik, egoera tamalgarri hau ikusaraztea, eta bi, aukeratutako sei toki/gune kutsatu horietako dokumentazioa eta ebidentziak biltzea, ikerlarien eta bertoko mediku eta toxikologoen laguntzarekin. Hirugarrenez, Mexikoko intituzioei eta Europako zein AEBetako enpresa multinazional eta instituzio politikoen aurrean salaketak eta presio egitea, etika eta legez kanpoko jarduera industrial pozoitsuak geldi ditzaten. Asmo horiekin, 40 lagun, Europako, AEBetako eta Gazteizko parlamentariak, akademiko eta ikerlariak zein Mexiko, Argentina, Kolonbia, Alemania, Irlanda, Catalunya eta Euskal Herriko ekologistak, Irizar markako autobus batean ibili gara 2019ko abenduaren 2tik 9ra. Bukaeran, Mexikoko hirian, ikusi, ikasi eta bizitakoaren berri komunikabideen eta Victor Manuel Toledo ingurumen ministroaren aurrean aditzera eman genuen. Egia esan, Mexiko barrenean lortutako oihartzun mediatikoa nabarmena izan da eta bisitatu ditugun komunitateetako lagunek egindako ahalegina eskertu digute.
#ToxicTour karabanak 1.500 kilometroko ibilbidea izan du, 7 estatu federal zeharkatuz eta ingurumen, osasun eta jendartean arazo bereziak eragin dituzten sei eremu aztertuz. Jaliscoko Santiago ibaitik, non gai kimikoen pilaketa eta pertsonen pozoinketa ikusi genuen. Guanajuatora joan ginen, bertatik bertara akuiferoen gainesplotazioaren ondorioz fluoruro eta arsenikoaren kutsadura hilkorra dagoen eremua ikustera. Handik Hidalgoko Mezquital bailarara, non industria kutsatzaileen metaketak (Mexiko hiriko ur-zikinak, zementua, mehatzaritza, findegia, fueloilezko termoelektrikak etab.) egoera ikaragarria sortu duen. Bertako hautsak, keak eta usainak jasanezinak dira, baina min ematen du entzuteak nola Cargill enpresak akuiferoari zuzenean 8 tutuetatik ura ateratzen dion bitartean, herritarrek hiru egunez behin, ura txorrotean ordu eta erdiz bakarrik jasotzen duten. Ekialderago, Tlaxcala eta Pueblan, Atoyac ibaiaren arro osoa hil dute kontrolik gabeko isuri industrialen ondorioz.
Eragileak? Volkswagen bezalako enpresa handientzako lan egiten duten milaka enpresen isurteak, baita hainbat euskal enpresenak ere. Veracruzeko Coatzacoalcosen amaitu zen tourra, petrolio mexikarraren erdigunea, findegien gunea, coke hauts hilkorraren gunea. Mamu-hiri honetan ez dabil inor kalean gabaz, narkoaren erresuma da, biolentzia anitzen eremua. Gabaz ikusi genuen bakarra izan zen armaz jositako polizia edo AEBetara bidean doazen dozenaka migratzaileen presentzia, kale gorrian lo egiten.
Arazoak metatzen doaz, eta dagoeneko atzerrian ezagunak diren egiturazko biolentzia mota ezberdinez haratago (emakumeen aurka, migratzaileen aurka, indigenen aurka edo narkoa bera), ingurumen esparruko biolentzia gainezartzen da, besteek baino gehiago hiltzen duena, mantsoago bada ere. Ingurumenarekin lotutako bortizkeria besteekin batera iristen dela esango genuke, narkoak erresistentziak txikitzen baititu azken industria, obra, proiektua onartzen ez duten herritarren aurka oldartuz. Edo emakumeen salerosketa egiten du industrialdeetako langileen sexu nahiak asetzeko helburuarekin. Edo indigenen lurretan derrigorrezkoak diren kontsultak baldintzatzen ditu proiektuak onartuak izan daitezen. Finean, ingurumen bortizkeria sistematikoki ezkuta badaiteke ere, ehunka milaka kasu daude giltzurrun gaixotasun edota mota desberdinetako minibiziena. Baita pozoiketa neurotoxikoak eragindako gaitasun mentalaren atzerapen kasu ugariak ere. Esaldi batean laburbiltzearren, ingurumen ikuspuntutik sakrifizio eremuak dira, non ingurumen genozidio batez hitz egiten hasi beharrean gauden.
Euskal Herritik ere egoera honen erantzukizuna dugu. Eusko Jaurlaritzak enpresak nazioartekotzeko herrialde estrategikotzat du Mexiko. Konpromiso politiko honek, Mexikok bizi duen gizarte eta ingurumen errealitatea apaintzen du, eta azteken herrialdean gertatzen diren giza eta ingurumen eskubideen urraketa sistematikoak ezkutatzen ditu, korporazio transnazionalen onurarako. Euskal exekutiboak Mexikora egindako etengabeko bisita diplomatikoetan negozioen aldeko baldintzak nabarmentzen dira beti, baina ez dira inolaz ere kontuan hartzen lan egiteko baldintzak eta arriskuak, lurraldearen defentsan dihardutenen kriminalizazio eta erailketak, sindikatu eta lan eskubideen gutxiespena eta ingurumen araudi eta kontrol eskasak.
Premiazkoa dugu erakundeek, enpresek eta gizarte zibilak konpromisoa hartzea egoera honi amaiera emateko. Legalitatea errespetatzearen diskurtsoa ez da nahikoa. Ezartzen diren herrialdeko legeak eta araudiak errespetatzeaz gain, ezinbestekoa dugu euskal enpresen jarduerek giza eta ingurumen eskubideak urratzen edo suntsitzen ez dituztela ziurtatzea. Horregatik, bai erakundeek bai gizarte zibilak atzerrian dauden euskal enpresen jarduera kontrolatu beharko lukete, giza eskubideak urratzen ez dituztela bermatzeko eta kontrakoan legezko neurriak har ditzaten. Era berean, Enpresa Nazioartekotzeko Politikak koherenteak izan beharko lirateke giza eskubideen defentsarekin eta Eusko Legebiltzarrak onartu berri duen ingurumen larrialdia aitortzearekin. «Infernu industrialak» deitutako guneetan ezartzen diren enpresei ezin zaie finantza- edo laguntza teknikorik eman.
Horretarako, urrats eredugarri bat da «EHk Kapitalari Planto» kanpainan bildutako erakunde politiko, sozial eta sindikalek egindako konpromisoa, euskal enpresek gure lurraldean eta atzerrian sortutako inpaktuak salatzeko eta ikusarazteko. Eta batera, enpresa multinazionalen eraginen aurka eta merkataritza eta inbertsio itunen kontrako nazioarteko aliantzak ehunduz. Mexikon dugu adibidea, hantxe ageri baitira ondoriorik larrienak, desrregulazioaren eta merkataritza «aske» baten bidez, herrialde baten «bizitza» suntsitzeko.