Articles du Vendredi : Sélection du 12 juillet 2019


Climat : rester sous la barre de 1,5 °C impose des choix radicaux sur la consommation
Lorène Lavocat
https://reporterre.net/Climat-rester-sous-la-barre-de-1-5-oC-impose-des-choix-radicaux-sur-la

Le Giec estime qu’il faut limiter à 1,5 °C l’augmentation de la température terrestre par rapport à l’ère préindustrielle si l’humanité ne veut pas affronter un emballement climatique. Le cabinet d’étude B&L évolution a fait la liste des actions à mener pour y parvenir. Nous en sommes loin.

 

Que faudrait-il faire pour rester sous les 1,5 °C et éviter ainsi l’emballement climatique ? C’est à cette épineuse question que s’est attelé le cabinet d’étude B&L évolution. Les ingénieurs Charles-Adrien Louis et Guillaume Martin ont patiemment traduit en mesures concrètes le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Limiter le chauffage des bâtiments à 17 °C après 22 h, interdire la vente de véhicules consommant plus de 2 l/100 km en 2027, interdire tout vol hors d’Europe non justifié, limiter l’achat de vêtements neufs à 1 kg par personne et par an…

À l’arrivée, leur constat est sans appel : « Une trajectoire compatible avec un réchauffement climatique limité à 1,5 °C est très improbable ».

« En lisant le rapport du Giec en octobre 2018, j’ai compris que les scientifiques nous expliquaient que, en gros, c’était mort pour les 1,5 °C, se rappelle Charles-Adrien Louis. Pourtant, les associations écolos restaient sur une ligne “c’est encore faisable”. » Ainsi, lors de l’arrivée du tour Alternatiba à Bayonne, les activistes du climat ont planché sur des mesures à revendiquer pour rester sous les 1,5 °C. Sauf que, « d’après moi, elles permettaient tout juste de rester sous les 3 °C, raconte l’ingénieur. Je leur ai dit, et c’était la première fois que je sentais qu’ils percutaient le gros décalage entre leur discours et leurs propositions. Ils restaient en quelque sorte dans une logique des petits pas. » Deux mois — et quelques week-ends de travail acharné — plus tard, paraissait le rapport « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5 °C ? », 36 pages étayées de graphiques afin d’« aider à comprendre l’ampleur des efforts à réaliser afin que chacun puisse juger de leur faisabilité ou de leur réalisme dans le contexte actuel ».

Ne pas dépasser 3,7 tonnes de CO2 par habitant et par an en 2030

B&L évolution n’en était pas à son coup d’essai. Depuis la création du bureau d’études par Charles-Louis Adrien et Sylvain Boucherand, en 2010, l’équipe d’ingénieurs a eu à cœur, en parallèle de leur métier de consultant en développement durable, « d’interpeller le grand public » sur des problématiques écologiques. Avec leur regard et leurs outils d’ingénieurs. En 2012, ils ont par exemple réalisé le bilan carbone de l’élection présidentielle ; quelques années plus tard, ils ont examiné les effets de la loi de transition énergétique. « Dès le départ, dans notre ADN, on était engagés », souligne Charles-Adrien Louis, longtemps investi au sein de l’association Avenir climatique, avant de rejoindre Alternatiba et ANV-COP21. Il se définit comme une interface entre les chercheurs et la société civile : « Notre objectif est de comprendre le discours des scientifiques, de le synthétiser et de le rendre plus compréhensible pour le grand public », explique-t-il.

Afin de traduire les centaines de pages rédigées par les experts du Giec en une liste d’actions, les ingénieurs sont partis du budget carbone que les Français peuvent encore « dépenser » avant que les émissions de gaz à effet de serre ne nous emmènent au-delà des 1,5 °C. « Le Giec estime que l’humanité ne doit pas émettre plus de 500 milliards de tonnes de CO2 d’ici la fin du siècle, dit Charles-Adrien Louis. Mais, comment répartit-on ce “gâteau” entre les pays les plus pollueurs et ceux qui émettent bien moins aujourd’hui ? » Autrement dit, divise-t-on l’ensemble de ce budget carbone par le nombre d’êtres humains ? prend-on en compte les différences de consommation entre pays ? ou encore fait-on « payer » la dette climatique aux pays industrialisés, largement responsables du changement climatique ? Les ingénieurs ont fait une sorte de moyenne, et sont parvenus au chiffre de 3,7 tonnes de CO2 par habitant et par an en 2030, soit le tiers de ce qu’elle est aujourd’hui. « Si tout le monde était à égalité, ce serait 3 tonnes par habitant, et si on maintenait les inégalités, ce serait 4,5 tonnes », précise le consultant. Autre difficulté : prendre en compte les émissions importées, liées à la fabrication de biens de consommation à l’étranger, peu documentées.

En 2017, les émissions de gaz à effet de serre territoriales étaient de l’ordre de 6,6 tonnes de CO2 par habitant, mais de 10,5 tonnes de CO2 en intégrant ces émissions importées.

Ensuite, en s’appuyant sur la stratégie nationale bas carbone, les ingénieurs ont réparti le budget par activité. Le secteur des transports, qui émet aujourd’hui plus de 130 millions de tonnes de CO2, ne devra plus en relâcher que 31 en 2030, soit une diminution de 76 %. Des réductions similaires sont à effectuer dans le résidentiel, le tertiaire, les biens de consommation (vêtements, informatique, gros électroménager). Une fois ces différentes trajectoires posées, il ne restait plus qu’à mettre en face des mesures permettant d’atteindre l’objectif fixé.

« Ça devient compliqué quand on dit aux gens qu’on va moins prendre sa voiture, ou ne plus prendre l’avion »

Ainsi, afin de diminuer de 38 millions de tonnes de CO2 les émissions des logements d’ici à 2030, il faudrait :

  • Créer 50.000 emplois par an dans le bâtiment pendant dix ans, afin d’augmenter rapidement le nombre de logements rénovés, et rendre obligatoires les travaux à très haute performance environnementale ;
  • Passer de 200.000 à 1.000.000 de rénovations par an d’ici 2027 puis maintenir ce taux ;
  • Passer de 400.000 à 1.200.000 équipements de chauffage renouvelés par an d’ici 2026, puis maintenir ce taux. Les renouvellements ne peuvent se faire qu’en chauffage solaire, géothermique, pompe à chaleur air/eau, bois ou alimenté au biogaz. En 2026, interdire le chauffage au fioul ;
  • Proscrire l’utilisation en saison froide des résidences secondaires ;
  • Interdire la construction de maisons individuelles, sauf habitat léger. Les constructions neuves sont exclusivement de l’habitat collectif. Favoriser la cohabitation, l’intergénérationnel, et limiter l’espace par habitant à 32 m².
  • Passer la température moyenne de 21 °C à 19 °C dans les logements. En 2025, couper les chauffages non décarbonés entre 22 h et 6 h pour atteindre une température moyenne de 17 °C dans les logements ;
  • Passer progressivement de 4 à 2 kWh d’électricité par jour et par personne. Instaurer une taxation progressive pour garantir à tous l’accès au premier kWh et décourager de consommer plus de 3-4 kWh d’électricité par jour.

« Pour chaque secteur, nous avons regardé ce qui était faisable au maximum de l’efficacité, par exemple, la rénovation énergétique. Puis, tout le reste, il faudra le faire avec la sobriété, donc que les gens chauffent moins, qu’ils habitent à plus nombreux par maison, dit Charles Adrien Louis. Ces mesures comportementales sont nécessaires, et c’est elles qui font le plus réagir. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut rénover, mais ça devient compliqué quand on dit aux gens qu’on va moins prendre sa voiture, ou ne plus prendre l’avion. »

De fait, à sa sortie, le rapport a d’abord été critiqué pour son approche centrée sur le consommateur plutôt que sur les industriels ou les politiques. Charles-Adrien Louis assume ce parti-pris : « C’est ce qui nous semblait le plus percutant, dit-il. Mais quand on dit aux gens qu’il faudra qu’ils achètent dix fois moins de vêtements, ça veut dire que les producteurs vont devoir en produire dix fois moins. » Leur étude n’entend d’ailleurs pas se substituer à un programme politique, elle n’est pas budgétée et ne comporte aucune analyse sociale ou économique. « Le but n’était pas de produire quelque chose d’acceptable ou de souhaitable socialement, mais de voir ce qui était possible, et de proposer un ensemble de mesures réalistes et cohérentes pour rester sous les 1,5 °C, explique-t-il. Reste aux associations et aux partis de s’en emparer et d’en faire un discours politique. » Malgré ces mises en garde, nombre de groupes écolos ont fait du rapport le socle de leurs revendications.

« Les mesures ne sont restrictives que si notre conception de la liberté est de consommer toujours plus »

En bons ingénieurs, les co-auteurs ont en revanche pris en compte les contraintes techniques. La rénovation, le renouvellement du parc automobile, la conversion en agriculture bio… tout cela prendra du temps et doit donc « commencer dès à présent ».

 

 

« Chaque année de retard rendra l’atteinte de ces objectifs encore plus complexe », insiste Charles-Adrien Louis. Ils ont également tenté de lever quelques freins sociaux : plutôt que de préconiser l’interdiction des voitures thermiques — « impossible car les gens conduisent non par choix mais par nécessité, parce qu’ils ont besoin d’accéder à des services, pour travailler » —, ils ont ainsi réfléchi à des propositions pour réduire notre dépendance au véhicule, telle l’obligation du télétravail deux jours par semaine « pour toute personne habitant à plus de 10 km de son lieu de travail ».

En France.

À sa sortie, le rapport n’a pas fait d’émules, demeurant dans la confidentialité des pages « Nos publications » du site de B&L évolution. Le buzz n’est venu qu’avec la reprise en infographie de l’étude par Novethic. Et avec la notoriété, les critiques. « On nous a accusés de prôner une dictature verte, parce que nos mesures seraient liberticides », se rappelle Charles-Adrien Louis. Les auteurs ont répondu à ces attaques dans une tribune publiée sur Reporterre, estimant que « les mesures ne sont restrictives que si notre conception de la liberté est de consommer toujours plus ». Une question de point de vue également : où est la liberté des milliards d’êtres humains qui ne prennent jamais l’avion mais souffrent des conséquences climatiques de ce mode de transport ?

« Que ce soit maintenant pour rester sous les 1,5 °C, ou dans quelques années, pour rester sous les 2 °C voire les 3 °C, nous devrons en passer par de telles mesures », estime Charles-Adrien Louis. Il s’agit donc de réfléchir à leur mise en place, afin qu’elles soient le moins injustes possible. « La problématique écologique, mais également la décroissance, constituent un cadre dans lequel on doit s’inscrire impérativement, puisque de toute façon nous allons toucher aux limites du système actuel, pense l’ingénieur. Il faut penser un système démocratique et social dans ce cadre écologique déterminé. » Et non l’inverse. Dans cette optique, le cabinet B&L évolution espère se pencher prochainement sur un rapport similaire à propos de l’adaptation au changement climatique. On en devine déjà le titre : « Comment (sur)vivre dans un monde à +3 °C ? »

Réchauffement climatique : les actions en justice se multiplient dans le mondec
Leïla Marchand
www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/rechauffement-climatique-les-actions-en-justice-se-multiplient-dans-le-monde-1036163

 

De plus en plus de gouvernements ou d’entreprises se retrouvent attaqués en justice pour leur responsabilité dans le réchauffement climatique. Plus de 1.300 actions en justice ont été intentées depuis 1990, selon un rapport du Grantham Research Institute de la London School of Economics.

En mars dernier, le gouvernement français  s’est fait attaquer en justice par quatre ONG pour « manquements » à son obligation d’action contre le réchauffement climatique. Ce recours contre l’Etat, soutenu par une pétition signée par deux millions de personnes, a été baptisé « l’Affaire du Siècle ». Et si cette « affaire » a effectivement suscité un écho médiatique important, il ne s’agissait pas d’une première. Partout sur la planète, les procès intentés contre les Etats et les entreprises pour « inaction climatique » se multiplient depuis plusieurs années.

Dans  un rapport publié cette semaine, le Grantham Research Institute de la London School of Economics a examiné les différents cas de poursuites judiciaires en rapport avec le changement climatique intentées de 1990 à 2019. Résultat, plus de 1.300 actions en justice ont été lancées durant cette période.

C’est aux Etats-Unis que ces litiges sont les plus fréquents, avec 1.023 cas recensés. Mais les chercheurs constatent une « expansion géographique » du phénomène, avec des cas recensés ailleurs en Amérique, ainsi que dans la région Asie et Pacifique et en Europe. « Plusieurs cas sont en cours dans des pays à revenu faible ou intermédiaire », notent-ils.

Colombie, Pakistan, Pays-Bas…

En Colombie par exemple, un groupe de 25 jeunes, accompagnés par l’ONG DeJusticia, a engagé des poursuites contre le gouvernement l’an dernier, qu’il accusait d’avoir échoué à protéger la forêt amazonienne. La Cour suprême de Colombie a donné raison aux plaignants et ordonné au gouvernement de mettre fin à la déforestation de la forêt à l’horizon 2020.

Au Pakistan, en 2015, le fils d’un agriculteur a demandé aux juges de contraindre l’Etat à mettre en application la législation climatique protégeant son exploitation et garantissant son droit à l’alimentation et son accès à l’eau. La justice lui a donné raison et a ordonné la création d’une Commission sur le changement climatique au sein de l’Etat.

Au Pays-Bas, en 2015 également, la justice a été saisie par l’ONG Urgenda et 800 citoyens et le gouvernement néerlandais  a été sommé de revoir ses engagements sur les émissions de gaz à effet de serre. Le cas néerlandais a inspiré d’autres actions climatiques  en Irlande, en Belgique, ou encore en Norvège.

Une tendance qui va aller grandissant

Les institutions européennes sont elles aussi mises en cause. Le « People Climate Case », formé par dix familles d’Europe a déposé plainte contre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne « pour avoir autorisé un niveau trop élevé d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et ainsi de ne pas avoir protégé les citoyens du réchauffement climatique ».

« Demander des comptes au gouvernement et aux entreprises pour leur incapacité à lutter contre le changement climatique est devenu un phénomène mondial », analyse Joana Setzer, co-auteure du rapport du Grantham Institute, interrogée par le « Guardian ». « Le nombre de pays dans lesquels des personnes lancent des poursuites judiciaires en matière de changement climatique va probablement continuer à augmenter », pronostique-t-elle.

Parmi les pays où des poursuites judiciaires ont été engagées concernant le dérèglement climatique figurent l’Australie, où 94 actions ont été intentées, le Royaume-Uni (53), le Brésil (5), l’Espagne (13), la Nouvelle-Zélande (17) et l’Allemagne (5). En France, six actions en justice ont été décomptées.

Selon le rapport, cela reflète une volonté croissante d’utiliser les poursuites judiciaires comme un moyen d’influencer les politiques. Les droits de l’homme et les arguments scientifiques sont de plus en plus invoqués dans le cadre de ces litiges.

Des entreprises visées

La plupart des litiges visent des gouvernements, mais des entreprises ont également été poursuivies en justice, par exemple pour avoir omis d’informer les actionnaires des risques liés au changement climatique ou pour avoir contribué au réchauffement de la planète.

Hors des Etats-Unis, les décisions de justice ont fait avancer la lutte contre le changement climatique dans 43 % des cas, contre 27 % qui ont nui aux efforts déployés. Les décisions restantes n’ont eu aucun impact sur la politique ou la loi existante.

« Le plus incroyable, dans ces histoires, c’est que les citoyens réussissent à obtenir des condamnations à l’encontre de leur gouvernement en matière de politique climatique, alors que les traités internationaux, à commencer par les accords signés lors des COP successives, sont impuissants à réclamer des sanctions contre les Etats qui ne respectent pas leurs engagements », commente Christel Cournil, maître de conférences en droit public à l’université Paris 13 et membre du réseau Droit et climat, interviewée par le CNRS.

En France, le recours des ONG s’appuie notamment sur la Charte de l’environnement de 2005 et la Convention européenne des droits de l’Homme. Même si l’action est inédite, la Charte reconnaît « le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé, et l’obligation de vigilance environnementale à la charge de l’Etat », d’après Me Clément Capdebos, conseil de Greenpeace. La justice devrait se prononcer dans un délai d’un à deux ans, cinq ans en cas d’éventuels appels.

Soutenez l’Appel – Pour former tous les étudiants du supérieur aux enjeux climatiques et écologiques

https://theshiftproject.org/soutenez-appel-former-etudiants-climat

Cet Appel – Pour former tous les étudiants du supérieur aux enjeux climatiques et écologiques fait suite aux nombreuses sollicitations de professionnels du supérieur reçues par The Shift Project, dans la continuité de ses travaux sur l’enseignement des enjeux climatiques et énergétiques dans le supérieur. De nombreux représentants de la communauté pédagogique du supérieur nous ont fait part de leur volonté de proposer une réponse organisée au besoin identifié, et par ailleurs exprimé par les étudiants.

Qui peut signer ? Tout le monde ! Cet Appel est d’abord destinée au corps pédagogique du supérieur français (enseignants, enseignants-chercheurs, directions d’établissement, responsables pédagogiques…). Cependant, tout le monde (étudiant, représentant de la société civile, citoyen, politique…) peut soutenir la démarche en cochant l’option “autre” dans cette section (vous serez alors présenté comme “soutien” de cette initiative).

Et ensuite ? Cet Appel sera publié, diffusé, et remis au ministère de l’Enseignement supérieur et aux étudiants avec la liste de ses soutiens (nom, prénom, fonction, établissement).

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– APPEL –
Pour former tous les étudiants du supérieur
aux enjeux climatiques et écologiques

Les enjeux soulevés par le changement climatique et l’épuisement des ressources et de la biodiversité n’ont jamais été aussi prégnants, et le rôle tenu par la civilisation humaine ne fait plus débat. La dépendance de notre économie aux énergies fossiles et à un ensemble de ressources épuisables nous met à la merci de pénuries graves. Une évolution profonde et rapide des modes de vie, de consommation et de production de nos sociétés est indispensable.

Les jeunes sont aujourd’hui volontaires pour jouer leur rôle dans la transition énergétique et écologique, mais ils en seront incapables si leurs formations ne leur confèrent pas le savoir et les compétences nécessaires. Futurs décideurs politiques, futurs chefs d’entreprises, futurs élus, futurs électeurs, futurs parents, futurs fonctionnaires, futurs professeurs… tous doivent être sensibilisés, informés et formés. Dans un contexte où les « fake news » sont fréquentes et la rigueur scientifique des informations circulant sur les réseaux sociaux souvent discutable, nous avons la responsabilité de conférer à nos étudiants le socle de connaissances nécessaire au développement d’un esprit critique.

La récente mobilisation des étudiants, massive et sans précédent, appelle une réponse académique profonde. Leur inquiétude est immense, et elle est légitime. Atteindre les engagements climatiques de la France et faire face à l’épuisement galopant des ressources nécessite de former toute la prochaine génération : relever ce défi requiert de nouvelles compétences, tous secteurs, champs de connaissance et tous métiers confondus. L’énergie est partout et nous n’avons qu’une planète, aussi la sortie des énergies fossiles à tous les étages de notre société concerne et doit impliquer chacun – pour construire une économie bas carbone, sobre, circulaire et résiliente.

Plus que tout autre enjeu, le changement climatique s’affirme comme l’urgence planétaire, et pourtant la place accordée à l’enseignement des enjeux climatiques et énergétiques dans les formations du supérieur en France est encore très insuffisante – moins d’un quart des formations abordent le sujet, selon une étude du Shift Project portant sur 34 établissements du supérieur. Seule une fraction aborde le sujet de manière systématique. Cette situation doit changer radicalement, aucun étudiant, quel que soit son âge, ne doit pouvoir valider une formation dans l’enseignement supérieur sans avoir compris les causes, les conséquences du changement climatique et travaillé, à son niveau, à l’identification de solutions possibles. Le respect de l’autonomie des établissements ne dispense pas l’État d’assumer également sa responsabilité, et d’accompagner cet effort en offrant un cadre favorable. Pour les universités et écoles, il y a urgence à prendre acte des conclusions du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC).

Nous, enseignants et dirigeants d’établissements, nous engageons à agir à notre échelle pour relever le défi du climat et de l’épuisement des ressources, dans nos amphis, dans nos établissements. C’est à nous qu’il appartient de fournir les connaissances et les clés de compréhension indispensables aux étudiants dont nous avons la responsabilité pour faire face à ces enjeux. Les enseignants et directions préoccupés par ces enjeux sont aujourd’hui nombreux à être moteurs, mais se trouvent confrontés à des freins administratifs et disciplinaires. Sans impulsion de la part de l’État, la portée de la mobilisation du supérieur restera limitée, et dépendante de la bonne volonté d’acteurs isolés et souvent démunis.

Nous nous engageons à agir, et demandons à l’État, et en particulier au ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de faire de même : initier une stratégie de transition de l’enseignement supérieur positionnant le climat comme l’urgence première, et allouer les moyens nécessaires. Il est impératif de transformer rapidement le frémissement actuel en mobilisation générale de tout le supérieur. Mettre la formation au service de ce projet de société, c’est aussi donner à la jeunesse une capacité à se projeter dans l’avenir.

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«On ne peut pas dissocier l’économie circulaire d’un effort vers la sobriété»
Florian Bardou
www.liberation.fr/france/2019/07/09/on-ne-peut-pas-dissocier-l-economie-circulaire-d-un-effort-vers-la-sobriete_1738152

Pour «Libération», Etienne Lorang, doctorant en économie de l’environnement, détaille les avantages et les limites des politiques de recyclage et de valorisation des déchets telles que promues par un projet de loi du gouvernement présenté début juin.

C’est l’un des textes sur lesquels le gouvernement espère montrer ses ambitions écologiques. Présenté devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE) début juin, avant d’être en toute logique approuvé mercredi par le Conseil des ministres, le projet de loi «pour une économie circulaire» prévoit notamment de renforcer la «responsabilité élargie du producteur» dès 2021, en particulier pour de nouvelles familles de produits comme les matériaux de construction, les articles de sport, le bricolage ou les cigarettes pour lesquels les producteurs devront financer la gestion des déchets. A cela s’ajoute également un bonus-malus pour les producteurs qui jouent ou non le jeu de la performance écologique, mais aussi le retour de la consigne et autres mesures censées favoriser le recyclage et la durabilité. Une démarche ambitieuse pour réduire notre volume de déchets ? Doctorant en économie de l’environnement, Etienne Lorang, de l’Inra et de la chaire Economie du climat de Paris-Dauphine, décrypte l’intérêt écologique de cette démarche mais aussi ses limites environnementales non négligeables en l’état.

L’économie circulaire est-elle une solution à la crise des déchets que nous traversons ?

Si cette crise correspond à la prise de conscience d’une accumulation croissante de déchets, mise en lumière notamment par les récents refus de pays d’Asie d’être la poubelle du monde, l’économie circulaire est indéniablement un atout. En effet, l’idée de sortir d’un mode de consommation linéaire, avec le recyclage en procédé central, nous offre théoriquement la possibilité de se débarrasser des contraintes liées à la gestion des déchets et à la raréfaction des ressources. Elle a le mérite de considérer de manière globale l’activité économique et de proposer des leviers d’action à différents niveaux : l’offre de produits, la consommation et la gestion des déchets. Avec donc des solutions complémentaires pour transformer notre modèle économique : dans le désordre et de manière non exhaustive, l’écoconception, l’écologie industrielle, l’économie de la fonctionnalité… On a donc un modèle pour la société de demain avec une création de valeur ainsi qu’une baisse de l’empreinte écologique.

Le recyclage et la valorisation des déchets promus depuis les années 90 ont-ils prouvé leur efficacité environnementale ?

Si l’on parle des principes globaux de recycler et de valoriser les déchets, ils tiennent leur efficacité dans la limite de leurs possibilités. La valorisation permet de produire de l’énergie, mais au prix d’émissions de gaz à effet de serre et de la perte des matériaux. Le recyclage permet de profiter de la valeur économique des déchets, mais se heurte à la réalité technologique : des coûts importants et une substituabilité imparfaite avec les matériaux d’origine vierge. On peut par exemple penser à la problématique du recyclage de matériaux vers d’autres filières : les pneus pour les courts de tennis, les bouteilles plastiques en tissus polaire, etc. Dans le même ordre, il n’est pas possible de recycler indéfiniment la pâte à papier : au bout d’un certain nombre de cycles, celle-ci perd en qualité et ne pourra plus être utilisée. On voit, dans ce cas, qu’on s’éloigne de l’idée d’une économie circulaire avec des flux de matériaux totalement bouclés. Si on ajoute à ça une logique de croissance de la consommation [voir Dominique Bourg et l’écologie intégrale, ndlr] et les usages dispersifs des matériaux [voir Philippe Bihouix], on s’éloigne encore plus de cet idéal. Certains vous diront même qu’une société totalement circulaire transgresserait le second principe de la thermodynamique.

Et en matière sociale ?

L’aspect social s’éloigne de mon sujet de travail, mais les problématiques liées à l’export de déchets à l’autre bout du monde et le manque, voire l’absence, de visibilité quant à leur traitement (recyclage ou autre) laisse penser que l’efficacité n’est pas atteinte. On peut également évoquer le Cash Investigation de septembre 2018 qui mettait en avant, dans un de ses reportages, les conditions de travail du recyclage en Afrique.

Au-delà de la théorie sur l’efficacité du recyclage et de la valorisation, il y a aussi la réalité du secteur en France, avec des taux qui sont loin de ceux qu’on pourrait espérer pour une «économie circulaire» (pour les plastiques notamment).

Ont-ils aussi des conséquences nocives pour l’environnement ?

Il est déjà important de considérer les émissions de gaz à effet de serre imputables au recyclage. Si les facteurs d’émission sont souvent à l’avantage de la filière recyclage, il reste que l’activité n’a pas un impact neutre. Il faut considérer des processus complexes et énergivores. Certains déchets ont également des composants dangereux qui ne peuvent pas être réincorporés dans de nouveaux produits (notamment parce que la législation a évolué). Dans ce cas, le recyclage peut être impossible, l’enfouissement à l’origine de dommages environnementaux et/ou sanitaires, l’incinération transformant ces dommages à court terme en des dommages climatiques à plus long terme. L’équation est donc difficile à résoudre.

Qu’est-il possible de faire dans ce cas ?

L’économie circulaire pose un cadre et des principes très positifs pour une transition écologique, mais on ne peut la dissocier d’une maîtrise de notre consommation, donc un effort vers la sobriété, via une remise en question de nos modes de vie.

 

Zein etorkizun dute Holandarrek itsas mailaren gorakadak jarraitzen baldin badu?
Pello Zubiria Kamino
www.argia.eus/argia-astekaria/2652/zein-etorkizun-dute-holandarrek-itsas-mailaren-gorakadak-jarraitzen-baldin-badu

Klimaren zoratzeak bere kalteak modu deigarrienean erakusten ditu muturreko fenomeno meteorologikoetan, atzo Mozambikeko ekaitz tropikal hilgarriarekin, asteotan Europak nozitu duen beroaldiarekin… Isilago doa hedatuz bestelako eragin bat, itsasoaren maila eten gabe igo araziz. Hasi da Europan bertan ere sentitzen eta adibide argiena dira Herbehereak. Kostaldeko euskaldunek ere begiratu beharko lukete harantza.

Rolf Schuttenhelm holandarrak ingurumen gaiez egiten du kazetaritza, besteren artean klimaren aldaketa jorratzen duen Bits of Science webean. Berrikitan bere sorterriaren kinka larriaz idatzi du honakoa Vrij Nederland kazetan, gero 15-15-15 blogean gaztelaniaratu diotena: “Itsas  mailaren gorakada uste duguna baino arazo larriagoa da eta Holandak ez dauka B planik”.

Hona hasiera: “Holanda famatua da mundu osoan bere polder [itsasoari bete-lanez irabazitako lur eremu] eta dikeak direla medio. Ezagunak gara Ipar Itsasoan mende luzez itsasoari aurre egin diogun nazio txiki langile bat garelako. Baina historian zehar borrokatu dugun itsaso hori ez zen bolumenez handitzen ari. Orain arazoa serioski ari da larritzen ozeanoetako uraren berotzeagatik eta glaziarren bezala poloetako izotz geruzen urtzeagatik, honek itsasoa mantso baina eten gabe mailaz igotzea eragin duelako.

Bistakoa denez, dikeak handitzen ari gara eta ibaiek badute tartea noizean behin gainez egiteko, baina hori aski izango ote da? Eta garrantzitsuagoa: noiz arte iraungo du? Itsasoa goraka ari da eta hasieran uste genuena baino azkarrago gainera. Hona galdera handia: Herbehereek bizirik iraun ahal izango ote dute, gaur ezagutzen dugun moduan?”.

Bere kronika luzea egiteko Schuttenhelmek galdetu die Holandako itsas mailaren adituei eta klimaren ikerlariei. Denek aipatu diote gaiaren larriagatik eztabaida publikoa sakondu beharra, erabaki batzuk berehala hartu beharko dituztelako. Holandarrei dagoeneko ez zaizkie aski CO2 isuriak kontrolatzeko mundu mailako borroka eta olatuei aurre egiteko harresiak goratzea.

Itsas mailaren igotzeko joera biziagotzen ari da: XX. mendean batez beste urtean 2 milimetro, XX. mende hasieran 3 mm eta azken hamarkadan 4,3 mm. Kalkulurik pesimistenek aipatzen dute 2100. urterako ia hiru metroko igoera. “Esan gabe doa –dio Schuttenhelmek– agertokirik ezezkorren hori ez dela probableena. Baina horren ordez itsasoa metro bakar batez igotzea bera ere asko da, aurre egiteko ur bolumen izugarria. Eta okerrago dena, 2100ean ez dela igoera geldituko”.

Holandak dagoeneko bere azaleraren %20 itsas mailaren azpitik dauzka eta metro baten igoerarekin denetara %50 geratuko zaizkio 0 kotaren azpitik.

Horregatik ohartzen dira etorkizuna hein handi batean ez daukatela beren esku, mundu osoko beste jende askok (Bangladesh, Ozeano Bareko hainbat uharte…) jadanik sentitzen duten moduan. Planeta mailako fenomeno baten mende, lehen kaltetuetakoak dira. Zer egin ordea?

Itsas mailaren azpitik bizi diren lurraldeak ebakuatzea zientzialari batek baino gehiagok aipatu dio kazetariari. “Epe luzera alde egite kontrolatu baten beharra eduki dezakegu” esan dio Utrechteko Unibertsitateko Itsas eta Atmosfera Ikertzeko Institutuan ari den Michiel van den Broeke meteorologoak. Michiel Helsen klimaren aldaketako irakasleak ere horretaz eztabaidatzea eskatzen du: “Baliteke epe luzera Holandako mendebaldea ezin salbatu izatea. Gizarteak eztabaidatu beharra dauka Holandako zein eremu defenditu dezakegun eta zein kostetan”.

Igoera maila eta igoeraren abiadura

Norbaitek edukitzekotan uholdeen memoria, holandarrek daukate. Duela 65 urte, 1953ko urtarrilaren 31n hasita, Ipar Itsasoko uholde handiek kolpatu zituzten Holanda, Belgika, Ingalaterra eta Eskozia. Holandan bakarrik 1.836 hildako eragin zituen, Rhin, Waal eta Meuse ibaiek itsasoratzean sortzen duten deltako urek gainditu zituztenean haiei eusteko eraikitako harresiak, euskaraz zanpiurak esaten zaienak. Geroztik ingeniaritza lan harrigarriak egin dituzte holandarrek, Delta programa famatuak koordinatuta, eta harrotasunez erakusten dute nola 2018ko urtarrilean bertan ekaitz erraldoi bati aurre egin ahal izan zioten.

Baina urtez urte berritzen joan diren Delta programa motz geratuko da laster, arduradun nagusietakoa den Marjolijn Haasnoot ur eta klima ikerlariak aitortu duenez: gaurko aurreikuspen planak eginak daude itsasoak gehienez gora metro bat egiten duenerako, eta orain zalantza da ea noiz gaindituko den muga hori. Izan ere, etorkizunerako planak askoz lehenago prestatu behar dira. “Iraganean –dio Haasnootek- azpiegitura proiektu handiak erabakitzerakoan 100 edo 200 urterako bizi erabilgarria edukitzen genuen kontutan. Orain egitekotan, kontutan eduki beharko genuke itsas mailaren igoera oso handi bat”.

2017an Deltares fundazioak egin zuen eztabaida berezi bat irudikatzeko nolakoa izan ote daitekeen 100-200 urte barruko Holanda muturreko itsas maila batekin, 3 metro altuago mende honen amaiaren eta 5 metro 2200an. Marjolijn Haasnoot bera aritu zen hackathon hartan gainbegiratze lanetan. Ideien ekaitz hark lau agertoki nagusi eman zituen, lau egokitze posible: bi holandarrek jarraituz gero gaur dauden lekuetan, hirugarrena Ipar Itsasorantz mugituz eta laugarrena lehorreragoko lurretara migratuz.

Egokitzeko lehen aukera litzateke Holanda gotorleku bihurtzea, dike eta ur punpatze egitura erraldoiak eraikiz. Baina une batean ibaiak itsas mailaren azpitik geratuko direnez, horien ur guztia dikeen gainetik punpatu beharrak energia koste izugarria ekarriko du eta, hala ere, eremu horietako laborantza lurren salinizazio handia saihestu gabe. Azkenean, Holandaren erdia gotorleku baino lur gazizko bainu-ontzi erraldoi bilakatuko da. Bigarren agertokia: gaur mundu osoak miresten duen nekazaritzaren eremu zabalak sakrifikatzea –defenditu ezinezkoak direlako– errioek zabalera irabazi eta padurak bilakatzeko eta hirien biziraupena bermatzea piloteen gainean eraikiz. Agertoki futurista, egia, ideien ekaitzean aipatu zen hirugarrena bezala: defentsarik onena atakea delakoan, itsasoan ugarteak eraikitzea, nahiz eta orduan ere jarraitu beharko duten lurpean ur gazia filtratzeak eragindako arazoei aurre egin ezinik.

Laugarren irtenbideaz ez da hitz egin nahi gehiegi, koste sozial eta politikoa dakarrelako aipatze hutsak, baina beste soluzioen koste ekonomiko izugarriak ikusita noizbait urratu beharko da tabua: defenditu ezin diren eremuetatik populazioa lehorrerago eramatea. Esan nahi baita, tartean Alemaniaren lurretara ere mugitzea.

Marjolijn Haasnootek uste du itsasoaren maila bera baino erabakigarriagoa izango dela igoeraren abiadura: “Poliki baldin badator, egokitu ahal izango gara. Baina oso azkar igotzen bada, egokitzeko astirik gabe aurki gaitezke”.