Articles du Vendredi : Sélection du 13 septembre

Face à la montée des eaux et l’érosion de son littoral, la Nouvelle-Calédonie veut déclarer l’urgence climatique
LIBERATION et AFP
www.liberation.fr/environnement/climat/face-a-la-montee-des-eaux-et-lerosion-de-son-littoral-la-nouvelle-caledonie-veut-declarer-lurgence-climatique

Alors que les conséquences du réchauffement climatique affectent toujours un peu plus l’archipel polynésien, le pouvoir local a décidé de déclarer ce mercredi 11 septembre l’urgence climatique et environnementale. Une décision qui s’accompagne de la création d’un fonds dédié afin de trouver des solutions.

Montée des eaux, érosion côtière, hausse des phénomènes météorologiques intenses… Face aux conséquences du réchauffement climatique, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a exprimé ce mercredi 11 septembre son intention de déclarer l’urgence climatique et environnementale dans ce territoire français du Pacifique sud.

En se basant sur les travaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), le gouvernement local constate que «les îles du Pacifique sont en première ligne face au réchauffement climatique mondial» et que «le Vanuatu et la Nouvelle-Zélande ont déjà déclaré l’urgence climatique». La déclaration d’urgence climatique doit s’accompagner d’une stratégie d’adaptation reposant sur un forum réunissant experts et membres de la société civile. Ils devront transmettre leurs recommandations à un «comité calédonien du changement climatique».

La Nouvelle-Calédonie en première ligne

Ce comité sera chargé de la gestion d’un «fonds de résilience» qui recueillera des financements extérieurs de grandes fondations pour soutenir des actions de lutte contre le changement climatique. Ces mesures, adoptées ce mercredi par le gouvernement calédonien, doivent prochainement être soumises à l’approbation des élus du congrès, l’assemblée délibérante de ce territoire de 270 000 habitants.

En Nouvelle-Calédonie, les conséquences du changement climatique sont déjà visibles. L’île d’Ouvéa, mais aussi la côte Est de la Grande Terre, subissent d’ores et déjà l’érosion causée par l’élévation du niveau de la mer. Des habitations, des infrastructures et des terres agricoles sont menacées de disparition. L’archipel voit également le nombre de phénomènes intenses (fortes pluies ou sécheresses majeures) s’amplifier au fil des ans. Enfin, la hausse des températures marines affecte les récifs de corail, touchés par des épisodes de blanchissement. Leur disparition accentue l’érosion du littoral car ces organismes forment des barrières qui permettent de ralentir la houle venant du large.

Au Pakistan, les mariages forcés en hausse dans des familles rendues vulnérables par le dérèglement climatique
Margaux Seigneur
www.lemonde.fr/planete/article/2024/08/30/au-pakistan-les-mariages-forces-en-hausse-a-cause-du-dereglement-climatique

De plus en plus de familles ayant perdu leurs terres à la suite de moussons hors norme obligent leurs filles, souvent très jeunes, à se marier, afin d’obtenir une dot et d’être à même de nourrir le reste de la famille.

Salwa (le prénom a été modifié) venait d’avoir 13 ans lorsque ses parents lui ont annoncé son mariage, début 2023. L’adolescente est d’abord enthousiaste à l’idée des cadeaux qu’elle recevra. « Je pensais que l’on m’offrirait du rouge à lèvres, des vêtements et des bijoux », explique-t-elle, lors d’une conversation vidéo, tout en berçant son bébé, âgé de quelques mois. « Je n’avais pas compris que ce mariage impliquerait d’être avec un homme plus âgé que moi. A cause des inondations, mes parents ont perdu leur terre. Ils n’avaient pas d’autres choix. »

A Khan Mohammad Mallah, au Pakistan, Salwa est loin d’être la seule adolescente à avoir été mariée par ses parents depuis les inondations meurtrières de 2022. Dans ce petit village de la province du Sind, le fondateur de l’ONG Sujag Sansar, Mashooque Birhmani, qui travaille avec les communautés locales pour lutter contre les mariages d’enfants, a recensé 45 mariages de mineures en 2024, dont un tiers a eu lieu en mai et en juin, juste avant le début des moussons.

Vitales pour les millions d’agriculteurs pakistanais et pour la sécurité alimentaire du pays, les moussons sont devenues, au cours de ces dernières années, plus longues et plus fortes qu’auparavant, provoquant d’innombrables inondations et la destruction de terres agricoles. Ces catastrophes naturelles et économiques, exacerbées par le réchauffement climatique, ont conduit à une nouvelle tendance, que les Pakistanais nomment les « épouses de moussons ». « Nous avons observé une augmentation systématique des mariages forcés lors des inondations les plus destructrices de l’histoire du Pakistan en 2007, en 2010 et en 2022 », indique Gulsher Panhwer, chef de projet au sein de Sujag Sansar.

D’après une étude menée par deux universitaires pakistanais sur les conséquences des inondations de 2010, le taux de mariage des filles âgées de 15 à 19 ans est passé de 10,7 % à 16 % l’année suivante. Dans la seule province du Sind, près de 4,8 millions de personnes ont été touchées, dont la moitié était encore des enfants. Dans cette région, près du quart des filles ont été mariées avant l’âge de 18 ans. « Sans revenus, les agriculteurs sont tellement désespérés qu’ils marient leurs filles pour l’équivalent du prix d’une vache ou même moins. Ils espèrent les mettre à l’abri de la pauvreté et obtenir suffisamment d’argent pour nourrir le reste de leur famille », explique Gulsher Panhwer.

En 2022, un tiers du Pakistan, cinquième pays le plus peuplé au monde, avait été inondé et de précieuses récoltes avaient été ravagées dans une nation où l’agriculture représente un quart du PIB et un emploi sur trois. De nombreux villages agricoles de la province du Sind ne se sont jamais remis de ces inondations, qui ont conduit au déplacement de millions de personnes.

« Nous vivions grâce à nos terres, mais, en 2010, elles ont été détruites à cause des moussons. Pour survivre, nous avons dû partir dans une autre province », explique Aiza, âgée de 29 ans et mère de deux enfants. Malgré cette migration, la petite famille peine à se nourrir et décide de marier la cadette. Deeba avait 12 ans et a été mariée à un homme de 25 ans en échange de 150 000 roupies pakistanaises, soit l’équivalent de 480 euros. « Elle était heureuse de recevoir de nouveaux vêtements et des bracelets, mais quand on l’a emmenée chez son mari, elle s’est agrippée à moi et nous nous sommes mises à pleurer. Je regrette tellement », sanglote la mère de famille, elle-même mariée à l’âge de 16 ans.

Loi non appliquée

Si les mariages d’enfants sont courants dans certaines régions du Pakistan, sixième pays au monde comptant le plus grand nombre de mineures mariées (19 millions d’après le Fonds des Nations unies pour l’enfance), cette pratique est considérée comme un crime, passible d’une peine de prison. L’âge légal du mariage varie de 16 à 18 ans, selon les régions, mais la loi n’est pas systématiquement appliquée.

Selon la dernière enquête démographique et sanitaire pakistanaise (PDHS) réalisée en 2018, 3,6 % des filles de moins de 15 ans et 18,3 % des filles de moins de 18 ans sont mariées au Pakistan. L’enquête PDHS montre également que 8 % des adolescentes pakistanaises âgées de 15 à 19 ans sont déjà mères ou enceintes de leur premier enfant. Globalement, une jeune femme sur six dans le pays a été mariée pendant son enfance.

« Il existe un débat permanent entre deux écoles de pensée concernant le mariage des enfants au Pakistan. L’une respecte strictement l’âge légal du mariage, tandis que l’autre prend en compte les facteurs socio-économiques du Pakistan et traite chaque cas de mariage d’enfants différemment », explique Syed Murad Ali Shah, chercheur en droit à l’université d’Azad Jammu and Kashmir. « Accentués par le dérèglement climatique, les mariages forcés persistent dans le pays, en particulier dans les régions pauvres, reculées et peuplés d’illettrés. Et ce, malgré les efforts du gouvernement », déplore l’expert.

En 2023, l’Unicef faisait état de « progrès significatifs » dans la réduction du nombre de mariages d’enfants. Mais « il est prouvé que les événements météorologiques extrêmes comme celui-ci [les inondations provoquées par les moussons de 2022] sont corrélés à un risque accru de mariage d’enfants. (…) Nous nous attendons à une augmentation de 18 % de la prévalence du mariage des enfants, ce qui équivaudrait à effacer cinq années de progrès », alerte l’organisation internationale à propos du Pakistan. A la suite de la médiatisation des 45 cas de mariages forcés dans le village de Khan Mohammad Mallah, le ministre du Sind, Murad Ali Shah, a ordonné une enquête visant à savoir si les jeunes filles mariées étaient issues de familles touchées par les inondations.

« La seule réponse est l’éducation »

Cette corrélation entre les catastrophes naturelles et l’augmentation des mariages d’enfants a été l’objet d’une étude, publiée en août 2023 dans la revue International Social Work, qui rassemblait une vingtaine d’enquêtes conduites entre 1990 et 2022 dans des pays en voie de développement en Afrique et en Asie du Sud. Les conclusions consignées sont sans équivoque : le dérèglement climatique a pour conséquence la hausse des mariages de très jeunes filles.

Ce lien concerne en particulier des espaces où la pratique du mariage forcé existe déjà. En outre, un rapport datant de 2020 de l’ONG Save the Children note que, parmi les vingt-cinq pays comptant le plus grand nombre de mariages précoces, « presque tous sont touchés par des conflits, des crises prolongées et des catastrophes climatiques ».

Pour lutter contre l’épidémie des « épouses de moussons », l’ONG Sujag Sansar mène une campagne de sensibilisation auprès des communautés locales en s’adressant aux personnalités religieuses, aux enseignants, mais aussi aux parents et à leurs filles. « Nous créons du lien social à travers des projets artistiques afin de briser le cercle vicieux des mariages d’enfants. La seule réponse à cette catastrophe est l’éducation. Pour éviter aux filles d’être considérées comme un fardeau, il faut développer leurs compétences afin qu’elles puissent trouver un emploi ou créer une entreprise et ainsi devenir autonomes », explique Mashooque Birhmani.


L’écologie ne peut se réduire à des décisions prises à Paris et imposées dans les territoires à coups de matraques
Sébastien Mabile, Avocat au barreau de Paris
www.lemonde.fr/idees/article/2024/09/12/l-ecologie-ne-peut-se-reduire-a-des-decisions-prises-a-paris-et-imposees-dans-les-territoires-a-coups-de-matraques.html

Sous prétexte de simplification et d’accélération des procédures, sept années de macronisme ont sérieusement ébranlé les droits et recours des citoyens lorsqu’un projet de construction affecte l’environnement, s’alarme, dans une tribune au « Monde », l’avocat Sébastien Mabile.

Le climat, l’eau, l’air, l’atmosphère, l’océan et la biodiversité sont des biens communs qui bénéficient à tous et dont la préservation conditionne notre capacité à vivre en bonne santé. C’est la raison pour laquelle les projets affectant l’environnement, qu’il s’agisse de la construction d’une route, de l’agrandissement d’une porcherie ou de la création d’une ligne à haute tension devraient être systématiquement précédés d’un débat avec les populations concernées.

Déjà à Stockholm (Suède) en 1972, la première conférence des Nations unies sur l’environnement évoquait la nécessité d’une « participation active des citoyens » afin « d’associer le public à la gestion et au contrôle de l’environnement ». Vingt ans plus tard, la déclaration de Rio reconnaissait que « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ».

Depuis, la « démocratie environnementale » n’a cessé de se développer, notamment sous l’impulsion de la convention d’Aarhus, adoptée en 1998, [entrée en vigueur en 2001] sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Le principe de participation du public avait été inscrit dans la loi en 1995 – Michel Barnier était alors ministre de l’environnement – et a intégré la Charte de l’environnement en 2005. Le champ de compétences de la Commission nationale du débat public (CNDP), instituée en 1997 et devenue autorité administrative indépendante en 2002, s’est progressivement élargi.

De plus en plus de projets ont été soumis au régime de l’enquête publique et la jurisprudence de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a facilité l’accès à l’information environnementale. Ces réformes ont permis de donner corps au principe de participation du public en matière d’environnement en consacrant le droit de chacun d’accéder aux informations relatives à l’environnement, de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement et de pouvoir les contester devant l’autorité judiciaire.

La faute aux riverains

Ce bel édifice a été sérieusement ébranlé par sept années de macronisme. Tout a débuté en 2018 au nom d’un objectif louable : développer l’énergie éolienne afin de rattraper le retard pris par rapport aux autres pays européens. Le principal obstacle à la décarbonation à la sauce jupitérienne est alors tout trouvé : c’est la faute des riverains qui multiplient les recours et retardent les projets. Un premier décret instaure alors une procédure dérogatoire en supprimant le double degré de juridiction : il n’est désormais plus possible de faire appel.

Deux ans plus tard, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) poursuit ce processus de déconstruction : les recours contre les projets éoliens en mer relèvent désormais de la seule compétence du Conseil d’Etat ; l’accès à l’information environnementale est restreint par la suppression de la consultation systématique du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), dont les informations communiquées faisaient l’objet d’une large publicité.

Quant à la participation du public, elle a été affaiblie par le relèvement du seuil financier d’un projet au-delà duquel un débat public doit être organisé – de 300 millions à 600 millions d’euros –, par le rétrécissement du champ de l’enquête publique et par la réduction du délai dont disposent les citoyens, associations ou collectivités pour solliciter une concertation préalable (de quatre à deux mois).

Enfin, ce processus de déconstruction s’est poursuivi plus récemment. Le législateur a créé une procédure dite « d’urgence civile », permettant à l’Etat de se dispenser de toute consultation du public, et récemment mise en œuvre à Mayotte pour créer une usine de désalinisation.

En 2022, le gouvernement a réduit par décret les délais de recours contre les projets d’usines de méthanisation, de champs photovoltaïques ou de lignes électriques.

Attaques répétées

En 2023, la participation du public a été restreinte en matière de construction de nouvelles installations nucléaires.

En 2024 enfin, le double degré de juridiction a été supprimé pour les recours contre les installations d’élevage, y compris les porcheries responsables d’une pollution aux nitrates qui submerge la Bretagne.

Sous couvert de simplification, ces réformes successives ont en réalité considérablement complexifié le droit de l’environnement dans le but évident et assumé de dissuader d’éventuels opposants aux plus gros projets, qu’ils soient agricoles, énergétiques ou d’infrastructures de transport.

Ces attaques répétées contre les piliers de la démocratie environnementale se sont accompagnées sur le terrain par une criminalisation particulièrement inquiétante des militants écologistes. Plusieurs observateurs français et internationaux, y compris le rapporteur spécial des Nations unies, ont dénoncé les conditions dans lesquelles ils ont été réprimés à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ou autour du chantier de l’A69. Là encore, l’objectif est clair : faire taire toute contestation et refuser tout débat critique.

Alors que les questions environnementales nous intéressent tous, le gouvernement démissionnaire a volontairement caché les informations extrêmement inquiétantes sur la qualité sanitaire des eaux commercialisées par le groupe Nestlé et multiplié les obstacles pour empêcher les citoyens d’accéder au contrat de concession de la future autoroute A69. Là où la transparence devrait s’imposer, c’est l’opacité qui domine pour préserver les intérêts économiques au préjudice de l’information des citoyens.

Des oppositions qui se radicalisent

Sans changement radical de ligne politique, ce processus de déconstruction devrait se poursuivre : le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit de transformer certains régimes d’autorisation administrative en régimes de déclaration préalable, restreignant encore la participation du public et privant les personnes affectées par les projets d’une évaluation environnementale de précaution.

Enfin, un projet de décret envisage de faire sortir du champ de compétence de la Commission nationale du débat public – seule autorité indépendante susceptible de garantir une certaine impartialité − l’ensemble des projets industriels.

En restreignant les possibilités d’engager un dialogue pacifique dans le cadre de voies légales, Emmanuel Macron couvre progressivement d’un voile d’opacité les projets qui affectent l’environnement, suscitant des oppositions qui se radicalisent à mesure que la démocratie environnementale recule. Les transformations écologiques ne peuvent pas se faire contre les habitants. L’écologie ne peut se réduire à des décisions prises à Paris et imposées ensuite dans les territoires à coups de matraques.

Nous devrions au contraire, restaurer des espaces de dialogue et de débats, apporter des garanties de transparence en matière d’information et renforcer l’accès au juge. Après sept années de déconstruction, il est urgent de restaurer la démocratie environnementale.

Pour les écologistes belges, « il faut soutenir les travailleurs de l’automobile »
Alexandre-Reza Kokabi
https://reporterre.net/Pour-les-ecologistes-belges-il-faut-soutenir-les-travailleurs-de-l-automobile

 

Alors que l’usine Audi à Bruxelles devrait fermer, le parti belge Écolo a apporté son soutien aux 4 000 travailleurs qui pourraient être licenciés. S’attirant alors les foudres d’opposants, critiquant sa politique anti-voitures.

L’usine Audi de Bruxelles, située dans la commune de Forest, est sur le point de fermer ses portes. Après des mois d’incertitude, le constructeur allemand Volkswagen, qui détient Audi, a finalement confirmé qu’il n’y assemblerait plus de voitures. Cette décision met en péril plus de 4 000 emplois directs, en comptant les sous-traitants. Face à cette situation, le parti écologiste belge Écolo a exprimé son soutien aux salariés, un engagement qui a parfois suscité des incompréhensions.

Un soutien nécessaire, tant la Audi « fait partie intégrante de notre tissu social et urbain », explique Séverine de Laveleye, membre d’Écolo et habitante de Forest. Son parti sera présent, le 16 septembre, à la manifestation organisée par les travailleurs, qui s’est transformée en une mobilisation nationale interprofessionnelle, pour exiger que des mesures soient prises pour sauvegarder les emplois.

Reporterre — Pourquoi, en tant que militante écologiste, avez-vous décidé de soutenir les salariés de l’usine Audi Forest ?

Séverine de Laveleye — Il est évident pour nous, écologistes, de nous tenir aux côtés des travailleurs et travailleuses. Notre vision politique repose sur une critique du système capitaliste et néolibéral, qui exploite à la fois les ressources de la planète et les populations humaines. Cette lutte est au cœur de notre combat depuis toujours. Nous voyons les travailleurs, notamment ceux en bas de la chaîne de production, comme les victimes malmenées par les décisions de multinationales qui délocalisent leurs activités pour réduire les coûts, laissant des milliers de personnes sans emploi. C’est une des facettes les plus criantes de l’impasse dans laquelle on se trouve.

Ensuite, il y a un aspect personnel. J’habite à proximité de l’usine Audi, elle fait partie de notre patrimoine local. Je vois de ma rue les travailleurs se rassembler chaque jour. En tant que mandataire locale, il est naturel pour moi d’être présente régulièrement pour les soutenir ; cette usine fait partie intégrante de notre tissu social et urbain, tout comme de notre histoire.

Des travailleurs et internautes se sont étonnés de votre présence lors d’un rassemblement, dénonçant une prétendue responsabilité des écologistes dans les pertes d’emplois du secteur automobile. Comment réagissez-vous ?

Ces critiques existent, mais elles ne sont pas représentatives de la réalité sur le terrain. Nous avons de bons contacts avec les syndicats, et lors de nos visites les échanges se déroulent très bien.

Cependant, je ne peux que comprendre la colère et le désarroi de certains travailleurs. Ils sont dans une situation difficile, il est naturel de chercher des coupables. Ce désarroi peut conduire à des raccourcis et des malentendus. Mais cette colère ne doit pas nous faire perdre de vue les véritables responsables : les grandes multinationales qui privilégient le profit au détriment de l’humain.

On nous accuse souvent, en tant qu’écologistes, d’être contre les voitures ou de causer des difficultés économiques à cause de notre soutien à la fin des voitures thermiques. Ce n’est pas le cas. La nécessité de sortir des énergies fossiles n’est pas une lubie des écologistes, mais une nécessité claire, établie par les scientifiques depuis des décennies. Il s’agit d’un consensus politique européen pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un objectif acté dans la loi Climat européenne.

Il est donc erroné de faire porter la responsabilité des difficultés d’entreprises comme Audi aux écologistes. Certes, le modèle électrique produit par l’entreprise à Audi Forest, l’Audi Q8 e-tron, n’est pas un succès. Mais Audi, comme d’autres, fait ses choix en fonction de logiques commerciales : nous ne leur avons rien demandé, et surtout pas de produire un SUV aussi cher et donc si peu adapté à l’énorme majorité des personnes qui dépendent de leur voiture.

Il est également important de souligner que le marché des voitures électriques en Belgique, notamment via le système des véhicules de société, se porte plutôt bien.

Accuser les écologistes pour les restructurations dans l’industrie automobile relève d’un diagnostic biaisé. Cette tendance n’est pas nouvelle : la Belgique a déjà subi des fermetures d’usines bien avant que les écologistes n’aient un quelconque pouvoir. Les restructurations industrielles en Europe remontent aux années 1980, et sont liées à des mutations globales du capitalisme industriel, bien au-delà de toute politique écologique.

Votre projet politique implique néanmoins une transformation du secteur industriel. Comment concilier la défense des emplois industriels avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

D’abord, il est fondamental de relocaliser les modes de production et de consommation. Cela vaut pour tous les secteurs, de l’alimentation aux médicaments, mais aussi pour l’industrie automobile. Pendant la pandémie de Covid-19, on a vu à quel point l’Europe était dépendante d’autres continents. Tout le monde semblait dire qu’on allait relocaliser, mais cela ne s’est pas vraiment matérialisé à grande échelle.

Il est certain que nous aurons toujours besoin de voitures dans certaines zones ou pour certains usages, même si nous devons favoriser et donc continuer de développer les mobilités douces et partagées. Il y aura encore des zones où les transports publics ne seront pas facilement accessibles et, dans ces cas-là, la voiture restera indispensable. Il est crucial que l’Europe continue de produire ses voitures, mais avec un réel souci environnemental.

L’exemple des SUV électriques produits par Audi est symptomatique : ce n’est pas le modèle que nous privilégierions en tant qu’écologistes. Il faut des voitures plus petites, moins énergivores, adaptées aux réels besoins des gens. Nous devons aussi encourager l’économie circulaire autour de la production automobile, en maximisant le recyclage des métaux rares utilisés dans les véhicules électriques. Il y a là un potentiel et une marge énormes pour créer des emplois de qualité, tout en respectant les limites planétaires.

Comment garantir la protection des travailleurs face à de grandes entreprises comme Audi, qui peuvent décider de fermer ?

En Belgique, depuis le drame de Renault [l’entreprise avait fermé ses portes en 1997, licenciant plus de 3 000 employés], la « loi Renault » encadre les licenciements collectifs et impose des procédures d’information et de consultation avec les travailleurs et travailleuses. Ce genre de dispositif doit être renforcé. Mais soyons réalistes : même avec de telles mesures, une entreprise peut toujours décider de fermer. Les leviers dont disposent les pouvoirs publics sont limités. C’est particulièrement irritant et scandaleux puisque quand Audi a repris l’usine en 2006, elle a bénéficié d’aides publiques et de taxes locales allégées, alors que les finances publiques de notre commune sont dans le rouge. Aujourd’hui, ça ne les empêche pas de partir.

C’est au niveau européen que des mesures structurantes doivent être prises. Il est essentiel d’avoir des outils comme la taxation carbone aux frontières, et des normes environnementales exigeantes en termes de responsabilité sociale des entreprises. Cela inciterait les investisseurs à relocaliser, car produire en Europe serait plus attractif.

Klima larrialdia areagotzera datoz “inoiz baino altuagoak” diren metano isurketak
Jenofa Berhokoirigoin
www.argia.eus/albistea/klima-larrialdia-areagotzera-datoz-inoiz-baino-altuagoak-diren-metano-isurketek

Metano isurketak murriztearen beharra berresten du klima aztertzen dabilen The Global Carbon Project proiektuko 69 ikerlarik plazaraturiko txostenak. Horrez gain, biharamunean atera du bere txostena Lurraren Aldeko Batzarrak, eta argiki dio: aldaketa sistemikoak bideratzeko nahikaria izanez gero, saihestu dezakegu klima larrialdia.

Berez klima larrialdiari buelta emateko bide emankorra litzateke metano (CH4) isurketen beherakada. Karbono dioxidoaren ondotik, berotegi efektua eragiten duen bigarren gas nagusia izanik ere, metano isurketak mugatzeko neurri eta helburu sendorik ez dute hartzen estatuek. Hori horrela, “inoiz baino altuagoak” izan dira azken bost urteetako metano isurketak. Hori dio Environmental Research Letters aldizkarian plazaraturiko irailaren 10eko ikerketa berriak. Klima aztertzen dabilen The Global Carbon Project proiektuko 69 ikerlarik eramandako azterketa du oinarri txostenak.

CH4ak atmosferan denbora gutxiago irauten duen arren –bederatzi urte inguru, karbono dioxidoak haatik mende batzuk–, bere berotze ahalmena CO2arena baino anitzez handiagoa da: 80 aldiz handiagoa lehen hogei urteetan eta 30 aldiz handiagoa ehun urteko epeari begiratuz gero.

  1. urteaz geroztik dabiltza metano isurketak neurtzen eta azken bost urteetan izan da emendio esanguratsuena. Klimaren aldeko Parisko Hitzarmenak muga bezala jartzen zuen 1,5 graduko tenperaturen igoera gainditurik dugun honetan, igoera horren herena eragiten du metanoak, txostenaren arabera. Sektore guztietan igo da isurketa: laborantzaren sektorean –eredu agroindustriala da ekoizle nagusia–, zaborren alorrean, erregai fosilen ustiaketan…

Hor ere klima justiziaren nozioak badu bere garrantzia, hain zuzen, estatu aberats bakar batzuk direlako isurketa horren oinarrian: metano isurketaren bi herenak hamar bat herrialderen ardura dira –nagusiak izanik, Txina, AEB eta Errusia–. Azpiegitura txarrengatik istripuz gertaturiko isurketek ere pisu handia dute –%50az emendatu dira iaz–.

Aldaketa sistemikoaren beharra

Biharamunean atera du, bere aldetik, ikerketa itxaropentsuago bat Lancet Planetary Health aldizkariak: Lurraren Aldeko Batzarra deitu nazioarteko ikertzaile taldearen ikerketak dio “aldaketa erradikalak” bideratuz gero buelta eman diezaiokegula klima larrialdiari. Politikan, ekonomian eta oro har jendarte mailan bideratu beharreko aldaketak zerrendatzen ditu ikerketa berri horrek. Zehazkiago, baliabideen banaketa justuagoa, erregai fosilen bukaera, baita karbono isurketa ahula eragiten duten bizi eredu iraunkorren eta teknologien orokortzea ere dira hartu beharreko aldaketen artean. Zentzu horretara joanez, kontsumoari mugak jartzeko eta zergak justizia sozialaren eta ekologikoaren alde banatzeko gomendioa garatzen dute ikerketan.

Galdatzen dituzten aldaketa drastikoek erabakidunen mesfidantzak eta oztopoak eraginen dituztela badakite: “Beharrezkoa den aldaketaren tamainak gobernu anitz asaldatuko ditu. (…) Aldaketa hori ez da berehalakoan onartuko. Neurri batean beldurgarria da, baina erakusten digu oraindik badela lekua gizakientzat eta beste espezie batzuentzat”.

Mundu mailako 65 adituk landutako 62 orriko txosten mamitsuak helburu du zehaztea planetako 7.900 milioi biztanleak nola egon daitezkeen mundu bizigarri batean, beti ere elikagaiak, ura, energia, etxebizitza eta garraioa modu justu eta iraunkor batean eskura izanez. 2050 urteari begira ere jartzen dira, ordurako 9.700 milioi biztanle aurreikusten direlako. Argiki diote: gaur egungo baldintza sozial, ekonomiko eta politikoek ez dute gero bizigarririk bermatzen, eta aipaturiko aldaketak ezinbestekoak dira.