Articles du Vendredi : Sélection du 13 octobre 2023

Climat : les événements extrêmes coûteraient au moins 143 milliards de dollars par an
Olivier Monod
www.liberation.fr/environnement/climat/climat-les-evenements-extremes-couteraient-au-moins-143-milliards-de-dollars-par-an

Deux tiers des coûts dus aux pertes en vies humaines, le reste en pertes de biens matériels… Des chercheurs ont évalué la facture engendrée par les événements climatiques extrêmes dus au réchauffement climatique de 2000 à 2019.

Le coût de l’inaction climatique s’élèverait à 143 milliards de dollars par an, selon une étude scientifique publiée dans la revue Nature Communications le 29 septembre. Les chercheurs néo-zélandais, Rebecca Newman et Ilan Noy se sont intéressés aux coûts de 185 événements climatiques extrêmes attribués au réchauffement climatique, de 2000 à 2019. Résultat, la facture varie de 60 à 230 milliards de dollars, avec une moyenne, donc, de 143. La facture devrait flamber en 2022 et 2023, mais il va falloir du temps aux chercheurs pour traiter les données.

Dans le détail, deux tiers de ces coûts étaient dus aux pertes en vies humaines et le reste en pertes de biens matériels. Les événements les plus coûteux sont les tempêtes ou les ouragans, devant les vagues de chaleurs et les inondations. Un bilan chiffré qui vient donner du relief à la passe d’armes entre le climatologue Jean Jouzel et le PDG de Total, Patrick Pouyanné, lors de la dernière université d’été du Medef. Ce dernier justifiait la poursuite de ses activités dans les énergies carbonées par la nécessaire prise en compte de «la vie réelle». Ce à quoi l’ancien coauteur du Giec répondait : «La vie réelle, c’est aussi l’équivalent du quart de la surface de la France qui a brûlé au Canada, les canicules et leurs morts, un pays comme l’Iran où l’on a arrêté de travailler pendant deux jours parce qu’il faisait 55 °C… L’écologie du bon sens nous mène droit à la catastrophe.» Cette étude apporte un argument de poids à Jean Jouzel. Ne pas agir, c’est perdre 143 milliards de dollars par an, soit un peu plus que le PIB du Maroc.

Et encore, ce chiffre est probablement sous-estimé, selon les auteurs. Si leurs travaux permettent de donner une première estimation du coût des catastrophes imputables au changement climatique, ils souffrent encore d’un certain manque de qualité des données de terrain. Ainsi, les études d’attribution des événements extrêmes sont essentiellement conduites en Amérique du Nord (23 %) et en Europe (25 %), mais très peu en Afrique (8 %).

Impossible, par exemple, de connaître le nombre de morts dus à des vagues de chaleur en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, tous les types d’événements ne sont pas étudiés de la même manière. Un tiers des études d’attribution portent sur des vagues de chaleur, contre seulement 8 % sur des tempêtes, pourtant les événements les plus dévastateurs. Cette différence s’explique par la difficulté des scientifiques à attribuer une tempête au réchauffement climatique. Ainsi, les auteurs n’avaient pas d’étude d’attribution du terrible cyclone Idai, qui a frappé le Mozambique et le Zimbabwe en 2019.

Malgré ces limites, ce type d’étude reste crucial pour orienter la décision publique et prendre en compte l’ensemble des conséquences du réchauffement climatique. Ce sujet est aussi sur la table des négociations internationales. Lors de la 27e conférence des Nations unies sur le climat (COP 27) en novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Egypte, les pays se sont mis d’accord sur le principe de la création d’un fonds pour dédommager les pays victimes du réchauffement climatique. Ce fonds, dit «pertes et dommages», n’a pas été chiffré. Les ONG, se basant sur une étude scientifique de 2018, considèrent que les besoins pourraient atteindre 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030.

Quels moyens seront réellement dégagés pour réparer les dégâts de la catastrophe climatique générée par les activités humaines ? On sait que les pays riches n’ont toujours pas tenu leur promesse de verser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 aux pays pauvres pour les aider à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre et à se protéger des impacts du changement climatique.

Agir est néanmoins possible. Rebecca Newman et Ilan Noy citent en exemple la gestion des vagues de chaleur en France. Celle de 2003 a fait 19 000 morts, contre 1 500 pour celle de 2019, pourtant plus forte par endroits. Et de conclure : «Cela démontre comment une politique d’adaptation bien mise en œuvre peut réduire significativement les coûts des événements extrêmes.»

 

Contre l’A69, la climatologue Valérie Masson-Delmotte ne peut pas « rester silencieuse »
Jade Lindgaard
www.mediapart.fr/journal/ecologie/121023/contre-l-a69-la-climatologue-valerie-masson-delmotte-ne-peut-pas-rester-silencieuse

L’autoroute A69, entre Toulouse et Castres, suscite une opposition croissante. La paléoclimatologue respectée, membre du Haut Conseil pour le climat, explique pour la première fois pourquoi elle demande au gouvernement de renoncer à ce projet.

Un apaisement peut-être temporaire. Les préfectures du Tarn et de la Haute-Garonne ont annoncé mardi 10 octobre la suspension jusqu’au vendredi 13 des opérations de défrichement sur le chantier de l’autoroute A69, entre Castres et Toulouse. Ce jour-là, une réunion doit se tenir avec les préfets, les maires et élus du territoire à la demande du ministre des transports, Clément Beaune.

Le militant écologiste Thomas Brail, ainsi que deux autres personnes qui avaient arrêté de s’alimenter et de boire, ont annoncé l’arrêt de leur grève de la soif. Ils avaient cessé de s’abreuver depuis 14 heures. Mercredi 11 au soir, les douze personnes s’étant successivement déclarées en grève de la faim depuis le 7 septembre ont collectivement annoncé la suspendre : expliquant être très affaiblis et terriblement amaigris, ils constatent que « la verticale du pouvoir État-Région-Département est restée sourde à [leurs] demandes »« Le saccage du vivant sur toute l’emprise de l’autoroute a continué, à l’exception des lieux que nous tenons avec les écureuils : La Bourrelié, La Prade et Bernazobre », ajoutent-ils.

La mobilisation ne semble pas pour autant faiblir contre ce projet de 54 kilomètres de bitume, en deux fois deux voies dont 44 kilomètres de voirie neuve, qui doit artificialiser 366 hectares, dans un paysage de champs, de vignes, de fermes, de prairies, de vergers, de parcs et de haies. Un week-end de mobilisation s’organise pour les 21 et 22 octobre. Et d’ici là, les opposant·es appellent à des rassemblements devant les mairies vendredi à 19 heures, autour du mot d’ordre « Pas de suspension ? Pas d’appel au calme ».

Dans L’Obs, 1 500 scientifiques ont adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour lui demander de renoncer à ce projet routier qui « maintient la France sur une trajectoire incompatible avec la transition écologique telle qu’inscrite dans la loi ». Parmi ces signatures, la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au CEA, ancienne coprésidente du groupe 1 du Giec, et membre du Haut Conseil pour le climat. Elle s’en explique pour la première fois dans cette interview accordée à Mediapart.

Mediapart : Pourquoi avez-vous pris position contre l’autoroute A69 ?

Valérie Masson-Delmotte : La première chose, c’est l’avis de l’Autorité environnementale de 2022 que j’ai lu en entier, et qui m’a plongée dans une réflexion sur l’inadéquation des études environnementales par rapport à ce type de projet. Notamment par rapport aux gains de temps de déplacement que permettrait cette autoroute, qui sont très limités. Je suis utilisatrice d’une voiture électrique, je constate que la meilleure utilisation est de rouler à 110/115 kilomètres-heure. Avec cette vitesse, le gain de temps sur cette autoroute serait très limité. Or on va vers une électrification du parc. Donc cette question va se poser.

Autour de moi, beaucoup de personnes ont pris le temps de se renseigner sur le projet et sont perplexes, car elles écoutent d’un côté les arguments en faveur du désenclavement de ce territoire, et de l’autre, regardent les arguments de son impact environnemental ainsi que les enjeux de foncier agricole.

Quels sont les problèmes environnementaux posés par cette autoroute ?

Ce type d’aménagement contribue à une vision de la mobilité concentrée sur une vitesse élevée en voiture thermique. Or plusieurs problèmes se posent. Il y a le sujet des arbres [de nombreux arbres centenaires ont été abattus par le chantier – ndlr]. Une étude vient de sortir dans Science expliquant qu’en France et en Europe, 10 % des arbres se trouvent en dehors des forêts : dans les alignements, les haies, les bosquets. Quelle réflexion mettons-nous en place à ce sujet ?

Autre point : l’argument de la compensation. On détruit des arbres anciens qui hébergent toute une vie, avec différentes espèces qui y trouvent refuge, pour les remplacer par un, deux, trois, quatre, cinq jeunes arbres mais sans se poser la question de toute la vie qu’on y détruit. Je ne suis pas une spécialiste de biodiversité, mais je lis avec attention ce que publient mes collègues.

Cela me laisse l’impression que la compensation permet aux élus de se dédouaner de leur propre responsabilité par rapport à l’artificialisation.

Par ailleurs, en termes d’aménagement du territoire, les études que j’ai lues montrent que ce type d’infrastructures contribue à éloigner les personnes de leurs lieux de travail, augmente les déplacements au quotidien, contribue à la destruction du foncier agricole au profit de l’habitat pavillonnaire près des entrées des autoroutes. Ce sont des formes d’aménagement du territoire qui sont en prise avec des enjeux écologiques et sociaux. C’est un habitat éparpillé, peu efficace énergétiquement qui rend les gens dépendants de la voiture.

Pour protéger le climat, faut-il arrêter de construire des autoroutes en France ?

Je n’ai pas une vision binaire, pour ou contre. Il y a plusieurs enjeux à prendre en compte : la préservation du foncier agricole à proximité des villes et d’un système alimentaire soutenable, ainsi que la protection des écosystèmes, notamment des zones humides. Je crois que certains aménagements de l’A69 sont prévus dans des zones exposées aux risques d’inondation. Je ne suis donc pas certaine que les conséquences d’un climat qui change aient été complètement intégrées. En 2016, à la suite de pluies extrêmes en juillet, des débordements se sont produits près de la Loire, et des cours d’eau ont inondé des voies d’aménagement.

Tout cela illustre la faiblesse du cadre du droit, et notamment de la façon dont sont faites les études d’impact, sur les sujets de l’artificialisation, des puits de carbone, du système alimentaire, des implications à long terme de l’aménagement sur les besoins et la demande énergétique. Ce n’est pas qu’un enjeu de gaz à effet de serre. C’est une question de maîtrise de la demande, de sobriété et d’efficacité. Tout cela, encore une fois, dans le cadre de l’A69, est à mettre en rapport avec le tout petit gain de temps que permettrait l’autoroute.

Les défenseurs du projet disent que pourront y rouler des véhicules bas carbone et peu polluants. Que leur répondez-vous ?

J’ai entendu la présidente de Région dire qu’il y aura des bus à hydrogène. Mais quel type d’hydrogène ? Faire rouler des bus à hydrogène sur de nouvelles autoroutes ne va-t-il pas accaparer de l’électricité bas carbone pour un usage peu efficace par rapport à d’autres usages de substitution aux énergies fossiles ? Si on fait de l’hydrogène vert avec de l’électricité bas carbone, c’est pour arrêter d’utiliser des énergies fossiles, pas pour ajouter de la dépense énergétique qui entre en concurrence avec un système ferroviaire défaillant.

En France, le premier vecteur des gaz à effet de serre est le transport, dont plus de la moitié est constituée des voitures personnelles et de la logistique par camions. On ne va pas répondre à ces défis avec seulement une approche d’offre, et en construisant toujours plus d’autoroutes. Il faut réfléchir autrement, penser les mobilités et un meilleur aménagement du territoire. C’est donc une question d’ensemble, d’enjeux de climat et de qualité de l’air. De plus, avec ces autoroutes, c’est un système de privatisation, via la concession à des sociétés qui remboursent leurs investissements par des péages, et qui cherchent la rentabilité.

J’aimerais donc bien savoir si la viabilité de ce projet a été évaluée en tenant compte de tous ces sujets : aléas climatiques, évolution de la demande d’énergie, implications pour le territoire. Et ce que je crois comprendre, c’est que cela n’a pas été fait. En ce sens, cette autoroute A69 est emblématique d’un mode de décision hérité du passé, qui ne permet pas de construire la résilience et la décarbonation du futur dont nous avons besoin.

Comment sortir de l’impasse actuelle : militant·es déterminé·es à aller très loin, jusqu’à la grève de la faim et de la soif d’un côté, gouvernement inflexible de l’autre ?

La société civile prend à bras-le-corps ces questions : occupation d’arbres, grève de la faim et de la soif, et se retrouve dans une situation clivée face à des acteurs économiques qui laissent très peu de place à la discussion. Quand on regarde la vidéo des élus du territoire en défense de l’autoroute, il n’y a que des hommes qui s’expriment. Ça montre selon moi l’importance dans cette histoire des rapports de force dans la société : les acteurs économiques, BTP, logistique d’un côté, la société civile de l’autre.

Ce sont les mêmes questions que posent le zéro artificialisation nette, l’interdiction des passoires thermiques, le stockage de l’eau en surface pour l’agriculture. Il y a des projets structurants qu’on ne peut plus mener à bout. On est parti pour avoir une hausse de plus de 3° à la fin du siècle s’il n’y a pas de sursaut. Ce serait une catastrophe. Notre adaptation n’est pas à la hauteur des enjeux.

Je suis extrêmement inquiète de la mise en danger des gens qui font la grève de la faim et de la soif. C’est atroce d’avoir à en venir à une situation de ce type pour poser des questions de fond. Ces personnes ont des proches qui ont besoin d’elles.

Ce qui compte, c’est d’infléchir la décision maintenant, de penser les choses autrement pour trouver ce qui permet de concilier une économie viable, des opportunités d’emploi, la sobriété et l’efficacité énergétiques, plutôt que de passer en force et de construire le plus vite possible une infrastructure qui ne sera plus possible dans quelques années. C’est un peu comme les pays pétroliers qui essaient de passer le plus possible de projets favorables aux énergies fossiles tout en prétendant vouloir tenir les engagements à long terme de décarbonation. C’est se voiler la face.

En mon âme et conscience, compte tenu des enjeux à agir et à changer d’échelle d’action pour le climat, je ne peux pas rester silencieuse par rapport aux questions que pose ce projet. Et je ressens une grande inquiétude face à l’incapacité dans notre société à avoir un dialogue approfondi afin de construire une vision partagée, viable à long terme. 

 

François Jarrige : « Tout choix technique est un choix politique »
Hervé Kempf
https://reporterre.net/Francois-Jarrige-Il-va-falloir-faire-decroitre-nos-consommations-d-energie

Omniprésente, la technique nous a été imposée par des choix politiques, explique l’historien François Jarrige. Pour lui, c’est à nous de construire une autre société. Car aucune technique n’est « miraculeuse ».

François Jarrige est historien et enseigne à l’université de Bourgogne. Il vient de publier La ronde des bêtes (La Découverte). À travers l’histoire des techniques, il montre que celles-ci ne sont d’aucune fatalité, mais découlent de choix sociaux particuliers.

Reporterre — N’est-il pas difficile de critiquer la technique alors que nous en sommes complètement dépendants et qu’elle nous procure un grand confort ?

François Jarrige — Si. C’est pour cela que la question technique n’a pas été abordée pendant 150 ans. On imaginait que l’extension de la sphère du marché, les politiques de redistribution et de régulation régleraient les problèmes que pose la technique. En fait, ceux-ci n’ont pas été réglés, ils ont été externalisés. L’histoire du capitalisme a été d’externaliser dans l’espace les ressources captées, les déchets émis, les travailleurs exploités. Grâce à ce nouveau milieu technique, les classes moyennes européennes bénéficient d’un confort remarquable.

Aujourd’hui, on ne peut plus autant externaliser l’exploitation sociale dans d’autres pays du monde, comme la Chine, car les limites environnementales nous sautent au visage de toutes parts. Nous sommes obligés de rouvrir cette boîte noire de notre milieu technique. Et c’est le cœur du problème.

À savoir ?

Nous sommes tous des êtres techniciens. Contester et interroger ces dispositifs serait une forme de rejet de ce qui nous a constitué comme êtres vivants avec nos subjectivités actuelles.

Mais qu’est-ce que la technique ?

Je n’en parle pas comme d’une catégorie philosophique abstraite et générale. La technique est une certaine façon d’organiser les rapports sociaux et les flux de matière qui structurent nos sociétés. Tout choix technique est un choix écologique, social et politique. La technique produit un milieu social. Une fois pris dans ce milieu, on ne peut pas la refuser. Mais cela ne nous empêche pas d’interroger les choix techniques du présent. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre. Mais on peut faire le choix d’une technique, ce qui revient à choisir un certain type de société.

Selon vous, le changement climatique est un processus historique. Pourquoi ?

Le changement climatique est le résultat de choix passés issus de nos façons d’organiser nos sociétés. À certains moments de l’histoire, on s’est mis à développer des systèmes économiques reposant sur les combustibles fossiles, qui sont responsables du changement climatique.

Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, dans leur très beau livre Les Révoltes du ciel, montrent que la question de la responsabilité des activités humaines dans les dérèglements climatiques est une très vieille histoire. Celle-ci a pris des formes variables selon les contextes et les connaissances scientifiques de chaque époque. Des sociétés sont beaucoup plus responsables du changement climatique que d’autres, parce qu’elles ont fait certains choix d’organisation au XIXᵉ siècle.

 

 

Aujourd’hui, où en est-on de ce choix, notamment par rapport à l’énergie ?

Tout d’abord, il est indéniable qu’il va falloir se limiter et faire décroître nos consommations d’énergie. Ensuite, il y aura besoin de beaucoup de techniques et d’équipements nouveaux. Il ne faut pas imaginer qu’il y ait une solution énergétique unique, au contraire des prophètes du nucléaire qui promettent en permanence la technique miraculeuse qui offrira l’énergie infinie.

En fait, l’histoire de l’énergie est toujours celle d’une addition : toutes les énergies anciennes continuent d’exister et de nouvelles sources d’énergie s’y sont ajoutées. Dans l’avenir, on aura un mix extrêmement complexe d’énergies qui devra être adapté aux contextes locaux. Il y a des régions où l’hydraulique est facilement disponible parce qu’il y a des chutes d’eau. Il y a des régions où il y a beaucoup de soleil, etc.

Avec un niveau de consommation matérielle au moins deux fois plus réduit…

C’est le point de départ. Le problème est que l’on ne veut pas sortir d’un mode de vie reposant sur une énergie à très bas coût et extrêmement abondante. Notre société ne peut pas fonctionner sans un pétrole quasiment gratuit. Toute l’histoire de la géopolitique du XXᵉ siècle a été rythmée par des tentatives pour contrôler les flux d’approvisionnement des ressources stratégiques.

Aujourd’hui, deux problèmes se posent à nous. D’un côté, le pic pétrolier est passé. L’âge d’or du pétrole très bon marché et abondant est révolu. Et de l’autre côté, il y a le changement climatique. Il y a donc à la fois un souci de ressources et un souci de déchets avec l’émission de CO2 dans l’atmosphère. C’est une illusion de dire qu’on peut continuer à vivre avec le même niveau de confort sans pétrole. Ou alors ce sont des promesses faites par des gens qui ont des intérêts économiques à défendre.

Quels sont les scénarios qui nous attendent ?

Ce qui se prépare, ce sont des systèmes potentiellement autoritaires avec des sociétés de plus en plus inégalitaires, où il y aura des contractions gérées de façon centralisée par l’État et aux dépens des classes populaires. Donc l’alternative est de construire une société plus égalitaire qui repose sur une contraction de nos consommations et de nos productions, et donc nécessairement de nos modes de vie. Il va falloir revoir nos hiérarchies de valeurs.

L’alimentation doit être davantage payée et coûter plus cher. Les mobilités doivent être contraintes. C’est peut-être indicible pour un homme politique : il faut se faire réélire et la démagogie domine de tous les côtés. Mais il n’y a jamais eu autant de rapports alertant sur les impasses environnementales, les problèmes d’accès aux ressources, les contradictions du système capitaliste et consumériste. On essaie de trouver des subterfuges pour continuer comme avant, mais ça se fissure.

Pourtant, on semble loin d’une prise de conscience collective…

Il y a encore quelques années, des gens m’expliquaient que le monde devait prendre exemple sur l’Europe, car elle avait dépollué ses villes et ses industries. Il s’agit en fait du phénomène de désindustrialisation, qui est un déplacement dans l’espace des activités toxiques et polluantes. Dans les années 70, les capitalistes ont choisi de délocaliser pour maintenir leur taux de profit dans le contexte d’effondrement de l’Union soviétique. Ils n’avaient plus de rivaux, c’était l’ouverture des marchés et le libre-échange intégral.

Tout cela s’est greffé à l’émergence d’un nouveau système technique : le numérique et l’informatique. Mais le numérique n’a pas remplacé l’ancien système industriel. Il a ajouté de nouvelles consommations énergétiques et de nouveaux usages sociaux extraordinairement énergivores et toxiques. Cela a été invisibilisé : les travailleurs qui produisent les objets le sont à l’autre bout du monde. Tout le drame et la force des écologistes sont de faire ce travail d’information pour rendre visible ce que la publicité ne cesse de dissimuler et de cacher sous le tapis.

Pourquoi est-ce le « drame des écologistes » ?

Ils apparaissent comme les oiseaux de malheur, ceux qui alertent, ceux qu’on présente comme catastrophistes. Dans les années 90, la figure de l’écologiste a été diabolisée, il a été présenté comme un Khmer vert, un antiscience. Il y a une disqualification de l’écologie, parce que les écologistes pensent la complexité. Dans le moment actuel, où le débat politique se réduit de plus en plus à des stéréotypes, à des caricatures et à des slogans en quelques signes sur Twitter, l’écologie est obligée de tenir ensemble des choses extrêmement complexes. Elle ne se prête pas aux discours simplistes et démagogiques du fonctionnement du système politique actuel.

Par ailleurs, les sciences sont de plus en plus cloisonnées, et l’écologie est l’une d’entre elles et tente de les maintenir toutes ensemble. Les écologistes complexifient dans un temps où l’on aimerait que les choses soient simples et qu’un ingénieur nous propose le moteur à hydrogène miraculeux qui résoudra nos problèmes de transport et nous permettra de continuer à prendre l’avion sans se poser de questions. L’écologiste, c’est celui qui dit : « Non, il va falloir réduire nos consommations. »

Nous ne pouvons donc pas attendre de l’éolien, du photovoltaïque et de la biomasse qu’ils reproduisent le système industriel tel qu’il s’est formalisé au début du XXI siècle

C’est le cœur de l’enjeu. Une société qui repose sur les énergies renouvelables est une autre société. C’est une société qui consomme et produit beaucoup moins et qui ne repose pas sur le renouvellement incessant des produits tel qu’on le connaît aujourd’hui. Le problème est qu’on ne veut pas sortir de cette idée que notre mode de vie n’est pas négociable. Or ce n’est pas possible : le pétrole a des caractéristiques physiques qui ne sont pas substituables par d’autres systèmes techniques.

C’est moins une question technique que politique. Il faut inventer d’autres modes de vie, et les milieux techniques adaptés à ceux-ci. Il faut sortir d’un solutionnisme technique empêchant de développer des politiques publiques plus ambitieuses sur le changement climatique. La décarbonation de l’économie signifie d’avoir beaucoup moins de voitures, d’autres modes de transport et d’autres modes de vie.

Dans votre livre On arrête (parfois) le progrès, vous écrivez : « Il faut retrouver la richesse du passé. » De quel passé s’agit-il ?

La société contemporaine repose sur un misérabilisme considérable à l’égard du passé. Nos ancêtres auraient tous été des espèces d’ignares crasseux, plus ou moins stupides. La modernité nous aurait émancipés de tout ça. Retrouver le passé, c’est retrouver la complexité et la diversité. Et se rendre compte que ce passé n’est ni univoque ni linéaire. Des paysans du XVIIIᵉ siècle n’étaient pas dans une misère crasse et vivaient dans des communautés libres.

L’histoire est un formidable réservoir, à la fois d’analyses pour comprendre notre monde, et d’expériences pour nous réapprendre à vivre autrement. On a cru pendant deux siècles que toutes les limites étaient levées par nos milieux techniques. Aujourd’hui, ces milieux techniques deviennent la source de nos problèmes. À nous de trouver une manière de réagencer la relation entre les sociétés et le reste du monde vivant, entre nos milieux techniques et nos choix de vie. Et ce sont des choix politiques.

Choisir un métier « durable », « responsable », « à impact positif » : du rêve à la réalité
Séverin Graveleau
www.lemonde.fr/campus/article/2023/10/11/se-tourner-vers-un-metier-durable-responsable-a-impact-positif-du-reve-a-la-realite_6193705_4401467.html

Ces postes attirent de nombreux jeunes diplômés. Mais derrière la satisfaction d’avoir un métier en accord avec ses valeurs émergent parfois des difficultés à faire évoluer son entreprise, à gérer son écoanxiété, à faire face aux lenteurs et, parfois, au greenwashing.

Ils sont responsable du développement durable ou de la RSE de leur entreprise, conseiller en transition écologique, manageur décarbonation, chef de projet biodiversité ou encore data analyst ESG. Alors que de jeunes diplômés font grand bruit dans les médias en appelant à bifurquer ou à déserter les entreprises, eux ont choisi d’essayer de changer les choses de l’intérieur. Ils le font dans un de ces métiers « verts », « responsables », ou « à impact positif », en plein boom ces dernières années – plus 21 % entre 2019 et 2021, selon une étude de l’APEC de 2022 – face aux besoins des entreprises et des services publics de répondre aux évolutions réglementaires en matière de climat.

Mais faire ainsi un métier « qui a du sens », comme ils disent tous, sans sortir du cadre n’est pas toujours sans difficultés, défis et, parfois, désillusions. Plusieurs dizaines d’entre eux ont répondu à un appel à témoignages sur Lemonde.fr, avec l’envie de raconter leur passion initiale pour leur profession, mais aussi ces petites frustrations ou concessions, ces victoires lentes et modestes, qui font également partie de leur quotidien.

« J’aurais dû m’en douter pendant l’entretien d’embauche, raconte ainsi Julien (qui, comme d’autres interlocuteurs, a requis l’anonymat). Lorsque j’avais dit que la lutte contre le dérèglement climatique était importante pour moi, la RH m’avait répondu en souriant “Bien sûr, bien sûr, pour nous aussi ! Mais nous restons une entreprise…”. » Après un diplôme d’ingénieur et une expérience dans la recherche, ce Parisien trentenaire a découvert « le monde fabuleux de la greentech » en poussant, en 2021, la porte d’un cabinet de conseil spécialisé dans le traitement des données au service du développement durable des entreprises, notamment à travers la réalisation de bilans carbone. « Je n’avais pas envie de travailler dans une boîte qui fait du capitalisme bête et méchant. Quelque chose un peu dans l’intérêt général, quoi… », explique le datascientist.

De vraies déceptions

Il n’est pas seul dans ce cas. Dans un sondage Toluna-Harris Interactive pour le collectif Pour un réveil écologique, réalisé en juin auprès de 2 000 jeunes de 18 à 30 ans, plus de huit sur dix considèrent comme important d’avoir un emploi respectueux de l’environnement et utile à la société. Ils sont même sept sur dix à affirmer qu’ils pourraient renoncer à postuler dans une entreprise qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux, l’une de leurs plus « grandes sources d’inquiétude ». Oui mais voilà, pour Julien, malgré la « bonne ambiance avec les collègues, les formations au dérèglement climatique et… les couverts jetables interdits à la cantine », le cœur de son travail le questionne après quelques mois seulement : « Je m’aperçois que les attentes des entreprises qui font appel à notre cabinet de conseil sont parfois assez faibles, qu’on a souvent peu de retours sur ce qu’elles mettent réellement en application suite à nos rapports. Qu’on peut même bâcler les expertises qu’on réalise pour elles : elles sont quand même contentes de communiquer sur le fait d’avoir fait appel à une boîte cool et responsable. » Il se sent mal, aussi, le jour où il doit travailler à la certification des bonnes pratiques environnementales d’une entreprise du secteur pétrolier. Ou lorsqu’il voit parfois des subventions publiques financer certaines études « bullshit » selon lui. « Pas envie de participer à cela plus longtemps » : Julien claque la porte au bout d’un an et demi, pour entrer dans une grosse start-up de l’économie collaborative, « plus engagée », où il est aujourd’hui un data scientist « beaucoup plus heureux car en accord avec [s]es valeurs ». Les acteurs du développement durable ou de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises admettent entendre parfois ce type de témoignage chez des jeunes en début de carrière, découvrant la réalité d’un métier qu’ils avaient parfois fantasmé. Les vraies déceptions « sont toutefois minoritaires, car ces métiers sont dans leur globalité porteurs de sens », temporise d’emblée Caroline Renoux, directrice générale du cabinet de recrutement Birdeo, spécialisé dans les métiers à impact positif. Son rôle est justement d’éviter les « malentendus ou écueils » à la source des difficultés de certains jeunes recrutés.

Parmi ces « malentendus », le greenwashing de certaines entreprises qui affichent un engagement pour le climat peu sincère, dans le but de surfer sur la demande sociale croissante en la matière ou même d’attirer les jeunes recrues qu’elles savent sensibles à ces questions. Quatre jeunes sur dix interrogés dans le récent sondage Toluna-Harris Interactive ont déjà eu le sentiment que leur entreprise n’avait un discours écologique qu’en façade. A l’inverse, plusieurs professionnels interrogés par Le Monde, convaincus de l’engagement de leur entreprise sur ces sujets, disent être lassés des soupçons de greenwashing qui pèsent sur leur activité dès qu’ils la décrivent.

Conflits de valeurs

Mais pour trier le bon grain de l’ivraie, ou simplement « choisir entre une entreprise qui veut juste respecter la réglementation et une autre qui a une démarche plus engagée », les candidats qui sortent d’école « ne sont pas toujours très au clair sur leurs valeurs, envies, et ce qu’ils sont prêts à accepter de faire » au moment du recrutement, raconte Caroline Renoux. Ils doivent aussi ne pas « confondre une entreprise avec une ONG ou une association ». Car « l’entreprise doit à la fois satisfaire son objectif de rentabilité et les objectifs sociaux ou environnementaux. Ce qui ne se fait évidemment pas sans tensions », explicite-t-elle. Lorsque l’impératif de croissance économique entre en conflit avec l’impératif de décroissance des émissions de gaz à effet de serre, de l’impact carbone ou de l’utilisation de l’eau, les conflits de valeurs et la dissonance cognitive peuvent être au rendez-vous. Les jeunes, qui arrivent souvent sur des postes « juniors » où leur voix porte peu dans l’entreprise, « comprennent très vite les injonctions contradictoires auxquelles ils vont devoir faire face et s’habituer », complète Fabrice Bonnifet, responsable du développement durable du groupe Bouygues, et président du Collège des directeurs de développement durable (C3D), qui réunit les responsables du développement durable de nombreuses entreprises. Il confirme : « En conférence, on est régulièrement interpellé par ces jeunes qui sont dans le désarroi, sur des postes RSE où ils disent ne pas être écoutés, ne pas retrouver chez leurs interlocuteurs le degré d’urgence qu’ils portent pourtant profondément en eux. » Les jeunes actifs interrogés témoignent en effet de ce rapport au temps long parfois difficile à gérer. « On a cette conscience de l’urgence écologique. On voit le dérèglement du climat qui s’accélère et on sait qu’il faut agir maintenant. Mais tout va tellement lentement ! », se désole ainsi Morgan, 25 ans, chargé pendant deux ans de la protection des zones humides chez un important constructeur d’infrastructures de transport.  Il illustre une situation que bien d’autres professionnels vivent : « Notre activité, relativement récente, entre par défaut en conflit avec celle des autres services qui permettent depuis longtemps à la boîte de gagner de l’argent. On est donc rarement prioritaire. Chaque décision met des mois, voire des années, à être prise puis appliquée. Il faut être patient. Et accepter que les mesures environnementales qu’on obtient au forceps ne soient, au moins dans un premier temps, que “compensatoires” au reste de l’activité qui change peu… » Une lenteur qui prévaut selon lui aussi dans les institutions publiques et les collectivités par lesquelles il est également passé.

« Diplomatie permanente »

Face à ce temps qui s’étire, « il faut savoir garder de l’énergie sur la longueur et rester positif, cela fait presque partie de la fiche de poste », raconte Alexandra, 27 ans, responsable de la transformation durable d’un grand groupe de cosmétiques, passionnée par son travail. Il faut aussi « apprendre à prendre plaisir dans cet exercice de diplomatie permanente qu’on doit faire auprès d’acteurs moins convaincus que nous », complète Guillaume, 26 ans, chargé de conseiller les entreprises sur la transition écologique au sein d’une chambre de commerce et d’industrie d’Ile-de-France. Plutôt que de partir bille en tête sur l’urgence écologique auprès de personnes « parfois climatosceptiques », il essaie par exemple « de leur montrer les économies qu’elles peuvent réaliser en réduisant leur impact environnemental ».

Mais, pour ne pas trépigner d’impatience ou avoir l’impression de faire trop de concessions sur ses valeurs, il multiplie, comme d’autres jeunes interrogés, les engagements bénévoles en dehors de son travail (organisation de fresques du climat, participation à des marches, ramassage de déchets dans la nature, etc.). Un bon moyen de continuer à aimer son métier sans sombrer dans l’écoanxiété qui guette parfois.

Trantsizio ekologikoaren izenean, bere ingurumena sakrifikatzen dabil Indonesia
Jenofa Berhokoirigoin
www.argia.eus/argia-astekaria/2841/trantsizio-ekologikoaren-izenean-bere-ingurumena-sakrifikatzen-dabil-indonesia

Indonesiako hiriburu Jakartaren itsasoratzeari aurre egiteko eta jakartarrek nozituriko kutsadura arazoari erantzuteko, hiri erraldoi bat zerotik eraikitzen dabiltza, Borneo oihan zabalean. Lekualdatzeak bideratu eta hiriburu berria bilakatuko da Nusantara izeneko sortu berria. Ekosistemaren suntsiketa eta CO2 isurketen emendio drastikoa ondorioztatu arren, “hiri ekologikotzat” dauka Gobernuak. Hori aski ez balitz, munduko gune industrial handienetarikoa eraikitzen dabil, gasaren eta petrolioaren inportazioekin bukatzeko. Hau ere “berdetzat” dauka.

Kapitalismo berdearen iruzurraren adibide esanguratsuenen artean ditugu Indonesiako Gobernuak abiaturiko bi makroproiektu: “Nusantara hiri ekologikoa” eta “Kalimantan eskualdeko industria gune berdea”. Albo-kalte sozial eta ekologikoak hain dituzte handiak, non eta koherentzia-eza gailentzen zaien kalkulu matematikoei. Alta, “berde”, “ekologiko” eta “karbono-neutro” hitzez estaliz badoaz aitzina.

Nusantara hiriari dagokionez, 2019az geroztik aipatzen zuen xede hori Gobernuak eta 2022ko urtarrilaren 18an onartu zuen Parlamentuak. Jakartaren ordez, hau izanen dute hiriburua eta instituzio politiko, finantza-bulego, funtzionario eta jakartar, guztiak dira lekuz aldatuko. Jakartatik 1.200 kilometrotara, zabalagoa den Borneo irlaren erdian kokatu dute hiriburu berria, oihan baten erdian, 2.500 kilometro koadroko eremu natural batean. “Hiri ekologikoa” izateko gisan marraztua izan da: energia berriztagarriak, auto elektrikoak, guztia oinez egiteko gisan pentsatua, oihanaren %65 berriro landaturik… 2045erako karbono-neutro izateko –isurtze bezainbat xurgatze–.

Artxipelagoko Borneo irla zabalena aukeratu izanak badu bere garrantzia, hain zuzen, itsasoaren igoerak mehatxatzen duen herria delako Indonesia. Urtero hamar bat zentimetro itsasoratzen zaizkio, irla ttipiak desagerrarazi eta herritarren egunerokoa zalantzan jarrita. Gundul eta Betet ugarteak irentsi berri ditu itsasoak eta beste lauk dute epe ertain laburrean zori bera: Salah Namo, Burung, Kramat eta Kalong-ek. Itsaso mailaren igotzea bezainbat irlaren apaltzea dute arazo. Ura gehiegi eta ilegalki ponpatzearen ondorioa da: lurpeko akuiferoak idortzen ditu eta eraikuntzen zamak matatzen ditu lurzoruak. Hori horrela, Jakarta urtero 10-15 zentimetro da itsasoratzen –25 zentimetro hiriaren iparraldea–.

Gainera, tsunami, sumendi, lurrikara eta uholde, mehatxaturik den hiria da, plaka tektonikoak elkar topatzen diren eremuan izanik. Mehatxu natural horiei giza aktibitateen kalteak ere gehitu behar zaizkie: 30 milioi jakartarrek eta bertako jarduerek ondorioztaturiko kutsadura. Indonesiako herritarren eta jarduera ekonomikoen %55 bertan metaturik da eta hori horrela, munduko hiri kutsatuenetarikoen artean da.

Aldatu beharrean, larrialdiari egokitzapena

Makroegitasmo horren analisi interesgarria egin du Nusantara: la nouvelle capitale Indonésienne, quand la fuite climatique se substitue à la lutte (“Nusantara: Indonesiako hiriburu berria, klimaren aldeko borrokari gailentzen zaiolarik klimaren aurkako ihesa”) artikulu zientifikoak. Ondorioztapen tamalgarria egiten dute ikerleek: “Paperean, ekonomikoki bideragarria den proiektua da, baina problematikoa da beste arlo guztietan eta argiki erakusten digu krisi sozial eta ekologikoaren parean herriek duten ezintasuna, baita interes falta ere. Klima beroketak herritar batzuei eragiten die zuzenean. Baina pentsamoldeak eta bizi moduak aldatu ordez, nahiago dute ezer ez aldatu eta berriz hasi beste leku batean. Arazoari bizkarra erakutsiz ihes egitea da [Jakarta] lekualdatzea”.

33.000 milioi dolarreko kostua du makroproiektuak eta %19 da bakarrik diru publikoz estalirik –%81 nazioarteko eta lekuko multinazional eta interes pribatuen esku uzteak dakarren arriskua asumitzen du beraz Indonesiako presidente Joko Widodok–. “Aberrazio” bat herritarren arabera, jakinik “gehiegi gogoetatu gabeko” erabakia izan dela –ingurumenari eta bertako populazio autoktonoei eragin kalteak ez dira aipatzen Indonesiako Kontu Auzitegiak ekainean plazaraturiko txostenean–.

Nagusiki hiru kalte ekologiko deitoratzen ditu Walhi lekuko Gobernuz Kanpoko Erakundeak. Bata, klimari dagokionez, deforestazioak eta ekosistemaren nahaspilatzeak aldaketa klimatikoa areagotuko du, hain zuzen, CO2 isurketak emendatzeaz gain, CO2 isurketak xurgatzeko aukerak ttipituko dituelako. Biga, irlako fauna eta flora suntsituak izanen dira, eta hiru, eraikuntzek eta gerora bertako aktibitateek kutsadura handia eraginen dute. Hots, oinarrian dagoen klima larrialdia areagotu besterik ez du eginen aterabide gisa aurkezturiko “hiri berdeak”.

Sozialki ere drama bat da Nusantara. Hasteko, Borneoko oihan horren erdian bizi den Balik herri autoktonoari lapurtu dizkietelako lurrak, bi sosen truk eta hauturik eman gabe: “Joatea galdatzen digute, baina ez dakigu zein baldintzetan: ez da konpentsazio irizpide argirik”, dio lekuko batek Reporterre-ko kazetariari. Bestetik, 30 milioi jakartarrek ezingo dutelako lekuz aldatu. Gobernukideen inguruak, funtzionarioek –urtero 25.000 funtzionario dira bertaratuko 2024tik aitzina–, finantzariek eta gaitasun ekonomikoa dutenek, horiek bai… baina besteak? Zeinek egon beharko du Jakarta kutsatu eta mehatxatuan? Zeinek migratu beharko du beste norabait hala beharrez? Pobreenek.

Munduko industriagune “berde” handiena ere martxan

Krisi ekologiko globalaren aitzinean, paradigma aldaketarik ez bideratzeko hautuaren adibide dugu Kalimantan-eko industriagunea ere. Hau ere paperean “berdea” eta “ekologikoa”. 30.000 hektareako eremu natural batean eraikitzen dabiltza. Inguruko hidroelektriko-, gas- eta eguzki-zentraletatik aterako den energia goi-teknologia “berdeak” bertan ekoizteko baliatuko dute –litio-ioizko bateriak, eguzki-panelak, eta beste–, teknologia horientzat beharrezkoak diren mineralak eta metalak bertatik erauziz –munduko nikel erreserba handiena duen herria da Indonesia, aluminioz ere aberats da…–. Energia berde gisa aurkeztu arren, ezagunak dira meategi eta makro-zentral horien kalte ekologikoak. Funtsean, esanguratsua dugu bertan inbertitzen dabiltzanen zerrenda, hain justu, gasaren, petrolioaren eta ikatzaren sektoreko multinazionalak direlako.