Colère froide
Paul Quinio – Editorial
www.liberation.fr
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Une canicule qui va s’installer sur l’ensemble du territoire métropolitain pour une grosse semaine au moins, peut-être plus longtemps sur le sud du pays. Et une colère froide, celle de Christophe Cassou, climatologue membre du Giec. Interrogé par Libération, il déclare ceci : « Je suis dans une forme de colère, car ce qu’on vit était anticipable et correspond à ce que les faits scientifiques disaient depuis longtemps. Comment être encore aujourd’hui dans ce déni de gravité ? Comment tenir encore aujourd’hui des discours « rassuristes » ? Ça n’a pas de sens ! « Et Christophe Cassou de prévenir qu’il sera bientôt trop tard pour chercher à s’adapter à ces événements caniculaires, non seulement de plus en plus fréquents mais de plus en plus intenses. Fréquents ? Les deux dernières canicules datent de… mai et juin de cette année. Et celle que nous connaissons actuellement sera la 25è en vingt-trois ans, alors qu’entre 1947 et 1999 soit cinquante-trois ans, il n’y en avait eu que 17. Intense ? Cette canicule de juillet pourrait l’être davantage que la vague de chaleur qui avait endeuillé la France en 2003. 15 000 morts pour rappel. Qu’avons-nous fait depuis ? On s’est adapté. A l’époque, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei avait réagi à la canicule depuis ses vacances. Elisabeth Borne a promis que son gouvernement serait sur le pont. Service incendies, Ehpad, autorités sanitaires, plans Orsec en veux-tu en voilà sont prêts à être déclenchés si besoin. C’est une bonne chose. Il y aura sans doute moins de morts qu’il y a dix-neuf ans. Mais si s’adapter est nécessaire, c’est aussi regarder ses pieds pendant que la maison brûle. L’heure n’est plus à l’adaptation mais à la transformation de nos modes de vie, de production, de consommation, et pas seulement d’énergie, de travail, de transports, de loisirs, de vacances. Parlons-en de vacances. La canicule est en train de transformer en cauchemar celles de certains juilletistes. Mais nous allons attendre celles de l’an prochain pour être vraiment sûrs que la canicule de 2022 n’était en fait pas historique mais tragiquement banale.
Quand le RN dépolitise le climat
Clémence Dubois, Responsable France pour 350.org
www.politis.fr/articles/2022/06/quand-le-rn-depolitise-le-climat-44617
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Alors que le déni environnemental n’est plus tenable, l’extrême droite tente d’adapter son discours. Entre isolationnisme absurde et culpabilisation des citoyens.
Le mouvement climat a ardemment travaillé à politiser la crise climatique, pour la transformer en sujet prévalant dans tout positionnement politique. Il reste qu’il fut surprenant d’entendre Jordan Bardella, dans l’entre-deux-tours des élections législatives, nommer le dérèglement climatique comme le plus grand défi auquel nous soyons confrontés. À mesure que les conséquences de la crise climatique sont de plus en plus tangibles pour la population, le déni n’est plus une option, y compris pour l’extrême droite, qui adapte sa rhétorique afin d’atteindre des objectifs qui, eux, demeurent inchangés.
Marine Le Pen propose ainsi de démanteler le parc éolien, qu’elle décrit comme « un saccage économique et écologique ». Elle préfère laisser Total développer des oléoducs comme Eacop – qui menace la sécurité alimentaire de millions de personnes à travers l’Afrique de l’Est – plutôt que de conserver des éoliennes qui « gâchent le paysage immémorial de la campagne française ».
Il existe une continuité entre les propositions de retranchement nationaliste de l’extrême droite et son projet dit « écologique ». Celui-ci est fondé sur un isolationnisme chauvin qui imprègne de manière diffuse et néfaste le discours autour du climat. Marine Le Pen a ainsi décrié le cadre des négociations climatiques internationales, qui auraient, selon elle, trop occupé la diplomatie française ces dernières années, plutôt que la défense des intérêts de la France. Il n’existe pourtant strictement aucun argument rationnel en faveur d’un tel isolationnisme. Se concentrer sur la réduction de ses propres émissions tout en continuant à importer celles des autres est une tartufferie.
Le discours tendant à se féliciter, dans les premiers temps de la pandémie, de la baisse immédiate de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre relève d’une même mécanique. Il s’appuie sur le constat abject que seule une mise à l’arrêt totale de « ces humains les virus » permettrait de résoudre la crise climatique, rendant toute initiative caduque puisque irréalisable. Aussi, en rejetant la faute sur tout un chacun plutôt que sur les commanditaires réels du choc climatique, ce discours a dilué toute lecture politique des structures véritables de la crise. Le positionnement « écologique » de l’extrême droite est du même acabit, puisque par l’exacerbation des peurs et l’absence de solutions concrètes il se place en profiteur direct de cette crise.
À mesure que la crise climatique et sociale s’aggrave, le désespoir va inexorablement devenir un puissant moteur pour de telles thèses. Il est évidemment plus facile de discourir sur la surpopulation, avec la haine de l’autre en toile de fond, et de légitimer des lois anti-immigration à l’approche malthusienne que de proposer d’endiguer la surconsommation des pays riches ou de s’attaquer aux multinationales responsables de cette fuite en avant.
Pour contrer ces discours dangereux, nous avons le devoir de répondre par des solutions concrètes et d’exposer les enjeux de pouvoir qui ont engendré et continuent à amplifier le dérèglement climatique. Alors que les pénuries sont vouées à se multiplier, la seule issue réside en un front solidaire poussant les pays riches vers le partage plutôt que la thésaurisation de leurs richesses. Et vers le financement des mesures d’adaptation pour les pays les moins responsables de la crise, quoique les plus touchés par ses effets.
L’éducation aux causes profondes de la crise climatique est un enjeu crucial pour l’équilibre social des années à venir : l’action climatique n’est pas un débat d’idées ouvert aux thèses les plus farfelues, elle est un chemin rationnel guidé par une prise en compte des structures mondiales des systèmes de pollution et des rapports de force internationaux qu’ils sous-tendent.
Il est enfin impérieux de se tourner vers la jeunesse, qui, si elle s’est constituée en force de premier plan dans la rue, continue malheureusement d’être marginalisée au sein des initiatives politiques et, logiquement, se détourne des outils de décision politique traditionnels. Voire s’égare auprès d’une extrême droite qui engrange des résultats records dans ses rangs.
Énergies fossiles : « Au nom de la guerre en Ukraine, ne ressortons pas tous les projets enterrés ! »
Collectif
https://basta.media/Lettre-ouverte-Amis-de-la-terre-gaz-energies-fossiles-au-nom-de-la-guerre-en-ukraine-ne-ressortons-pas-tous-les-projets-enterres
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En Lorraine, une entreprise surfe sur les débats sur la dépendance au gaz russe pour promouvoir son projet de gaz de couche. Dans cette lettre ouverte, des organisations demandent au gouvernement de ne pas relancer ces projets fossiles.
Lettre ouverte à Emmanuel Macron, Élisabeth Borne (Première ministre), Agnès Pannier-Runacher (ministre de la Transition énergétique) et Christophe Béchu (ministre de la Transition écologique).
Profitant de la guerre en Ukraine et des tensions énergétiques, des entreprises gazières tentent de relancer leurs activités en faisant miroiter l’indépendance ou des réserves mirifiques – en réalité inexploitables -, et en avançant des arguments fallacieux pour tenter de faire reculer le gouvernement sur ses engagements climatiques [1].
En Lorraine, l’entreprise « La Française de l’Énergie » surfe sur les débats actuels sur la dépendance de l’Europe au gaz russe pour relancer sa campagne de communication dans le but d’obtenir une autorisation pour extraire du gaz de couche de charbon. En réalité, une très faible part de ces réserves est réellement récupérable [2].
L’obtention du permis « Bleue Lorraine », impliquerait le forage de 400 puits sur 191 km2 et mettrait en péril la ressource en eau potable, détruirait des terres agricoles, et libérerait d’importantes quantités de méthane, puissant gaz à effet de serre.
Un projet de gazoduc entre la Catalogne et les Pyrénées orientales pour le gaz de schiste
Collectifs, associations, citoyens et même élus ont alerté depuis plusieurs années sur les risques de ce projet, et demandé au gouvernement français de rejeter cette demande de concession. Ils s’inquiètent aujourd’hui de l’opportunisme de cette entreprise spéculative qui espère tirer profit de la situation géopolitique pour faire entrer les réserves de gaz dans les actifs de l’entreprise.
Ces pressions de l’industrie gazière ne sont pas isolées. En Catalogne, l’Espagne propose de relancer la construction du gazoduc MidCat – 120 km entre la Catalogne et les Pyrénées orientales- afin d’y faire transiter du gaz de schiste nord-américain, livré en Espagne sous forme liquéfiée (GNL).
La Commission européenne est sollicitée pour réactiver cette interconnexion, cette fois en changeant de sens le flux gazier : en 2017, il était prévu d’y faire passer du gaz russe dans le sens France-Espagne et aujourd’hui ce serait du gaz de schiste nord-américain dans le sens Espagne-France. Ce projet ne peut répondre au problème d’approvisionnement actuel : il faudrait plusieurs années pour que ces infrastructures soient opérationnelles. Ces fausses solutions ne feraient que nous enfermer davantage dans notre dépendance aux énergies fossiles et repousser le problème.
Le piège serait d’autoriser des projets, en réaction immédiate à l’actualité
Certains en profitent même pour tenter de remettre sur la table des études sur le gaz de schiste et des terminaux gaziers ; projets qui avaient été interdits ou abandonnés. Rappelons que peu importe la provenance et la méthode de production, il faut s’attendre à l’avenir à des tensions récurrentes sur le prix des énergies fossiles.
Le piège serait d’autoriser des projets, en réaction immédiate à l’actualité, et de se retrouver face à des conséquences catastrophiques dans les prochaines années. Pourtant il existe des rapports qui nous montrent comment se passer des importations russes sans nouvelles infrastructures et sans nouvelles exploitations fossiles.
Le nouveau gouvernement sera-t-il aveuglé par la crise énergétique au point de perdre de vue la menace climatique ? Sortir des énergies fossiles est une urgence absolue reconnue par l’ensemble de la communauté scientifique. Il serait aberrant qu’après l’énième alarme du GIEC, la France contribue encore au développement des énergies fossiles.
Deux choix opposés s’offrent à vous : allez-vous vous engager vers de vraies solutions d’avenir ou tomber dans le piège qui consiste à reculer pour soi-disant mieux sauter ?
La France – et l’ensemble des pays européens – doivent dire halte aux fausses solutions !
Le chemin à suivre est celui d’une vraie transition énergétique, de la sobriété, de la modification de nos modes de consommation et de transport. La crise internationale actuelle nous invite à cesser sans délai la course en avant dans le domaine des énergies, quelle qu’en soit la source – et à rompre notre dépendance aux énergies fossiles d’où qu’elles proviennent.
Nous exigeons du nouveau gouvernement et de nos députées et députés qu’ils démontrent leur capacité à être à la hauteur des enjeux climatiques.
Ni fossiles, ni fissiles, ni ici ni ailleurs.
Signataires :
350.org, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, Fondation Danielle Mitterrand (France Libertés), Aitec, Attac France,…
La désertion, germe d’une contre-société
Gaspard d’Allens
https://reporterre.net/La-desertion-germe-d-une-contre-societe
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Loin d’être un inoffensif abandon, la désertion émerge comme une nouvelle stratégie de lutte face aux désastres de l’époque. Pour ses acteurs, il s’agit de « la première brique d’une émancipation collective ».
Vous lisez le second volet de notre enquête « La grande démission ». Le premier volet se trouve ici et le troisième là.
Un vent de panique gagne les classes dominantes. Face à la multiplication des appels à déserter, les défenseurs de l’ordre établi montrent des signes de fébrilité. Quelques jours à peine après la déclaration des jeunes d’AgroParisTech à ne « pas perpétuer le système » et à « refuser les jobs destructeurs », on a assisté à un déferlement de critiques et d’insultes pour blâmer leur « lâcheté » et leurs inconséquences. Une campagne de dénigrement a été menée par les milieux économiques et la presse de droite.
Pour eux, déserter serait synonyme de mise en retrait, d’abandon, de passivité. Ce serait un « aveu d’échec », « une forme de renoncement ». « Au lieu d’être dans l’action, ces étudiants sont dans le repli », déplore ainsi leur directeur d’école dans Les Échos. « En désertant, votre impact sera faible », prétend le président des chambres d’agriculture. Certains éditorialistes sont même allés jusqu’à rendre cette joyeuse bande responsable de la faim dans le monde.
Désenchantement radical
L’acceptabilité sociale sur laquelle repose le système économique s’effrite. Malgré ses promesses de renouvellement, avec l’utopie cybernétique ou le fantasme de la Silicon Valley, le capitalisme vit aujourd’hui « une phase de désenchantement radicale ». « Les gens n’y trouvent plus de sens et ne s’y reconnaissent plus. Ce n’est pas encore complètement une révolte mais c’est une désaffiliation profonde », estime la journaliste et autrice Celia Izoard [1].
La désertion est une affaire ancienne, à laquelle le système en place a été obligé de répondre. Dans De l’esclavage au salariat, le chercheur Yann Moulier Boutang montre que l’un des moteurs principaux de l’histoire du capitalisme est la fixation d’une main-d’œuvre constamment fugitive : « La capture sans cesse à reprendre du paysan sans terre, du bohémien nomade, de l’apprenti en fuite, du soldat déserteur, de l’esclave évadé, de l’incorrigible vagabond et de tous les réfractaires à la mise en discipline. »
Encore aujourd’hui, le travail est un outil de contrôle social et le capitalisme rêve de nous remettre au pas. Il tente de séduire les classes supérieures avec son « sens washing » [2], sa bienveillance, son côté cool et ses start-up. Et il frappe les pauvres avec une réforme de l’assurance chômage qui détruit le statut de saisonniers et précarise tous celles et ceux qui souhaitent ne pas faire du travail le centre de leur vie.
Malgré cette contre-offensive, ceux qui voient le départ comme une option sérieuse restent nombreux. Selon un récent sondage, 40 % des salariés français interrogés — et 50 % des moins de 35 ans — pensent que le mouvement de la grande démission va se produire en France.
« Il s’agit aujourd’hui de cesser de nuire »
Les gens veulent prendre le large, à l’image du célèbre navigateur Bernard Moitessier. En 1969, alors qu’il était sur le point de gagner la toute première course de vitesse en solitaire autour du monde, le marin décida de ne pas revenir à quai et de poursuivre son voyage pour fuir la civilisation. « Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le monde moderne, c’est lui le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes », écrivait-il dans La Longue Route.
Des Moitessier en puissance, il y en a aujourd’hui des dizaines de milliers. La désertion est le signe de notre temps, l’ultime geste de résistance dans une époque où règne le ravage et où s’abattent sur les mouvements sociaux les violences policières, les gaz et les nasses. La désertion est une éthique individuelle, une nouvelle forme d’objection de conscience.
« Il s’agit aujourd’hui de cesser de nuire. Cela passe dès maintenant par le fait de cesser de coopérer avec le système, affirme ainsi Corinne Morel Darleux dans son essai Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. Nous devons retrouver notre capacité à faire des choix autonomes, réinvestir notre souveraineté d’individu. C’est la première brique d’une émancipation collective des normes que nous impose la société ».
« Fuir, mais en fuyant, chercher une arme »
Les déserteurs s’évadent comme des conscrits fuiraient l’armée. « La désertion n’est pas tant une défaite qu’une manière de se défaire de l’élément grégaire en nous », écrit l’écrivain Dénetem Touam Bona, dans La Sagesse des lianes. Face à la misère du monde, on ne cherche pas à se construire des oasis ou des niches à l’abri de la fureur, mais à se repositionner pour mieux lutter contre la mégamachine et se soustraire à son emprise. « Fuir, mais en fuyant, chercher une arme », écrivait le philosophe Gilles Deleuze.
Cette désertion n’a rien à voir avec la passivité. Pour le collectif des désert’heureuses — un groupe d’ingénieurs en dissidence —, il ne s’agit pas d’abandonner le champ de bataille mais plutôt de changer de camp. La fuite s’impose non plus comme une simple défection mais comme une nouvelle stratégie de lutte. « La désertion est un entraînement mental qui consiste à s’éloigner le plus possible du système, suffisamment pour pouvoir l’observer sous différents angles, et ainsi mieux pouvoir l’attaquer », écrivent-ils dans une brochure.
Johanna est une ancienne polytechnicienne, membre de ce collectif. Pour elle, déserter prend tout son sens puisque « dans cette école, nous avions un statut militaire. Aujourd’hui, c’est la guerre au vivant que nous refusons de mener. La production industrielle à laquelle on nous somme de participer en tant qu’ingénieur est indissociablement civile et militaire. C’est un monde structuré par la guerre et le commerce, qui détruit les écosystèmes et bouleverse le climat », dit-elle.
Dans les témoignages qu’a recueillis Reporterre, nombreux sont les anciens salariés à refuser désormais « la politique de l’entrisme » : « Depuis tout petit, on nous assène qu’il faut changer les choses de l’intérieur, qu’il faut prendre la direction et le pouvoir pour transformer le monde, être bon élève, responsable et patient, raconte l’ingénieur démissionnaire Olivier Lefebvre. Mais, en réalité, on se ment. On perd du temps, on s’épuise. On se confronte à des blocages structurels et finalement, on se perd. On se raconte des histoires pour justifier notre mode de vie confortable. »
Une action peut aussi être efficace à l’extérieur. C’est dans les marges que se sont élaborées les promesses du futur. De multiples alternatives le prouvent, comme Notre-Dame-des-Landes. Bruno Latour ne disait-il pas dans une formule provocatrice que « les zadistes sont les instituteurs de l’État » ?
Mais aujourd’hui, le mouvement de désertion se trouve à la croisée des chemins. « On observe une multiplication des trajectoires individuelles mais aussi une repolitisation des discours qui sont assez radicaux », constate la sociologue Anne Goullet de Rugy. Indéniablement, il y a une dynamique, mais elle avance, pour l’instant, à tâtons. « Comment pouvons-nous accompagner ce mouvement pour lui donner plus de force, se demandent nombre de déserteurs. Comment attiser ce désir ? Comment ne pas se limiter à des initiatives individuelles, trop souvent dispersées et construire une démarche qui soit plus politique ? »
Des pistes s’échafaudent. Partout en France, différents collectifs cherchent à bâtir des points de ralliement pour les fugueurs, des pôles de sécession. La zad de Notre-Dame-des-Landes organisera ainsi des ateliers de la désertion fin août. Une rencontre aura lieu aussi au festival Zadenvie le 8 juillet. Pendant l’été, plusieurs chantiers seront organisés dans différents lieux autonomes, comme aux Lentillères ou dans le Tarn pour inviter les déserteurs à se retrouver.
Faire sauter les verrous d’un autre monde
À terme, des écoles buissonnières et des réseaux de compagnonnage sont imaginés. La désertion est un long parcours qui demande une remise en question et qu’il est difficile d’emprunter en solitaire.
« Le système nous lie et nous tient. Il faut faire sauter les verrous qui nous emprisonnent pour ne pas réserver la désertion à une élite qui en aurait les moyens », pense le philosophe jardinier Aurélien Berlan. Il faut réfléchir collectivement à des moyens de subsistance, bricoler son statut entre missions ponctuelles, un métier plus éthique ou les minimas sociaux. « Il y a tout un imaginaire et une éducation à faire voler en éclats, abonde l’ancien ingénieur Olivier Lefebvre.
Il faut rompre avec la peur du déclassement, déconstruire le mythe de la carrière. Il faut aussi donner à voir l’existence d’un autre monde, la possibilité d’un en dehors. »
« Déserter ne rend pas forcément heureux mais rend libre »
Pour soutenir celles et ceux qui lâchent leur boulot, les désertheureuses mettent à disposition des brochures et des témoignages, et veulent désormais aller plus loin : « Il faudrait à l’avenir proposer des méthodologies et des guides pratiques pour faciliter les démarches administratives, aider les gens à s’orienter et avoir les bonnes stratégies face à Pôle emploi, estime Johanna. On s’est formé à l’écoute active, on a créé des groupes de parole pour partager nos difficultés face aux réactions de nos proches et de nos familles. Le soin est important, déserter ne rend pas forcément heureux mais cette démarche rend libre. »
Au sein du groupe « Vous n’êtes pas seuls », cocréé par Romain Boucher, un ancien data scientist diplômé de l’École des mines, l’objectif est le même : « On veut parler aux gens qui sont coincés dans le système et qui ne trouvent pas d’issue. On veut leur donner la possibilité de démissionner, de se confronter à leur hiérarchie, voire de devenir lanceur d’alerte en communiquant sur les pratiques de leurs entreprises. »
Une multitude d’initiatives abondent pour ouvrir l’horizon aux candidats déserteurs. Dans le domaine agricole, l’Atelier paysan en est un parfait exemple, coopérative qui fabrique les machines-outils agricoles avec les paysans, se présente comme « un débouché pour les futurs déserteurs » : « Nous avons besoin des compétences des bifurqueurs, des anciens ingénieurs, des commerciaux, des financiers, mais pour les rediriger, et les mettre au profit d’une autre fin. C’est une contre-société qu’il faut créer avec sa culture politique et ses alternatives », dit Nicolas Mirouze, un paysan vigneron dans les Corbières. Il avait lui-même déserté AgroParisTech il y a vingt ans avant de devenir sociétaire de l’Atelier paysan. « Nous, les anciens, on doit accueillir les nouveaux, leur faciliter le terrain, être solidaire. Mais surtout, on doit se battre ensemble, assumer le rapport de force et la conflictualité face au modèle dominant. L’époque où on pouvait déserter seul dans son coin, c’est fini. »
'Naturarekin kontaktu emozionala txikitu da; berreskuratu behar da'
Jone Arruabarrena
www.berria.eus
«Naturarekin kontaktu emozionala txikitu da; berreskuratu behar da»
Jone Arruabarrena
www.berria.eus/paperekoa/1855/008/001/2022-07-13/naturarekin-kontaktu-emozionala-txikitu-da-berreskuratu-behar-da.htm
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Ikerketa batek baieztatu duenez, Euskal Herriko haurrek erraztasun handiagoa daukate kanpoko espezieak izendatzeko, bertakoak baino. Diezen arabera, umeek naturara hurbildu behar dute, «ikertzera».
Euskal Herriko gazteek ez dituzte bertako animalia eta landare espezieak ezagutzen. Hori izan da EHUk eta Aranzadik elkarlanean egin duten ikerketaren ondorioetako bat. Ikerketa taldeko kidea da Joserra Diez (Bilbo, 1970), Biologian doktorea eta EHUko Hezkuntza Fakultateko irakaslea, eta azterlanaren gakoak azaldu dizkio BERRIAri.
Zer garrantzi dauka biodibertsitatearen ezagutzak?
Egungo testuingurua erronkaz beterik dator: esaterako, klima aldaketa eta biodibertsitatearen galera. Lehenengoari buruz sarritan hitz egiten digute, baina biodibertsitatearen galerari buruz hitz egitean lehoia eta katamotza soilik etortzen zaizkigu burura; tamalez, gutxitan azaldu digute biodibertsitatea funtsezko kontzeptua dela.
Zer zentzutan?
Biodibertsitateak, animaliez eta landareez gain, gainontzeko bizidunak hartzen ditu barruan. Esaterako, onddoak, mikroorganismoak, bakterioak eta birusak. Baina zerbait konplexuagoa ere bada: dibertsitate genetikoa, espezien dibertsitatea eta espazioen dibertsitatea. Jakiak, medikamentuak, baliabideak eta energiak ere ematen dizkigu, baita ezinbesteko zerbitzuak ere: klima erregulatzea, ura araztea eta higadura kontrolatzea.
Ezagutza hori berreskuratzeko hezkuntza hartu duzue tresnatzat.
Bai, azken urteotan horri begira jarri gara gure ikerketa taldean: biodibertsitatearen hezkuntzan hobeto nola irakatsi aztertzea da ikerlanaren helburua.
Zein izan da azterlanaren subjektua?
Euskal Herriko 12 eta 13 urte bitarteko 1.000 gazteren fauna eta floraren inguruko ezagutza aztertu dugu, bai eta horiekiko eta naturarekiko daukaten interesa ere.
Nola ikertu duzue interes hori?
Ikasleei buruan dituzten espezieak zerrendatzea eskatu zaie, hamar animalia lehenik eta hamar landare jarraian, haien errepertorio mentala eskuratu nahian. Horrez gain, aztertu nahi izan dugu ezagutza horretan zer faktorek eragiten duen gehien: naturarekiko interesak, bizilekuak, eskola motak, per capita errentak eta animaliekiko edo landareekiko lehentasunak.
Zer emaitza izan ditu ikerketak?
Ikasleen %82,8 hamar animalia izendatzeko gai izan dira, baina %7,4 baino ez da izan hamar landare izendatzeko gai. Ikusi dugu landareekiko itsutasuna deituriko fenomeno bat gertatzen dela.
Zertan datza fenomeno hori?
Gizakiok landareei muzin egiteko daukagun joera da. Esan nahi du ikasle horiek landareei begiratzean belarra ikusten dutela; ez dituzte espezie ezberdinak ikusten, ez dituztelako ezagutzen, eta, beraz, ez dituztelako bereizten. Garrantzitsua da gizartean begietatik benda hori kentzea eta bizkarra gehiago ez ematea landareei. Era berean, landareek duten egundoko garrantzia onartu behar dugu, gure bizitzaren euskarria baitira Lur planetan.
Biodibertsitatearen ezagutzan eragiten duten aldagaiak ere aztertu dituzue.
Bai. Alde horretatik, ikusi dugu ikasleen herriaren tamaina erabakigarria dela animalia eta landare espezieak ezagutzeko orduan. Herria zenbat eta txikiagokoa izan populazioari dagokionez, orduan eta bertako espezie gehiago zerrendatu dituzte ikasleek, eta atzerriko edo exotiko gutxiago. Ostera, herria zenbat eta handiagoa, atzerriko espezie gehiago aipatu dituzte. Batez ere nabarmena izan da animalien kasuan.
Zer espezie ezagutzen dituzte gehien?
Gehien aipatutako animalia espezieak lehoia, tigrea, otsoa, basurdea eta hartza dira. Otsoa, adibidez, herri txikietakoetan. Lehoia, hiri handietan. Ordea, ornogabe edo anfibioak, esaterako, apenas aipatu dira, nahiz eta ornogabeak talde oso ugaria eta anitza izan eta anfibioak mundu osoan mehatxurik handiena duen ornodun taldea diren.
Landareen kasuan, haritza, pinua, astigarra, pagoa eta arrosa izan ziren.
Hain zuzen, anfibioak dira galtzeko arrisku handiena daukatenak. Zer lotura dauka horrek ezezagutzarekin?
Aipatzen ez diren espezieak seguruenik ez dira ezagutzen, imajinario kolektiboan ez baitaude. Eta ezagutzen ez duguna nekez testuinguratu dezakegu, haren falta sumatu edo haren alde egin. Eta horrek hermetikoagoak egiten gaitu, ekosistemak mespretxatuz.
Native species awareness disparity kontzeptua ere proposatu duzue zuen ikerketan. Zer da?
Espezie autoktonoen aurrean dugun kontzientziarik eza da. Nabarmendu nahi izan dugu gure gazteek ez dituztela bertako espezieak ezagutzen, eta ez dituzte kanpokoengandik bereizten ere. Eta hori oso arazo larria da. Esate baterako, espezie inbaditzaileak biodibertsitate galera iturri garrantzitsua direlako.
Globalizatuta dago biodibertsitatearen ezagutza, jatorri ezberdinetako ikasleei galdetuta ere?
Bai, beste ikertzaile batzuek mundu osoan oso emaitza antzekoak aurkitu dituzte. Bi motibo daude: bata, hedabideak, eta bestea, erabiltzen ditugun baliabideetan kanpoko espezie ikusgarriak nabarmentzen direla.
Zer eragin dauka ezezagutza horrek klima aldaketan, esaterako?
Eragina bi norabidekoa da. Batetik, nekez imajina dezakegu klimaren aldaketak nola eragingo dien ezagutzen ez ditugun espezieei eta haien ekologiari. Eta alderantziz, klima aldaketaren eraginez gero eta espezie gehiago ari dira desagertzen, migrazio patroiak aldatzen… eta, horiekin batera, horiek ezagutzeko aukera.
Oraingo umeekin alderatuz gero, esaterako, gure aitona-amonek zer-nolako ezagutza zuten ingurumenaz?
Guztiz murriztu da. Kontaktua galdu da, eta ohikoa da gure umeak pantaila bati begira ikustea, loreak batzen edo zuhaitzetara igotzen ikusi beharrean. Naturarekin kontaktu emozionala txikitu da, eta harekiko dugun pertzepzioa ere aldatuz joan da. Hezkuntzak zeregin handia du horretan guztian ere, heldu eta gazteen naturarekiko konexioa berreskuratzen.
Ze modutan zabaldu behar dira biodibertsitateari buruzko mezuak umeek barnera ditzaten?
Naturaltasunez naturarekin kontaktua suspertzen. Baina kontaktua ez da nahikoa, ezta ere aditu baten laguntzaz espezieak behatzea. Umeak naturara hurbildu behar dira zerbait ikertzera, ikerketa galdera zehatzak erantzutera. Eskola guztietatik metro gutxi batzuetara berdegune bat, erreka bat edo baso bat dago, seguru.
Pokemonen adibidea aipatu duzue ikerketan.
Erresuma Batuan egindako ikerketa batean, 4-11 urteko umeei pokemonen eta bertako espezieen hamar irudi eman zitzaizkien identifikatzeko. Emaitza harrigarria izan zen: Pokemon espezieen ezagutza %80ra iristen zen 8 urtekoen artean. Ostera, apenas ezagutzen zuten espezie basatien %3. Beraz, hortik bi ondorio nagusi atera ditzakegu: umeek gaitasun harrigarria daukatela ezagutzeko, sailkatzeko eta memorizatzeko, eta hezitzaileok asko dugula ikasteko Pokemonen diseinatzaileengandik