Articles du Vendredi : Sélection du 14 janvier 2011

L’année 2010 a été la plus chaude sur le globe, ex aequo avec 2005

AFP
Le Monde du 13.01.11

La Chine réduit ses exportations de terres rares pour début 2011

Reuters
Le Monde du 28.12.10

Pour la semaine des 32 heures

Geneviève Azam, Mireille Bruyère, Benjamin Coriat, Thomas Coutrot, Jean Gadrey, Jérôme Gleizes, Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Dany Lang, Philippe Légé, Frédéric Lordon, Gus Massiah, Fabienne Orsi, Dominique Plihon, Gilles Raveaud, Maël Theulière, Aurélie Trouvé sont économistes ; Catherine Bloch-London, sociologue ; François Desriaux, journaliste ; Pierre Khalfa, syndicaliste ; Dominique Méda, sociologue ; Evelyne Serverin, juriste
Le Monde du 12.01.11

Non, il n’est pas vrai qu’on travaille moins en France qu’ailleurs

Pierre Larrouturou, économiste et pilote des Etats généraux de l’emploi organisés par Europe Ecologie – Les Verts
Le Monde du 06.01.2011

Une bonne nouvelle pour 2011 : oui, on peut sortir de la crise

Pascal Canfin, Député européen Europe Ecologie, siège au sein de la commission des Affaires économiques et monétaires. Ancien journaliste à « Alternatives économiques »
« Terra eco » – www.terra-economica.info – 10.01.11

2010, année des catastrophes naturellesak

AFP
Le Monde du 03.01.2011

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L’année 2010 a été la plus chaude sur le globe, ex aequo avec 2005

AFP
Le Monde du 13.01.11

L’année 2010 a été la plus chaude jamais enregistrée sur Terre depuis les premiers relevés en 1880, à égalité avec 2005, ont rapporté mercredi deux agences américaines. 2010 a été la 34e année consécutive durant laquelle les températures du globe se sont situées au-dessus de la moyenne du XXe siècle, selon le Centre national des données climatiques (NCDC), organisme dépendant de l’Administration océanique et atmosphérique nationale.
L’an dernier, la température à la surface du globe a été supérieure de 0,62 degré Celsius à la moyenne du siècle. Cette montée du mercure sur la Terre coïncide avec un important changement du courant marin chaud El Niño dans le Pacifique qui influence les températures du globe et les précipitations. Dans l’Arctique, la saison la plus froide durant laquelle la glace se forme a été la plus longue depuis que ces mesures sont enregistrées en 1979, en s’achevant le 31 mars.
Malgré une saison d’été plus courte que la normale en 2010 durant laquelle la calotte glaciaire fond, l’Arctique a enregistré sa troisième plus faible superficie de glace depuis 1979, après 2007 et 2008. Dans l’Antarctique la banquise a atteint son huitième plus faible maximum annuel en mars tandis qu’en septembre la superficie de la glace s’est accrue rapidement pour atteindre sa troisième plus grande surface dans les annales. La saison des cyclones dans le Pacifique a été plus calme que d’habitude avec sept tempêtes et trois ouragans, nombre le plus faible depuis le milieu des années 1950. En revanche dans l’Atlantique la saison cyclonique a été très active avec 19 tempêtes tropicales et douze ouragans.
« Ces résultats montrent que le climat continue de traduire l’influence des gaz à effet de serre. C’est une preuve du réchauffement », a commenté David Easterling, responsable des services scientifiques au sein du NCDC. Il est impossible d’imputer directement au réchauffement global des événements climatiques particuliers tels que la sécheresse en Russie ou les inondations au Pakistan. Mais la tendance à la hausse des températures depuis 2000 accroît la probabilité d’événements extrêmes tels que des canicules, des sécheresses ou des inondations, a ajouté David Easterling, qui s’exprimait au cours d’une téléconférence. Toutes les années depuis 2000 figurent parmi les 15 plus chaudes jamais enregistrées, a-t-il rappelé. L’année 2010 a aussi été la plus humide jamais observée et une atmosphère plus chaude contient davantage d’eau, ce qui en général résulte en des inondations plus fréquentes, a poursuivi cet expert.
L’Institut Goddard pour les études spatiales, organisme de la NASA, a publié mercredi un rapport aboutissant à la même conclusion : 2010 a été l’année la plus chaude avec 2005.
« Si la tendance au réchauffement se poursuit, comme on peut s’y attendre, si les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser, le record de 2010 ne tiendra pas longtemps », a prédit James Hansen, directeur de cet institut. Les services météorologiques britanniques et l’Organisation météorologique mondiale, institution spécialisée de l’ONU, doivent aussi annoncer ce mois-ci leurs évaluations de la température mondiale en 2010

La Chine réduit ses exportations de terres rares pour début 2011

Reuters
Le Monde du 28.12.10

La croissance verte accroît la dépendance aux terres rares
En cette période festive et faste, alors que les gadgets dernier cri se vendent comme des petits pains, le sujet des terres rares revient sur la table. Mercredi dernier, Le Canard Enchaîné consacrait un article très intéressant à ces minerais, produits à 97 % par la Chine, dont la particularité est d’être très difficiles à extraire et à raffiner tout en étant extrêmement précieux car indispensables à la production de nouvelles technologies – ordinateurs, écrans plats ou encore téléphones portables. Leur utilisation s’avère tout sauf durable dans la mesure où les stocks de ces dix-sept éléments sont finis et où leur extraction requiert toujours plus d’énergie – ces minerais étant de moins en moins concentrés – et s’effectue dans des conditions écologiques et sociales désastreuses.
C’est pourquoi les associations écolos tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur l’explosion de la consommation de produits high tech, et leur “obsolescence programmée”, qui contribue à cet emballement et à la dépendance autour de ces matériaux. Mais là où le journaliste aborde un aspect moins traité et encore plus sensible, c’est lorsqu’il souligne que les technologies vertes accentuent elles aussi la consommation de terres rares.
La Chine n’a pas de pétrole mais elle a des terres rares. Et comme l’or noir, ces minerais très recherchés sont une source de tensions entre pays. Dernier rebondissement en date, la Chine a décidé de réduire de plus de 10 % les quotas de ses exportations pour l’année prochaine malgré la menace des Etats-Unis de porter plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce.
Le ministère du commerce chinois a ainsi alloué des quotas de 14 446 tonnes de ces minerais à 31 sociétés, soit 11,4 % de moins que les 16 304 tonnes allouées à 22 sociétés lors de la première série d’exportations de 2010 il y a un an. Les quotas d’exportations ont été définis en fonction des volumes exportés entre le début de 2008 et octobre 2010, a-t-il précisé, sans donner plus de détails.
97 % PRODUITS PAR LA CHINE
La Chine produit environ 97 % des terres rares utilisées dans le monde. Cette appellation désigne 17 métaux aux propriétés électromagnétiques très recherchées dans les technologies de pointe : voitures hybrides, énergies renouvelables, électronique et armement.
La décision de réduire les quotas d’exportations et d’en relever les tarifs a attisé les tensions commerciales avec les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon notamment.
La semaine dernière, le bureau du représentant américain au commerce a indiqué que la Chine avait rejeté les requêtes des Etats-Unis en faveur d’un arrêt de ces limitations, ajoutant que Washington pourrait porter plainte auprès de l’OMC. Le ministère chinois du commerce n’a encore répondu à cette menace.
La Chine a indiqué que ces restrictions étaient dues à des questions environnementales et visaient à garantir l’approvisionnement des industries chinoises, mais elle a également insisté sur le fait que sa position dominante en tant que producteur devrait lui donner davantage de contrôle sur les prix mondiaux.

Pour la semaine des 32 heures

Geneviève Azam, Mireille Bruyère, Benjamin Coriat, Thomas Coutrot, Jean Gadrey, Jérôme Gleizes, Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Dany Lang, Philippe Légé, Frédéric Lordon, Gus Massiah, Fabienne Orsi, Dominique Plihon, Gilles Raveaud, Maël Theulière, Aurélie Trouvé sont économistes ; Catherine Bloch-London, sociologue ; François Desriaux, journaliste ; Pierre Khalfa, syndicaliste ; Dominique Méda, sociologue ; Evelyne Serverin, juriste
Le Monde du 12.01.11

Il y a quelque chose d’insultant pour les millions de chômeurs recensés ou non, de travailleurs précaires ou épuisés, de salariés contraints au temps partiel, de s’entendre dire à nouveau, cette fois-ci par Manuel Valls, député PS de l’Essonne, qu’il leur serait possible de gagner plus en travaillant plus. Cependant, le florilège de déclarations tonitruantes sur les 35 heures a au moins l’avantage de rouvrir le débat sur la durée du travail.
C’est le moment, parce que les pays qui ont le mieux réussi à contenir la montée du chômage durant la crise ont pu le faire « en encourageant notamment des réductions du temps de travail afin d’éviter des licenciements », comme le souligne l’OCDE en faisant allusion au chômage partiel. Ce qui ne l’empêche pas, fidèle à son idéologie, de prôner « le retrait progressif de ces mesures à mesure que la reprise économique se confirme » parce qu’elles coûtent cher, soit aux entreprises, soit aux finances publiques.
La réduction des dépenses publiques et la reconstitution des marges des entreprises passeront donc avant la lutte contre le chômage. C’est dans ce contexte que s’inscrit la nouvelle offensive déclenchée par l’UMP et par le secrétaire d’Etat chargé du commerce, Hervé Novelli, secondés par Manuel Valls contre les 35 heures : il s’agit de faire sauter l’une des dernières digues contre l’individualisation du rapport salarial, la notion de durée légale du travail.
La double crise économique et écologique devrait pourtant amener à repenser les politiques de lutte contre le chômage. En Europe et en France, il n’y a aucune raison de tout miser sur la croissance, surtout parce que, même si l’on renonçait à ces purges sous la pression des mouvements sociaux, c’est le modèle de développement lui-même qu’il faudra revoir. Le lien entre taux de croissance du PIB global et emploi perdra de son sens dans une économie où certains secteurs – intensifs en produits durables et de qualité, et donc en emplois – devront croître de façon accélérée alors que d’autres devront décroître rapidement.
Pour entamer la nécessaire bifurcation de ce modèle, deux politiques phares sont décisives : un effort colossal d’investissement public et privé dans la reconversion écologique du système productif ; une réduction générale de la durée du travail à temps plein. Il faut pour cela opérer à la fois un accroissement important du taux d’investissement, et une augmentation de la masse des salaires grâce à la création d’emplois sans baisse de rémunération. Ce n’est possible qu’à une seule condition : une réduction du prélèvement imposé par la finance et les riches sur le revenu national.
Le gouvernement reconduit au contraire les cadeaux fiscaux aux privilégiés – 100 milliards d’euros par an pour les mesures fiscales prises depuis 2000 – alors que le service de la dette publique atteint 50 milliards d’euros par an et que les dividendes ont repris leur progression.
Voilà pourquoi la question de la répartition est décisive : il faut choisir entre verser des intérêts et des dividendes ou créer des emplois par la reconversion écologique et la réduction du temps de travail.
Le bilan des 35 heures est certes ambivalent : créations massives d’emplois pérennes d’un côté – le chiffre officiel de 350 000 emplois créés par les lois Aubry n’a jamais été contesté -, intensification du travail et gel des salaires de l’autre. Mais à court et moyen terme, la réduction du temps de travail demeure un moyen indispensable pour faire reculer le taux de chômage. Deux principes doivent être respectés. Une réduction du temps de travail de 10 % – vers les 32 heures – doit impliquer 10 % d’embauches supplémentaires, de manière à ne pas intensifier le travail et à réduire sa pénibilité. Et il faut maintenir les salaires mensuels (compensation intégrale). L’augmentation de la masse salariale (plus d’emplois payés autant qu’avant) ne conduit pas à une perte de compétitivité, dès lors que le supplément de salaires est compensé par une moindre distribution d’intérêts et de dividendes.
Contre le chômage, « on a tout essayé », disait François Mitterrand… sauf de toucher aux profits financiers. En conservant l’actuelle répartition des revenus, il ne sera possible ni de faire reculer le chômage, ni d’enclencher la transition écologique. Toute proposition contraire est une illusion. Quant à l’idée d’allonger la durée du travail, c’est une véritable aberration économique et écologique.
La réduction du temps de travail constitue la base matérielle sur laquelle peut se construire un autre modèle de développement, en France comme en Europe. En faisant reculer le chômage et la précarité et en réduisant la pénibilité, elle est la condition d’un travail décent pour toutes et tous. En donnant la priorité au temps libre sur le productivisme et le consumérisme, elle est la condition d’émergence de nouveaux modes de consommation, de vie, de participation à la vie de la cité, qui permettront seuls de faire face aux défis environnementaux et sociaux.
La redistribution des revenus sous forme d’accès à l’emploi et à plus de temps libre est un puissant réducteur d’inégalités sociales. C’est pourquoi, nous nous prononçons en faveur d’une perspective de reprise du processus de baisse de la durée du travail, vers les 32 heures, au nom d’un modèle de développement égalitaire assurant à tous les citoyens une insertion sociale décente. Il faut rompre avec la logique perverse qui fait dépendre l’emploi de la rentabilité et prendre les choses à l’envers : quels emplois utiles pour quels besoins sociaux ?

Non, il n’est pas vrai qu’on travaille moins en France qu’ailleurs

Pierre Larrouturou, économiste et pilote des Etats généraux de l’emploi organisés par Europe Ecologie – Les Verts
Le Monde du 06.01.2011

Avant d’affirmer qu’il faut « travailler plus », Manuel Valls a-t-il pris quelques minutes pour essayer de comprendre la révolution qui bouleverse le monde du travail depuis quelques années, en France comme chez nos voisins ?
L’Allemagne a connu, en 2009, une récession deux fois plus grave que la France. A la demande des syndicats, Angela Merkel a décidé de développer le « KurzArbeit » (travail à temps réduit) : plutôt que de licencier 20 % des effectifs, une entreprise en difficulté baisse son temps de travail de 20 % et garde tous les salariés. Elle baisse les salaires mais l’Etat maintient les revenus.
Quand le gouvernement français favorisait les heures supplémentaires, les Allemands réduisaient leur temps de travail. Grâce au KurzArbeit, malgré une récession deux fois plus forte, le chômage a augmenté cinq fois moins vite en Allemagne qu’en France. Si nous avions agi comme nos amis allemands, nous aurions 1 million de chômeurs en moins !
Aux Etats-Unis, le Livre blanc publié par la Maison Blanche, en février 2007, indiquait que la durée moyenne réelle était tombée à 33,7 heures (sans compter les chômeurs). La durée moyenne dans l’industrie était de 40,7 heures mais il y avait, par ailleurs, tellement de petits boulots que la durée moyenne, tous secteurs confondus, était tombée à 33,7 heures. Avant même que commence la récession.
En quarante ans, la durée moyenne du travail aux Etats-Unis est passée de 38,6 à 33,7 heures. Ce chiffre devrait faire réfléchir Manuel Valls et Jean-François Copé : dans un pays qui bénéficiait d’une croissance forte – grâce à une forte immigration et à un niveau d’endettement colossal – et où n’existe quasiment aucune règle en matière de temps de travail : la durée moyenne est tombée à 33,7 heures !
Qu’en est-il en France ? Quelle est, chez nous, la durée moyenne du travail ? Si l’on en croit le Portrait social 2010 de l’Insee, « en 2009, la durée hebdomadaire moyenne du travail déclarée par les personnes ayant un emploi est de 37,8 heures en France métropolitaine : 41 heures pour les personnes à temps complet et 22,8 heures pour celles à temps partiel ». Dans beaucoup d’entreprises, si l’on tient compte des heures supplémentaires, déclarées ou non, la durée réelle d’un temps plein est plus proche aujourd’hui des 40 heures que des 35.
En 1978, quand la commission Giraudet rendait ses conclusions à Raymond Barre, elle affirmait qu’il fallait baisser le temps de travail de 10 %. En 1995, la commission Boissonnat (créée par Edouard Balladur) affirmait qu’il fallait « une baisse de 20 % à 25 % du temps de travail » mais, quinze ans plus tard, la durée moyenne d’un temps plein reste supérieure à 39 heures et un socialiste nous dit qu’il faut travailler plus !
Entre 1900 et 1970, alors que la productivité augmentait assez lentement, on a divisé par deux le temps de travail : on est passé de sept à six jours, puis de six à cinq jours, tout en donnant cinq semaines de congés payés. Mais, depuis 1970, alors que la productivité a fait des pas de géant, nous sommes incapables de faire évoluer vraiment notre contrat social. Certes, dans les entreprises de plus de 20 salariés, on a gagné quelques jours de RTT mais, fondamentalement, la norme d’emploi reste la semaine de cinq jours et le temps plein reste proche de 39 heures. Quel non-sens !
Au lieu de profiter à tous, les gains de productivité colossaux débouchent sur un partage du travail non dit : d’un côté, ceux qui travaillent plein pot et, de l’autre, plus de 3 millions de chômeurs et de RMIstes qui travaillent zéro heure par semaine. Et au milieu, la foule de tous ceux et celles – les femmes sont les plus touchées – qui galèrent avec des emplois à 20 heures par semaine…
Ce « partage du travail » sauvage, réalisé par le marché, est très favorable aux actionnaires : quand il y a autant de chômeurs, quel salarié peut exiger une augmentation de salaire ? Dans beaucoup d’entreprises, la négociation sur les salaires se résume à un « si tu n’es pas content, tu peux aller voir ailleurs ». Dans tous les pays, la part des salaires dans le produit intérieur brut (PIB) a nettement baissé depuis trente ans.
Pour les 15 pays les plus riches de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part des salaires représentait 67 % du PIB à la fin des années 1970. Elle ne représente plus que 57 %. En trente ans, ce sont quelque 35 000 milliards d’euros qui auraient dû aller aux salariés et qui sont allés vers les actionnaires.
On comprend pourquoi l’aile néolibérale du Medef et de la droite voulaient tellement en finir avec les 35 heures : la forme actuelle du partage du travail et des revenus leur convient très bien.
Nous autres, écologistes, pensons que le débat sur le temps de travail mérite mieux que les caricatures que nous entendons depuis quelques années. Nous n’avons jamais pensé que la RTT était la baguette magique, la solution miracle. Il faut en même temps investir dans une vraie politique du logement, investir dans une vraie politique d’économie d’énergie, développer les énergies renouvelables, construire un service public de la petite enfance, rénover notre fiscalité, investir dans la recherche, développer les PME…
La RTT n’est qu’un levier parmi d’autres mais c’est sans doute le plus puissant ; en 1997, une étude du ministère du travail montrait qu’un mouvement général vers la semaine de quatre jours à la carte, financé essentiellement par une activation des fonds Unedic (l’idée vient de la CFDT), permettrait de créer 1,6 million d’emplois. Quelle autre réforme peut créer plus de 1 million d’emplois ?
Dans le texte sur l’égalité réelle qu’il a adopté en décembre, le Parti socialiste ne dit pas un mot sur la question du temps de travail. L’une des rares mesures annoncées en matière de lutte contre le chômage, ce sont les « dispositifs nouvelle chance pour les 150 000 jeunes sortant du système scolaire sans qualification ». Cent cinquante mille, c’est bien, mais il y a plus de 4 millions de chômeurs et tous ne sont pas jeunes. Tous ne sont pas sans qualification.
La réduction du temps de travail est aujourd’hui le levier le plus puissant dont nous disposons pour sortir du chômage. C’est aussi un révélateur de notre vision de la société : le peuple est-il une masse d’individus un peu stupides auxquels on s’adresse avec des slogans ou le peuple est-il un ensemble d’hommes et de femmes libres, de citoyens capables d’intelligence, capables, ensemble, de comprendre le monde et de choisir en conscience l’avenir qu’ils veulent construire ?
Le seul intérêt des déclarations de Manuel Valls est d’avoir rouvert le débat sur le temps de travail. Alors débattons.

Une bonne nouvelle pour 2011 : oui, on peut sortir de la crise

Pascal Canfin, Député européen Europe Ecologie, siège au sein de la commission des Affaires économiques et monétaires. Ancien journaliste à « Alternatives économiques »
« Terra eco » – www.terra-economica.info – 10.01.11

A condition d’assurer une conversion écologique de notre économie. C’est la seule solution face à l’épuisement des ressources de la planète dont les prix élevés du pétrole ou des denrées alimentaires ne sont que le symptôme.

Le prix de l’essence flirte avec ses sommets de l’été 2008. Le prix du baril de pétrole est parti pour atteindre rapidement les 100 dollars. Les prix des produits alimentaires augmentent partout au point de susciter des émeutes comme au Maghreb. Le taux d’inflation de la zone euro dépasse les objectifs de la Banque centrale à cause de l’augmentation du prix des matières premières.
Autant de nouvelles qui, depuis le début de l’année 2011, valident les analyses écologistes : nous vivons dans un monde aux ressources limitées. Croire que l’on pourra sortir de la crise en relançant l’économie sans la changer est une impasse.

Face à ce constat il y a deux réponses possibles. La réponse politique dominante est proche de celle de mon fils de trois ans : faisons disparaître le problème en mettant nos mains devant nos yeux. La réponse écologiste est la seule réaliste et créatrice d’espoir : regardons le monde tel qu’il est et donnons-nous les moyens d’y vivre mieux grâce à la conversion écologique de notre économie.

Le baril de pétrole se situe déjà autour de 90 dollars, un niveau historiquement élevé au regard du faible niveau de la croissance en Europe et aux Etats-Unis. Pourquoi ? Parce que, comme on l’a vu en 2008, la capacité de production structurelle ne peut supporter simultanément une demande forte dans les pays de l’OCDE et dans les pays émergents. Et selon les dernières analyses de l’Agence internationale de l’énergie le pic de production pétrolière est maintenant derrière nous ! Or, un baril qui évolue structurellement autour de 150 dollars, niveau atteint au pic de l’été 2008, signifie une ponction sur notre économie, au bénéfice des pays producteurs, d’environ 2 points de PIB. Cela signifie moins d’emplois, moins de pouvoir d’achat et une inflation supérieure aux objectifs de la Banque centrale européenne qui sera fortement tentée d’augmenter ses taux d’intérêts, renchérissant ainsi le coût du crédit et diminuant donc l’investissement.

Nous sommes donc dans une situation radicalement nouvelle. La sortie de crise impose d’inventer un nouveau modèle de développement : la conversion de nos modes de production vers un modèle écologiquement et…économiquement soutenable. Cette conversion écologique produit trois effets positifs simultanés, seuls à même de nous permettre de sortir de la crise.

Premièrement, elle diminue notre facture énergétique. Nos importations de pétrole et de gaz ont représenté une ponction sur l’économie française de près de 60 milliards d’euros en 2008, année où le pétrole a coûté 150 dollars le baril pendant… quelques jours seulement. Réduire cette facture, qui pourrait dépasser les 100 milliards par an si le prix du pétrole dépassait structurellement les 120 dollars le baril, en améliorant notre efficacité énergétique, en développant les énergies renouvelables adossées à une filière industrielle française et européenne, en inventant une économie circulaire où les déchets des uns sont les matières premières des autres, etc… permettra de conserver plusieurs dizaine de milliards d’euros par an « à la maison ».
C’est la seule solution pour limiter la pression que représentera pour notre économie et pour notre pouvoir d’achat la hausse inévitable des prix de l’énergie et éviter ainsi une « récession importée » comme ce fut le cas en 2008. C’est aussi un enjeu majeur en terme d’indépendance géopolitique. Aujourd’hui, avec l’argent de la rente pétrolière, les pays du Golfe achètent massivement des actifs en Europe. Nous nous retrouvons ainsi dans la situation absurde ou au lieu d’investir dans nos propres ressources nous donnons à d’autres les moyens d’acheter progressivement nos entreprises via leurs fonds souverains…

Deuxième avantage de la conversion écologique : les modes de productions verts sont plus intensifs en emplois que les modes de production actuels. Autrement dit, comme le montrent toutes les études sur le sujet, pour chaque unité produite, ou recyclée, ils créent plus d’emplois. Pour donner un seul chiffre extrait des travaux de l’Insee : un million d’euros de chiffre d’affaires dans le raffinage du pétrole crée deux emplois directs et indirects en France. Le même million d’euros dans le solaire thermique en crée 16 ! Et ces emplois verts sont largement non délocalisables car on ne peut pas isoler une maison depuis Shanghai ou conduire un bus depuis Bangalore ! La conversion écologique de notre économie est donc un levier majeur pour lutter contre le chômage de masse actuel.

Enfin, troisième avantage, mettre en place de nouvelles normes écologiques est un moyen efficace pour développer l’investissement privé des entreprises et stimuler une nouvelle vague d’innovations destinées à réduire drastiquement notre empreinte écologique. Sans cette vague d’innovations écologiques, il n’y a aucune raison de voir les entreprises investir en Europe puisque celles ci sont déjà en surcapacité de production.
Sortir de la crise est donc possible. Faisons le savoir !

2010, année des catastrophes naturellesak

AFP
Le Monde du 03.01.2011

295 000 morts, 130 milliards de dollars de dégâts : les catastrophes naturelles ont été particulièrement dévastatrices en 2010. L’année passée a été la plus meurtrière depuis 1983, marquée par la sécheresse en Ethiopie qui avait fait 300 000 morts, selon le groupe allemand Munich Re, grand nom de la réassurance, dont le rapport annuel (.pdf) fait référence.
Au total, 950 catastrophes naturelles ont frappé la planète en 2010. Un chiffre bien supérieur à la moyenne annuelle de ces trente dernières années avec 615 catastrophes, 66 000 morts et 95 milliards de dollars de dégâts. « L’année a été marquée par une assez rare accumulation de tremblements de terre importants », et par un nombre élevé de catastrophes liées au climat, qui semble indiquer une poursuite du réchauffement climatique, selon le rapport.
HAÏTI A PAYÉ LE PLUS LOURD TRIBUT
Ce sont les Haïtiens qui ont payé le plus lourd tribut à la nature. Le séisme de janvier reste l’événement le plus meurtrier avec 222 570 morts. Si ce séisme est l’un des plus importants depuis un siècle, il n’a toutefois « entraîné que des pertes négligeables pour l’industrie de l’assurance, comme c’est souvent le cas dans les pays en développement », avec 8 milliards de dollars de dégâts. Peu de biens et de personnes y sont en effet assurés, souligne Munich Re.
En termes de victimes arrivent ensuite la vague de chaleur et de feux de forêts de l’été en Russie qui a provoqué la mort de 56 000 personnes, et le tremblement de terre d’avril en Chine qui a fait 2 700 morts.
Côté pertes matérielles, le séisme au Chili au mois de février, qui a fait 520 morts, est le plus dévastateur avec 30 milliards de dollars de dégâts. Suivent ensuite les inondations de juillet à septembre au Pakistan qui ont causé 9,5 milliards de dollars de dégâts et la mort de 1 760 personnes.
COÛT POUR LES ASSUREURS
Dans les pays les plus développés, les catastrophes ont été peu meurtrières mais très coûteuses pour les assureurs. La tempête Xynthia en février a entraîné la mort de 65 personnes et causé 6,1 milliards de dégâts, assurés pour la moitié. Aux Etats-Unis, les tornades ont causé 4,7 milliards de dollars de dommages, assurés aux trois-quarts.
Selon le rapport, les années à venir pourraient être difficiles avec le réchauffement des océans « qui ne peut plus être expliqué seulement par les oscillations naturelles (mais auquel) contribue probablement le réchauffement climatique ».
L’un des événements qui a le plus retenu l’attention des médias, l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll en avril, a paralysé le trafic aérien européen pendant des semaines et a fini par coûter « des milliards » aux compagnies aériennes. « Les compagnies aériennes auraient pu être assurées » et éviter ces pertes, déplore Munich Re, dont le métier est de proposer à la fois des contrats d’assurance et de réassurance, c’est-à-dire apporter une garantie aux autres assureurs.
Son grand concurrent suisse Swiss Re, qui prend en compte également les catastrophes du fait de l’homme comme les accidents, ou l’explosion de la plate-forme pétrolière Deep Water Horizon de BP, avait indiqué en novembre s’attendre pour 2010 à 222 milliards de dollars de dégâts pour l’économie et 260 000 décès.
La dernière catastrophe naturelle de 2010, les inondations qui submergent une partie de l’Australie depuis le le mois de décembre, n’ont pas encore pu être chiffrées par Munich Re.