Articles du Vendredi : Sélection du 13 février 2015

Changement climatique : des solutions existent, selon 9 Français sur 10

Pierre Le Hir
www.lemonde.fr/planete/article/2015/02/10/changement-climatique-des-solutions-existent-pour-9-francais-sur-10_4573750_3244.html

Climat : «Notre pouvoir d’agir est plus important qu’on ne l’imagine»

Maxime Combes
www.bastamag.net/Climat-Notre-pouvoir-d-agir-est

Entrez dans le monde des banques françaises, là où la finance a un visage

Rédaction
www.bastamag.net/Entrez-dans-le-monde-des-banques

Pour sauver le climat, ils s’attaquent à la finance

Emilie Massemin
http://reporterre.net/Pour-sauver-le-climat-ils-s

Démocratie participative : une réforme à deux vitesses


www.fondation-nicolas-hulot.org/blog/democratie-participative-une-reforme-deux-vitesses

Biodéchets: le réseau Compostplus appelle à une dynamique nationale

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/biodechets-le-reseau-compostplus-appelle-a-une-dynamique-nationale,55210?xtor=EPR-9

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Changement climatique : des solutions existent, selon 9 Français sur 10

Pierre Le Hir
www.lemonde.fr/planete/article/2015/02/10/changement-climatique-des-solutions-existent-pour-9-francais-sur-10_4573750_3244.html

Inquiets, mais pas résignés. Tels apparaissent les Français face au changement climatique, selon un sondage réalisé par l’institut Ipsos entre le 19 et le 26 janvier, auprès d’un échantillon de 995 personnes, pour le compte de l’agence HavasParis.

Premier constat, le climato-scepticisme n’est plus de mise. Les Français, dont 89 % ont « l’impression » que le climat a changé au cours des vingt dernières années, sont 80 % à penser que ce changement est « dû en grande partie à l’activité humaine », 20 % seulement considérant qu’il est « dû en grande partie à des facteurs naturels ».

Plus de trois sur quatre se déclarent personnellement « très inquiets » (20 %) ou « plutôt inquiets » (57 %) des conséquences possibles. Ils disent avoir déjà constaté personnellement certains de ces impacts, notamment des inondations plus fréquentes, des tempêtes plus fréquentes ou plus intenses, ou encore une augmentation de la température moyenne.

Que redoutent-ils le plus ? « Si le changement climatique se confirme », les conséquences en France seront selon eux « très importantes » ou « plutôt importantes » dans plusieurs domaines : d’abord pour la faune et la flore (90 %), puis pour les dépenses publiques (84 %) et, en troisième lieu, la santé (80 %).

SENTIMENT D’« URGENCE »

Face à ces inquiétudes, ils éprouvent majoritairement un sentiment d’« urgence » (52 %), mais aussi une nécessité de « mobilisation » (30 %). L’une des leçons les plus frappantes de cette étude est en effet que le fatalisme n’est pas à l’ordre du jour. Près de neuf sondés sur dix (88 %) souscrivent à l’idée que « nous pouvons trouver des solutions novatrices pour réduire l’impact du changement climatique ». Un peu plus de sept sur dix (71 %) ne s’en remettent pas à la seule collectivité pour réagir, mais pensent qu’ils « peuvent agir personnellement à leur niveau ».

Dans ce contexte, la conférence mondiale sur le climat (COP 21) qui se tiendra en décembre 2015 à Paris est jugée comme un rendez-vous important. Fait en lui-même symptomatique, 57 % ont « entendu parler » de cette conférence, même si seulement 22 % « savent précisément de quoi il s’agit ».

Qu’en espèrent-ils ? Bien qu’un sondé sur trois seulement juge que les précédentes conférences climatiques ont été « utiles », ils sont 93 % à estimer que l’organisation de cette manifestation à Paris est une « très bonne » ou « plutôt bonne chose  » pour « sensibiliser les Français à la lutte contre le changement climatique ». Et presque autant à penser que cette conférence sera bénéfique « pour favoriser la signature d’un accord entre tous les pays participants ».

ENTREPRISES FRANÇAISES « PAS ASSEZ MOBILISÉES »

Le sondage s’est aussi attaché à la perception du rôle des entreprises face à l’enjeu climatique. Avec des résultats contrastés. Pour 65 % des personnes interrogées, les entreprises françaises « ne sont pas mobilisées dans la lutte contre le changement climatique ». Pour autant, 77 % sont d’avis que les grandes entreprises « peuvent agir de manière efficace » dans ce domaine, et presque autant (71 %) que les petites et moyennes entreprises peuvent faire de même.

Qu’attendent-ils concrètement de ces entreprises ? Avant tout qu’elles « réduisent l’impact de leur activité sur le changement climatique » (68 %) et, subsidiairement, qu’elles « innovent et permettent ainsi à leurs clients-consommateurs de s’adapter aux effets du changement climatique ». Les entreprises devraient ainsi donner la priorité à la lutte contre le gaspillage des matières premières (63 %), à la réduction de leur consommation d’énergie ou d’eau (44 %) et à la conception de « produits et solutions innovants » ayant moins d’impact sur le climat (44 %).

Pour inciter les entreprises à adopter des pratiques vertueuses, les sondés misent principalement sur « les réglementations édictées par les pouvoirs publics » (40 %), ainsi que la « pression » des clients ou consommateurs (32 %). Mais ils ne sont que 3 % à croire que « la pression de leurs salariés » puisse être d’une quelconque efficacité.

« Ce sondage fait ressortir un vrai changement chez les Français, commente Coralie France-Savin, chargée de l’expertise sur le climat à Havas-Paris. Ils pensent aujourd’hui – ce qui n’était pas le cas par le passé – qu’ils peuvent agir à leur niveau contre le changement climatique. Ils attendent des entreprises, qui sont perçues à la fois comme causes et comme solutions au problème climatique, qu’elles ouvrent à la voie pour leur permettre d’adapter leur comportement de consommateur. »

Climat : «Notre pouvoir d’agir est plus important qu’on ne l’imagine»

Maxime Combes
www.bastamag.net/Climat-Notre-pouvoir-d-agir-est

Alors que le monde file vers une augmentation de la température de 4 à 5°C d’ici la fin du siècle, des négociations sur le changement climatique ont repris depuis le 8 février à Genève. Ces discussions, sous l’égide de l’Onu, sont destinées à préparer la conférence internationale de Paris fin 2015. Mais les blocages diplomatiques persistent. De nombreuses multinationales s’opposent, au nom de leurs chiffres d’affaires, à toute mesure contraignante. Alors que faire ? « C’est par l’intermédiaire des milliers d’innovations sociales et écologiques mises en œuvre dans nos quartiers et nos territoires, pour vivre mieux, que nous construisons le monde demain », réagit Maxime Combes de l’association Attac France.

Les négociations de l’Onu sur le changement climatique ont repris cette semaine à Genève. Objectif : nettoyer le texte de 38 pages élaboré en décembre dernier à Lima qui regroupe les différentes options soumises par les États dans la perspective d’un accord à Paris en décembre 2015 (lire l’analyse du texte de Lima). Au milieu de la semaine, le texte avait déjà doublé de volume. Sans grand espoir que les points durs qui n’ont pas été levés ces dernières années ne le soient, comme par miracle, en Suisse. En parallèle, collectivités publiques, médias de communication, multinationales, scientifiques, artistes et show-biz, ONG et militants, chacun à leur manière, se préparent pour ce qui est annoncé par François Hollande comme une conférence « historique ».

En 2009 déjà, Copenhague devait être « historique ». Intervenant juste après l’élection d’Obama et les engagements du G8 de l’Aquila, Copenhague est alors présenté comme « le sommet de la dernière chance », celui qui devait « sauver le climat ». Le retour de bâton a été terrible : Copenhague a substitué la sidération à l’espérance et la résignation à la mobilisation (nos articles). S’en souvenir devrait conduire à plus de modestie et de lucidité quant à la préparation de la conférence de Paris.

Pas d’accord contraignant en perspective

Faire preuve de lucidité nécessite de dire qu’il n’y aura pas d’accord contraignant, juste et à la hauteur des enjeux – rester en deçà des 2°C – à Paris. Si accord il y a, il ne sera pas contraignant. Les États-Unis, pas plus que la Chine, n’en veulent. Si accord il y a, tout le monde en convient, y compris l’équipe de négociation française, il ne satisfera pas aux objectifs de réduction drastiques et immédiats des émissions recommandés par le Giec. Enfin, si accord il y a, il ne sera pas juste : les financements et les transferts de technologie sont insatisfaisants.

Être lucide implique de constater que les négociations climat sont inextricablement mêlées aux recompositions géopolitiques entre les grandes puissances. Les États-Unis voudraient obtenir un nouvel ordre mondial qui détache la Chine, ainsi que d’autres puissances émergentes, de l’alliance des « pays en développement », le G77. Pour la Chine, il n’en est pas question. La Chine accepte volontiers d’être l’égale des États-Unis dans le G2 qui domine la planète mais elle n’abandonnera pas de sitôt ses alliances historiques avec les pays du Sud. Point dur des négociations, la différenciation des États ne se résoudra donc pas d’un claquement de doigt.

« L’avenir du climat ne dépend pas des seules négociations de l’Onu »

Être lucide, c’est aussi convenir de la faible influence des scientifiques, ONG, mouvements sociaux et écologistes, syndicats, collectivités locales ou journalistes sur le cours des négociations. Il est bien-entendu toujours possible de se battre sur la place des virgules – et pour bloquer les propositions les plus inacceptables – mais rien qui ne permette de changer la donne. Depuis qu’elle a perdu tout leadership climatique, l’Union européenne ne peut plus servir d’appui, pas plus que les pays du Sud qui manquent soit d’ambition, soit de pouvoir d’influence. Au contraire des multinationales et des lobbies qui sont désormais incontournables et dont la majorité est rétive à toute transformation profonde des modes de production et de consommation insoutenables.

Faire preuve de lucidité c’est également reconnaître que l’avenir du climat ne dépend pas des seules négociations de l’Onu. Au contraire, à force d’être dans leur bulle, les négociations ont perdu toute connexion avec la réalité. La réalité est celle d’une globalisation économique et financière qui facilite une exploitation sans limite des ressources naturelles. En négociant les accords Tafta (avec les États-Unis) et Ceta (avec le Canada), l’UE sacrifie les exigences climatiques – non mentionnées par les mandats de négociation – au nom de la compétitivité et de l’approvisionnement insoutenable de notre économie en énergies fossiles. Au moment où il faudrait laisser dans le sol une majorité des réserves prouvées d’énergies fossiles, l’UE encourage leur exploitation sans que les négociations climat ne l’en dissuade.

Miser sur les innovations locales, sociales et écologiques

Être lucide sur les négociations n’implique pas pour autant de se résigner. Bloquer Tafta et Ceta serait une grande victoire pour le climat. Prendre au mot les engagements d’« exemplarité » de François Hollande doit aider pour obtenir d’ici décembre 2015 la fin des subventions aux énergies fossiles, l’abandon des projets nocifs pour le climat (aéroports, autoroutes, etc) et l’annulation des permis de recherche d’hydrocarbures encore existants. Au nom de l’impératif climatique et avec un certain succès, la campagne mondiale pour le désinvestissement des combustibles fossiles pousse les universités, collectivités, institutions religieuses, banques à se retirer des énergies fossiles pour préférer le financement « de solutions axées sur les sources d’énergies propres et renouvelables ».

De plus, notre pouvoir d’agir ne se réduit pas à bloquer les projets climaticides. Il est plus important qu’on ne l’imagine. La Sécurité Sociale ne s’est pas faite d’un coup de baguette législative : elle est le fruit d’une riche histoire d’expériences alternatives et citoyennes inscrites dans la construction d’un rapport de force social et politique de longue haleine. La transition énergétique, et par extension la transition écologique et sociale, prendra le même chemin. C’est par l’intermédiaire des milliers d’innovations sociales et écologiques mises en œuvre dans nos quartiers et nos territoires, pour vivre mieux, que nous construisons le monde demain.

Enfin, être lucide impose d’être radical. Aller à la racine des choses et ne pas rester à la surface du clapotis médiatique, comme le propose Naomi Klein dans son dernier livre [1]. Le changement climatique s’inscrit dans une histoire. L’histoire d’un capitalisme prédateur, dominé par les populations riches des pays occidentaux – et désormais des pays émergents – qui soumet notre avenir à la poursuite indéfinie d’un business as usual insoutenable. Il n’y aura pas de grand soir ou de petit matin pour le climat. Pas plus à Paris qu’à Copenhague. Mais ce n’est pas pour autant la fin de l’Histoire. Détachons-nous de la technicité des négociations et servons-nous de Paris2015 comme d’une caisse de résonance pour écrire une nouvelle page, celle « de sociétés plus agréables à vivre, plus conviviales, plus solidaires, plus justes et plus humaines » comme nous y invite le processus Alternatiba.

[1] Naomi KLEIN, Tout peut changer, Actes Sud, à paraître Mars 2015

Entrez dans le monde des banques françaises, là où la finance a un visage

Rédaction
www.bastamag.net/Entrez-dans-le-monde-des-banques

Voici un livre enquête qui vous fera découvrir la face obscure des grandes banques françaises. Pour la première fois des journalistes et des économistes évaluent le coût exorbitant, mais passé sous silence, de leurs activités. De l’évasion fiscale à la spéculation sur les matières premières, de la « finance de l’ombre » aux produits dérivés opaques, des projets polluants aux emprunts « toxiques », ce livre co-écrit par Basta ! et Attac, dresse un panorama complet des effets néfastes de la finance toute puissante. Il est sorti en librairie le 11 février. Vous pouvez aussi le commander en ligne, ce qui vous permet de soutenir financièrement Basta ! (voir « Où acheter le Livre noir des banques ? »).

En 2008, la folie spéculative des banques a provoqué une crise qui ne cesse, depuis, de s’aggraver. Les banques n’ont dû leur salut qu’aux centaines de milliards d’euros injectés par les États et les banques centrales. Que s’est-il passé depuis ? Que sont devenues les grandes promesses de régulation du secteur bancaire ? Pourquoi les responsables politiques ont-ils accepté, sans exception, de maintenir un système qui privatise les profits et socialise les pertes ? Quelles réformes sont nécessaires ? Ce livre retrace l’histoire de conflits d’intérêts, de collusions et d’aveuglements incroyables. Entrons dans le monde des banques françaises. Là où la finance a un visage. Celui d’une oligarchie bancaire grassement rémunérée, complice d’un hold-up planétaire.

Pourquoi ce livre ?

Ce livre enquête (372 pages, 19 chapitres), écrit par des économistes et journalistes, déconstruit radicalement le discours officiel selon lequel, depuis 2008, des réformes salutaires auraient été menées à bien par les pouvoirs publics et par les banques, celles-ci contribuant désormais à la sortie de crise et au bien-être de la société…

Nous avons voulu évaluer le prix exorbitant, mais passé sous silence, des activités des banques françaises. Nous avons cherché à comprendre comment la finance organise une gigantesque captation de richesse, en toute impunité. Et pourquoi depuis sept ans, rien – ou presque – n’a changé.
Les banques sont toujours de véritables et dangereuses bombes à retardement. Nous avons voulu tracer des pistes pour une reprise en main. Pour chacun des chantiers dont il est question dans cet ouvrage, des mesures simples et efficaces sont à la portée des gouvernements, de nos élus. A notre portée. Pour reprendre le contrôle, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement du système bancaire, d’en percevoir la structure, de saisir la logique de ses acteurs. Pour que la démocratie ne s’arrête pas à la porte des salles de marché. Et pour éviter un prochain cataclysme financier, aux impacts sociaux, économiques et environnementaux désastreux.

 

SWISSLEAKS • Trafiquants d’armes, hommes d’affaires corrompus… tous des clients d’HSBC

www.courrierinternational.com/une/2015/02/13/trafiquants-d-armes-hommes-d-affaires-corrompus-tous-des-clients-d-hsbc

« HSBC cachait de grandes sommes d’argent pour des personnes qui étaient accusées de trafic de drogues, de corruption et de blanchiment d’argent », rapporte le Guardian. Le quotidien britannique, l’un des médias à avoir mené l’enquête sur le scandale autour de la filiale suisse de la banque britannique, explique que la banque leur a fourni des comptes, faisant fi de son obligation légale depuis 1998 à vérifier l’origine de l’argent de clients « à haut risque« .
Rami Makhlouf, le cousin du président syrien et « l’homme le plus riche de la Syrie« , figure parmi ce type de clients pour des soupçons de corruption. Il détenait un total d’au moins 15 millions de dollars (13 millions d’euros) répartis sur plusieurs comptes HSBC. Parmi les crimes dans lesquels sont impliqués d’autres clients, le journal note d’autres scandales de corruption, notamment en Afrique, un commerce de ‘diamants de sang’, le pillage d’Etats ex-soviétiques, une affaire de corruption de l’entreprise pétrolière de l’Etat malte, un trafic de drogues depuis la République dominicaine, et le dopage de cyclistes en Espagne.

Pour sauver le climat, ils s’attaquent à la finance

Emilie Massemin
http://reporterre.net/Pour-sauver-le-climat-ils-s

Vendredi et samedi auront lieu les premières journées mondiales de désinvestissement. L’objectif : faire pression sur les institutions publiques et les banques, pour qu’elles cessent de financer l’industrie des combustibles fossiles.

Banques, universités, collectivités locales et même Églises, les institutions sont nombreuses à financer le changement climatique en investissant leurs fonds dans l’industrie des combustibles fossiles. Pour les pousser à désinvestir et à placer leur argent dans les énergies renouvelables, le mouvement Fossil Free organise les « Global Divestment Days » (journées mondiales de désinvestissement), vendredi 13 et samedi 14 février.

Plusieurs centaines d’événements sont prévus, sur six continents : sit-in et flashmobs d’étudiants aux États-Unis et au Royaume-Uni, retraits massifs dans les banques finançant le projet charbonnier Alpha Coal en Australie, rassemblement et bougies au Vatican…

Cette mobilisation mondiale est portée par le mouvement 350.org. Ce dernier est fondé en mars 2008 aux États-Unis, par le journaliste et auteur écologiste Bill McKibben et une poignée d’étudiants ayant suivi ses cours. Pourquoi 350 ? « Parce que les scientifiques ont établi que la concentration de CO2 dans l’atmosphère ne devait pas dépasser 350 parties par million si nous voulons rester dans une zone ’sécurité climatique’ », explique Emma Biermann, coordinatrice européenne à 350.

Laisser 80 % des réserves fossiles sous terre

Mais en 2012, c’est un autre chiffre qui lance la campagne mondiale de désinvestissement de 350. « Nous avons cinq fois plus de pétrole, de charbon et de gaz en réserve, que ce que les scientifiques pensent qu’il est sûr de brûler. Nous devrions garder 80 % de ces réserves sous terre pour échapper à ce destin », écrit Bill McKibben dans un article fondateur publié cette année-là par le magazine Rolling Stones. Il entame ensuite une tournée de sensibilisation dans vingt-deux villes américaines.

De nombreux étudiants se mobilisent alors pour « purger » les universités de leurs investissements carbonés. A Stanford, Sophie Harrisson et ses amis entament une campagne Fossil Free Standford dès 2012. « Nous avons commencé par organiser une manifestation étudiante, puis nous avons proposé un référendum : 75 % des étudiants ont dit oui au désinvestissement, se souvient la jeune femme. Nous avons également travaillé avec nos professeurs. Trois-cents d’entre eux ont envoyé une lettre à l’université l’appelant à retirer ses investissements de l’industrie fossile. »

L’université qui vivait de la destruction de la planète

Ses condisciples se montrent sensibles à la cause : « Les étudiants savent que le changement climatique est une crise grave, ils essaient de faire du vélo, de moins utiliser la voiture, mais veulent aussi mener une action plus politique. Ils trouvent horrible que leur éducation soit financée par des investissements qui détruisent l’avenir et la planète. »

L’administration de Stanford est plus lente à réagir mais accepte finalement d’arrêter d’investir dans le charbon, en mai 2014. « C’est une excellente première étape, se réjouit Sophie Harrisson. Mais nous continuons la mobilisation pour que l’université se désinvestisse aussi du pétrole et du gaz. »

L’Université de Concordia, à Montréal au Canada, saute également le pas. Actuellement, 10 à 15 % de ses 100 millions de dollars d’investissements sont placés dans le secteur des combustibles fossiles, mais elle a entamé un désinvestissement partiel.

« Il y a environ 18 mois, des leaders étudiants m’ont approché pour entamer une discussion sur le désinvestissement, raconte Bram Freedman, président de la fondation de l’Université Concordia. Nous avons convenu de former un groupe de travail mixte composé de représentants de la Fondation et de leaders étudiants. Nous y avons échangé au sujet des préoccupations des étudiants ainsi que des obligations de la Fondation en tant que fiduciaire. Celle-ci doit en effet maximiser le rendement du capital investi pour être en mesure de financer des bourses d’études et de subsistance, de même que la recherche à Concordia. »

L’Université convient finalement d’allouer 5 millions de dollars de son fonds de dotation à la création d’un fonds de placement durable. « Il s’agit d’un projet pilote, et nous surveillerons le rendement du capital avant de prendre d’autres décisions, précise le président de la fondation. Concordia suit depuis quelques années les débats et les discussions entourant les combustibles fossiles. Nous avons donc jugé qu’il fallait joindre le geste à la parole. »

La campagne fait lentement bouger les mentalités. En août dernier, le Conseil oecuménique des Églises décide de se défaire de ses titres dans les combustibles fossiles. Puis c’est au tour de la Fondation des frères Rockefeller de retirer ses actions de ce secteur et de rejoindre la coalition Global Divest-Invest, un groupe d’investisseurs désireux de lutter contre le changement climatique – alors même que le groupe avait bâti sa fortune sur le pétrole. Des villes entières suivent le mouvement, comme Seattle et San Francisco.

180 institutions sur la voie du désinvestissement

En tout, ce sont quelque 650 personnes et 180 institutions qui ont détourné leurs investissements de l’industrie des combustibles fossiles. « Cela représente environ cinquante milliards de dollars », calcule Nicolas Haeringer, chargé de mission en France pour 350. La somme est considérable. Mais pèse-t-elle réellement sur les finances des géants de l’industrie fossile ?

« Si l’ensemble des réserves identifiées en gaz, pétrole et charbon étaient exploitées au cours actuel, cela représenterait un profit potentiel de 27 trillions de dollars pour les différentes sociétés, poursuit Nicolas Haeringer. Le désinvestissement est donc une goutte d’eau dans l’océan… »

L’objectif de la campagne Fossil Free n’est pas de s’attaquer directement au poids et à la santé économiques du secteur fossile. C’est plutôt sa réputation qui est visée : « Nous essayons de reproduire ce qui s’est passé avec l’industrie du tabac, précise le salarié de 350. Le tabac est toxique pour la santé, c’est une évidence, et il est assez rapidement devenu politiquement et socialement toxique d’investir dans cette industrie. Nous voulons que grâce à cette campagne, il devienne également politiquement, socialement et moralement aberrant d’investir dans le secteur fossile. »

« Un secteur voué à disparaître »

Si les investissements dans le secteur fossile devenaient à ce point décriés, ils seraient forcément moins rentables, estime Nicolas Heringer : « D’une part, ils seraient néfastes pour l’image des banques, des fonds de pension et des institutions. D’autre part, il est aberrant d’investir dans un secteur voué à disparaître, puisque la seule solution à terme est de renoncer à l’exploitation de ces matières premières. »

Pour Yannick Jadot, eurodéputé Europe Écologie – Les Verts, les élus ont également leur rôle à jouer dans cette mobilisation : « Ils doivent mettre en œuvre des politiques qui permettent de limiter le réchauffement climatique à 2°C, en purgeant les marchés carbone et en adoptant des normes d’efficacité énergétique par exemple. Il faut également favoriser la transparence dans l’épargne et les placements. » Les élus écologistes européens ont rencontré des acteurs de 350 la semaine dernière, « pour coordonner leurs actions au niveau européen ».

Pas encore de changement structurel…

Mais Yannick Jadot est lucide sur le chemin qu’il reste à parcourir : « Les investissements dans le secteur des énergies fossiles représentent deux mille milliards d’euros en Europe. Une partie des acteurs, banques et fonds de pension, se retirent des projets les plus polluants pour des raisons d’image. Mais il n’y a pas encore de changement structurel. Les banques continuent à jouer la rentabilité à court terme en réinvestissant dans l’économie existante, en grande partie basée sur les énergies fossiles. »

La baisse des prix du pétrole pourrait cependant renforcer la dynamique du mouvement. Qui n’entend pas s’arrêter là. « Il ne s’agit pas d’être dans l’autosatisfaction mais de saisir cette opportunité, prévient Nicolas Haeringer. Il faut montrer qu’il existe d’autres investissements plus porteurs d’avenir, le solaire et l’éolien par exemple. Notre revendication est double : qu’il y ait désinvestissement, et que l’argent soit réinvesti dans les énergies renouvelables. Nous ne voulons pas de fausses solutions, donc nous essayons aussi de peser sur la question du réinvestissement. »

Qu’en est-il en France ?

En mai 2014, l’association basque Bizi !, les Amis de la Terre et Attac lancent une campagne contre la Société générale, impliquée dans le financement du projet Alpha Coal. Embarrassée par cette mobilisation, la banque française se retire du projet en décembre 2014.

Le début d’une prise de conscience ? Il semblerait, puisqu’en novembre 2014, dans son discours inaugural de la Conférence environnementale, François Hollande annonce que la France supprimera « tous les crédits à l’export accordés aux pays en développement dès lors qu’il y a utilisation du charbon (…) et [fera] en sorte que les subventions aux énergies fossiles soient supprimées à terme ».

Les 13 et 14 février, journées mondiales du désinvestissement, 350, Attac et les Amis de la Terre lanceront en France leur campagne visant le retrait des énergies fossiles du Fonds de réserve pour les retraites et des banques françaises.

« Le Fonds de réserve pour les retraites, qui dépend de la Caisse des dépôts, place 921 millions d’euros dans les deux-cents compagnies les plus polluantes de la planète dans les secteurs du pétrole, du gaz et du charbon, souligne Nicolas Haeringer. Nous allons lancer une pétition et mener des actions symboliques pour que cet argent soit réinvesti dans les énergies renouvelables. »

Le rapport de l’Observatoire des multinationales sur ce Fonds

D’autres initiatives citoyennes pourraient émerger. Jean Merckaert, rédacteur en chef de la revue jésuite Projet, a contacté 350 la semaine dernière pour réfléchir aux actions qu’ils pourraient mener au sein de l’Église française.

« Des discussions ont lieu à ce sujet lors de réunions épiscopales, rapporte-t-il. Ce mouvement est en grande cohérence avec la pensée chrétienne, d’une Terre qui nous a été confiée mais ne nous appartient pas et dont il faut prendre soin. Seulement, quand on demande à un catholique ce qu’il fait pour protéger la planète, il dit qu’il trie ses déchets. C’est bien, mais on est loin du compte. Avec le désinvestissement, on est dans le dur du sujet. 350 peut nous faire bénéficier de ses ressources et de son savoir-faire. »

Démocratie participative : une réforme à deux vitesses


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Dans son discours prononcé en ouverture de la Conférence environnementale, le 27 novembre dernier, François Hollande a ouvert la voie au chantier de la « démocratie participative » afin d’en promouvoir un nouveau modèle en réponse aux évènements tragiques liés au barrage de Sivens. Un pas de temps de six mois a été annoncé par le Président de la République pour travailler avec le Conseil national pour la transition écologique (CNTE) des propositions d’amélioration de la démocratie participative : un chantier ambitieux qui répond à nos attentes et à la hauteur des enjeux.

Cependant, cette annonce s’inscrit dans un contexte politique chargé, et parfois contradictoire comme en témoigne notamment le projet de loi pour l’activité et la croissance, dit « loi Macron » actuellement en cours d’examen. Celui-ci comporte de nombreuses dispositions allant du travail le dimanche à la réforme de professions juridiques, et au milieu desquelles se trouvent des dispositions sur la participation du public (article 28). Pourquoi y insérer de telles dispositions sans même attendre le lancement du chantier annoncé par François Hollande ?

En séance publique devant l’Assemblée nationale depuis le 26 janvier, le texte a déjà été adopté en commission spéciale après avoir été amendé in extremis par l’ensemble des rapporteurs pour associer le Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE) à la rédaction des ordonnances qui en résulteront. Cet amendement révèle bien une prise de conscience tardive de l’antinomie entre cet article et la réforme engagée par François Hollande pour améliorer la démocratie participative.

Cette mesure ne suffit pas à rassurer ni à redonner toute sa lisibilité à la parole présidentielle, il est donc urgent d’extraire les dispositions relatives à la participation du public de la loi  « Macron » et de les réserver pour une loi dédiée, qui pourrait arriver au Parlement à l’issue du travail mené par Ségolène Royal avec le CNTE. Il faut absolument prendre le temps de la concertation et ne pas légiférer par ordonnance dans la précipitation sur des questions de participation du public et de démocratie participative qui sont l’occasion de redéfinir le fondement, les institutions et les outils pour la participation du public et de développer une participation efficace dès l’amont des projets sensibles sur la base d’études sérieuses et indépendantes de toutes les alternatives.

Cela ne veut pas dire qu’il faille renoncer à tout. Le processus de modernisation du droit de l’environnement en cours comporte des idées à aménager, et même de bonnes idées. Mais en mélangeant le bon grain et le vraie, le gouvernement prend le risque de sacrifier l’enjeu de la démocratie environnementale au seul impératif de l’accélération des procédures. Obérant, par-là même, l’une des principales perspectives ouvertes par la conférence environnementale.

Il importe surtout de se donner les moyens d’une réflexion collective et argumentée susceptible de traduire l’engagement présidentiel. Pour ce faire, il faudra tout à la fois repenser l’existant, recenser les difficultés à résoudre et les bonnes pratiques susceptibles de servir de modèle. Toutes choses en somme que la loi Macron, en son état actuel, laisse de côté.

Biodéchets: le réseau Compostplus appelle à une dynamique nationale

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/biodechets-le-reseau-compostplus-appelle-a-une-dynamique-nationale,55210?xtor=EPR-9

Le réseau Compostplus, qui réunit 16 collectivités engagées dans une collecte séparée des biodéchets, a présenté ce 5 février à Paris un guide pratique gratuit, financé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Une analyse précieuse alors que le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (PLTECV) vise à généraliser cette collecte dans l’Hexagone d’ici 2025.

Les membres du réseau Compostplus en sont convaincus. «Seule la collecte séparée des biodéchets permet d’assurer et de sécuriser la demande des agriculteurs en compost de qualité», résume Alain Marois, leur président. «Une demande d’autant plus importante que le changement climatique fragilise nos sols, en particulier dans le sud de la France. Nous avons un grand besoin de matières organiques pour fertiliser ces sols appauvris», poursuit Marc Cheverry, chef du service Prévention et gestion des déchets à l’Ademe.

Pourtant, force est de constater que cette collecte reste très marginale en France, ne représentant que 19 kilogrammes par habitant et par an. La plupart des biodéchets se retrouvent donc dans les ordures ménagères résiduelles (OMR). Pesant environ 104 kg/hab/an, soit plus d’un tiers des poubelles grises (36%), ils sont le plus souvent envoyés dans des centres d’enfouissement, échappant à toute valorisation. Au contraire, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et l’Italie les ont déjà largement ciblés par des collectes séparées. «C’est un paradoxe qui existe en France et qu’on est en train de lever», assure Christine Cros, cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets au ministère de l’écologie.

Une collecte vouée à se généraliser

Si le PLTCEV, en cours de débat au Sénat, est définitivement adopté par les parlementaires, la généralisation de la collecte est prévue pour 2025. Celle-ci pourra prendre plusieurs formes: un système de collecte mis en place par la collectivité (en porte-à-porte ou en apport volontaire), le déploiement de composteurs individuels ou de proximité.

Un axe parmi d’autres

Le réseau Compostplus estime que le territoire a tout à y gagner. A commencer par l’amélioration du taux global de recyclage. «Quand on progresse sur la collecte séparée des biodéchets, on progresse sur l’ensemble du tri à la source et on réduit la collecte des ordures résiduelles», affirme Alain Marois. Un bon moyen, donc, pour atteindre la réduction de moitié des tonnages envoyés à l’enfouissement d’ici 2025 (prévue par le plan national Déchets), pour réduire les émissions de méthane des décharges, pour accroître le recyclage (compostage) et pour maîtriser les coûts assumés par la collectivités: celle-ci réalise une économie sur le coût de la mise en décharge, qui s’élève entre 64 à 95 euros la tonne selon l’Ademe. «En comparaison, le choix d’un tri mécanique des biodéchets [TMB] en mélange ne permet pas de lancer cette réflexion globale sur le territoire», note Christine Cros du ministère[1]. Il n’est pas anodin de noter que 7 des 16 collectivités du réseau Compostplus soient lauréates de l’appel à projets «zéro gaspillage zéro déchet» lancé par le ministère de l’écologie, comme le syndicat mixte de la communauté de communes Thann-et-Cernay (Alsace), engagé de longue date dans une politique volontariste de réduction des déchets.

Pas de campagne nationale

Lucides, les membres de Compostplus savent que la généralisation de la collecte ne sera pas automatique. «Il n’y a pas eu dans notre pays d’efforts de communication sur les atouts d’une telle collecte», regrette Alain Marois. De son côté, l’Ademe peut aider les collectivités par un soutien aux actions de compostage, à l’investissement d’une installation de traitement (avec un bonus de 10% prévu pour les lauréats de l’appel à projets), et aux actions de communication (campagne menée par des ambassadeurs de tri par exemple). Mais l’essentiel de l’enveloppe dédiée aux biodéchets (45 M€ en 2014) est destinée aux installations de méthanisation. Le déploiement de la collecte séparée des biodéchets dépendra donc du bon vouloir des collectivités.

[1] A noter que le PLTECV prévoyait d’ailleurs d’éviter le déploiement de nouvelles installations TMB en France, mais les sénateurs ont supprimé cette disposition. Elle pourrait toutefois réapparaître en commission mixte paritaire, les députés ayant le dernier mot sur le texte.