Articles du Vendredi : Sélection du 14 mai 2021


Climat: où est passée la colère?
Jade Lindgaard
www.mediapart.fr/journal/france/100521/climat-ou-est-passee-la-colere

Marche sans revendication offensive, controverse stérile sur un hypothétique référendum, discussion au Sénat d’une loi vide de sens : on n’a jamais autant parlé de climat pour en dire si peu. Face au travail de sape institutionnel, le mouvement climat apparaît en panne de stratégie.

Dimanche 9 mai, dans la marche parisienne pour le climat et contre la loi vide de sens en cours d’examen parlementaire, les percussions des batucadas jouent fort. Leur volume sonore contraste avec la sagesse des slogans affichés sur les pancartes et les banderoles : « loi votée = zéro pointé », « pour une autre loi climat »,« loi climat = loi caca ». Des panneaux décomptent les propositions de la Convention citoyenne pour le climat absentes du texte législatif. À l’exception des slogans drôlissimes apparus lors des fridays for future des lycéen·ne·s, tout ou presque tourne autour de la loi Climat et résilience. Peu de chants, pas de cris. Pas de tags rageurs sur les murs. Seules des affiches publicitaires de banques détournées en « addicts aux énergies fossiles » et collées tout au long du parcours créent un paysage d’indignation.

Des dizaines de milliers de personnes marchent sagement dans les rues de la capitale. « Une fois encore, le succès de cette marche démontre que le mouvement climat est devenu un mouvement social d’ampleur en France, qui a permis de démocratiser l’enjeu climatique dans l’ensemble de la société »,déclare la porte-parole d’Alternatiba, une des organisations à l’origine de la marche, dans un communiqué victorieux.

Mais rassembler une foule suffit-il à créer un mouvement social ? Et peut-on crever l’inertie institutionnelle sans établir de rapport de force ?

Derrière la banderole de tête, le documentariste et garant de la Convention citoyenne Cyril Dion dit qu’« [i]l vaut mieux une mauvaise loi “Climat” que pas de loi du tout ». On pourrait pourtant rouvrir la question qu’il semble si vite vouloir refermer : est-ce vraiment mieux ? Compte tenu du nombre de lois, décrets, règles et principes constitutionnels déjà existants, était-il si important de voter une loi inutile sur un sujet vital?

C’est la réussite de l’exécutif dans la séquence ouverte depuis l’annonce de la création de la Convention citoyenne pour le climat : réduire la discussion publique aux compétences des 150 personnes tirées au sort, puis à ses résolutions, puis à ce qu’il en reste dans la loi. Le détournement politique du drame climatique a parfaitement fonctionné. L’innovation démocratique de cette convention, réelle et féconde pour ses participant·e·s, a été mise au service du rouleau compresseur de la communication gouvernementale. Même insatisfaits et critiques, les défenseurs de la convention continuent de ne parler que de cela.

En s’engouffrant dans la brèche de cette déception collective, les ONG et collectifs organisant les marches pour le climat sont aussi tombés dans le piège. Il n’y a rien à attendre sur le climat d’un pouvoir aussi sourd et aveugle à la gravité des destructions environnementales et de l’écocide en cours. De conférence de presse en marche de masse, les associations écologistes dénoncent les insuffisances de la politique du gouvernement. Elles se répètent et désamorcent leurs discours à force de scruter des mesures insuffisantes. Elles s’engluent dans un dispositif institutionnel qui se retourne contre elles. C’est une problématique bien connue des mouvements anti-nucléaires, aspirés par des dispositifs de démocratie participative sans aucun pouvoir de décision, qui les usent et les noient dans des interfaces bureaucratiques sans prise avec le réel.

Il y aurait pourtant une tout autre scène à rendre visible : la catastrophe en cours, en arrière-plan des demi-mesures de l’exécutif français. Le 3 avril, l’Observatoire du Mauna Loa, à Hawaï, a mesuré le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère : 421 parties par million (ppm). C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que ce taux dépasse 420 ppm. Le franchissement de ce seuil signifie que les humains sont à mi-chemin d’émettre deux fois plus de CO2 qu’avant l’ère industrielle. La fonte des glaciers en raison du réchauffement de la planète atteint un tel niveau que des chercheurs se demandent si ce phénomène n’est pas en train de modifier l’axe de la Terre.

Des scientifiques travaillent désormais l’hypothèse de points de bascule du climat : certains phénomènes tels que la fonte de la calotte glaciaire arctique, du pergélisol (le sous-sol gelé) ou le ralentissement du Gulf Stream pourraient avoir des effets en cascade, systémiques et irréversibles. La forêt amazonienne subit une telle dégradation, notamment en raison de la déforestation, dans sa partie brésilienne qu’elle est devenue émettrice de CO2, d’après un récent article de Nature. Pendant ce temps, le gouvernement annonce sa volonté d’urbaniser le triangle de Gonesse, ces terres agricoles dans le Val-d’Oise défendues depuis 10 ans par le mouvement écologiste. L’artificialisation des terres est l’une des principales sources de gaz à effet de serre. C’est une cause massive et mondiale de destruction de la biodiversité, comme l’a rappelé la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) en 2019. En Haute-Loire, le conseil régional de Laurent Wauquiez veut aménager une déviation de la RN88 qui impacterait 29 fermes de moyenne montagne et 140 hectares de terres. À Montpellier, le département veut construire une liaison inter-cantonale d’évitement nord qui détruirait 70 hectares d’espaces naturels et agricoles, selon le collectif SOS Oulala. À Besançon, la mairie veut construire un éco-quartier sur des jardins ouvriers. À Aubervilliers, les JO financent une piscine d’entraînement olympique sur 4000 m2 de jardins ouvriers. À Dijon, la mairie expulse le jardin collectif de l’Engrenage dans un quartier populaire pour faire place au chantier d’un éco-quartier. Et envoie les machines évacuer la terre et y faire des trous, pour s’assurer qu’aucun potager n’y reviendra. Le journal Le Monde révèle les liens financiers entre le pétrolier Total et la junte birmane. Quelques jours plus tard, le groupe annule une campagne publicitaire, dans un geste manifeste de rétorsion.

Où est passée la colère contre ces abus répétés et systémiques ? Ce ne sont ni des errements locaux ni des dysfonctionnements ponctuels. Ce sont des attaques continues contre le vivant. Ce sont les lignes rouges de l’Anthropocène et de l’écocide en cours. Et elles sont franchies en permanence par les décideurs politiques et économiques. C’est un problème systémique qui ne se résume ni à une loi ni à un gouvernement.

En 2009, à Copenhague, le mouvement pour la justice climatique défilait derrière une banderole « Changeons le système, pas le climat ! ». En Allemagne depuis 2015, le mouvement Ende Gelände rassemble des centaines de personnes pour bloquer des infrastructures de l’industrie du charbon. Pour sortir de l’impuissance climatique, il faut nommer les bons adversaires et embrasser la juste échelle d’action. Cela requiert une réflexion stratégique collective et à long terme qui accepte l’idée de confrontation, de blocages et de luttes concrètes.

Sinon, les manifestant·e·s quitteront les mobilisations pour le climat. Et la destruction du milieu de vie se poursuivra, malgré toutes les fausses promesses et tout le greenwashing du monde.



Dans la colère et la joie, un mouvement social se construit
Alternatiba
https://blogs.mediapart.fr/alternatiba/blog/120521/dans-la-colere-et-la-joie-un-mouvement-social-se-construit

Suite à l’article «Climat: où est passée la colère?» de Jade Lindgaard du 10 mai, il nous a semblé important de rappeler que la stratégie du mouvement climat ne se limite pas à des marches festives et des slogans rigolos sur des pancartes.

La colère est tous les jours dans les yeux des militants et militantes du climat. La rage de voir le temps filer alors que l’urgence climatique gronde, la frustration de ne pas réussir à inverser la tendance, l’exaspération face aux manœuvres du pouvoir et la haine, parfois, face à l’inacceptable. Et la stupeur ? L’angoisse ? Aussi bien sûr, surtout en ce moment. Mais la naïveté et la candeur, c’est un procès qui ne nous semble pas juste. La détermination reste sans faille, tout comme la conscience du chemin qui reste à parcourir.

Les dernières années ont vu l’émergence d’un véritable mouvement pour la justice climatique. D’un mouvement écologiste solide mais marginal nous avons vu naître une mobilisation protéiforme qui ne cesse de se renouveler et se renforcer : les collectifs se multiplient, les alliances se diversifient et la mobilisation de la jeunesse insuffle un vent nouveau dans nos luttes. Nos répertoires d’action sont divers et ensemble contribuent à la construction d’un rapport de force. Certains répondent davantage au registre du blocage et de la résistance face au rouleau compresseur de la mondialisation néolibérale tandis que d’autres sont fédérateurs, festifs, maintiennent l’espoir et insufflent une pulsion de vie nécessaire à la mobilisation. Les deuxièmes donnent de la légitimité aux premiers, les premiers renforcent et alimentent la nécessité des deuxièmes.

Nos revendications sont communes et, il est vrai, notre collectif est hétérogène mais n’est-ce pas ce qui en fait sa force ? Les marches climat du 28 mars et du 9 mai ont permis de faire défiler côte à côte syndicalistes et militant·es climat sous un même étendard : celui de la justice climatique et sociale. Depuis 2018, ces mobilisations massives ont aussi été un formidable moyen pour recruter et structurer un réseau décentralisé, en capacité d’investir des luttes locales. Pour avoir un jour les capacités d’organiser des blocages significatifs, nous avons besoin de plus d’activistes déterminé·es dans nos rangs ainsi que des travailleurs et travailleuses à nos côtés. Cela ne se décrète pas du jour au lendemain et c’est ce que nous avons essayé de rendre possible depuis ces trois dernières années.

Nous prenons note que notre stratégie peut sembler peu lisible, et s’il le faut, nous sommes prêt·es à nous en expliquer. La mobilisation du mouvement climat, avec les Gilets Jaunes, aux côtés du comité Adama, celle des ONG écologistes avec les raffineurs de Grandpuits et les salariés de la papeterie de Chapelle Darblay : rien de cela n’est le fruit du hasard. Tout cela participe à une stratégie réfléchie, débattue, enrichie de nos expériences. Une stratégie en renouvellement constant qui nous oblige à affronter nos contradictions, à réfléchir à notre place et à ouvrir des espaces pour de nouvelles alliances. À se donner du temps aussi. Oui, même face à l’urgence, pour construire une alternative écologique qui ne se contente pas de foncer tête baissée dans les chiffres et les indicateurs mais qui accepte de considérer les conséquences de son projet de société pour chacun et chacune. Qui ne se résigne pas à laisser de côté celles et ceux qui ne sont pas convaincus, ou qui craignent, à raison parfois pour leur avenir. Travailler avec les commerçant·es, les agriculteur·ices, les ouvrier·es, les chômeur·ses et la cohorte des précaires ne s’accomplit pas aussi facilement que cela se décrète.

Nous ne sommes pas dupes. Ni une seule loi, ni un seul gouvernement, surtout pas celui d’Emmanuel Macron, ne nous permettra de régler les enjeux climatiques. A contrario, quand celui-ci utilise la loi climat pour peinturlurer son mandat de vert, il est de notre devoir d’investir les rues pour dénoncer cette supercherie. La communication gouvernementale n’est pas l’unique socle d’action pour les militants et militantes climat. Nous travaillons toute l’année à bâtir des alliances inédites, comme avec les riverain·es en lutte contre les extensions d’aéroport, ou avec les associations de commerçant·es qui subissent les pratiques d’Amazon. Ce travail de fond n’est pas le plus visible, mais il est présent et fort dans notre stratégie. Quand l’occasion se présente, nous imposons notre propre calendrier via des actions de masse, centralisées ou simultanées dans de nombreux territoires. Mais de fait, ce n’est pas nous qui tirons les ficelles médiatiques, et les actions les plus visibles pour passer nos messages sont souvent celles en réaction au calendrier institutionnel.

Nous croyons avoir donné des gages de notre engagement dans ce processus écologique, social et populaire. Nous entendons les critiques, les avis de celles et ceux qui trouvent que le temps des marches, des manifestations et des grèves est révolu, qui appellent à une lutte plus concrète, à une opposition plus frontale, à la création d’un rapport de force. Ce rapport de force, nous travaillons jour après jour, heure après heure, à le construire. C’est à ce prix que des batailles qui semblaient inatteignables il y a encore quelques années, sont aujourd’hui rendues possibles. Cela demande du temps, cela demande de l’énergie et cela demande de la cohésion, de la solidarité, le sentiment d’un collectif. Alors pour puiser cette énergie, pour ressentir ce collectif, on a parfois besoin de tourner le bouton du volume, de pousser la sono du camion et de danser. C’est vrai. Et si cette fête peut paraître naïve, elle est indissociable de la détermination qui nous pousse à agir chaque jour. Détermination qui transforme notre colère en pouvoir d’action, et en force de transformation.

 

La fin du monde vue par le capital financier

www.terrestres.org/2021/05/11/la-fin-du-monde-vue-par-le-capital-financier

« L’âge des désordres » est devant nous et « voir l’avenir en prolongeant les courbes passées pourrait constituer votre plus grave erreur ». Telle est la vision du monde d’un acteur majeur du capitalisme financier, révélée par la fuite d’un rapport privé de la Deutsche Bank à l’usage de ses principaux « clients ». Un parcours éclairant en forme de dystopie pour les possédants.

En cette époque de fantasmes complotistes, il est toujours utile d’entrer dans ce que pensent les militants du capital à partir de leurs propres écrits, quand ils se parlent entre eux. Comment ils analysent le dérèglement écologique et climatique en cours et ses dégâts asymétriques sur les sociétés, comment ils envisagent les gagnants et les perdants de la pandémie et comment ils entendent traverser les transformations géopolitiques et politiques du monde pour défendre leurs intérêts supérieurs.

Ce rapport de septembre 2020 de la Deutsche Bank (en intégralité ici: DB_2020_The-age-of-disorder), initialement réservé, à prix d’or, à ses clients, a fuité sur les réseaux et nous nous permettons d’enfreindre la propriété intellectuelle afin de le verser au débat dans le monde francophone1.

Ces quatre dernières décennies de globalisation, avec le recul de tous les obstacles démocratiques à la circulation des capitaux et des marchandises, ont connu la plus forte croissance du capital de tous les temps historiques, ainsi que d’excellents rendements des actifs financiers dans tous les domaines. Ce fut, lit-on, un système optimal pour la croissance globale, un monde de « gagnants-gagnants »,  un « sweet spot for the globalisation era ». Voilà l’ancien « ordre » que regrette maintenant la Deutsche Bank. Celle-ci prophétise la fin de cette ère de la mondialisation sans entrave et l’avènement d’une « ère du désordre », qui menace les valorisations financières et les équilibres conquis par le capital dans les décennies précédentes. Cette fin annoncée a été précipitée par la survenue de la pandémie de Covid-19. Les intérêts du capital financier se préparent ainsi à défendre leurs positions menacées sur plusieurs fronts ainsi que leur vision du monde.

Le rapport développe quelques thèses clefs que nous résumons simplement ici. La revue Terrestres sera heureuse de recevoir, à la suite de cette première publication, d’autres contributions analysant plus avant ce document.

Une nouvelle donne géopolitique défavorable à la mondialisation des échanges.

La détérioration des relations entre les États-Unis et la Chine, une « guerre froide », un « choc des civilisations » pourrait a minima approfondir les guerres commerciales et mettre fin à la mondialisation sans entraves des décennies passées. Dans cette nouvelle bipolarisation, l’Europe perd du terrain et a moins de chances de s’en sortir après le choc économique de Covid-19. Des forces de désordre sont à l’œuvre, qui pourraient par exemple instituer une taxe carbone aux frontières, avec des générations plus jeunes et sensibles au réchauffement climatique, qui s’engagent et arrivent au pouvoir.

Les privilèges menacés de la bourgeoisie mondiale

Après l’ouverture « de la boîte de Pandore du financement public » avec la crise sanitaire, la classe bénéficiaire du capitalisme financiarisé et mondialisé qui a profité depuis 40 ans d’une mise en concurrence généralisée et d’un monde inégalitaire devra désormais faire face à :

  • une évolution démographique défavorable à l’accumulation du capital. Après une croissance jusque dans les années 2010, la contraction du nombre de personnes en âge de travailler dans le monde va rendre le travail low-cost moins disponible et réduire les taux de profit (pic mondial du nombre de travailleurs).
  • un risque d’inflation (terreur Outre-Rhin). Contrairement à la période précédente, caractérisée par des politiques de désinflation par baisse des salaires réels, réalisées sans trop d’encombre grâce à la pression de la concurrence et la mise au pas des travailleurs, le désordre de la nouvelle ère viendra selon la Deutsche Bank de l’impossibilité de telles politiques. La déflation ou la désinflation estime-t-elle, ne seront plus acceptées du fait d’un « ressentiment accumulé » par les plus pauvres et, ce qu’elle nomme les « populismes ».

Contrairement aux possédants, les jeunes générations, nées après 1990, bien plus pauvres que les populations plus âgées et potentiellement plus contestataires, sont notamment bien moins réticentes à l’inflation, et pourraient même y voir une option pour alléger les dettes futures. Voilà de quoi inquiéter la DB qui espère alors que « l’intérêt personnel de la génération plus âgée garantira le statu quo », avant que les générations plus jeunes n’arrivent au pouvoir ;

  • des mobilisations populaires demandant plus de justice fiscale (la fiscalité des entreprises, du revenu et du patrimoine, qui avait chuté depuis 1980 pourrait remonter), résultant de la hausse des inégalités, de plus en plus intolérable avec la massification de la misère au cœur de l’OCDE dans les mois et années à venir ;

L’affrontement entre la vie et le monde de l’économie

Le dérèglement climatique s’aggravant et accroissant ses dégâts écologiques et humains, nous allons vers « des années de conflit agressif entre ceux qui priorisent l’économie et ceux qui luttent pour l’environnement ». Le conflit entre économie et écologie est explicitement reconnu. La DB a donc la sincérité de ne plus croire au mythe du développement durable et de la croissance verte ?

La situation Covid a montré certains avantages à vivre plus sobrement, ce qui est inquiétant pour l’impératif de la croissance et donc pour la profitabilité du capital, que la banque juge nécessaire pour les investissements verts et les mécanismes de marché supposés sauver la planète via les « énergies renouvelables » … la croissance verte reste finalement le logiciel idéologique de la DB !

Pendant les confinements du début 2020, les émissions ont diminué en moyenne dans les pays confinés de 27% par rapport aux mêmes périodes en 2019. Conclusion de la banque : « le monde a expérimenté une baisse des émissions de 26% cette année et les sociétés ne peuvent aller plus loin ». Il n’est pas possible de recommencer cela et les objectifs de l’Accord de Paris ne sont pas atteignables.

Face à « l’agressivité » des mesures environnementalistes conduisant selon elle à un accroissement des inégalités, la banque compte sur le refus des classes populaires déjà affectées par le COVID, pour réduire la portée des politiques écologiques. Bref, ce que propose le rapport, c’est une alliance populiste (que l’on a déjà pu observer avec Trump, Bolsonaro mais aussi en Europe) autour de l’idéologie de croissance entre les intérêts du capital et ceux des couches populaires. S’oppose ainsi, en termes presque gramsciens, une stratégie du capital financier à ce qui pourrait être une autre stratégie alliant écologie et conquête de l’égalité.

Conclusion de la Deutsche Bank

« L’âge des désordres est probablement devant nous. Dans les années qui viennent, voir l’avenir en prolongeant les courbes passées pourrait constituer votre plus grave erreur ».

Nous vous laissons lire en détail ce rapport, écrit dans des termes « experts », lisses et apparemment neutres… Mais avec comme horizon une guerre sociale et écologique pour la survie du capital financier et un retour de « l’ordre », en contrant les aspirations des pauvres et des jeunes. L’avenir de la démocratie ? « Naturellement, la démocratie a toujours un côté perdant » (Of course, democracy always has a losing side). Le libéralisme autoritaire n’est pas très loin.

  1. Morris remercie M. Dobruska d’avoir attiré son attention sur ce rapport.

Ontasuna, hondar artean
Bea Salaberri
www.argia.eus/argia-astekaria/2731/ontasuna-hondar-artean

Ils construisent. Eta ondotik isilune zaratatsua. Erranaldi trinko bezain kargatua da. Eraikitzen ari dira. Etxea noski. Denek dakigu zer erran nahi duen horrek. Kasurik hoberenean lur puska bat jaso dutela eta paisaia ttittakatzen jarraikitzen ahalko dutela, sitsen moduan, airoski. Kasurik gehienetan tramite luzeetan aritu direla, notariotan, baimen eskaeratan, kreditu dosier lotzen, hori guzia ondoko bi urteetan gorriak ikusteko lanen segitzen eta zuzentzen, urteak iragateko hilabetero lansariaren parte handiena banketxeari entregatzen zorraren tapatzeko. Ondasuna sortzen dihardute. Azken finean betikoa den eredura juntatuko dira, etxetxoaren jabe, herriaren erdian. XX. mendeko etxetiarren ametsa: kausitze soziala etxea ukaitea da. Atzoko zutoin. Gaurko ilusio.

Azkenetarik izanen baitira, segur da. Maleruski, hemendik goiti gutxi egiten ahalko da holakorik, batere kasik. Hemendik aitzina ondasuna eginen da besteen hondarren artetik.

Joanago eta hondar gutxiago dago. Eta hor dago koska.

“Lehen presioa kostaldean zen, orain erosle guziak elkarren arteko lehian dira edozein lekutan. Ez da non bizi”

Etxebizitzaren gaiak eta lurraldearen erabilerak zer erran eman du azken asteetan.

Etxedun anitz dira preziorik gorenean saltzeaz lotsatzen ez direnak. Erosleak trumilka heldu omen dira urtebete honetan. Alokairutakoak agortzen dira agertu orduko. Lehen presioa kostaldean zen, orain erosle guziak elkarren arteko lehian dira edozein lekutan. Ez da non bizi.

Egoera sanitarioaren ondorioek ekarri dute gaia azalera berriro. Euskal Herria ez dela salgai adierazten duten pintadak agertu dira berriz. Etxe hutsak margo gorriz seinalatzen dira. Etxalde elkarteak publikatu ditu prezioen bilakaerak sareak sutan jarriz. Monbar ostatuan metro koadro gutxiko eta prezio ikaragarriko apartamendu egitasmoa bada, baita Lohitzunen gaindi milioika eurotako egoitzak. Kostaldeko herriek biztanleak galtzen dituzte. Bihar eskolak, zerbitzuak, komertzioak hestekotan egonen dira.

Higiezin agentziak ados dira: inoiz ez bezalako eskaeren lekuko dira eta eskaintza tipia dute eskutan. Baiki, azken 50 urteetako problematika da Ipar Euskal Herrian, hau zen, adibidez, IK erakundearen aldarrikapen ildo nagusietarik bat eta gaur arte beti egon da noizean behin aktualitatearen lehen planoan, dela egitasmo zehatz batzuen inguruko salaketarekin edo epe mugatuko dinamiketan. Izan ere, zer egin daiteke azalera hain txikian hain garatua den joerari buru egiteko? Zer egin salmenten frenesiaren kontra? Zer alda apartamenduak nahiago direnean asteka alokatu turistei, hemengo langileei baino? Ez dakit nehon egonen denez Ipar Euskal Herrian bezainbat egitura eta elkarte, instituzionalak nahiz herrikoiak, etxebizitzaren gaiari buruz iharduteko. Bizkitartean, biztanle orok segitzen du sufritzen bizitegiaren atxemateko orduan.

Erronkak askotarikoak dira, hala nola prezioen kontrola, lurraldearen bipiatzearen gelditzea, jendeari hemen bizitzeko aukera ematea, zuzenbide pribatuaren eta interes kolektiboaren arteko oreka atxematea, sarraskiak saihestea. Legeen aterabideak aipatzen dira, beste lurralde batzuetan bezala, jabego eskubidea baldintza jakinetan izatea, erabat zuzenbide pribatuaren kontra etorriko litzatekeena, eraikigarriak diren lurren mugatzea, artetik prezioen igoera oraindik handiagoa eragin lezakeena, jabego kolektiboak…  Eta beti galdera bera: ez ote da berantegi jada? Mende beteko desmasiek itzulirik ote dute?

Goizero, argi zirrintan, bihotza Aroztegikoekin dut.

Klima Aldaketa Legea ez da nahikoa behar dugun trantsizio ekologikorako
ELA Ingurumena
www.ela.eus/eu/ingurumena/albisteak/klima-aldaketa-legea-ez-da-nahikoa-behar-dugun-trantsizio-ekologikorako

Diputatuen Kongresuak Klima Aldaketaren eta Trantsizio Energetikoaren Legea onartu berri du. Senatuak onartuko duelakoan, aldaketa klimatikoaren aurkako borrokan nazioarteko konpromisoak betetzea da exekutiboaren helburua. Baina oso urrun dago ekonomiak, gizarteak eta ingurumenak une historiko honetan behar duten trantsizio ekologikoa lortzetik.

Mugimendu sozialak, ekologistak eta Kongresuan ordezkaritza duten hainbat alderdi atsekabetuta agertu dira lege honekin. ELAn ere ez dugu uste hori denik ekonomikoki, sozialki eta ingurumen ikuspuntutik bidezkoa den eredu berri baterantz aurrera egiteko benetan behar dena. Hona hemen bultzatutako neurrietako batzuk eta anbizio gutxi dutenak:

  • Parisko akordioa betetzeaz hitz egiten du, ez berotze globala 1,5 gradutik behera mantentzeaz, hori baita aurreikusi ezin daitezkeen inpakturik ez izateko modu bakarra.
  • Isurketak %23 murriztea 2030erako. Konpromiso hori ez da nahikoa 2050ean isurketa neutroak egoteko.
  • 2030erako beste helburu bat kontsumitutako energiaren %42 jatorri berriztagarrikoa izatea da. Eta 2030ean elektrizitatearen %74 berriztagarriekin sortuko dela eta 2050ean %100. ELAk beti defendatu du %100 berriztagarriekin sortzea, baina 2050ean lortzea beranduegi da. Helburu horiek anbizio handiagokoak izan behar dute trantsizio energetikoaren legean. Baina, gainera, ez da energiaren gehiegizko kontsumoa murrizteko helbururik ezartzen, eta hori da klima aldaketa geldiarazteko ezinbesteko eredu ekonomiko eta soziala aldatzeko gakoetako bat.
  • Legeak energiaren autokontsumoa babesten du, eta hori beti da positiboa, nahiz eta horretarako jartzen diren baldintzak ikusi beharko diren, baita elektrizitate enpresa handiei esparru horretan emango zaien papera ere.
  • Energia fosilei dagokienez, frackinga eta hidrokarburoen esplorazio berriak debekatuta daude. Egun daudenak ezin izango dira 2042tik aurrera luzatu, baina data hori urrunegi dago berehalako trantsizio energetikorako.
  • Mugikortasunari dagokionez, legeak industrian eta gizartean ibilgailu elektrikoarekiko dagoen joera aldaketa babesten duela dio. Horretarako, 2050erako emisiorik gabekoa izango da ibilgailu arinen parkea, eta 2040an salmentatik kenduko dira CO2 emisioak dituzten ibilgailuak. Bioerregai eta erregai berriztagarri ez-biologikoei ere bidea irekitzen die, erregai horietako batzuek beren kudeaketa jasanezina dela eta duten arriskuarekin.
  • Lege honen aldeko puntu bat garraio publikoa bultzatzea da, mugikortasun iraunkorrari buruzko lege bat eta salgaien garraioan 300 kmtik gorako distantzietan trenbide bidez egiteko helburuak aipatuz.
  • Trantsizio energetikorako behar diren inbertsioak Europako Funtsekin modu kezkagarrian lotuta agertzen dira etengabe Legean. Gaur egun edozein proiektu berdez margotzeko mekanismoa da hau, nahiz eta proiektuak berriztagarriak, jasangarriak eta onargarriak ez izan.

Hauek dira Klima Aldaketaren eta Trantsizio Energetikoaren Legeak planteatzen dituen neurrietako batzuk. Neurrien helburua ez da baliabide mugatuak dituen mundu batean bizitzea merezi duen bizitzaranzko eredua aldatzea. Nazioarteko erakundeek klima aldaketaren aurka legeak egiteko egiten duten eskakizunari irtenbide azkarra eta kaskarra ematen dio. Baina ez da gizarteak bidegurutze historiko honetan behar duena, enpresa handiek beren ospea garbitzeko behar dutena baino, eta aldi berean, negozioa egiten jarraitzen dute besteen sufrimenduaren kontura.