Articles du Vendredi : Sélection du 15 octobre 2021


Victoire pour l’Affaire du siècle : l’État contraint de « réparer le préjudice écologique »
Justine Guitton-Boussion
https://reporterre.net/Victoire-pour-l-Affaire-du-siecle-l-Etat-contraint-de-reparer-le-prejudice-ecologique

Le tribunal administratif de Paris a ordonné à l’État de prendre des mesures, d’ici la fin de l’année 2022, pour réparer le préjudice écologique causé entre 2015 et 2018. C’est une victoire pour les organisations de l’Affaire du siècle et les plus de deux millions de Français qui avaient soutenu leur demande en 2018.

« Les victoires des écologistes sont rares, on aurait tort de se priver de célébrer celle-ci ! » Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, ne boudait pas son plaisir, jeudi 14 octobre. Lors d’une conférence de presse organisée avec les autres organisations de l’Affaire du siècleLa Fondation pour la nature et l’HommeNotre affaire à tous et Oxfam France – il l’a affirmé haut et fort : ils ont gagné.

Leur première réussite date de février dernier, lorsque le tribunal administratif de Paris avait reconnu que l’État avait commis une « faute » en émettant trop de gaz à effet de serre (GES) sur la période 2015-2018. La justice a offert aux organisations une deuxième victoire, ce 14 octobre. Le tribunal a ordonné au Premier ministre de prendre « toutes les mesures utiles » pour réparer ce préjudice écologique. Avec une date butoir : le 31 décembre 2022.

Entre 2015 et 2018, la France a dépassé son « budget carbone » – son plafond d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle peut émettre sur une période donnée. Elle a émis 62 millions de tonnes équivalent CO2 de trop. Le tribunal administratif de Paris a estimé qu’une réparation « partielle » du préjudice écologique avait déjà eu lieu en 2020, grâce à une baisse importante des émissions de GES – même si cette réduction était due à la pandémie de Covid-19, et non à une action de l’État. La justice a donc retenu le nombre de 15 millions de tonnes équivalent CO2 à retrancher au budget carbone de l’Hexagone pour 2022, afin de réparer le préjudice écologique. En clair, l’État va devoir doubler son objectif de réduction des émissions de GES en 2022.

« Au 31 décembre 2022, la France devra avoir adopté des mesures de réduction qui auront produit leur effet, et l’État devra en apporter la preuve devant le tribunal », a résumé Cécilia Rinaudo, porte-parole de l’organisation Notre affaire à tous, lors de la conférence de presse.

« La réparation de ce préjudice implique non seulement l’adoption de mesures propres à le faire cesser mais également que celles-ci soient mises en œuvre dans un délai suffisamment bref pour prévenir l’aggravation des dommages constatés », a écrit le tribunal dans sa décision du 14 octobre. Toutefois, la juridiction n’a pas précisé la nature des mesures à mettre en œuvre, laissant cette décision à la « libre appréciation du gouvernement ».

Un appel aux candidats à l’élection présidentielle

Les organisations de l’Affaire du siècle espéraient que cette condamnation soit assortie d’une astreinte, une contrainte financière pour l’État. La justice n’a pas retenu leur demande. Qu’importe, les quatre associations sont ravies du jugement : « C’est une affaire qui marquera l’histoire du droit », a réagi Célia Gautier, porte-parole de la Fondation pour la nature et l’Homme.

Le 31 décembre 2022, la ou le locataire de l’Élysée ne sera peut-être plus Emmanuel Macron. « C’est pourquoi aujourd’hui nous appelons l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle à nous démontrer, preuve à l’appui, comment ils comptent respecter les engagements climatiques de la France », a poursuivi Célia Gautier.

L’Affaire du siècle avait commencé en décembre 2018, lorsque les quatre organisations requérantes avaient envoyé une demande préalable indemnitaire au gouvernement, puis lancé une pétition en ligne. En moins de trois semaines, elle avait dépassé la barre des deux millions de signatures. « La justice donne raison à 2,3 millions de personnes », se sont félicité les organisations dans un communiqué de presse, ce 14 octobre.

 


L’ONU donne raison à 16 enfants face à l’inaction climatique des Etats
Maïté Debove
https://lareleveetlapeste.fr/lonu-donne-raison-a-16-enfants-face-a-linaction-climatique-des-etats

Lundi 11 octobre, dans un jugement qu’il qualifie lui-même d’« historique », le Comité des droits de l’enfant a ainsi reconnu que ses États membres pouvaient être tenus responsables de l’impact de leurs émissions de CO2 sur les enfants nés à l’intérieur et en dehors de leurs frontières.

En septembre 2019, 16 jeunes, dont la suédoise Greta Thunberg, intentent une action juridique contre cinq pays devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. La France, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil et la Turquie sont accusés d’atteinte à la convention de l’ONU sur les droits de l’enfant du fait de leur inaction contre le réchauffement climatique. Cet octobre 2021, le Comité reconnaît le lien de causalité entre l’inaction des états et le préjudice réalisé à l’encontre des droits de l’enfant. Des recommandations aux pays concernés doivent ainsi suivre.

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a été adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989 et est aujourd’hui ratifiée par la plupart des pays du monde : 196 États, excepté les Etats-Unis.

Les plaignants âgés de 8 à 17 ans et originaires de douze pays ont déposé cette plainte dans le cadre d’un protocole ratifié par 44 pays qui autorise depuis 2014 les enfants à porter plainte s’ils estiment que leurs droits sont bafoués.

La requête a été déposée contre des pays ayant ratifié les deux outils juridiques des Nations Unies et qui peuvent donc être accusés, contrairement à certains des pays les plus pollueurs comme les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.

Dans la plainte d’origine, les requérants font valoir que leurs droits à la vie, à la santé et à la culture sont menacés par l’inaction des grands émetteurs de CO2.

Les 16 jeunes rappellent d’abord que le réchauffement climatique n’est pas un concept abstrait, que l’augmentation de 1,1° dans nos températures globales depuis l’époque préindustrielle a déjà causé des vagues de chaleur dévastatrices, favorisant ainsi la propagation de maladies infectieuses, de feux de forêts, de différences climatiques extrêmes, d’inondations et de montée des océans.

Ils ajoutent que l’échec des pays à prendre les mesures nécessaires pour respecter, protéger et honorer leurs droits impactera encore davantage les enfants, plus vulnérables sur un plan physiologique et mental face aux dangers mortels du réchauffement climatique.

Cette affirmation est d’autant plus vraie qu’elle se corrèle avec l’accentuation progressive des phénomènes du changement climatique : les enfants nés aujourd’hui souffriront de vagues de chaleurs plus extrêmes que leurs prédécesseurs.

Une étude du journal Science publiée en octobre 2021 a par ailleurs été menée pour expliciter les chiffres de cette injustice intergénérationnelle. Selon cette recherche, même si les limites d’émissions de carbone sont respectées, une personne née en 2020 devra endurer environ 30 vagues de chaleur durant sa vie, soit 7 fois plus que quelqu’un né en 1960.

Les enfants d’aujourd’hui verront également 2 fois plus de sècheresses et de feux de forêts durant leur vie que ceux qui sont nés en 1960.

Il y a par ailleurs des différences significatives dans les régions qui seront touchées. Les 53 millions d’enfants nés en Europe entre 2016 et 2020 subiront 4 fois plus d’événements extrêmes dans leur vie, contre 5,7 fois pour les 172 millions d’enfants nés en Afrique subsaharienne. Ces chiffres soulignent le fardeau disproportionné auquel devront faire face les enfants nés dans les pays du Sud.

Les jeunes acteurs de la grève étudiante pour le climat, ou Fridays for Future, lancée pour la première fois par Greta Thunberg en août 2018, signalent de façon récurrente que les individus qui ont le moins participé à la création de l’urgence climatique sont ceux qui en souffrent le plus.

Dohyeon Kim, une activiste de 17 ans de Corée du Sud, rappelle pour le journal The Guardian les obligations des pays du Nord à l’égard des difficultés climatiques auxquelles les pays du Sud font et devront faire face, dont une grande partie sont du fait de leurs agissements :

« Les pays du Nord doivent faire pression sur les gouvernements afin qu’ils mettent la justice et l’équité au coeur des actions pour le climat, à la fois en terme d’assistance mais également en mettant en place des engagements qui prennent en compte les responsabilités historiques de chacun. »

Ce lundi 11 octobre, dans un jugement qu’il qualifie lui-même d« historique », le Comité des droits de l’enfant a ainsi reconnu que ses États membres pouvaient être tenus responsables de l’impact de leurs émissions de CO2 sur les enfants nés à l’intérieur et en dehors de leurs frontières.

Le Comité, constitué de 18 experts indépendants, veille au respect de l’application de la CIDE. Il doit donc faire des recommandations aux Etats visés pour mettre fin aux violations présumées de la convention.

L’une de ses membres, Ann Skelton, a commenté : « La nature collective des causes du changement climatique ne peut pas absoudre un État de ses responsabilités individuelles. »

Pour l’instant, la décision, outre les recommandations, n’a toutefois pas d’effet contraignant sur les Etats, le Comité n’ayant pas pu juger si les pays avaient violé la CIDE. Les requérants doivent d’abord saisir la justice de leurs pays et épuiser les recours juridiques qui y sont disponibles avant qu’une nouvelle condamnation des Etats puisse être prononcée par le Comité.

Selon l’étude de Science sur le préjudice intergénérationnel, réduire drastiquement et rapidement nos émissions de CO2 afin de ne pas dépasser les 1,5° de réchauffement planétaire peut diviser quasiment par deux les vagues de chaleurs auxquelles les enfants d’aujourd’hui devront faire face, tandis que le conserver en dessous de 2° réduirait ce même chiffre d’un quart. La tâche de la COP 26 de ce mois de novembre à Glasgow est donc absolument vitale dans l’établissement d’engagement de réductions de CO2 de plus grande ampleur des pays les plus pollueurs.


Victime du “surtourisme”, Barcelone s’attaque à Airbnb
The New York Times
www.courrierinternational.com/article/logement-victime-du-surtourisme-barcelone-sattaque-airbnb

Les locations touristiques sont accusées d’avoir renchéri les loyers et le prix des appartements à la vente. Désormais, les particuliers ont interdiction de louer une chambre pour moins d’un mois.

La mairie de Barcelone a décidé de sévir contre les locations touristiques – et donc contre la plateforme Airbnb. Le 6 août dernier, la capitale catalane est devenue la première ville européenne où il est illégal pour un particulier de mettre une chambre en location pour moins d’un mois, rapporte The New York Times :

La nouvelle réglementation a alimenté le débat déjà houleux sur la meilleure façon de soutenir l’économie locale tout en protégeant la qualité de vie des habitants.”

Une étude publiée en 2020 dans le Journal of Urban Economics a montré que les locations Airbnb sont à l’origine de l’augmentation des loyers (+ 7 %) et du prix des logements à la vente (+ 17 %)  dans les quartiers de la capitale catalane les mieux représentés sur la plateforme. En outre, depuis l’été 2014, les protestations se sont multipliées contre les nuisances engendrées par le “surtourisme”.

6 000 euros d’amende en cas d’infraction

Il n’y a aucune exception à la règle, précise Janet Sanz, adjointe au maire, même pas pour les voyageurs d’affaires. En revanche, un particulier reste libre de louer pour quelques jours un appartement entier, à condition d’être en possession de la licence ad hoc – la précédente municipalité en a délivré 10 000. Janet Sanz ajoute :

Les particuliers ont toujours la possibilité de louer une chambre à un étudiant étranger pour un anMais les locations de moins de trente et un jours représentent un marché tellement difficile à réguler qu’il vaut mieux y mettre un terme.”

La mairie de Barcelone consacre 2 millions d’euros par an pour inspecter les annonces Airbnb et faire respecter les règles en matière de location et de colocation. En cas d’infraction, les contrevenants sont passibles d’une forte amende – 6 000 euros minimum.

The New York Times suggère que d’autres villes en Europe – comme Amsterdam, Paris ou Prague – pourraient être tentées d’imiter Barcelone.


Suppression de l’ISF: le “ruissellement” attendu n’a pas eu lieu
AFP
www.challenges.fr/economie/suppression-de-l-isf-le-ruissellement-attendu-n-a-pas-eu-lieu_784935

La réforme de l’ISF adoptée par Emmanuel Macron en 2017 n’a toujours pas fait preuve de son efficacité, conclut ce jeudi 14 octobre un rapport de France Stratégie.

La suppression de l’ISF et l’instauration de la “flat tax” sur les revenus du capital n’ont pas encore entraîné d’effets positifs mesurables sur l’économie, selon un rapport publié par France Stratégie ce jeudi. Des conclusions qui remettent en question l’efficacité de la théorie du “ruissellement” défendue au début de son quinquennat par Emmanuel Macron.

Selon cette idée – et c’était l’objectif de la réforme de la fiscalité du capital instaurée en 2018 -, la transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (PFU ou “flat tax”) devaient permettre de réduire l’impôt payé par les contribuables les plus aisés et, par ricochet, les pousser à investir davantage dans l’économie.

Pour l’heure, le comité d’évaluation mis en place pour étudier les effets de cette réforme, sous l’égide de France Stratégie (l’organisme chargé de conseiller le gouvernement) ne conclut pas en ce sens.

Effet nul pour l’instant

Même s’il prévient que ses résultats ne sont que partiels, “à ce stade, aucun effet n’est identifié sur l’investissement, ni après 2013 (réforme de l’imposition des dividendes), ni après la réforme de 2018”, a indiqué Cédric Audenis, commissaire général adjoint à France Stratégie, lors d’une présentation du rapport à la presse.

Le comité reconnaît bien que les flux de placements financiers des ménages ont fortement augmenté, tout comme les flux de financement en action des entreprises. Mais “l’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. – avant et après les réformes ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes”, ajoute-t-il.

“On manque encore de recul temporel pour évaluer ce type d’effet” qui “prennent du temps à se matérialiser”, dans l’économique, nuance-t-on à Bercy, en rappelant que le rapport se base sur des données de 2018 et 2019.

Le ministère souligne que, faute de données disponibles à ce stade, le comité s’est concentré sur les entreprises dont les actionnaires ont bénéficié de la “flat tax”, soit “un seul canal spécifique” pour mesurer l’impact de la réforme sur l’investissement.

Pour aller plus loin, le comité se propose d’étudier à l’avenir une nouvelle piste. Il s’agirait désormais d’étudier la manière dont les dividendes supplémentaires ont été réutilisés par ceux qui en ont bénéficié depuis l’adoption de la réforme. “Qu’ont fait ces foyers de cet argent ? Ont-ils réinvesti dans les entreprises du tissu productif français ?”, s’interroge Cédric Audenis.

L’ISF en partie réhabilité ? 

Car c’est l’un des effets tangibles de la réforme, constaté par France Stratégie : le retour des dividendes versés par les entreprises (+9 milliards d’euros environ) au niveau qui était le leur avant la réforme de 2013 et leur intégration dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Des versements qui avaient plongé sur la période allant de 2013 et 2017.

Cette augmentation des dividendes s’est par ailleurs révélée avantageuse pour les finances publiques, puisqu’elle a permis de ramener le coût de la réforme à environ 1,5 milliard d’euros, contre 5 milliards anticipés.

Le rapport confirme aussi que les départs à l’étranger de contribuables les plus fortunés se sont réduits et que les retours ont augmenté, même si cela concerne “de petits effectifs”, soit quelques centaines de ménages, sur 130.000 assujettis à l’IFI.

Ce rapport, le troisième depuis 2018, tord également le cou à certaines critiques formulées à l’encontre de l’ISF, alors que certains à gauche réclament toujours son rétablissement. Selon ses détracteurs, il poussait les dirigeants d’entreprises, notamment des entreprises de taille intermédiaires (ETI), à se verser davantage de dividendes pour payer leur ISF.

Faux, constate le rapport. La réforme n’a pas entraîné de bouleversement des politiques de dividendes de ces entreprises.

De même, l’ISF était accusé de geler la gouvernance des entreprises, notamment les transmissions. Mais “aucun effet de la suppression de l’ISF ne semble décelable sur la direction des entreprises (…), ni sur la circulation du capital”, souligne le comité.

“Les premiers éléments apportés aujourd’hui vont dans le sens qu’il méritait un peu moins de critiques (…) mais il faut rester prudent”, estime Fabrice Lenglart, président du comité, rappelant que l’ISF ne remplissait pas parfaitement ses objectifs, en particulier sur le niveau d’impôt payé par les plus riches des ménages.

L’intense lobbying de l’agro-industrie contre « Farm to Fork », le volet agricole du Pacte vert européen
Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/12/l-intense-lobbying-de-l-agro-industrie-contre-le-volet-agricole-du-pacte-vert-europeen-farm-to-fork_6098049_3244.html

Selon des documents internes consultés par « Le Monde », la fédération européenne des syndicats et des coopératives agricoles a engagé une intense campagne contre les réformes prévues par Bruxelles.

L’agro-industrie veut faire dérailler la stratégie européenne « de la ferme à la fourchette » (« Farm to Fork »), le volet agricole du Pacte vert (Green Deal) annoncé en décembre 2019 par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Plusieurs documents internes du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne (COPA-Cogeca), dont Le Monde a obtenu copie, mettent en avant les « lignes rouges » considérées comme franchies par le projet européen.

Ces documents détaillent aussi les manœuvres de lobbying en cours de déploiement, destinées à obtenir le retrait de dispositions-clés du texte. En particulier, le COPA-Cogeca prévoit d’utiliser ses partenariats avec le journal en ligne de l’actualité européenne Euractiv pour peser sur la discussion publique. En ligne de mire : le débat parlementaire et le vote du texte, en séance plénière, prévu pour le 21 octobre, et que le COPA-Cogeca espère voir reporté au mois de novembre afin d’avoir plus de temps pour peser sur le débat public.

Les « lignes rouges » du COPA-Cogeca sont diverses. La première, définie comme cruciale, concerne les objectifs, contraignants, de baisse de l’utilisation des pesticides et des antibiotiques dans l’élevage (50 % de réduction d’ici à 2030), ainsi que ceux portant sur la réduction des fertilisants – l’ambition est de 50 % de baisse des fuites de nutriments, sources majeures de pollution aux nitrates et de prolifération d’algues vertes. Selon ses documents internes, le COPA-Cogeca souhaite que ces objectifs soient retirés du texte.

Ce n’est pas tout. En l’état, la stratégie agricole européenne souligne les risques d’émergence de zoonoses (maladies transmissibles entre l’homme et l’animal) présentés par les élevages industriels qui concentrent dans les mêmes bâtiments des animaux de génotype similaire. Le texte demande l’abandon progressif de ces pratiques : le COPA-Cogeca refuse cette mention.

TVA variable jugée indésirable

Les points de crispation ne concernent pas uniquement les méthodes de production mais aussi la commercialisation des produits issus de l’agriculture. Le COPA-Cogeca souhaite ainsi exclure toute mesure visant à fixer des taux maximaux de sucres, de graisses et de sel dans les aliments transformés. Dans le viseur, également, les dispositions visant à informer les consommateurs sur les qualités nutritionnelles des produits alimentaires, sur l’origine des produits agricoles utilisés, sur la durabilité et les méthodes de production ou encore sur le bien-être animal.

De manière plus surprenante, le COPACogeca estime tout aussi inacceptables « les objectifs contraignants de réduction des déchets alimentaires de 30 % d’ici à 2025 et de 50 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de référence de 2014 pour la production primaire, y compris les aliments non récoltés ». Une TVA variable, en fonction des qualités nutritionnelles et de l’impact environnemental, est également indésirable, selon la fédération syndicale.

Celle-ci enjoint à ses membres de contacter les élus de leur pays au Parlement européen, en particulier ceux à la gauche et au centre de l’échiquier politique, leurs ministères de tutelle, et de réclamer le report à novembre du vote en plénière du 21 octobre.

L’un des éléments-clés de la stratégie de lobbying détaillée par le COPA-Cogeca dans sa documentation est un rapport technique rendu en juillet par le Joint Research Centre (JRC) – une institution d’expertise qui dépend de la Commission. Présenté lundi 11 octobre aux députés européens, ce rapport modélise certaines conséquences possibles de la stratégie « Farm to Fork ».

Il fait l’objet de lectures divergentes. Interrogé par Le Monde, le COPA-Cogeca précise que le rapport en question projette une baisse en volume, de l’ordre de 10 % à 15 %, de certaines productions agricoles européennes, ainsi qu’un bilan climatique mitigé – une partie des bénéfices climatiques pourraient être compensés par les émissions liées aux importations de ce qui ne serait plus produit en Europe. Le COPA-Cogeca s’insurge également du retard avec lequel le rapport a été publié. « Le rapport était prêt en janvier et la Commission a attendu le creux de l’été pour le rendre public, diton à la fédération syndicale de la rue de Trèves, à Bruxelles. Nous souhaitons que la Commission mène une étude d’impact intégrée, ce qui n’a pour l’heure pas été fait. »

Plusieurs eurodéputés ont emboîté le pas au COPA-Cogeca, comme François-Xavier Bellamy (PPE), dont la prise de parole sur le sujet est saluée dans l’un des documents internes consultés par Le Monde. D’autres élus européens dénoncent une lecture biaisée du rapport par les milieux de l’agro-industrie. L’eurodéputé Eric Andrieu (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) rappelle ainsi que le rapport du JRC n’est pas une étude d’impact. « Cette étude nourrit depuis plusieurs semaines une campagne de désinformation sans précédent menée par certains lobbys », selon M. Andrieu.

Le COPA-Cogeca souhaite pousser dans le débat public les études d’impact de la stratégie européenne, commanditées par les intérêts agro-industriels. « Il faut que tous les membres du Parlement et le public soient au courant des études et de ce qu’elles signifient pour les objectifs de [la stratégie] “Farm to Fork” », lit-on dans la documentation interne du syndicat européen.

Les documents mentionnent en particulier une étude financée par le COPA-Cogeca et commandée à l’université néerlandaise de Wageningue. Ses résultats devaient être présentés le 12 ou le 13 octobre, selon le document, au cours d’un événement organisé par le média européen Euractiv. Cette plateforme d’information en ligne, très consultée dans les milieux bruxellois, organise à la demande de ses clients des événements animés par ses journalistes, propose un service de publication de communiqués de presse, et mêle dans ses pages articles de presse, articles sponsorisés par des entreprises, et publi-reportages.

Euractiv est présenté comme un élément-clé dans la stratégie de communication du COPACogeca. La documentation de la fédération syndicale agricole prévoit en effet qu’Euractiv publiera, dans la semaine du vote en plénière, « un paquet d’articles pour expliquer les éléments communs aux différentes évaluations d’impact » de la stratégie européenne.

 « Campagne de désinformation »

Interrogé, le COPA-Cogeca assure que, finalement, aucun article n’a été commandé à Euractiv sur le sujet. Le site d’information n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. Cette semaine, celui-ci organise ou héberge plusieurs événements sponsorisés sur le sujet. Les événements organisés par Euractiv peuvent ensuite donner matière à des articles journalistiques publiés dans Euractiv, parfois repris par d’autres médias.

« Tout cela montre comment les lobbys des pesticides et de l’agriculture industrielle utilisent leurs fonds pour mettre en scène un “débat public” en achetant des événements de lobbying, où s’expriment des chercheurs payés par ces mêmes lobbys, note Nina Holland, chargée de campagne à l’ONG Corporate Europe Observatory. Cette campagne de désinformation est conçue pour amplifier la portée des voix qui s’opposent aux objectifs de la stratégie européenne. » 

AHT : Ez eraginkorra, injustua eta jasanezina
Gorka Bueno | David Hoyos | Andoni Kortazar
www.argia.eus/argia-astekaria/2749/abiadura-handiko-trena

Aurten egindako txostenean, Espainiako Estatuko abiadura handiko trenaren sarea sakon aztertu dute David Hoyos, Andoni Kortazar eta Gorka Bueno EHUko irakasleek. Ondorioak oso txarrak dira, eta The Conversation webgunean zabaldutako artikulu honetan zergatiak azaltzen dituzte. Aldi berean, eta egungo berotegi gasen murrizketari begira, tren eredu hori lagungarri baino oztopo dela diote.

2022an 30 urte beteko dira Espainiako abiadura handiko lehen linea, Madril-Sevilla, martxan jarri zenetik. Munduko bigarren sarerik zabalenean (3.086 km) 56 milioi euro baino gehiago inbertitu ondoren, abiadura handiko trenaren (AHT) Espainiako ereduaren aldeko argudio sozialak, ekonomikoak eta ingurumenekoak desagertu egin dira, metatutako ebidentzia zientifikoaren argitan.

Larrialdi klimatikoak are eta ageriago utzi du Espainiako abiadura handiaren zentzugabekeria. Premiazkoa da Espainiako garraio-politika birpentsatzea neurri zehatz eta sinesgarriekin, Parisko Akordioaren konpromiso klimatikoekin bat datozenak.

Mugikortasun jasangarria ardatz

Europako Batzordeak trenbidearen urte europarra izendatu zuen 2021a. Garraio-modu jasangarriagoak sustatzea izan da Europako politikaren lehentasunetakoa joan den mendearen amaieratik. Helburua da ezkontzea bidaiarien eta salgaien garraioaren hazkunde geldiezina, eta gizartearentzat, ingurumenarentzat eta ekonomiarentzat gero eta handiagoak diren kalteak.

Trena oinarrizkoa da garraio politika berri horretan eta protagonismo berezia hartu du Espainiaren kasuan, abiadura handiko trenean egindako inbertsio masiboen bidez.

Paradoxikoki, 1990 eta 2018 artean, trenbidearen kuota modala %7tik %6ra jaitsi da bidaiarien garraioan, eta %10etik %4ra salgaien garraioan. Beraz, ez da harritzekoa Kyotoko Protokoloa indarrean izan den garaian, garraioa izatea BEG berotegi-efektuko gasen isurketa (+ %73) handitu duen sektore bakarra. Gaur egun, garraioaren isurketek guztien %31 osatzen dute.

Ez da eraginkorra arlo ekonomikoan, ez da bidezkoa arlo sozialean

Espainiako abiadura handiko tren-ereduaren ebaluazio ekonomikoaren arabera, eraikitako korridoreek ez dute errentagarritasun finantzariorik eta sozialik. Bestela esanda, gizarteak ez du inoiz berreskuratuko inbertitutako dirua.

Emaitza horien atzean bi arrazoi nagusi daude: batetik, gizartearen beharretatik urrun dagoen planifikazio eskasak bidaiarien eskaera urria ekarria du; eta bestetik, inbertsioak etengabeko atzerapenez, gainkostuz eta ustelkeriaz egin dira –Europako eta Espainiako kontu-auzitegien hainbat txostenek islatu duten bezala–. Horrek guztiak, ADIF-Abiadura Handia estatuko enpresa publiko zorpetuena izatea eragin du.

Trenbide-eredu horren sustatzaileek nabarmendu dute beharrezkoa dela estatu osoan ondo lotutako sarea osatzea, haren erabilgarritasuna hobetzeko. Hala ere, azterketen arabera, errentagarritasun soziala are txikiagoa da bidaiarien eskari potentzial txikiagoa duten guneak konektatzen diren heinean.

Bestela esanda, gizarteak ez du inoiz berreskuratuko AHTn egindako inbertsioa

Non da gakoa, ikuspegi sozialetik? Erabiltzaileak ez daude abiadura handia ordaintzeko prest, eta hauek ordaintzen dutenarekin ozta-ozta estaltzen direla zerbitzuaren kostu aldakorrak. Horrek esan nahi du inbertsioa erregresiboa dela.

Espainiako abiadura handiak ez du frogatu eskualdeen garapena bultzatzen duenik, ezta produktibitatean aldaketarik eragin duenik ere. Ondorio handienak eraikuntzaren sektorera eta geltokien inguruko hiri-berrantolaketara (espekulaziora) mugatzen dira.

Abiadura handiko inbertsio erraldoien beste ondorioetako bat Espainiako aldiriko sarea alboratzea izan da. Sare horrek Espainiako tren-erabiltzaileen %90ri ematen dio zerbitzua, eta batez ere nahitaezko mugikortasunari; hau da, batez ere lana, ikasketak edo bestelako arrazoiengatik garraio beharra duten herritarrei.

 

Jasanezina da ingurumenari dagokionez

Lurzoruaren okupazioa, hesi-efektua, paisaian duen inpaktua edo kutsadura akustikoa eta atmosferikoa izan dira tren lasterraren ereduaren ingurumen-ondorio esanguratsuenetakoak. Horiek alde batera utzita, tren molde honen izaera ekologikoari buruzko eztabaida berotegi-efektuko gasen emisioen balantzean zentratu da, klima-aldaketan duen inplikazioagatik, jakina.

Eredu horren defendatzaileek argudiatu ohi dute, arrazoiz gainera, garraiatutako pertsona/merkantzia bakoitzeko emisio txikiagoak direla, eta horregatik, ingurumenarentzat onuragarria dela trafikoa errepidetik eta hegazkinetik abiadura handiko trenera bideratzea.

Hala ere, azterketa horiek funtsezko gabezia bat izan dute: azpiegitura horien eraikuntzarekin lotutako isurketen kontabilitatea alde batera uztea. Familia batek, adibidez, etxetresna elektriko berri bat ordezkatu behar badu eraginkortasun energetiko handiagoko beste bategatik, ez du erosketa egingo kontuan hartu barik berriaren kostua.

Bizi-zikloaren azterketa funtsezkoa da testuinguru horretan. Klima-aldaketaren mehatxuak energia “garbien” proposamen ugari akuilatzen ditu, baina behar bezala aztertu ondoren, horiek ere negatiboa izaten dute balantze garbia. Duela gutxi, adibidez, horixe bera ikusi da hidrogeno urdinaren kasuan.

Abiadura handiko inbertsio erraldoien beste ondorioetako bat Espainiako aldiriko sarea alboratzea izan da, eta honek tren-erabiltzaileen %90ri ematen dio zerbitzua

Gure azterlan berriaren emaitzen arabera –ezagutzen dugunez argitalpen akademikoen esparruan azterketa hori egiten saiatu den lehenengoa– abiadura handiko Espainiako sare osoaren ingurumen-balantze garbia, kaltegarria izan gabe, uste zena baino nabarmen pobreagoa da.

  1. urtea erreferentziatzat hartuta (eskuragarri dauden azken datuak), Espainiako abiadura handiko sareak batez beste hamabost urteko funtzionamendua behar du eraikuntzarekin lotutako BEG isuriak konpentsatzeko (62 eta 87 urtera arte, SO2 eta PM10 partikulen isuriei dagokienez, hurrenez hurren). Hala ere, alde nabarmenak daude korridore artean: 9 urte Andaluziako korridorean, 12 Kataluniakoan, 20 Levantekoan eta 79 iparraldekoan.

Ebaluazio ekonomikoarekin gertatzen zen bezala, emaitza kaskar horietan eragin handiena duen faktorea garraio-dentsitate txikia da; funtsean, AHTk bidaiari gutxi erakartzen du kutsagarriagoak diren garraioetatik, bereziki automobiletik edo hegazkinetik. Eta gainera, bidaiariak bakarrik eramaten ditu, eta kanpoan uzten da ia errepidez soilik egiten den merkantzien garraioa. Ikerketaren arabera, gainera, emaitzak okertu egiten dira sarea garraio-eskaera txikiagoa duten korridoreetara hedatu ahala.

Arazoa, ordea, ez da linea batzuk justifikatuta ez egotea. Espainiako AHTko sarearen balantze klimatikoaren emaitzak testuinguruan jarri ondoren, Espainian garraioaren urteko emisio guztiak %1 murrizten ozta-ozta laguntzen duela ikusten dugu.

AHT larrialdi klimatikoaren aurrean

Orain arte aipatutako guztia baliagarria zatekeen, duela 20 edo 30 urte abiadura handiko trenaren inbertsioari buruzko debatea sustatzeko. Enpresa eraikitzaileentzat onuragarriak eta gizarteko gainerakoentzat kaltegarriak izan diren inbertsioak alde batera uztea ahalbidetuko zukeen.

Hala ere, oraingo eztabaida ez da hau, edo ez luke izan behar. Gaur egungo eztabaidak ez du zerikusirik abiadura handiko trenaren alde edo kontra egotearekin, garraiobide gisa, zalantzarik gabe, bere azkartasuna, erosotasuna eta puntualtasuna bezalako bertuteak baititu.

Testuingurua erabat aldatu da, klimaren larrialdi globaleko egoera berri batean gaude. Munduko komunitate zientifikoak BEG emisioak nabarmen murrizteko deia egin du, tenperatura globala 1,5 gradura mugatzeko. Jarduteko unea da, ekintzarena, eta ondorioz, isuriak murrizteko nazioarteko konpromiso gero eta handiagoak hartzen ari dira: neutraltasun klimatikoa nahi da 2050erako eta, zortzi urte eskasetan, %55erainoko BEG murrizketak 2030erako. “Ez dago B planik, ez baitago B planetarik”, esan du duela gutxi Emmanuel Macronek Parisko Hitzarmenaren urteurrenean.

Hala, beharrezko eta presazko eztabaida da ea Espainiako abiadura handiak zein neurritan lagun dezakeen ala ez Parisen hitzartutako emisioak nabarmen murrizten; eta, IPCCren azken txostenaren emaitzen arabera, are handiagoa izan beharko du Glasgowko Konferentziaren ondoren.

Eta testuinguru horretan, zera ondorioztatzen dugu: abiadura handiko tren-eredua ez da irtenbidea. Are gehiago, irtenbidea oztopatzen du, eta Espainiako garraioaren beharrezko trantsizio ekologikoan ez daukagun denbora galarazten digu.