Articles du Vendredi : Sélection du 13 juillet 2018

L’ONU se penche sur la question du lien entre changement climatique et risques de conflits

Marie Bourreau New York, Nations unies, correspondante
https:// lemonde.fr/planete/article/2018/07/12/l-onu-se-penche-sur-la-question-du-lien-entre-changement-climatique-et-risques-de-conflits_5330369_3244.html

Le long chemin de la neutralité carbone

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/le-long-chemin-de-la-neutralite-carbone,92656?

Énergies renouvelables : les prix baissent, l’avenir s’ouvre

Yves Heuillard
https://reporterre.net/Energies-renouvelables-les-prix-baissent-l-avenir-s-ouvre

Fraude fiscale : pourquoi faire sauter le verrou de Bercy

Christian Chavagneux
www.xerficanal-economie.com/ensavoirplus/Christian-Chavagneux-Fraude-fiscale-pourquoi-faire-sauter-le-verrou-de-Bercy_i3745993.html

“Ez gaituztenez kontratatzen, kooperatiba sortzera goaz”

Mikel Garcia Idiakez @mikelgi
www.argia.eus/albistea/ez-gaituztenez-kontratatzen-kooperatiba-sortzera-goaz

L’ONU se penche sur la question du lien entre changement climatique et risques de conflits

Marie Bourreau New York, Nations unies, correspondante
https:// lemonde.fr/planete/article/2018/07/12/l-onu-se-penche-sur-la-question-du-lien-entre-changement-climatique-et-risques-de-conflits_5330369_3244.html

Le Conseil de sécurité reconnaît son retard dans la prise en compte de cet enjeu majeur pour la sécurité mondiale.

Un monde plus chaud est un monde potentiellement plus conflictuel. C’est le constat dressé par le Conseil de sécurité de l’ONU, mercredi 11 juillet, qui a tenu, pour la première fois depuis sept ans, un débat sur le lien de causalité entre le changement climatique et les risques de survenue ou d’aggravation des conflits.

L’organisation a pris acte de son retard dans la prise en compte de cet enjeu majeur pour la sécurité mondiale – alors que la tendance actuelle est à une augmentation des températures de 4 degrés d’ici à 2100 – sans pour autant adopter de mesures concrètes pour y remédier.

Car le sujet, qualifié de « sensible », est loin de faire l’unanimité au sein des Etats membres, notamment auprès de la Russie, la Chine et l’Ethiopie qui considèrent qu’il ne devrait pas être à l’agenda du Conseil de sécurité, faute d’expertises concluantes sur ces liens de corrélation. Au contraire, la Suède, qui en assure la présidence pour le mois de juillet, estime que « cette menace ne peut plus être ignorée ».

Il suffit de « superposer une carte de l’arc des conflits du Sahel à l’Afghanistan aux données sur les vagues de chaleur pour mieux comprendre l’enjeu », explique un diplomate qui voudrait voir l’ONU jouer un rôle de « lanceur d’alertes ».

« La disparition des ressources naturelles entraîne des conflits locaux qui deviennent nationaux puis régionaux », explique Hindou Ibrahim, représentante de l’International Indigenous Peoples Forum on Climate Change

« Le changement climatique est lié aux enjeux sécuritaires les plus pressants de notre époque. Aucun pays ne sera épargné », a reconnu la vice-secrétaire générale, Amina Mohamed, de retour d’un voyage dans la région du Sahel où elle a pu mesurer les effets des hausses des températures : « Déplacement forcé des populations locales, perte des moyens de subsistance, risques alimentaires accrus, marginalisation socio-économique et affaiblissement des institutions publiques qui agissent comme démultiplicateurs de la menace », a-t-elle détaillé.

De nombreux Etats avaient d’ailleurs fait le déplacement à New York pour souligner que si les événements climatiques extrêmes sont les plus visibles, d’autres phénomènes plus lents comme la sécheresse, la salinisation des sols ou la montée des eaux contribuent à générer ou raviver des tensions sur des sociétés déjà fragilisées.

Cette vulnérabilité des populations face à la hausse des températures a été incarnée avec force par Hindou Ibrahim, membre de la communauté peule au Tchad et représentante de l’ONG International Indigenous Peoples Forum on Climate Change (IIFPCC). « Plus de 80 % des communautés au Sahel sont dépendantes de l’environnement. La disparition des ressources naturelles entraîne des conflits locaux qui deviennent nationaux puis régionaux. C’est un terreau fertile pour le terrorisme », a-t-elle assené aux diplomates en leur demandant de « redonner de l’espoir » aux communautés locales, pas uniquement pour leur permettre de « survivre » mais de « vivre ».

Le ministre chargé des ressources en eau d’Irak, le Dr Hassan Janabi, dont 90 % du territoire est menacé par la désertification, a pris l’exemple du bassin du Tigre et de l’Euphrate qui ont perdu 50 % de leur volume en vingt ans. Ce stress hydrique a privé la vallée de 15 % de sa surface cultivable, poussant le gouvernement à interdire la culture du riz et du maïs.

 

Demande d’une « réponse vigoureuse »

Pour mieux appréhender « cette nouvelle réalité » des conflits contemporains, une majorité des Etats membres a demandé au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, de mettre en place un rapport annuel détaillant les risques liés au changement climatique dans les zones de conflits mais aussi dans les régions stables. L’ambassadeur français, François Delattre, a soutenu l’idée d’une « diplomatie multilatérale du XXIe siècle qui intègre pleinement les impacts du changement climatique dans une démarche de prévention des conflits ».

  1. Gutteres pourra s’appuyer sur l’ensemble des agences de l’ONU ayant une expertise sur le sujet (FAO pour l’agriculture, PNUE pour l’environnement, CCNUCC pour le changement climatique et le GIEC pour le climat) dont la coordination est encore trop limitée.

Baron Waqa, le président de la République de Nauru, petite île du Pacifique de 21 kilomètres carrés, a plaidé pour « une réponse vigoureuse » et suggéré la création d’un poste de représentant spécial pour le climat et le risque sécuritaire. Car « malgré l’accord de Paris, la situation va continuer à se dégrader à une ampleur qui dépasse tout ce qu’il s’est produit jusqu’à présent », a-t-il prédit.

Le long chemin de la neutralité carbone

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/le-long-chemin-de-la-neutralite-carbone,92656?

Mandaté par le ministère de la transition écologique, experts, entrepreneurs et représentants de la société civile ont esquissé les chemins menant à la neutralité carbone. Comme un parfum de projet de société.

Depuis quelques mois, les services du ministère de la transition écologique travaillent avec un nouveau partenaire: le comité de l’accélérateur de la transition écologique (Acte). Réunissant une quinzaine de professionnels aux parcours divers, il apporte, selon Jean-Dominique Sénard son président, «un regard critique et constructif sur les déclinaisons de la transition écologique». Installé en mars dernier, l’aréopage tenait, ce mardi 10 juillet, son premier séminaire consacré à la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Horizon lointain

Une matinée durant, chercheurs, lobbyistes, entrepreneurs ont imaginé les chemins menant à cet horizon encore lointain. L’occasion de rappeler l’ambition de l’objectif. «Cela nous oblige, a résumé le ministre de la transition écologique, à doubler notre ambition actuelle, à passer du facteur 4 au facteur 8. Ce qui ne se fera pas avec des ajustements à la marge.»

A peine rédigés, déjà dépassés. Instaurés par la loi sur la transition énergétique, les budgets carbone plafonnent le tonnage de gaz à effet de serre que la France peut émettre sur une période donnée. Adoptés en 2015, les trois premiers budgets prévoient que la France ne rejette pas plus de 450 Mt éqCO2/an entre 2015 et 2018, 400 Mt éqCO2/an entre 2019 et 2023 et 350 Mt éqCO2/an entre 2024 et 2028. Une ambition très contrariée. De l’aveu de Nicolas Hulot, le premier budget sera dépassé et la tenue du second «ne sera pas plus simple».

Sans attendre, Nicolas Hulot a esquissé les piliers de la nouvelle stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui doit être présentée dans les prochaines semaines. La première des priorités sera de décarboner la production d’énergie. Ce que doit aussi préciser la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), attendue pour la fin de l’année. Exit le charbon, le pétrole et le gaz naturel: «Nous devront trouver les moyens de produire de 500 à 600 térawattheures par an (TWh/an) d’électricité et de gaz décarbonés», a souligné le ministre. L’électricité prendra une place croissante dans les transports et les logements.

Emissions incompressibles

En parallèle, l’Hôtel de Roquelaure prévoit de doubler les objectifs de maîtrise de la consommation d’énergie «et de pousser au maximum l’efficacité énergétique».

Parce qu’il restera toujours des émissions de gaz à effet de serre incompressibles, la future SNBC devrait favoriser le développement des puits naturels de carbone, en luttant contre l’artificialisation des sols et en facilitant la conversion des agriculteurs.

Cela sera-t-il suffisant? Michel Colombier semble en douter. Le directeur scientifique de l’Institut pour le développement durable et les relations internationales (Iddri) rappelle que tous les secteurs devront être mobilisés en même temps et que leurs actions devront être mises en cohérence. «La neutralité carbone n’est pas un relâchement des ambitions climatiques, mais le cumul des actions engagées dans les secteurs énergétiques et non énergétiques», rappelle l’ancien négociateur climat.

Indispensable mutation agricole

Ancienne PDG de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), Marion Guillou souligne les difficultés de la nécessaire transformation de l’agriculture, seule à même d’absorber les émissions résilientes des autres secteurs de la société. «Les sols contiennent trois fois plus de carbone que l’atmosphère. Les préserver, c’est participer à la stabilisation du climat. Or un tiers des sols mondiaux sont dégradés», souligne-t-elle. «Il faudra tout à la fois modifier les pratiques d’élevage, de la fertilisation, des cultures pour réduire les émissions directes du secteur et augmenter la capacité des sols à stocker du carbone», résume l’ingénieure agronome. Une mutation qui impose de réviser les organisations actuelles: un retour à la poly-activités s’annonce. «Les techniques existent.

 Mais pour qu’elle se produise, cette transition devra être accompagnée. Pourquoi pas en faisant en sorte que les coopératives prennent à leur charge une partie du risque encouru par les agriculteurs en transition.»

Engouement des entreprises

Autres grosses contributrices au réchauffement, les entreprises sont-elles prêtes à embrayer sur la neutralité carbone? Alain Grandjean le croit. «Il y a un véritable engouement pour la transition écologique au sein des entreprises», estime le cofondateur du bureau d’études Carbone 4. Engouement qui peine parfois à se traduire en actions concrètes. Ce qui ne surprend pas l’ancien patron des experts du débat national sur la transition énergétique. L’économiste pointe le manque de tarification des émissions de gaz à effet de serre et l’absence de caps donnés par les pouvoirs publics. «Les cadres réglementaires et fiscaux doivent rapidement s’adapter aux enjeux du XXIe siècle», poursuit l’économiste.

Sobriété, le maître-mot?

Doucement, mais sûrement, s’esquissent les grandes lignes d’un projet de société qui ne dit pas encore son nom. Un projet, suggère Bruno Villalba, dont la sobriété pourrait être l’un des maîtres-mots. «Mais les politiques n’ont pas le courage de porter ce concept sur la place publique», regrette le professeur de sciences politiques à Paris AgroParisTech.

Assurément, du courage, il en faudra aux politiques, pour fédérer les foules autour de la neutralité carbone, «un concept qui n’est pas forcément très mobilisateur en soit», indique Elizabeth Pastore-Reiss. Aussi, propose la directrice générale déléguée de Greenflex (groupe Total), «il faut partir des besoins des vrais gens et pas des solutions technologiques que l’on veut nous imposer». Reste à savoir si cette préconisation humaniste est très start-up nation compatible?

Énergies renouvelables : les prix baissent, l’avenir s’ouvre

Yves Heuillard
https://reporterre.net/Energies-renouvelables-les-prix-baissent-l-avenir-s-ouvre

L’Union européenne a révisé à la hausse son objectif d’énergies renouvelables à l’horizon 2030, rendu possible par la baisse spectaculaire de leur coût. Cette nouvelle donne invalide les arguments français pour maintenir la part du nucléaire, selon notre chroniqueur.

Dans le secteur de l’énergie, deux mondes s’affrontent : l’ancien, celui des combustibles fossiles et carbonés ; et le nouveau, celui de technologies capables de récolter les innombrables et inépuisables ondulations de la nature. Parce que les questions énergétiques concentrent tous les enjeux (sociétaux, économiques, politiques, climatiques), elles méritent qu’ont les explique en prenant de la hauteur. Telle est l’ambition de cette chronique.

Le 14 juin dernier, les représentants du Parlement européen et ceux du Conseil (les États membres) se sont accordés sur la révision de la directive relative aux énergies renouvelables. Un objectif de 32 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 a été fixé et une révision à la hausse sera examinée en 2023. L’objectif précédent de 27 %, établi en 2016, n’était pas compatible avec celui de l’accord de Paris sur le climat.

Pour mesurer la portée d’une telle décision, il faut comprendre qu’il s’agit de l’ensemble des consommations énergétiques (notamment les carburants pour les automobiles et les combustibles pour le chauffage) et non de la seule la consommation d’électricité. En France, par exemple, la production électrique ne couvre que 22 % de la consommation finale d’énergie, contre 64 % pour le gaz et le pétrole [1]. L’objectif européen est d’autant plus réalisable qu’il s’inscrit dans un plan d’efficacité énergétique : on augmente la part des renouvelables, en même temps qu’on diminue la consommation énergétique. Malheureusement, la directive européenne sur l’efficacité énergétique, qui prévoit en pratique une diminution de la consommation d’énergie de 0,8 % par an de 2021 à 2030, n’est pas contraignante pour les États membres ; et des décisions aussi simples qu’imposer une réduction progressive du poids des automobiles, peser sur les émissions des avions ou des navires, ou obliger à construire dès maintenant des bâtiments passifs (comme en région Bruxelles-Capitale) ne sont pas prises.

Les énergies renouvelables, comparées aux énergies fossiles, sont déjà compétitives

L’objectif européen pour les énergies renouvelables est sous-tendu par la baisse spectaculaire des coûts de production de l’électricité solaire ou éolienne. Il faut donner des ordres de grandeur pour se rendre compte de la révolution qui s’accomplit : le prix des modules photovoltaïques a été divisé par cinq depuis 2010, le coût d’un kWh d’électricité éolienne a baissé de 40 % depuis cette même année [2]. Kaiserwetter, un spécialiste allemand de la gestion d’actifs de production d’énergies renouvelables, écrit que, en 2017, dans l’ensemble des pays du G20, le MWh (mégawattheure) coûte entre 49 et 174 $ quand il est généré par les combustibles fossiles et entre 35 à 54 $ quand il est généré par des énergies renouvelables [3]. Se fondant sur le projet de construction de deux réacteurs nucléaires à Hinkley Point, au Royaume-Uni, Kaiserwetter rappelle aussi que le coût de production du MWh nucléaire, pour un nouveau réacteur a été établi à 92 livres (129 $) par MWh [il s’agit d’un chiffre de 2012 qui sera indexé sur l’inflation, alors que le coût de l’électricité renouvelable ne fera que baisser].

La ville allemande d’Hambourg au crépuscule. Les objectifs européens d’énergies renouvelables concernent aussi le transport et le chauffage.

Ces baisses de coûts de production de l’électricité solaire et éolienne, et ceux des technologies d’équilibrage du réseau bouleversent complètement l’équation économique du secteur électrique. Conséquence : en 2017, l’investissement dans le secteur des renouvelables, hors gros hydraulique, a atteint 279 milliards de dollars (plus de la moitié dans le solaire) contre 103 milliards dans les nouvelles centrales électriques à gaz ou au charbon, 42 milliards dans de nouveaux réacteurs nucléaires, et 45 dans les grands barrages [4]. D’ici 2050, 11.500 milliards de dollars seront investis dans de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable (dont les 2/3 dans l’éolien et le photovoltaïque), contre seulement 1.500 milliards dans les autres sources faiblement carbonées, dont l’hydraulique et le nucléaire [5].

Dit plus simplement, les énergies renouvelables, comparées aux énergies fossiles, sont déjà compétitives ; et comparées au nucléaire, elles produisent de l’électricité deux à quatre fois moins chère. Les chiffres montrent que les technologies renouvelables concentrent le gros des occasions économiques et de création d’emplois. Les seuls panneaux solaires photovoltaïques ont ajouté plus de capacités de production électrique en 2017 que le charbon, le gaz et le nucléaire réunis [6].

La France peut accélérer fortement le déploiement des énergies renouvelables et parallèlement réduire ses capacités nucléaires sans renoncer à fermer ses centrales à charbon

En France, il faudra attendre la fin de l’année pour connaître la traduction des objectifs européens dans la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Celle-ci doit notamment fixer l’équilibre entre les renouvelables et le nucléaire pour les dix ans à venir. Les défenseurs du nucléaire laissent entendre qu’une baisse rapide de la part du nucléaire dans le mix électrique français s’accompagnerait nécessairement d’une hausse des émissions (car cela obligerait, supposément, à augmenter la production d’électricité à base d’énergies fossiles).

Une étude commanditée par Energy Union Choices et la Fondation européenne pour le climat en partenariat avec le Cambridge Institute for Sustainable Leadership et intitulée « Plus propre, plus intelligent, moins cher : saisir les opportunités dans un système électrique européen en transition », tord le cou à cette idée. L’étude établit en effet que la France peut accélérer fortement le déploiement des énergies renouvelables solaires et éoliennes, 90 GW (gigawatt) en 2030, et parallèlement réduire ses capacités nucléaires d’environ un tiers (- 20 GW), sans renoncer à fermer ses centrales à charbon. Et ceci tout en réduisant fortement les émissions de CO2 du secteur électrique. La part des énergies renouvelables dans la production électrique française pourrait ainsi atteindre 51 % en 2030 tout en maintenant des niveaux d’exportations importants.

En revanche, le maintien de capacités nucléaires supérieures à 40 GW associé à une production croissante des sources renouvelables aurait tendance à créer une surabondance d’électricité, avec le risque d’une baisse des prix de marché et une réduction de la profitabilité des réinvestissements dans les réacteurs existants.

 

[1Chiffres clés de l’énergie édition 2016. Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer.

[2Renewable Power Generation Costs in 2017 – IRENA.

[3Production Cost Of Renewable Energy Now ‘Lower’ Than Fossil Fuels – Forbes, Apr. 2018. Kaiserwetter se fonde sur les bases de coûts publiés par Bloomberg, The Frankfurt School, International Agency for Renewable Energy (IRENA) and UN Environment. Il s’agit du coût de production d’installations nouvelles.

[4New Energy Outlook 2018 – Bloomberg New Energy Finance.

[5Ibid.

[6Global Trends in Renewable Energy Investment Report 2018 – ONU Environnement, The Frankfurt School, FS-UNEP Collaborating Centre for Cliamte & Sustainable Energy Finance.

 

Fraude fiscale : pourquoi faire sauter le verrou de Bercy

Christian Chavagneux
www.xerficanal-economie.com/ensavoirplus/Christian-Chavagneux-Fraude-fiscale-pourquoi-faire-sauter-le-verrou-de-Bercy_i3745993.html

Faut-il remettre en cause le monopole du fisc de pouvoir décider si le dossier de tel ou tel fraudeur doit être transmis ou non à la justice ? Pour n’importe quel autre délit dont elle a connaissance, la justice peut poursuivre les délinquants. Pas les délinquants fiscaux. Par un processus baptisé «verrou de Bercy», dont le principe date de la Révolution française et qui a été entériné par la jurisprudence du XIXe siècle et finalement par une loi de 1920, l’administration fiscale peut choisir quel dossier elle envoie, ou pas, au tribunal.

 

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a fourni des statistiques inquiétantes. Sur les 50 000 contrôles fiscaux réalisés chaque année, environ 15 000 mettent en évidence des fraudes caractérisées. Sur ce total, de l’ordre de 4000 dossiers concernent un montant de fraude supérieur à 100 000 euros.

Combien de ces gros fraudeurs finissent devant la justice ?

C’est là que s’enclenche le verrou de Bercy. L’administration fiscale fait un premier tri de ces 4000 dossiers et détermine lesquels elle transmet à la Commission des infractions fiscales (CIF), composée de magistrats du Conseil d’Etat, de la Cour des Comptes et de la Cour de cassation, qui va elle-même choisir parmi ces dossiers ceux qu’elle transmet à la justice. En général, sur les 4000 dossiers de gros fraudeurs, le fisc en transmet entre 900 et 1000 à la CIF qui en retransmet elle-même environ 95 % à la justice. Conclusion : moins du quart des gros fraudeurs finissent devant le juge.

Une condamnation pénale est plus visible, plus infamante et donc plus dissuasive qu’une simple sanction du fisc qui fait certes payer les impôts en retard assortis de pénalités élevées mais en reste à une transaction financière.

Le problème du verrou de Bercy tient donc surtout au monopole qu’il donne à l’administration fiscale de ne pas engager de poursuites pénales, en particulier en faveur des gros fraudeurs. En échange, le fisc obtient plus rapidement de l’argent que s’il devait attendre une décision de justice et les caisses de l’Etat se remplissent plus vite. Si ceux qui fraudent avait la prison en ligne de mire, peut-être paieraient-ils mieux leurs impôts ?

Mais il est vrai qu’entre le dépôt de plainte de la CIF et la première décision de justice, il se passe généralement trois ans, et même plus de cinq ans pour les affaires les plus complexes. Et si le pénal est là pour sanctionner, il faut que la faute soit établie et que la sanction lui soit proportionnelle. Or, pour établir la faute, il faut un contrôle fiscal, et il n’y a que l’administration fiscale qui puisse mesurer la gravité de la fraude.

Avant de faire sauter le verrou, il faut donc d’abord renforcer la coopération entre justice et administration fiscale. C’est cette voie qu’a proposé un rapport parlementaire fin mai. C’est la voie de la raison.

Le verrou de Bercy est aujourd’hui fragilisé : politiquement – il existe une alliance transpartisane pour le remette en cause -, juridiquement – les juges peuvent poursuivre le blanchiment de fraude fiscale, l’utilisation de l’argent de la fraude mais pas la fraude – et socialement face aux multiples affaires, l’impunité des plus gros fraudeurs ne passe plus.

Le renforcement des liens entre la justice et l’administration fiscale permettrait un traitement local et coordonné du sujet. La balle est dans le camp du gouvernement.

“Ez gaituztenez kontratatzen, kooperatiba sortzera goaz”

Mikel Garcia Idiakez @mikelgi
www.argia.eus/albistea/ez-gaituztenez-kontratatzen-kooperatiba-sortzera-goaz

Duela hiru hilabete ezagutu genituen Khadim, Baba eta Bouba. Eskakizun guztiak betez Bilbon kale-saltzaile aritu arren, administrazioak legea gogortu eta berriro paperik gabe utzi nahi zituela kontatu ziguten. Hiru hilabete geroago, Khadim Frantziara joana da, etorkizun hobearen bila, eta Baba eta Bouba garbitzaile kooperatiba ari dira antolatzen beste hainbat migratzailerekin batera, kale salmenta uzteko asmoz. Bitarte horretan, “Inor ez da ilegala” kamiseta ere sortu dugu elkarlanean, ARGIAren eta Mbolo kooperatibaren proiektuak indartzeko. Tixerta bultzada dela diote, euren borroka luzean.

Bouba Diouf (47 urte, ia hiru Bilbon), Pape Niang (47 urte, bederatzi eta erdi Bilbon) eta Baba Mbaye (35 urte, hamaika Bilbon).  

Bai, duela hiru hilabete kontatu ziguten Bilboko kale-saltzaile senegaldarren Mbolo Moye Doole elkarteko kideek: lizentzia lortu zutela 2015ean, autonomo gisa saltzaile aritzeko, eta 200 euroko gutxieneko kotizazioa frogatu behar zutela paperak berritzeko, baina egun batetik bestera, Espainiako Atzerritarrentzako Legea aldatu eta 800 euroko kotizazioa eskatzen hasi zitzaizkiela, baldintza bete ezina manteroentzat. Eta Espainiako Estatuko hiri askotan malgu jokatzen badute ere (kotizatzearekin aski dute, ez diete gutxieneko kopururik exijitzen), zorrotz aplikatzen ari dira eskakizuna Bilbon. Ondorioa? Mantero ugarik beste erkidego batzuetara alde egin du, eta Babari adibidez, ez dizkiote paperak berritu. Babak 11 urte daramatza Bilbon bizitzen, eta herritar ilegal izatera itzuli da.

“Alde horretatik, ez dago aldaketarik, zorrotz jarraitzen du Bilboko Atzerritarrentzako Bulegoak, interesen bat izango dute, gu zokoan mantentzeko interesa, ea noiz aspertu eta alde egiten dugun”, dio Babak. Irungo Sanmartzial jaietan lan egitetik bueltatu berri da, eta Iruñeko Sanferminetara ari da bidaia prestatzen. “Lagun baten etxean lotarako lekua alokatzea erabaki dut, ongi deskantsatu eta dutxatu ahal izateko, zeren auto txikia dut eta ez dut bertan lo egin nahi egunero”.

Bouba ez da Sanferminetara joango, ez da inoiz Bilbo eta inguruetatik ateratzen, beldurragatik: “Paperik gabe harrapatzen banaute, migratzaileentzako CIE zentro batean bukatu dezaket, eta gero auskalo non”.

Hiru hilabete hauetan, Espainiako Gobernua aldatu egin da. “Pedro Sánchezek esan zuen Gobernura iristen bazen paperak erraztuko zizkigula migratzaileoi, eta migratzaile elkarte batzuk esperantzatsu daude, baina tira, nik uste politikarien hitz hutsalak direla, Gobernura iritsi aurretik esaten direnak”, dio Pape Niangek. Aurreko aldian ez genuen elkarrizketatu, baina kamiseta sortu bidean ezagutu dugu, bera ere kale-saltzaile senegaldarren elkartekoa baita. Bederatzi urte eta erdi daramatza Bilbon bizitzen eta ezkor mintzo da: “Legeak urtebeteko kontratua eskatzen digu legalizatu ahal izateko, baina zein enpresak egiten du urtebeteko kontratua? Are gutxiago paperik gabeko beltz bati! Etengabeko gurpil zoroa da eta ezin gara gurpiletik atera: paperik ez dizute ematen, eta paperik gabe ezin dugu ezer egin. Pertsona bat integratzea nahi baduzu, aukera eman behar diozu integratzeko, bertan bizimodua aurrera atera ahal izateko aukera”. Baina legea bera da oztopo, “mugatzen gaituen sabaia da, leku berean denbora asko eraman arren, asko formatu eta lan egin nahi izan arren, ez zaitezen inoiz marjinalitate egoera horretatik atera. Txikitu egiten gaitu”, salatu du Boubak.

Kataluniako ereduari jarraiki, migratzaileek sortutako garbiketa kooperatiba batekin hasi eta ideia da kooperatibak arlo gehiago hartzea, zaintza edota mudantzak esaterako, emakumeak eta gizonak barne hartuko dituena

Ez bazaituzte kontratatzen, sortu kooperatiba

“Ez dugu inongo konfiantzarik kontratatuko gaituztenik, beraz gure kabuz ekin behar”, diote. Urte asko dira kale salmentan dabiltzala, fruiturik ikusi gabe, beti paperak lortzeko borrokan eta poliziarengandik ihesi. Kaleak utzi eta Kataluniako ereduari jarraiki, kooperatiba sortzen ari dira, Mbolo proiektua: migratzaileek sortutako garbiketa kooperatiba batekin hasi eta ideia da kooperatibak arlo gehiago hartzea, zaintza edota mudantzak esaterako, emakumeak eta gizonak barne hartuko dituena –kale salmentan, apenas dagoen emakumerik–.

 

 

 

“Hainbat elkarte ditugu laguntzen, eta garbiketako profesionalei eskatu diegu aholkua. Jatetxeetara, enpresetara, etxeetako atarietara… ere jo dugu, galdetzeko ea nola lotzen duten garbiketa, eta bide batez gure burua aurkezteko. Baina askok ez digu batere harrera onik egin, batzuek ez digute hitz ere egiten, begiratu ere ez”, azaldu digute, ohituta dagoenaren normaltasun kutsuz. Badute esperantza, halere.

“Oso argi esaten du kamisetak: inor ez da ilegala”

Kamiseta da ilusioa piztu dien beste proiektua. “Inguruan eskatu dizkigute dagoeneko, oso harrera ona izaten ari da eta kontaktu guztietara ari gara bidaltzen”, adierazi digute. “Uste dugu mezua zabaltzeko modua ere badela, oso argi esaten duelako kamisetak: Inor ez da ilegala. Amul been nit ku lergalul Senegalgo wolof hizkuntzan”. ARGIAk 15 eurotan saltzen duen kamiseta bakoitzagatik (hemen eskuragarri), 2 euro Mboloko kideentzat dira eta migratzaileen kooperatiba aurrera ateratzeko baliagarri izango zaiela uste dute. Zuzenean eurek ere saltzen dituzte kamisetak. “Nik jantzita eramango dut ahal dudan guztietan, horrela norbaitek esaten badit gustuko duela, non eskuratu dezakeen azalduko diot”, dio Babak. Hortaz, badakizu, uda honetan Inor ez da ilegala kamisetadun saltzailea ikusiko duzu beharbada, Euskal Herriko jairen batean.

“Guk hasi dugu borroka lege eta estatu bidegabeen aurrean, eta hurrengo belaunaldiek, etorkizunean etortzen jarraituko duten migratzaileek segituko dute gure borroka”

Lotsaren lotsaz, besterik ez bada

Ilun, oso ilun ikusten du etorkizuna Papek. Etorkizuna? Zein etorkizun? Bizirautera daude ohituta. Estatuaren ankerkeriari aurre egin ahal izateko borrokan, elkartasuna eta babesa ezinbestekoa dutela gogoratu digu Babak. Eta Boubak hitz egin du baikorren, duela hiru hilabete ezagutu genuenetik beti ikusi diogun irribarre zabala ahoan: “Beti aurrera, gugan eta gure ahalmenetan sinesten. Guk hasi dugu borroka lege eta estatu bidegabeen aurrean, eta hurrengo belaunaldiek, etorkizunean etortzen jarraituko duten migratzaileek segituko dute gure borroka, eta pixkanaka gauzak aldatzen joango dira. Etorkizun hobea lortuko dute. Ku rus di nga nangu dio wolof esaerak; lotsagatik onartuko du. Alegia, azkenean, lotsaren lotsaz besterik ez bada, aintzat hartu beharko gaituztela”.