Les Français sont de plus en plus climatosceptiques selon l’Ademe
Reporterre
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Les français sont de plus en plus climatosceptiques, révèle le 25e baromètre des représentations sociales du changement climatique, publié par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en octobre 2024. Selon cette étude basée sur un échantillon de 1 505 personnes, près de 30 % des personnes interrogées considèrent que les désordres climatiques et leurs conséquences, à l’image des canicules, des tempêtes, des sécheresses, des inondations plus fréquentes et sévères, la fonte des glaciers, ou encore l’élévation du niveau des mers… sont des phénomènes naturels, comme il y en a toujours eu. Une augmentation de 7 points par rapport à 2023 et de 12 points depuis 2020.
Observons aussi que depuis le lancement du baromètre en 2000, environ un tiers des personnes interrogées restent sceptiques quant à l’implication de l’effet de serre dans le réchauffement climatique. « Cette stabilité interroge face au consensus scientifique croissant, notamment illustré par les rapports du Giec », soulève l’étude.
L’Ademe note aussi que la proportion de répondants affirmant avoir subi les effets du changement climatique diminue à mesure que le revenu du foyer augmente : de 58 % pour les foyers déclarant un revenu par unité de consommation (UC) inférieur à 1 000 €, à 42 % pour ceux dont le revenu dépasse 2 500 € par UC. Le climatoscepticisme est également bien plus présent chez les personnes de droite et d’extrême droite que chez celles se déclarant de gauche et d’extrême gauche.
Des Français de plus en plus exigeants vis-à-vis des pouvoirs publics
« Tout se passe comme s’il y avait une sorte de sidération vis à vis de l’ampleur des désordres climatiques et qu’on en oubliait la cause réelle. Mais il faut rappeler que la très large majorité est convaincue du changement climatique et des causes anthropiques », précise Anaïs Rocci, sociologue à l’Ademe.
Le baromètre montre aussi que les Français interrogés sont de plus en plus exigeants envers les pouvoirs publics pour limiter les conséquences du changement climatique. Par exemple, 7 personnes sondées sur 10 sont favorables à la taxation du transport aérien (+ 6 points par rapport à 2023 et + 27 points en 20 ans), 84 % d’entre eux jugent souhaitable d’interdire la publicité pour les produits ayant un fort impact environnemental (+ 4 points par rapport à 2023), et 72 % seraient pour obliger les propriétaires à rénover et à isoler les logements (+ 3 points par rapport à 2023). Un constat qui nuance un peu le déni grandissant face à l’imminence du réchauffement climatique.
On n’a jamais autant brûlé d’énergies fossiles qu’en 2024
Jeanne Cassard
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Les émissions de CO2 issues des énergies fossiles ont augmenté de 0,8 % par rapport à 2023, rapportent les scientifiques du Global Carbon Project. Ce qui augure d’un réchauffement de 2 °C atteint en 2051.
Nous ne sommes toujours pas sur la bonne trajectoire. Selon les dernières projections du Global Carbon Project — collectif réunissant 120 scientifiques à travers le monde — les émissions mondiales de CO2 liées à la production et à la consommation d’énergies fossiles continuent de croître. Dans un rapport publié mercredi 13 novembre, les chercheurs estiment qu’en 2024 ces émissions seront en hausse de 0,8 % par rapport à l’an dernier. Soit 37,4 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (GtCO2) envoyées dans l’atmosphère.
En plus des énergies fossiles, le changement d’usage des sols (principalement la déforestation) ont émis 4,2 GtCO2. Un chiffre en légère hausse par rapport à 2023 (4,1 GtCO2). La raison ? « La sécheresse pendant le phénomène El Niño et la déforestation ont permis les très nombreux incendies au Brésil et en Indonésie cette année », disent les chercheurs.
Tout compris, les estimations des émissions de CO2 atteignent 41,6 milliards de tonnes en 2024 contre 40,6 milliards de tonnes l’an dernier.
« Il est clair que le budget carbone restant est presque épuisé »
Est-il trop tard pour respecter l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle (1850-1900) ? Au rythme actuel, il y a 50 % de risques que le réchauffement dépasse 1,5 °C de manière constante sur plusieurs années d’ici environ six ans, selon les scientifiques du Global Carbon Project. Si cette estimation est soumise à de grandes incertitudes liées au réchauffement supplémentaire causé par d’autres agents eux aussi réchauffants (CH₄, N₂O, aérosols) « il est clair que le budget carbone restant — et donc le temps qu’il reste pour atteindre l’objectif de 1,5 °C — est presque épuisé ». Si l’on continue au même rythme, « les +2 °C seront, eux, atteints dans vingt-sept ans ».
Toutes les émissions fossiles sont à la hausse
Pour une seule année, la barre a déjà été franchie, a annoncé l’institut Copernicus début novembre. L’observatoire européen a indiqué qu’il est désormais « pratiquement certain » que l’année 2024 sera la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne de 1,6 °C supérieure à la température moyenne de l’ère préindustrielle.
Malgré l’urgence, les chercheurs du Global Carbon Project affirment qu’il n’y a toujours « aucun signe » que le monde a atteint un pic d’émission de CO2. Au surlendemain de l’ouverture de la COP29 à Bakou en Azerbaïdjan, ils appellent les dirigeants à « prendre des engagements pour réduire rapidement et fortement les émissions de combustibles fossiles afin de nous donner une chance de rester en dessous des 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels ».
Dans le détail, les émissions liées au gaz naturel bondiraient en 2024 de 2,4 %, celles relatives au pétrole seraient en hausse de 0,9 % et celles liées au charbon devraient croître de 0,2 %. Seules les émissions liées au ciment sont à la baisse (-2,8 %), en raison de la crise de la construction en Chine et aux États-Unis. Toutefois, « compte tenu de l’incertitude des projections, il est possible que les émissions de charbon — combustible le plus néfaste pour l’atmosphère — diminuent en 2024 », précisent les scientifiques dans le rapport.
En Inde et en Chine, des hausses moins fortes qu’en 2023
Tous les pays ne sont pas sur les mêmes trajectoires. Du côté des mauvais élèves, l’Inde, responsable de 8 % des émissions mondiales de CO2, reste sur une pente ascendante. Après une hausse de 8,2 % en 2023, ses rejets de CO2 augmentent cette année « seulement » de 4,6 %.
La Chine, qui dégage quasiment un tiers des émissions mondiales (31 %), n’infléchit pas la tendance mais ses émissions augmentent beaucoup moins qu’avant : 4,9 % en 2023 contre 0,2 % cette année. « La demande d’électricité continue de croître fortement, tant dans l’industrie que dans les ménages, la consommation de charbon a légèrement augmenté », notent les scientifiques du Global Carbon Project.
« La demande d’électricité continue de croître fortement »
Par ailleurs, « les émissions provenant du pétrole ont probablement atteint leur maximum, les véhicules électriques gagnent régulièrement des parts de marché ». Pour information, la Chine s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2060 et un pic d’émissions en 2030.
Des baisses plus timides aux États-Unis et dans l’Union européenne
Les États-Unis poursuivent quant à eux leur baisse des émissions de CO2. Après une diminution de 3 % en 2023, cette année, les rejets de dioxyde de carbone devraient s’infléchir de 0,6 %. Cette baisse concerne à la fois le charbon — délaissé au profit du gaz naturel — le pétrole et le ciment. Alors que le pays s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’élection de Donald Trump à la présidence pourrait changer la donne.
Si l’Union européenne affiche encore une fois la plus forte baisse d’émissions, -3,8 % de CO2 en un an, selon l’estimation des chercheurs, c’est beaucoup moins qu’en 2023 (-7 %). Pourquoi ? Une partie peut s’expliquer par la crise énergétique en 2023 : « La chute avait été très forte en 2023 car les Européens se sont moins chauffés que d’habitude à cause de la hausse des prix de l’électricité consécutive à l’arrêt des importations de gaz russe. » En outre, l’hiver 2023 avait été particulièrement doux.
Pour le « reste du monde » (soit tous les autres pays à l’exclusion de la Chine, des États-Unis, de l’Inde et de ceux de l’Union européenne), les émissions sont en hausse de 1,1 %.
Concernant les différents secteurs d’émissions, l’aviation et le transport maritime internationaux, responsables chacun de 3 % des émissions mondiales, devraient augmenter respectivement de 13,5 % et 2,7 % en 2024.
La technologie ne sauvera pas le climat
Si l’on regarde les tendances décennales, les chercheurs observent toutefois un ralentissement de la hausse des émissions de CO2. Entre 2013 et 2024, elles étaient de +0,6 % par an en moyenne, contre +2,4 % lors de la décennie précédente.
Et il ne faut pas compter sur la technologie pour sauver le climat. « Les niveaux actuels d’élimination du dioxyde de carbone par la technologie (captage et stockage de CO2) ne permettent que de compenser un millionième du CO2 émis par les combustibles fossiles », rappellent les scientifiques.
En plus de réduire les activités du charbon, pétrole et gaz, il faut davantage prendre soin des puits de carbone océaniques et terrestres. Ceux-ci nous évitent le pire en absorbant la moitié des émissions totales de CO2 sur la dernière décennie malgré les effets négatifs du changement climatique sur ces écosystèmes.
Enfin, si les effets de l’épisode El Niño ont entraîné une forte réduction des puits de carbone en 2023, en favorisant par exemple les sécheresses, ces puits de carbone devraient se rétablir avec la fin de ce phénomène météo, prédisent les scientifiques.
L’éco-anxiété : une réponse saine face à la crise climatique
Laelia Benoit, pédopsychiatre et chercheuse, Inserm
https://theconversation.com/leco-anxiete-une-reponse-saine-face-a-la-crise-climatique-233926
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Contrairement à une idée reçue, l’éco-anxiété n’est pas une maladie, mais une réaction émotionnelle adaptée face aux enjeux environnementaux. Les jeunes et les autres groupes disposant de peu de pouvoir dans la société sont les plus concernés. Mener des actions collectives aide à surmonter ses inquiétudes.
Dans un monde confronté à une crise climatique croissante, un nouveau phénomène émerge : l’éco-anxiété. Souvent mal comprise et parfois considérée à tort comme une maladie, l’éco-anxiété est en réalité une réaction normale et adaptée face à la réalité environnementale et notamment le changement climatique.
Examinons de plus près ce que signifie réellement l’éco-anxiété, pourquoi elle touche particulièrement certains groupes, et comment y faire face de manière constructive.
Des émotions liées à la perte écologique
L’éco-anxiété peut être définie comme l’ensemble des réactions émotionnelles, principalement négatives mais parfois aussi positives, liées à la peur de l’effondrement environnemental et à la perte écologique. Il s’agit des émotions que nous éprouvons face à la dégradation de notre planète et à la prise de conscience que certains changements seront irréversibles.
Ainsi, d’après cette étude de l’université de Yale aux États-Unis :
« 65 % des Américains déclarent être au moins “quelque peu inquiets” à propos du réchauffement climatique. Parmi eux, 29 % disent être “très inquiets.” Environ un Américain sur dix déclare avoir ressenti des symptômes d’anxiété ou de dépression à cause du réchauffement climatique pendant plusieurs jours ou plus au cours des deux dernières semaines. »
L’éco-anxiété présente de nombreuses similitudes avec le processus de deuil. Comme dans le cas d’une perte, elle implique des phases d’incrédulité, de tristesse, de colère, et parfois de culpabilité ou de honte. Ce processus nécessite du temps pour être traversé et peut conduire à une transformation personnelle.
Toutefois, l’éco-anxiété ne doit pas être confondue avec les situations vécues par les populations qui souffrent d’anxiété, de dépression voire de troubles post-traumatiques car leur environnement de vie est en train de disparaître du fait, notamment, du dérèglement climatique.
Une réaction saine, pas une maladie
En effet, contrairement à une idée répandue, l’éco-anxiété n’est pas une maladie. Les spécialistes, notamment l’American Psychological Association (APA), la considèrent comme une réaction saine et adaptée face à une réalité environnementale préoccupante. En 2016-2017, l’APA a clairement établi que l’éco-anxiété n’est pas pathologique, mais correspond à une réponse normale face aux défis environnementaux actuels.
La tendance à médicaliser l’éco-anxiété peut être vue comme une manière d’individualiser et de minimiser le problème. En la considérant comme une maladie, on risque de détourner l’attention des véritables enjeux environnementaux et de la nécessité d’une action collective.
Quels groupes sont les plus touchés ?
Les études montrent que, dans la population, certains groupes sont plus susceptibles d’éprouver de l’éco-anxiété et de se sentir concernés par les enjeux de justice climatique :
• Les jeunes : ils sont particulièrement concernés car ils seront les plus affectés par les conséquences du changement climatique à long terme. De plus, ils disposent souvent d’un pouvoir limité pour influencer les décisions actuelles.
• Les minorités ethniques : dans certains pays comme les États-Unis, les populations noires et hispaniques sont plus inquiètes, conscientes qu’elles risquent d’être davantage impactées par les conséquences du changement climatique.
• Les femmes : elles tendent à exprimer plus d’inquiétude face aux enjeux environnementaux.
• Les personnes à faibles revenus : elles sont plus vulnérables aux impacts du changement climatique et ont moins de moyens pour s’y adapter.
Cette distribution de l’éco-anxiété reflète les inégalités sociales existantes et souligne que les groupes ayant le moins de pouvoir dans la société sont aussi ceux qui s’inquiètent le plus des conséquences du changement climatique.
Le reflet d’une injustice sociale
Il est crucial de comprendre que l’éco-anxiété n’est pas simplement un problème individuel, mais le reflet d’une injustice sociale plus large. L’inaction climatique peut être perçue comme une forme de violence sociale, particulièrement envers les jeunes générations dont l’avenir est le plus menacé.
Cette perspective permet de faire un parallèle avec d’autres formes d’oppression sociale. Tout comme le sexisme, le racisme ou l’homophobie peuvent affecter la santé mentale des groupes marginalisés, l’inaction face au changement climatique génère un mal-être chez ceux qui en subissent ou en subiront le plus les conséquences.
L’impact positif des actions climatiques collectives
Comment faire face à l’éco-anxiété ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la solution à l’éco-anxiété ne réside pas nécessairement dans une approche médicale ou psychologique individuelle. Les recherches montrent que l’engagement dans des actions climatiques collectives est la réponse la plus efficace, notamment pour les jeunes.
Participer à des initiatives de groupe permet de sentir moins isolé face à ces préoccupations, de partager ses inquiétudes avec des personnes qui les comprennent, d’agir concrètement et avoir un impact plus significatif et aussi de développer un sentiment d’efficacité et de contrôle.
Par exemple, s’engager dans un projet collectif d’isolation thermique d’un immeuble aura un impact plus important et plus satisfaisant que des écogestes individuels isolés.
Les études démontrent que l’engagement dans des actions collectives est associé à une meilleure santé mentale, avec moins de symptômes de dépression, d’anxiété et d’éco-anxiété.
Le rôle des professionnels de santé
Face à l’éco-anxiété, le rôle des professionnels de santé n’est pas de « soigner » un trouble individuel, mais plutôt de reconnaître la légitimité de ces inquiétudes et d’orienter les personnes vers des actions collectives constructives.
Il est important que les professionnels de santé comprennent que l’éco-anxiété est le symptôme d’un malaise sociétal plus large. Leur responsabilité est de valider ces préoccupations et d’encourager l’engagement dans des initiatives collectives plutôt que de proposer uniquement des solutions individuelles.
Transformer l’inquiétude en force motrice
L’éco-anxiété n’est pas une maladie à guérir, mais une réaction compréhensible face à la crise climatique. Elle révèle une prise de conscience des enjeux environnementaux et peut être un moteur pour l’action collective.
Plutôt que de chercher à « traiter » l’éco-anxiété, nous devrions la voir comme un appel à l’action. Elle nous invite à repenser notre rapport à l’environnement et à nous engager collectivement pour un avenir plus durable.
En reconnaissant l’éco-anxiété comme une réponse légitime et en encourageant l’action collective, nous pouvons transformer cette inquiétude en une force motrice pour le changement positif. C’est en agissant ensemble que nous pourrons non seulement atténuer notre anxiété, mais aussi contribuer concrètement à la préservation de notre planète.
Naomi Klein : « Nous avons besoin d’un populisme écologique »
Hervé Kempf
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Naomi Klein, activiste et intellectuelle canadienne, explique la victoire de Trump par l’incapacité de la gauche et des écologistes à parler des problèmes concrets des gens. Elle plaide pour un « écopopulisme ».
La journaliste et essayiste canadienne Naomi Klein, connue pour avoir publié No Logo et La Stratégie du choc (Actes Sud, 2001 et 2008) vient de sortir un nouveau livre : Le Double — Voyage dans le monde miroir, toujours chez Actes Sud. Dans cet entretien, elle fait le procès de la gauche étasunienne : « Nous devons nous concentrer sur des politiques écologiques qui soient aussi des politiques de redistribution économique. »
Reporterre — Comment analysez-vous la victoire de Donald Trump ?
Naomi Klein — La droite se rapproche des classes populaires avec plus de facilité que la gauche ou les libéraux. Cela devrait être un véritable signal d’alarme et nous faire réfléchir à la façon dont le discours progressiste est perçu : élitiste, déconnecté et sans plan pour aider les gens. J’ai toujours cru qu’il était possible de concevoir une stratégie politique qui s’attaque à la crise écologique et à l’aggravation des inégalités. Mais ce n’est pas comme cela que la gauche a façonné sa politique climatique. Nous assistons à un ras-le-bol des travailleurs qui ont l’impression que ces questions sont un luxe dont ils ne peuvent pas se préoccuper.
La gauche sociale-démocrate n’accepte pas de s’engager dans cette voie et de parler aux gens ?
C’est un échec de la gauche dans sa globalité. Pas seulement du Parti démocrate qui n’est pas la gauche, mais représente l’establishment. L’aile du Parti démocrate affiliée à Bernie Sanders a été totalement marginalisée. Bernie essaie toujours de trouver un terrain d’entente. C’est sa stratégie politique : « Qu’est-ce qui peut unir la coalition la plus large possible ? » À cause de son absence, la gauche s’est divisée en petites factions très agressives qui s’attaquent les unes les autres. Elle n’a pas créé un mouvement bienveillant capable d’attirer les travailleurs, ce qu’a réussi la campagne de Trump : elle a attiré beaucoup de gens de gauche, qui travaillent et ont besoin d’un espoir économique.
C’est un paradoxe parce que le monde de Trump est celui des hyper riches, d’Elon Musk et de nombreux milliardaires.
Le Parti démocrate est perçu comme plus élitiste que le Parti républicain, qui est un mélange de riches volontiers grossiers et d’autres plus accessibles, en contact avec les classes populaires. Elon Musk échange avec les utilisateurs de Twitter, alors que les riches démocrates ne parlent à personne en dehors de leurs cercles. En 2016, j’ai écrit que le Parti démocrate ressemble à une fête à laquelle vous n’avez pas été invité. C’est une super élite qui a mis en scène un spectacle et pensait que les travailleurs s’y joindraient. Mais les gens se sentaient insultés et exclus. C’est ainsi qu’ils ont élu Trump.
« Le Parti démocrate est une super élite »
Bien sûr, le Parti républicain est au service de l’argent. Il n’a pas été pour autant condescendant envers les travailleurs comme a pu l’être le Parti démocrate. En outre, les expulsions massives promises par Trump ne sont pas seulement une politique raciste, mais aussi une politique économique dans le sens où il promet une redistribution des richesses à la classe ouvrière, de la même manière que les fascistes ont présenté l’antisémitisme comme une redistribution des richesses.
C’est ce que dit Trump aux électeurs noirs et latinos : « Ces immigrés prennent votre travail, nous allons les éliminer pour que vous ayez plus d’emplois. » C’est horrible, mais il est important de comprendre qu’il y a une logique économique derrière ce vote.
Quelle doit être la stratégie de la gauche et des écologistes ?
Il faut commencer par examiner honnêtement la façon dont nous sommes perçus. Nous devons nous concentrer sur des politiques écologiques qui soient aussi des politiques de redistribution économique, qui montrent très concrètement qu’il n’est pas nécessaire de choisir entre l’environnement, sa famille et son portefeuille. Nous devrions nous battre pour la gratuité des transports en commun municipaux et pour des pompes à chaleur pour tous qui réduisent la consommation d’énergie et permettent de chauffer et rafraîchir les maisons. Nous pouvons avoir des politiques vertes qui soient des politiques qui rendent la vie beaucoup plus abordable. Nous avons besoin d’un populisme écologique, d’un écopopulisme.
Le problème, c’est qu’il faut une redistribution, mais qu’elle semble absolument bloquée. Les gens savent qu’il y a de grandes inégalités mais ne pensent pas qu’il soit possible de la changer. Le fatalisme domine.
La meilleure façon de lutter contre le fatalisme est d’être stratégique. Choisissez 2 ou 3 projets sur lesquels vous pouvez gagner et gagnez-les ! Alors les gens reprendront espoir. On ne peut pas convaincre un fataliste avec seulement des arguments. Il faut lui démontrer que c’est possible.
Comment ?
Aux États-Unis, Trump est en charge de tout au niveau fédéral, mais les Démocrates sont aux commandes dans des États comme la Californie et dans des grandes villes comme New-York. Il y a beaucoup de critiques à adresser à Joe Biden sur le climat, mais il a réussi à faire passer le texte législatif de l’Inflation Reduction Act (IRA) [un plan d’investissement de 370 milliards de dollars sur dix ans pour engager la transition énergétique]. J’espère donc que la révolution des énergies renouvelables est suffisamment avancée pour qu’elle se poursuive sans politique fédérale. Joe Biden doit débloquer cet argent avant la fin de son mandat pour que les projets soient mis en œuvre sur le terrain. Certains gouverneurs républicains affirment déjà ne pas vouloir se débarrasser de l’IRA parce qu’il leur procurera des financements dont ils ont besoin.
Une autre difficulté est que Trump et l’extrême droite assument totalement de mentir, les faits ne sont plus des éléments sur la base desquels on peut discuter.
Personne n’est complètement attaché à la vérité. Nous choisissons tous nos fantasmes. Le poids de la réalité écologique, économique et militaire rend l’époque très difficile à supporter. Donc nous vivons tous dans nos bulles et nous projetons sur nos adversaires tout ce que nous ne supportons pas chez nous.
« La droite a détruit l’écosystème de l’information »
Mais c’est vrai qu’il y a une approche de plus en plus créative des faits par le Parti républicain. Nous subissons les effets d’une stratégie menée depuis cinquante ans par la droite, qui a détruit l’écosystème de l’information. C’est la raison pour laquelle je parle de choses comme le transport en commun, le prix du chauffage, celui des produits alimentaires… Moins nous sommes dans des débats abstraits sur les causes du changement climatique, mieux c’est.
Quand on parle de populisme écologique, qui est un mot très fort, est-ce que ça veut dire qu’il faut prendre les armes de l’adversaire, sa rhétorique, voire être plus brutal ?
Pour moi, le populisme n’est pas un gros mot.
En France, le populisme est un stigmate utilisé pour vous décrédibiliser.
Nous parlons d’une politique de redistribution et de la volonté de rencontrer les gens là où ils en sont. La gauche est devenue très académique et élitiste. Son discours n’est pas en phase avec le peuple. Quand vous parlez de commerce du carbone, les gens ne comprennent pas de quoi vous parlez. Il est très facile pour vos adversaires de déformer vos concepts. Ce que la droite fait souvent est de prendre un terme académique, comme la théorie du genre, et d’en faire sa propre interprétation. Ils en sont capables parce que les gens ne savent pas ce qu’est la théorie du genre. Alors que dire « j’aime les transports en commun gratuits », c’est facile.
Comment définiriez-vous le populisme ?
Le populisme doit être redistributif, en réponse directe aux besoins économiques des gens. Bernie Sanders est un populiste économique parce qu’il parle de redistribuer les richesses, en se concentrant sur l’augmentation des salaires, sur les soins de santé universels, sur des services qui vont répondre directement aux besoins des gens. Cela est tourné en dérision par le centre comme étant populiste. Je pense que nous devrions au contraire embrasser ces concepts. C’est bien d’être populiste !
Au début des années 2000 il y a eu des Forums mondiaux, comme à Porto Alegre au Brésil. Est-il imaginable d’essayer de faire une remise à zéro de la situation, en partant de l’écologie ? Comment faire renaître un grand mouvement populaire ? Est-ce un rêve ?
Ce n’est pas un rêve si lointain. Il peut y avoir une autre vague qui capture et dirige cette énergie. Les gens sont en colère. Ils comprennent que leurs conditions de vie sont de plus en plus difficiles et stressantes. Ils ont le sentiment que le système est truqué. Un populisme de droite prend cette colère et la dirige vers les personnes les plus vulnérables, en pointant les immigrés comme bouc émissaire. Le populisme de gauche tente de diriger l’énergie populaire contre les entreprises et les élites. Mais cette énergie a été cooptée par les Steve Bannon [ancien bras droit de Donald Trump], Giorgia Meloni [présidente du Conseil italien, d’extrême droite], Marine Le Pen…
La menace militaire semble monter partout dans le monde. Comment y faire face ?
Trump va la nourrir. Il veut davantage de dépenses européennes dans l’armement. C’est aussi une invitation à la gauche pour que nous investissions dans la santé et le logement au lieu du militarisme. C’est un choix difficile. Allons-nous construire des bombes ou des hôpitaux ?
Quelle serait la réponse de la gauche à cette question ? Devrions-nous augmenter nos dépenses militaires ?
Non, mais nous pouvons investir dans une économie qui donne un espoir de paix avec la Terre et entre nous. Trump fait miroiter un monde où nous investissons dans les armes offensives et dans un dôme de fer mondial. Nos frontières seraient ainsi protégées contre les effets de nos politiques et de l’immigration de masse… Il pourrait y avoir une autre vision pour la gauche populiste, axée sur la guerre climatique et l’injustice économique.
L’intelligence artificielle est devenue le moteur du capitalisme. Comment va-t-elle changer le paysage politique et quelle devrait être la réponse de la gauche et des écologistes ?
Nous devons identifier les failles dans la coalition bricolée par la droite, qui a beaucoup de vulnérabilités. L’une d’entre elles est que Trump parle déjà d’investir dans l’intelligence artificielle, mais c’est en contradiction avec ce que dit Bannon et des figures de la nouvelle droite qui parlent d’un effondrement spirituel. La gauche n’a pas été douée pour parler de ce sentiment que le monde se déshumanise. Il s’agit d’une question de climat, de droits du travail, mais aussi d’une question spirituelle dont nous devons parler davantage.
Planifikatzen ez duen Nafarroko Energia Planaren kontra alegatu dugu
Jule Goñi eta Martin Zelaia sinatutako iritzi artikulua, Sustrai Erakuntza fundazioaren kideak
https://sustraierakuntza.org/planifikatzen-ez-duen-nafarroko-energia-planaren-kontra-alegatu-dugu
Article
Nafarroako Energia Planaren eguneraketa oharkabean igaro da. Nafarroako Gobernuak jendaurrean jarri zuen, eta, alegazioak aurkezteko epea amaituta, Gobernuko arduradun bakar batek ere ez digu azaldu herritarroi zertan oinarritzen diren bere proposamenak.
Gobernuak aurkeztu duen dokumentazioa irakurtzean egiaztatu ahal izan dugunez, ez dago hobekuntzarik hasierako bertsioarekiko. Oraindik ere, inolako jarduketarik planifikatzen ez duen plana da, enpresei nahi bezala ekiten uzten diena, eta abian jartzen ez den ustezko trantsizio energetiko batean trabatuta jarraitzen duena, honek egiturazko arazo larriak eta ingurumen-inpaktu handiak dituelako.
Planaren eguneratze honek aurkezten dizkigun energiari eta CO2 isuriei buruzko datuak kezkagarriak dira oso. Honela, Nafarroako energia-kontsumoa gorantz doa duela 10 urte baino gehiagotik, erregai fosilena barne. Kontsumitzen dugun energia primario guztiaren % 79,31a erregaiek osatzen dute. Horrela, argi dago berotegi-efektuko gasen emisioak handitzen jarraituko duela Nafarroan. CO2an 6,9 milioi tonaraino iritsi gara 2021ean, 2005ean lortutako maximotik oso gertu, eta azken 10 urteetan goranzko joera du.
Beraz, bilakaera kezkagarria da hau eta trantsizio energetikoaren eta Klima Aldaketari buruzko Foru Legearen bidez lortu nahi denaren kontrako norabidean doa oso, emisioak murrizten eta larrialdi klimatikoari aurre egiten saiatuko zirela suposatzen baita.
Eta paradigmatikoa da hori Nafarroan gertatzea, non eta energia berriztagarrien sektorean aitzindaria den lurrean, bai eta oso barreiatuta dauden lurrean ere.
Hauek honela, begi bistakoa iruditzen zaigu etorkizunari begiratzen dion dokumentu batek, hala nola Nafarroako Energia Planak, gutxienez gertakari hauek aztertu beharko lituzkeela, eta hainbat plangintza-aukera planteatu, arazoa zuzentzen saiatzeko. Hau planteatzeko, etorkizuneko hainbat agertoki deskribatu ohi dira. Egoera hauetan, erabakiak ezartzeko hainbat aukera planteatzen dira, eta denborak aurrera egin ahala izan ditzaketen emaitzak aztertzen dira.
Plan energetiko honen kasuan, 2 eszenario baino ez dira aztertzen. “Tendentziala” deritzon bat; horretarako, gaur egun egiten ari dena besterik ez egitea planteatzen da. Eta “efizientzia edo helburuzkoa” izeneko beste bat, izenak berak dioen bezala, garatu beharreko plan gisa aukeratzen dena da, eta energia berriztagarrien azpiegitura askoz gehiago ezartzeko egungo bidean sakontzea planteatzen duena.
Bistan da analisiak ahaztu egiten duela orain arte egindako guztiak ez duela balio izan joera aldatzeko eta erregai fosilen kontsumoa handitzea eta berotegi-efektuko gasen emisioa handitzea saihesteko. Horrela, litekeena da plan honek gaur egungo larrialdi klimatikora eraman gaituzten bi arazo larri horiek areagotzen jarraitzea.
Izan ere, kontsumoak murrizteko asmoa ez da planean agertzen. Aurrez aurre dugun problematikari aurre egiteko bide bakartzat dugun aspektu hau ez da aztertu ezta eskenatoki posible guztiak aztertu beharko lituzkeen dokumentu batean ere, aztertu ondoren, aukera egokiena aukeratzeko. Argi dago, beraz, Nafarroako Gobernuak ez duela energiaren arloan planifikatzen.
Dokumentu eskas baten aurrean gaude, eta hutsune garrantzitsuak ditu; hutsune horietan, beharrezkoa litzateke Gobernuak sakoneko jarduerak ezartzea, eta, hala ere, ez dira aipatu ere egiten. Adibideren bat jartzearren, mugikortasunari dagokionez, hauxe baita erregai fosil gehien kontsumitzen duen arloa, irtenbiderik nabarmenena garraio publikoko sare garrantzitsu bat garatzea litzateke, horretarako tren konbentzionala erabiliz, dagoeneko elektrifikatuta baitago. Eta, hala ere, plana berriro ere auto elektrikoa sustatzera mugatzen da, eta ez du trena aipatzen ere. Gauza bera gertatzen da gas naturalarekin, sustatzen jarraitzen duena, haren ezarpena handitzeko, eta, aldi berean, legez kanpoko Castejongo Zentral Termikoek funtzionatzen jarrai dezaten uzten du.
Hor baitago plan honen oinarrietako bat. Enpresa pribatuek erabakitzen dute zer proiektu egin nahi duten, noiz eta zein baldintzatan jarri nahi dituzten, eta, honetan oinarrituta, Gobernuak testu bat idazten du “planifikatzen” ari dela esanez. Baina errealitatean enpresek egiten dute hau, beren onurarako, noski. Adibidez, energia eolikoaren kasuan, planak lehentasunezko instalazio-eremu batzuk dakartza lehen bertsiotik, 2018an. Bada, egiazta daiteke planean markatutako eremuotan hein handi batean instalazio eolikoak daudela dagoeneko. Eta badira beste poligono eoliko asko ere, lehentasunezko eremu horietatik kanpo instalatzen jarraitzen direnak. Hori horrela da, noski, enpresek erabakitzen dutelako azpiegiturak non jarri.
Honi gaineratu behar zaio instalazio eolikoak eta fotovoltaikoak ezar daitezkeen lurzoruen arauketa falta, Klima Aldaketari buruzko Foru Legeak eskatzen zuen bezala, eta onartu eta urtebetera osatuta egon behar zuena, hau da, 2023ko martxorako. Data horretatik urtebetera baino gehiago, mapa horiek linboan jarraitzen dute, eta hauen bilakaerari buruz dugun aipamen bakarra energia-plan honetako esaldi bat da, zeinaren bidez ezagutzen dugun eolikorako mapa “gaur egun gauzatze-fasean” egongo litzatekeela. Eta ez da aipatzen eguzki fotovoltaikoaren mapa. Klima Aldaketari buruzko Legearekiko Gobernuak betetzen ez duen beste puntu bat.
Sustrai Erakuntzak plangintza honen arazo hauek eta beste asko islatu ditu aurkeztu dituen alegazioetan. Eta hemen laburbiltzen ditugu, uste baitugu beharrezkoa dela jakitea gure gobernuak ez duela interesik aurre egin behar diegun arazoei eraginkortasunez aurre egiteko. Beharrezkoa delako herritarrak Nafarroako etorkizunaren definizioan inplikatzea eta energiaren kudeaketan bide eta esperientzia alternatiboak planteatzea. Izan ere, Gobernuaren Energia Planak, ikusi dugunez, ez die aurre egiten aurrean ditugun erronkei.