Articles du Vendredi : Sélection du 15 mars 2024

L’Europe n’est pas préparée à faire face à l’augmentation rapide des risques climatiques
Leena Ylä-Mononen, Directrice exécutive de l’AEE
www.eea.europa.eu/fr/highlights/l-europe-n-est-pas

L’Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement et les risques climatiques menacent sa sécurité énergétique et alimentaire, ses écosystèmes, ses infrastructures, ses ressources en eau, sa stabilité financière et la santé de ses habitants. Selon l’évaluation de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publiée aujourd’hui, bon nombre de ces risques ont déjà atteint des niveaux critiques et pourraient devenir catastrophiques sans une action urgente et décisive.

La chaleur extrême, la sécheresse, les incendies de forêt et les inondations que nous avons connus ces dernières années en Europe vont s’aggraver, y compris dans les scénarios optimistes du réchauffement climatique, et affecteront les conditions de vie sur tout le continent. L’AEE a publié le tout premier rapport European Climate Risk Assessment (EUCRA) (Evaluation européenne des risques climatiques) visant à soutenir l’identification des priorités politiques liées à l’adaptation au changement climatique et aux secteurs sensibles au climat.

D’après cette évaluation, les politiques et les mesures d’adaptation en Europe ne sont pas assez réactives face à l’accroissement rapide des risques. Dans de nombreux cas, une adaptation progressive ne sera pas suffisante et compte tenu du fait que de nombreuses mesures visant à améliorer la résilience climatique requièrent un investissement considérable en temps, une action urgente pourrait s’avérer nécessaire, même pour des risques qui ne sont pas encore critiques.

Certaines régions d’Europe sont des points sensibles pour divers risques climatiques. Le sud de l’Europe est particulièrement exposé aux incendies de forêt et aux effets de la chaleur et de la pénurie d’eau sur la production agricole, le travail en extérieur et la santé humaine. Les inondations, l’érosion et l’intrusion d’eau salée menacent les régions côtières à faible altitude de l’Europe, y compris de nombreuses villes densément peuplées.

Notre nouvelle analyse montre que l’Europe est confrontée à des risques climatiques urgents auxquels notre société n’est pas suffisamment préparée. Afin d’assurer la résilience de nos sociétés, les décideurs politiques européens et nationaux doivent agir maintenant pour réduire les risques climatiques à la fois par des réductions rapides des émissions et par des politiques et des actions d’adaptation fortes.

De nombreux risques climatiques en Europe requièrent une action urgente et immédiate

L’évaluation identifie 36 risques climatiques majeurs pour l’Europe dans cinq grands domaines: les écosystèmes, l’alimentation, la santé, l’infrastructure, l’économie et la finance. Plus de la moitié des risques climatiques majeurs recensés dans le rapport exigent une action intensifiée et immédiate et huit d’entre eux sont particulièrement urgents, principalement pour préserver les écosystèmes, protéger les personnes de la chaleur, protéger les personnes et les infrastructures des inondations et des incendies et garantir la viabilité des mécanismes de solidarité européens, tels que le Fonds de solidarité de l’UE.

Écosystèmes: Presque tous les risques liés aux écosystèmes nécessitent une action urgente ou plus intense, les risques pour les écosystèmes marins et côtiers étant considérés comme particulièrement sévères. Le rapport de l’AEE rappelle que les écosystèmes fournissent de nombreux services aux populations et que, par conséquent, il est fort probable que ces risques aient des répercussions sur d’autres domaines, comme l’alimentation, la santé, les infrastructures et l’économie.

Alimentation: Les risques liés à la chaleur et à la sécheresse qui pèsent sur la production végétale ont déjà atteint un niveau critique dans le sud de l’Europe, mais les pays d’Europe centrale sont eux aussi menacés.  Plus précisément, les sécheresses prolongées qui touchent de vastes zones constituent une menace importante pour la production végétale, la sécurité alimentaire, et l’approvisionnement en eau potable. Une solution consisterait à adopter une transition, même partielle, des protéines d’origine animale vers des protéines d’origine végétale cultivées de manière durable. Cela réduirait la consommation d’eau dans l’agriculture et la dépendance envers les importations d’aliments pour animaux.

Santé: La chaleur est le facteur de risque climatique le plus grave et le plus urgent pour la santé humaine. Les groupes de population les plus à risque sont les personnes travaillant en extérieur qui sont exposées à une chaleur extrême, les personnes âgées et les personnes vivant dans des logements mal conçus, dans des zones à fort effet d’îlot thermique urbain ou avec un accès inadéquat à un dispositif de  refroidissement. De nombreux moyens permettant de réduire les risques climatiques pour la santé sortent du cadre des politiques de santé traditionnelles, avec notamment l’urbanisme, les normes de construction et le droit du travail.

Infrastructures: Les phénomènes météorologiques plus fréquents et extrêmes augmentent les risques pour l’environnement bâti et les services essentiels en Europe, y compris l’énergie, l’eau et les transports. Si les risques d’inondations côtières ont été relativement bien gérés en Europe, l’élévation du niveau de la mer et les variations dans les tempêtes peuvent avoir des effets dévastateurs sur les personnes, les infrastructures et les activités économiques. Dans le sud de l’Europe, la chaleur et la sécheresse font peser des risques importants sur la production, la transmission et la demande d’énergie. Les immeubles d’habitation doivent également être adaptés à la chaleur croissante.

Économie et finances: L’économie et le système financier européens font face à de nombreux risques liés au climat. Par exemple, les phénomènes climatiques extrêmes peuvent augmenter les primes d’assurance, menacer les actifs et les prêts hypothécaires ainsi qu’accroître les dépenses publiques et le coût des crédits. La viabilité du Fonds de solidarité de l’UE se trouve déjà gravement menacée à la suite des inondations et incendies coûteux survenus ces dernières années. L’aggravation des effets climatiques peut également creuser les écarts entre les assurances privées et rendre les ménages à faibles revenus plus vulnérables.

Une coopération plus étroite est essentielle

L’UE et ses États membres ont accompli des progrès considérables dans la compréhension des risques climatiques auxquels ils sont confrontés et dans la préparation à ces risques. Les évaluations nationales des risques climatiques sont de plus en plus utilisées pour éclairer l’élaboration de politiques d’adaptation. Toutefois, la préparation sociétale est insuffisante, car la mise en œuvre des politiques ne suit pas l’augmentation rapide des niveaux de risque.

La plupart des risques climatiques majeurs identifiés dans le rapport sont considérés comme «partagés» par l’UE, ses États membres ou d’autres niveaux gouvernementaux. Pour faire face aux risques climatiques en Europe et les réduire, l’évaluation de l’AEE souligne que l’UE et ses États membres doivent travailler ensemble et impliquer également les niveaux régionaux et locaux lorsqu’une action urgente et coordonnée est nécessaire.

Les principaux risques climatiques identifiés dans le rapport de l’AEE présentent encore de nombreuses lacunes en terme de connaissances. Le rapport indique que l’UE peut jouer un rôle clé dans l’amélioration de la connaissance des risques climatiques et de leur prise en charge, ainsi que dans la manière d’y remédier par le biais de législations, de structures de gouvernance, de suivi, de financement et d’assistance technique adéquats. Ces nouvelles connaissances constitueraient également une contribution essentielle au suivi de l’évaluation européenne des risques climatiques.

Noël Mamère : « Il faut démonter la supercherie d’un système qui prétend qu’écologie et économie seraient incompatibles »
Noël Mamère a été maire de Bègles (Gironde) de 1989 à 2017, et député écologiste de 1997 à 2017.
www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/14/noel-mamere-il-faut-demonter-la-supercherie-d-un-systeme-qui-pretend-qu-ecologie-et-economie-seraient-incompatibles_6221924_3232.html

Dans une tribune au « Monde », l’ancien député Europe Ecologie-Les Verts et maire de Bègles appelle les écologistes à profiter de la séquence ouverte par les élections européennes pour déconstruire les discours de l’agro-industrie et construire des alliances avec le monde agricole.

Il est rare de voir un président de la République organiser son propre piège ! C’est pourtant ce qui est arrivé à Emmanuel Macron. Il croyait faire un « coup » en réunissant sur un même « ring » les représentants de l’agriculture productiviste, pourtant chez eux, et ceux qui la critiquent radicalement.

Avec cette énième version du « en même temps », il pensait sans doute faire oublier les dangereuses concessions accordées à l’agrobusiness et au puissant lobby de la chimie. Il s’est cassé les dents sur plus fort que lui. Pour reprendre un dicton paysan adapté à la situation, il est parti pour chercher de la laine et il est revenu tondu !

Mais nous aurions tort d’en rester à l’accident de parcours, à une simple turpitude politicienne. Car ce qui s’est passé le 24 février est un événement politique qui en dit long sur la fragilité de ceux qui nous gouvernent et sur l’ampleur du déni face à une question existentielle. Pour la première fois, en effet, l’écologie est à l’origine d’un crash politique, apportant ainsi la preuve que les questions posées par les écologistes depuis des lustres sont aujourd’hui au cœur des interrogations sur notre avenir commun, et qu’elles ne peuvent plus rester sans réponses.

Pourtant, au lieu de créer les conditions d’un débat impliquant l’ensemble de la société, le pouvoir a choisi de se ranger du côté de ceux qui préfèrent la diviser, en faisant passer les écologistes pour les nouveaux ennemis du peuple – des ennemis qui ne lui promettraient que punitions, restrictions et décroissance.

Coalition du déni

Cette présentation binaire du monde ne sert que les tenants du statu quo, d’abord au service de leurs intérêts manifestement contraires à l’inévitable bifurcation écologique qui nous évitera le pire. Rassemblés dans ce qu’il faut bien appeler la coalition du déni, ils agissent à tous les niveaux pour casser toute politique d’adaptation au changement climatique dans le secteur agricole, pourtant l’un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre.

Les exemples sont faciles à trouver. Ainsi du Comité des organisations professionnelles agricoles-Confédération générale des coopératives agricoles (COPA-Cogeca), lobby des organisations agricoles européennes, basé à Bruxelles et présidé par Christiane Lambert, ex-présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles qui, associé à d’autres puissants lobbys de l’agrobusiness et des pesticides tels CropLife Europe [syndicat européen des fabricants de pesticides], Grain Club [lobby céréalier], Livestock Voice [lobby européen de la production animale], a barré la route au Green Deal avec la complicité des conservateurs et de l’extrême droite du Parlement européen.

A Anvers (Belgique), le même combat a été mené par les principaux industriels de la chimie, réunis pour adopter un « European Industrial Deal », exact contraire du Green Deal, aussitôt dénoncé par les activistes écologistes comme un « accord secret toxique ».

Résultat : le Pacte vert n’est plus qu’un souvenir et l’Europe s’apprête à « alléger la pression » sur les agriculteurs. Quant à Emmanuel Macron, il promet la simplification « à fond la caisse », qu’il faut traduire par la mise au pas des organismes de contrôle de l’agriculture, par de nouvelles concessions au détriment de la biodiversité pourtant bien mal en point et la mise en cause du principe de « non-régression » du droit de l’environnement.

C’est le recul à tous les étages. La coalition du déni peut se frotter les mains, la manipulation a parfaitement fonctionné : les écologistes ne sont que des « idéologues », insultant le « bon sens ». Pas besoin de renverser les panneaux d’entrée de villages (comme le firent les Jeunes Agriculteurs) pour constater que nous marchons sur la tête !

Piège mortifère

Et pendant ce temps, les alertes des scientifiques sur la gravité de la crise écologique se multiplient sans être entendues ; les sécheresses, les inondations et autres bouleversements – qui touchent les agriculteurs en priorité – se succèdent à un rythme jamais connu. On continue d’empoisonner sciemment la terre et ceux qui la cultivent. Et pour s’éviter d’avoir à rendre des comptes, on déguise les écologistes en épouvantail. C’est facile, mais suicidaire.

Dans ce contexte hautement délétère et toxique, les prochaines élections européennes revêtent une importance majeure. C’est de leur résultat que dépendra la qualité de notre environnement, de notre alimentation et, partant, de notre santé pour les décennies à venir. C’est pourquoi les écologistes – qui ne sont pour rien dans cette situation, et qui ont voté contre cette politique agricole commune tant décriée en 2021, contrairement au Rassemblement national, qui la voue aux gémonies aujourd’hui – doivent profiter de cette occasion politique pour démonter la supercherie d’un système qui prétend, pour sauver sa peau, qu’écologie et économie seraient incompatibles.

Il y a urgence à démonter les mensonges d’un lobby qui impose sa loi depuis un demi-siècle et a contribué à liquider la paysannerie française en à peine quarante ans. C’est ce que le penseur écologiste Bernard Charbonneau (1910-1996) appelait « la Grande Mue », dont il fut l’un des tout premiers à analyser les conséquences sociales et environnementales dès les années 1950.

Il y a urgence à construire des passerelles avec celles et ceux de nos agriculteurs qui veulent sortir de ce piège mortifère, beaucoup plus nombreux qu’on ne le dit et encore trop silencieux. C’est à la société tout entière de décider, avec le monde agricole dans sa diversité, ce que doit être le pacte pour la transition écologique afin de sortir de ce modèle qui montre cruellement ses limites. La politique des tranchées ne peut mener qu’au désastre. Comme le dit si bien le slogan cher aux écologistes : « Nous n’avons qu’un seul monde. » Autant le sauver ensemble.

Jacques Ellul : érosion, surpopulation estivale, incendies… ” Son diagnostic sur la dérive de nos sociétés était le bon “
Isabelle de Montvert-Chaussy
www.sudouest.fr/culture/litterature/jacques-ellul-erosion-surpopulation-estivale-incendies-son-diagnostic-sur-la-derive-de-nos-societes-etait-le-bon-18774630.php

Spécialiste de Jacques Ellul, l’universitaire Patrick Chastenet décrypte l’intérêt renouvelé pour le penseur bordelais dont l’œuvre est régulièrement rééditée depuis quelques années

Le penseur, professeur de droit et sociologue Jacques Ellul (1912-1994), cofondateur de Sciences Po Bordeaux, avait accordé de longs entretiens à son ancien élève Patrick Chastenet, aujourd’hui professeur de science politique à l’université de Bordeaux. Récemment réédités (1), ils apportent un éclairage étonnant sur les grandes préoccupations du XXIe siècle, un peu comme si Ellul avait tout prévu à contre-courant de son temps. Chastenet est l’auteur de plusieurs ouvrages sur son œuvre. Il a récemment publié « Les Racines libertaires de l’écologie politique » (L’Échappée 2023).

On le réédite, on l’enseigne, comment expliquer ce regain d’intérêt pour Ellul ?

Sans doute parce que son diagnostic sur la dérive de nos sociétés était le bon. Que ce soit sur l’ambivalence du progrès technique, la crise écologique, celle de la démocratie, le terrorisme, la crise agricole, le transhumanisme, les fake news et la propagande, l’intelligence artificielle, le travail… Sur chacun de ces sujets, il a quelque chose de pertinent à nous dire.

Avant tout le monde, Ellul s’est inquiété du climat, de l’érosion côtière, des effets de la balnéarisation du littoral, ou encore de l’urbanisation… Était-il visionnaire ?

C’était un lanceur d’alerte. Il a eu le grand tort d’avoir eu raison trop tôt. Pendant très longtemps, son discours fut inaudible. On le traitait de prophète de malheur. Son maître livre, « La Technique ou l’enjeu du siècle », dans le contexte de l’époque – 1954 – passait pour du catastrophisme écologique. Les rapports du Giec sont venus confirmer ses craintes. Il connaissait le bassin d’Arcachon depuis son enfance si bien que lorsqu’il a eu vent d’un projet ministériel visant à rentabiliser un « gisement vert », c’est-à-dire à bétonner du Nord-Médoc à la frontière du Pays basque, soit 250 kilomètres de plages et de forêts, il a créé le Comité de défense de la côte aquitaine avec son ami Bernard Charbonneau. L’occasion pour lui d’affronter ses deux ennemis préférés : la bureaucratie technicienne et le capitalisme, et d’illustrer concrètement la maxime qui l’a toujours guidé : « Penser globalement, agir localement ». Il dénonçait le mépris des équilibres naturels : percées dans la forêt, construction d’immeubles sur la dune, creusement intempestif de canaux dans les landes, création d’un golf en zone semi-aride. Il montrait l’absurdité du tourisme industriel qui détruit la nature que le citadin vient chercher.

Il estimait que rétablir l’habitat forestier réduirait les risques d’incendie.

Ellul réclamait une politique volontariste pour repeupler une forêt désertée par les « petits » métiers tels les résiniers et les gemmeurs. L’industrie procure des substituts à la résine et à l’hévéa, mais en dépeuplant les forêts, elle augmente les risques d’incendie. Dans le même sens, il voulait des pays habités et cultivés par des paysans, des campagnes vivantes avec de petites exploitations pratiquant la polyculture et non des champs de maïs à perte de vue. Il plaidait pour une écologie humaine, ancrée dans un territoire.

« Ce n’est pas la technique qui est mauvaise, c’est l’usage que l’homme en fait », écrivait-il, c’était une sorte de mise en garde ?

C’est l’histoire du couteau qui permet de découper une tarte, mais aussi de tuer son voisin. Le raisonnement est déjà moins convaincant pour les bons et les mauvais usages de l’atome. Ellul explique que depuis la Première Guerre mondiale, le phénomène technique n’est pas l’outil ou la machine, mais la recherche du moyen absolument le plus efficace dans tous les domaines. La technique moderne forme un tout homogène qui interdit de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises techniques. Il est vain de s’obstiner à voir des techniques isolées là où l’on a affaire à un véritable ensemble composé d’éléments interdépendants. Vous n’aurez pas les avantages de l’automobile ou de la ligne à grande vitesse sans ses inconvénients. Faire un mauvais usage d’un objet technique, c’est ne pas savoir comment l’utiliser au mieux, techniquement, et non pas moralement.

Dans nos sociétés obsédées par la croissance et la puissance, la technique est indépendante de la loi morale. Si une technique est efficace, elle sera utilisée un jour ou l’autre. Ellul conteste cette logique.

Pour lui, la politique s’est substituée à la religion, est-ce qu’aujourd’hui il irait plus loin en disant que la technique a remplacé la religion ?

Tout à fait. Il avait vu venir l’ère des techno-solutionnistes qui nous rassurent en disant : « On finira bien par trouver une solution ». En attendant : « Don’t Look Up ! » Ils transforment tous les problèmes (politiques, éthiques, spirituels) en simples problèmes techniques auxquels il faudrait apporter des solutions exclusivement techniques. Ce faisant, la technique s’accroît d’elle-même par les « solutions » qu’elle apporte. Les divers partisans de l’ingénierie climatique se présentent comme de véritables sauveurs sur la base d’un raisonnement spécieux : c’est parce que la technique nous a conduits dans une impasse qu’elle nous en sortira. Qu’ils veuillent intervenir sur le rayonnement solaire, agir sur les nuages ou refroidir l’Arctique, ces apprentis sorciers négligent la caractéristique essentielle du progrès technique : son ambivalence. Tout progrès technique se paie, il soulève des problèmes plus vastes que ceux qu’il résout, ses effets néfastes sont inséparables de ses bénéfices, il comporte toujours des effets imprévisibles et parfois irréversibles.

 La position d’Ellul a aussi été (mal) interprétée comme anti-progressiste.

Que ces critiques persistent, même infondées. Il était tellement peu « anti » qu’en 1981, il s’est plu à rêver d’un « socialisme de la liberté », garanti par l’action combinée de petits groupes autogérés et reliés entre eux grâce à l’arrivée prochaine de l’ordinateur individuel.

 

(1) « À contre-courant : entretiens avec Jacques Ellul », La Table ronde, 8,90 €.

Jorge Riechmann : “‘Trantsizio energetikoa’ lematzat duen bizimodu inperialak ez gaitu infernutik aterako”
Estitxu Eizagirre
www.argia.eus/albistea/trantsizio-energetikoa-lematzat-duen-bizimodu-inperialak-ez-gaitu-infernutik-aterako

 

Ekologismoa trantsizio energetikoaren dilemen aurrean gaiaz mintzatu da Jorge Riechmann ekologista ezkertiar antikapitalista Gasteizen, Araba Bizirik taldeak antolatuta. Adrián Almazán unibertsitateko irakasle eta Araba Bizirik taldeko kideak gidatu du solasaldia. Riechmannek klima larrialdiaren aurrean dauden hiru bideez hitz egin du eta hirugarren bidea defendatu du: energia eta material kontsumoak asko gutxituta eta gizarte berdintasuna garatuta egingo dena. Bi sektore jo ditu estrategikotzat aldaketa horretan: garraioa (auto elektrikoa ez dela irtenbidea azaldu du, garraio publikoa baizik) eta elikadura (“badakigu norantz egin behar dugun: agroekologiara”, esan du). Bere liburu berriaren mamiaz ere aritu dira: Ekologismoa; iragana eta oraina, etorkizunari buruzko pare bat ideiarekin.

Jorge Riechmann Madrilgoa da, Ekologistak Martxan eta Ezker Antikapitalista taldeetako kidea. “Hankutsik den ekologismo soziala” (dekrezentista) bultzatzen du. Madrilgo Unibertsitate Autonomoko etika eta filosofia politikoko irakasle da eta poesia idazten du, ekologiari buruzko saiakera lanez gain.

Gasteizen eman duen hitzaldiaren sarreran salatu du klima larrialdiaren aterabideak planteatzerakoan, propio gaia sinplifikatu eta ikuspegi murritza zabaltzen duela indarrean den diskurtsoak: trantsizio ekologikoa soilik trantsizio energetikoarekin lotzen duela, eta trantsizio energetikoa berriztagarriak gehitzearekin parekatzen duela. Trantsizio ekosoziala askoz gehiago dela oroitarazi du: mugikortasun eredua lantzea, elikadura sistema lantzea, biodibertsitatearen suntsiketa ere planteamenduen oinarrian kontuan hartzea… Baina energiaren gaira etorrita, hiru bide daudela azaldu du: orain arte bezala jarraitzea edo are gehiago azeleratzea da lehena; “trantsizio energetikoa” deitzen zaion aterabidea, kapitalismo berdea alegia, hori da bigarren bidea; eta hirugarren bide bat ere badagoela oroitarazi du, dekrezimendu azkarra eta inoizko gizarte berdintasun handiena oinarri izango dituena.

A bidea, ultraeskuina eta infernuko atea

Riechmannek azaldu du klima larrialdiaren aurrean dagoen bideetako bat dela orain arte bezalaxe jarraitzea, “edo are gehiago azeleratzea gizarte industrialen garapena, eta erregai fosiletan oinarritutako energia gero eta gehiago erabiltzeko modua bilatzea”. Jarrera honen barruan kokatu du ultraeskuina, zeinak feminismoaren eta ekologismoaren aurkako diskurtsoak zabaltzen dituen eta Trumpek bere diskurtsoetan haizatzen duen, “zulatu, neskatxa, zulatu” esalditxoa errepikatuz. “Bide honek desastre handi batera garamatza. Nazio Batuetako idazkari nagusi den Antonio Guterresek esana duen moduan, infernuko ateak zabaltzen dizkigu”.

B bidea, premisa faltsuak eta bizitza inperialak

Bigarren bidea, “trantsizio energetikoa” izenean haizatzen dutenena, kapitalismo berdea da eta “premisa faltsuetan oinarritzen dela” adierazi du Riechmannek. “Aditzera ematen dute posible dela trantsizioa egitea, sozialki aldaketa esanguratsurik egin gabe”. Ongizatea eta garapena ulertzeko modua kapitalismoaren berbera du, eta “bizitza inperialen” kontsumo moduei jarraitzen die. Baina Riechmannek iragarri du “bide horrek ez gaituela infernutik aterako”: berriztagarriak izugarri hazita ere, eredua bera aldatzen ez bada, lortuko den bakarra erregai fosilak zerbait gutxiago kontsumitzea izango dela azaldu du.

Hitzaldian zehar “trantsizio energetikoa” terminoa bera auzitan jarri dute publikotik egin diren hitzartzeetan, eta Riechmannek oroitarazi du historian inoiz ez dela energiaren gaian trantsizio bat gertatu: “Sekula ez da bektore energetiko batetik beste bektore energetiko batera pasatu”, energia iturri berriak aurreko energia iturriei gehitu egin zaizkie. “Eta aski da matematika soil batzuk egitea ohartzeko erregai fosilak opari geologiko bat direla, pozoitutako oparia. Ez dago ezer haiek eman diguten indarra emango digunik. Eolikoen bidez argindar unitate bat lortzeko 25 aldiz material gehiago behar da ikatz zentral batek behar duena baino. Horrekin ez dut esan nahi, noski, ikatz zentralekin eta beste erregai fosilekin jarraitu behar dugunik, esan nahi dudana da, askoz energia gutxiagorekin bizi behar dugula“.

Bada D bide bat, sektore txikiek bere egin dutena

“Ez al dago irtenbiderik?” galdera erretorikoa entzun da Artiumeko aretoan. “Bai, baina oso zaila”, aitortu du Riechmannek: “Dekrezimendu azkarra behar da eta inoiz ezagutu ez dugun gizarte berdintasun maila. Gizarte postkapitalista bat“. Energetikoki eta materialki austeroa litzatekeen gizartea, alegia. Baina garbi du Riechmannek: “Gizarte berdintasunik gabe ez dago modurik dekrezentismoari leku egiteko. Horregatik landu behar dira ekosozialismoa eta ekofeminismoa“. Publikoko galderei erantzunez, azaldu du ekofeminismoak planteatu duen ariketa egitea oinarrizkoa dela: “Pentsa dezagun zer dugun benetan beharrezko, bizitza esanguratsuak izateko. Eta azter dezagun benetan beharrezko den ondasun horiek noren esku dauden, eta nola antolatu ditzakegun horien ekoizpena eta banaketa, beti ere, Lurraren mugen barruan“. Bide horrek mundu mailako justizia soziala lantzen duela dio Riechmannek: “Kontua ez da urruneko lehengusuekin onbera izan behar dugunik justizia edo moral kontu hutsengatik; baizik, infernua saihestu nahi badugu, kooperatu beharra daukagulako“. Antimilitarismoa indartzea ere beharrezko ikusi du, bide horretan. Eta Almazánek azpimarratu du “kontrakulturak jokatu dezakeen papera, bestelako bizimodu ereduak eta balioak lantzeko“. Egungo gizartean, sektore txikiek egiten dute bere, hirugarren bide hau.

Mugimendu ekologistaren dilemak hiru ateen aurrean

Hiru bide hauen aurrean, zer jarrera hartu behar dute mugimendu ekologistek? Ez dagoela bide errazik adierazi zuen Riechmannek:

Esaten badugu askoz energia gutxiagorekin bizi behar dugula, esaten ari garena da kapitalismotik atera behar dugula, eta hori esanda marginaltasunean geratzen gara, talka egiten duelako ongi bizitzeaz gizartean nagusi den ideiarekin“.

Beste ahulgunea da, energia eta material gutxiagorekin bizitzeak zuzenean dakarrela “pobretze material” bat, eta horri aurre egiteko ezinbestekoa dela gizarte berdintasuna bermatzea, bestela egun oso prekario dauden jendeek ezingo diotelako egoera horri aurre egin: “Egun ez dugu indarrik gizarte berdintasunean aurrera egiteko, eta hori lortu gabe, ezin dugu bermatu sozialki bizimodu onik“.

Baina kapitalismo berdearen doinura dantza egiteak ere baditu bere arriskuak mugimendu ekologistarentzat, Riechmannek ohartarazi duenez: “Hori laster kontra etorriko zaigu, ze herritarrek esango digute, berriztagarriekin bizimodu onaren promesa egin geniela eta ez dela horrela izan“.

“Badakigu norantz egin behar dugun: agroekologiara”

Ekologismoak laborariekin eta nekazal eremuekin aliantzak egitea “lehentasunezkoa” dela adierazi du Riechmannek, publikoaren galderei eranzunez. Azaldu du “badakigula norantz jo behar dugun: agroekologiara. Agroekologia oso ongi definituta dago, ezagutza eta praktika sendoak ditu“. Agroekologian ari diren laborariak indartzearen eta ugaritzearen aldeko mezua eman du.

Aldi berean, kaleetan mobilizatu diren baserritarrei erreferentzia eginez, zehaztu du horien artean ere badirela aliatu potentzialak: “Denak ez dira elikadura industriaren kapitalista handiak. Bereizi egin behar dira, horietako batzuek sentitzen dute tranpan harrapatuta daudela, eta elkarri lagundu behar diogu askatzen. Hori da bidea, politikoki artikulatu behar dira aliantza horiek“.

Almazánek bat egin du ideia horrekin, eta esan du elikaduraren sistema eraldatzea lortuko balitz, hori litzatekeela klima larrialdiaren aurrean lorpen estrategikorik indartsuena: “Egun kutsakorrenetakoa den sektorea agroekologiara aldatzea lortzen badugu, horrek dakarren aldea itzela da. Horregatik dago politikoki hain auzi indartsua elikaduran“.