Articles du Vendredi : Sélection du 12 avril 2019


Climat : le « Guardian » intègre le taux de CO2 dans l’atmosphère dans sa rubrique météo
Big Browser
www.lemonde.fr/big-browser/article/2019/04/08/climat-le-guardian-integre-le-taux-de-co2-dans-l-atmosphere-dans-sa-rubrique-meteo_5447569_4832693.html

En raison de l’activité humaine, le niveau de CO2 est le plus élevé sur terre depuis plusieurs millions d’années, rappelle le quotidien britannique, qui veut alerter ses lecteurs sur cette situation.

La rubrique météo du Guardian a désormais une ligne de plus : depuis le 5 avril, elle mentionne le niveau de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Cette initiative, inédite dans la presse, doit permettre de prendre la mesure de la rapidité du changement climatique, dont les rejets de CO2 sont la cause principale.

Cet indicateur a été choisi parce qu’il est le plus simple pour évaluer la façon dont la combustion massive d’énergies fossiles perturbe le climat, et parce que c’est une référence mondiale. « Aujourd’hui, le niveau de CO2 est le plus élevé depuis plusieurs millions d’années », rappelle le quotidien britannique, lundi 8 avril, dans un article expliquant sa démarche. C’est un lecteur qui leur a suggéré l’idée. « On a trouvé ça fantastique », raconte Katharine Viner, rédactrice en chef du Guardian :

« Les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont augmenté de façon si spectaculaire. Inclure une mesure de cette augmentation dans notre bulletin météorologique quotidien montre ce que l’activité humaine fait à notre climat. Il faut rappeler aux gens que la crise climatique n’est plus un problème d’avenir. Nous devons nous y attaquer maintenant, et chaque jour compte. »

« Maintenir l’attention sur ce problème »

A l’aube de la révolution industrielle, le taux de CO2 était de 280 parties par million (ppm), soit 0,028 %, dans l’atmosphère. En 1958, lorsque les premières mesures ont été effectuées au Mauna Loa, à Hawaii, il avait atteint 315 ppm. Il a dépassé 350 ppm en 1986 et 400 ppm en 2013. Afin de pouvoir comparer, le comptage quotidien du niveau de CO2 sera publié avec celui des années précédentes, mais aussi avec le niveau de référence préindustriel (280 ppm) et le niveau considéré comme gérable à long terme, de 350 ppm.

L’augmentation des températures dans le monde, les vagues de chaleur, les tempêtes et les sécheresses qui en résultent dépendent de la vitesse à laquelle les émissions de CO2 augmentent ou diminuent, et de la durée pendant laquelle elles restent à des niveaux élevés. Et le Guardian de rappeler :

« Quelle que soit la façon dont nous mesurons le changement climatique, une chose est claire : pour que le réchauffement reste en dessous de 1,5 °C, l’objectif fixé par les pays du monde, nous devons réduire de moitié les émissions d’ici à 2030 et atteindre zéro au milieu du siècle. C’est une tâche énorme, mais nous espérons que le suivi de l’augmentation quotidienne du CO2 aidera à maintenir l’attention sur ce problème. »

En France, où l’évolution du produit intérieur brut ou du CAC 40 est scrutée et relayée par les médias, cette démarche n’a pas d’équivalent. Jusqu’à quand ?

Gilets jaunes : l’Appel de Saint-Nazaire
L’Assemblée des Assemblées des Gilets Jaunes
https://reporterre.net/Gilets-jaunes-l-Appel-de-Saint-Nazaire

Réunie du 5 au 7 avril à Saint-Nazaire, l’Assemblée des assemblées des Gilets jaunes a adopté dimanche 7 un appel final. En voici le texte. Nous publions aussi les textes annexes adoptés, sur l’écologie, la répression, les élections européennes et les assemblées citoyennes.

« Nous Gilets jaunes, constitués en assemblées locales, réunis à Saint-Nazaire, les 5, 6 et 7 avril 2019, nous adressons au peuple dans son ensemble. À la suite de la première assemblée de Commercy, environ 200 délégations présentes poursuivent leur combat contre l’extrémisme libéral, pour la liberté, l’égalité et la fraternité.

Malgré l’escalade répressive du gouvernement, l’accumulation de lois qui aggravent pour tous les conditions de vie, qui détruisent les droits et libertés, la mobilisation s’enracine pour changer le système incarné par Macron. Pour seule réponse au mouvement incarné par les Gilets jaunes et autres mouvements de lutte, le gouvernement panique et oppose une dérive autoritaire. Depuis cinq mois partout en France, sur les ronds-points, les parkings, les places, les péages, dans les manifestations et au sein de nos assemblées, nous continuons à débattre et à nous battre, contre toutes les formes d’inégalité et d’injustice et pour la solidarité et la dignité.

Nous revendiquons l’augmentation générale des salaires, des retraites et des minima sociaux, ainsi que des services publics pour tous et toutes. Nos solidarités en lutte vont tout particulièrement aux neuf millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. Conscients de l’urgence environnementale, nous affirmons, fin du monde, fin du mois, même logique, même combat.

Face à la mascarade des grands débats, face à un gouvernement non représentatif au service d’une minorité privilégiée, nous mettons en place les nouvelles formes d’une démocratie directe.

Concrètement, nous reconnaissons que l’assemblée des assemblées peut recevoir des propositions des assemblées locales, et émettre des orientations comme l’a fait la première assemblée des assemblées de Commercy. Ces orientations sont ensuite systématiquement soumises aux groupes locaux. L’Assemblée des assemblées réaffirme son indépendance vis-à-vis des partis politiques, des organisations syndicales et ne reconnaît aucun leader autoproclamé.

Pendant trois jours, en assemblée plénière et par groupes thématiques, nous avons tous débattu et élaboré des propositions pour nos revendications, actions, moyens de communication et de coordination. Nous nous inscrivons dans la durée et décidons d’organiser une prochaine Assemblée des assemblées en juin.

Afin de renforcer le rapport de forces, de mettre les citoyens en ordre de bataille contre ce système, l’Assemblée des assemblées appelle à des actions dont le calendrier sera prochainement diffusé par le biais d’une plateforme numérique.

L’Assemblée des assemblées appelle à élargir et renforcer les assemblées citoyennes souveraines et de nouvelles. Nous appelons l’ensemble des Gilets jaunes à diffuser cet appel et les conclusions des travaux de notre assemblée. Les résultats des travaux réalisés en plénière vont alimenter les actions et les réflexions des assemblées.

Nous lançons plusieurs appels, sur les européennes, les assemblées citoyennes populaires locales, contre la répression et pour l’annulation des peines des prisonniers et condamnés du mouvement. Il nous semble nécessaire de prendre un temps de trois semaines pour mobiliser l’ensemble des Gilets jaunes et convaincre celles et ceux qui ne le sont pas encore. Nous appelons à une semaine jaune d’action à partir du 1er mai.

Nous invitons toutes les personnes voulant mettre fin à l’accaparement du vivant à assumer une conflictualité avec le système actuel, pour créer ensemble, par tous les moyens nécessaires, un nouveau mouvement social, écologique, populaire. La multiplication des luttes actuelles nous appelle à rechercher l’unité d’action.

Nous appelons à tous les échelons du territoire à combattre collectivement pour obtenir la satisfaction de nos revendications sociales, fiscales, écologiques et démocratiques. Conscients que nous avons à combattre un système global, nous considérons qu’il faudra sortir du capitalisme. Ainsi nous construirons collectivement le fameux « toutes et tous ensemble » que nous scandons et qui rend tout possible. Nous construisons toutes et tous ensemble à tous les niveaux du territoire.

Le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. Ne nous regardez pas, rejoignez-nous. »

L’effondrement qui vient est une chance à saisir
Kevin Amara est journaliste, membre de la rédaction du Comptoir et père au foyer
https://m.reporterre.net/L-effondrement-qui-vient-est-une-chance-a-saisir

L’effondrement ne pourra être évité. Pour l’auteur de cette tribune, il est temps d’accepter de voir mourir une société basée sur l’exploitation du vivant, et de saisir cette occasion unique de « créer de nouvelles formes d’organisation » et de « questionner nos rapports au monde ».

S’il existe dorénavant un relatif consensus autour de l’idée même d’effondrement – ce qu’il désigne, ce à quoi il fait référence – la pertinence de l’inquiétude qui l’entoure est trop peu débattue. Qui plus est, si le concept d’effondrement semble avoir fait son chemin – tous les ans, dans le journal de référence Le Soir, en Belgique, les lecteurs ont la possibilité de choisir le nouveau mot de l’année ; en 2018, c’est « collapsologie » qui a été sélectionné – il reste discuté par des profils identiques, avec le risque, à terme, qu’il ne devienne un mot vidé de toute substance et surtout, qu’il ne désigne qu’un des aspects de son objet.

Empire romain, empire Zhou… Nombre d’effondrements ont eu lieu dans l’Histoire

Nous pensons qu’il ne faut pas avoir peur de dire calmement que l’effondrement qui vient est une solution, et pas un problème. Ou plutôt, qu’il est possible de faire d’un problème une solution, pour peu que l’on s’en donne les moyens.

Nombre d’effondrements ont eu lieu dans l’Histoire. L’effondrement de l’Empire romain est l’exemple qui revient le plus régulièrement, mais un nombre important d’autres empires ont aussi connu les joies d’un effondrement rapide. L’empire Zhou, au troisième siècle avant notre ère, la civilisation Harappéenne de la vallée de l’Indus qui a disparu vers 1750 avant notre ère après seulement 700 ans d’existence, l’ancien empire d’Égypte, la civilisation Mycénienne ou encore celle des Mayas… L’idée même d’effondrement a de tout temps revêtu des symboliques très fortes : qu’on songe ici à l’Atlantide, cette île gigantesque évoquée par Platon dans deux de ses Dialogues, le Timée et le Critias. L’effondrement de cette île a accouché d’une abondante littérature, aussi bien scientifique qu’ésotérique : signe que les Hommes ont toujours été curieux de cette notion.

Les causes de l’effondrement ont été discutées aussi bien dans L’effondrement des sociétés complexes [1] de Joseph A. Tainter, que par Jared Diamond dans son livre Effondrement [2], ou encore, plus près de nous, dans Comment tout peut s’effondrer [3] de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. Ces causes peuvent être multiples : disparition d’une ressource vitale, catastrophe naturelle, invasion militaire, etc. Par ailleurs, la raison qui semble prendre le pas sur toutes les autres est d’ordre énergétique.

L’effondrement de la société industrielle ne marquera pas la fin du monde, mais la fin d’une certaine idée du monde

Les sociétés humaines – à plus forte raison, les sociétés industrielles modernes – comme tous les systèmes vivants, ne fonctionnent que grâce à un flux continu d’énergie. Or, plus ces sociétés se complexifient et plus les individus fonctionnent en réseaux, plus la quantité d’informations à traiter devient importante : l’augmentation du flux continu d’énergie est de fait exponentiel. Lorsqu’au Paléolithique supérieur (-35 à -10 000 ans environ), Homo sapiens n’avait qu’à maîtriser la fabrication du harpon et de la sagaie pour subvenir à ses besoin élémentaires (les proies fournissant aussi bien la viande que l’huile nécessaire à l’éclairage ou encore les peaux nécessaires à la vêture), l’Homme de 2019 est enchevêtré dans un réseau d’une incroyable complexité : il lui est nécessaire d’avoir un emploi afin de gagner de l’argent, cet argent lui étant indispensable pour acheter une cuisse de poulet sous vide, le poulet ayant été élevé, préparé et conditionné par un nombre conséquent de tiers… Ainsi, plus une société se complexifie, plus la part individuelle d’énergie prélevée va croissante, afin de soutenir la strate supérieure, et ainsi de suite jusqu’à l’institution (le sommet de la pyramide, vulgairement) même. Lorsqu’une de ces parts vient à manquer, tout l’équilibre structurel qui se trouve menacé, et la société s’effondre.

Les civilisations qui se sont effondrées ont toujours été remplacées par d’autres. Pourtant, il existe bien une différence majeure entre hier et aujourd’hui : notre civilisation est désormais mondiale. On trouve des distributeurs automatiques de billets aussi bien en Italie qu’en Chine. La majorité des habitants de l’État de Washington sont salariés, tout comme ceux de Russie. L’électricité est partout présente, parce que partout nécessaire. Ainsi, la pertinence de l’idée même d’effondrement doit être questionnée : si dans l’Histoire, une civilisation s’effondrant ne manquait pas de donner lieu à la naissance d’une autre civilisation, pour la première fois dans l’histoire humaine, une culture s’est rendue mondiale, s’étendant partout sur la planète. Tel un cancer, serait-on tenté d’ajouter. Il n’est pas question de dire que l’effondrement de la société industrielle marquera la fin du monde, mais bien plutôt qu’elle sera la fin d’une certaine idée du monde. Ce faisant, nous serions bien avisés de nous interroger quant à la possibilité de faire de cette fin d’un monde une occasion unique de créer de nouvelles formes d’organisation, et de questionner nos rapports au monde.

Profitons-en pour questionner nos représentations de ce qu’est le vivant et notre place au sein de celui-ci

L’idée d’effondrement est une idée humaine, et comme la majorité des idées humaines, c’est une idée qui en dit tout autant sur son objet que sur celui qui l’exprime. En l’occurrence, il s’agit là d’une idée biocentrée. 98 % des forêts primaires ont été rasées. Peut-on parler là d’effondrement ? Un nombre colossal d’espèces ont été décimées. Peut-on parler là d’effondrement ? 99 % des zones humides natives ont été détruites. Peut-on parler là d’effondrement ? On ne le voit que trop bien, l’effondrement de notre société industrielle n’est pas nécessairement l’effondrement de toute société. L’effondrement de notre société industrielle ne désigne jamais que… l’effondrement de notre société industrielle. Encore faut-il se convaincre au préalable que les fourmis font société au même titre que les êtres humains. Encore faut-il se convaincre que les forêts amazonienne aussi bien que canadienne font société. Ce que semblent confirmer les études les plus récentes, et ce qui est de plus de plus discuté…

L’effondrement ne pourra pas être évité. Il faut faire le deuil de cette idée et se convaincre avec Raoul Vaneigem que l’espoir, en cette matière, est « la laisse de la soumission ». Puisque l’effondrement arrive, profitons de cette occasion pour questionner nos rapports au monde, nos représentations de ce qu’est le vivant et notre place au sein de celui-ci. Et si, en acceptant de voir mourir notre société bâtie sur l’exploitation de l’ensemble du vivant, nous commencions à questionner l’idée même d’anthropocentrisme qui en fut à l’origine ? Si nous choisissions délibérément de changer la focale afin de cesser de modifier le paradigme et plutôt d’en changer définitivement ?

[1L’effondrement des sociétés complexes, Éditions Le retour aux sources, 2013

[2Effondrement, Éditions Gallimard, 2009

[3Comment tout peut s’effondrer, Éditions du Seuil, 2015

Lettre de chercheur.es aux jeunes et moins-jeunes, qui se sont mobilisé.es les 14, 15 et 16 mars
« Notre mode de vie actuel est-il compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ? »


https://lundi.am/Lettre-de-chercheur-es-aux-jeunes-et-moins-jeunes-qui-se-sont-mobilise-es-les

S’il fallait reconnaître un mérite à la catastrophe annoncée que constitue le réchauffement climatique, c’est celui de rendre inévitablement politique la question de notre environnement et de nos modes de vie. Alors que la tradition universitaire française et probablement mondiale voudrait que seules les sciences sociales se mêlent aux débats de société, de plus en plus de chercheurs en sciences dites « dures » rentrent dans la mêlée.

Nous publions ici une tribune émanant de plusieurs chercheurs participant à un Atelier d’écologique politique, communauté pluridisciplinaire de scientifiques travaillant ou réfléchissant aux multiples aspects liés aux bouleversements écologiques. Dans l’objectif de tisser des liens entre des connaissances dispersées et de réfléchir à la façon de les partager avec l’ensemble de la société, afin d’oeuvrer avec elle aux moyens de réorienter notre trajectoire en changeant en profondeur les modes de fonctionnement socio-économiques actuels. Astronomes, physiciens, archéologues, historiens et chercheurs en sciences cognitives nous l’annoncent sans détour : le rêve d’une humanité d’immortels « servis et soignés par des robots, buvant des cognac dans des voitures autonomes climatisées en se remémorant avec délice leur dernier voyage en navette spatiale » ne se réalisera pas. Ils proposent à contrario, de tout reprendre à zéro et de « commencer une nouvelle ère en refusant les technologies qui nous apportent plus d’enfermement que de liberté, en imaginant de nouvelles manières de produire, de nouvelles manières de prendre les décisions qui nous concernent, et de nouvelles manières de communiquer, de voyager, de nous soigner, de mourir, de faire la fête, de travailler et d’apprendre ».

Ces journées de forte mobilisation montrent que la lutte contre le réchauffement climatique et la catastrophe écologique en cours est devenue une préoccupation majeure pour beaucoup d’entre nous. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Il y a quelque temps, un autre événement nous avait réjoui.es : il s’agissait du démarrage du mouvement Extinction Rebellion, né en Angleterre et qui s’est lancé il y a quelques jours en France. Pourquoi ce mouvement nous apparaît intéressant ? Parce que leur première revendication, avant même de parler de dioxyde de carbone, est “une communication honnête sur le sujet”. La demande de vérité de ce mouvement nous semble très importante, et nous montre deux choses. La première, c’est que, pour l’instant, ce devoir de vérité n’est pas rempli par le gouvernement, et disons-le, il n’est en fait pas rempli par grand monde, y compris parfois dans les milieux scientifiques. La deuxième, c’est de prendre acte du fait qu’avoir une bonne évaluation de la situation actuelle est un préambule nécessaire avant toute revendication concrète. Analyser la situation nécessite de faire appel à de très nombreuses disciplines, et c’est précisément un des objectifs de notre atelier d’écologie politique que de réunir, au sein d’un même collectif, des spécialistes de disciplines aussi diverses que l’agronomie, l’histoire, la physique, la sociologie, la biologie, l’économie, l’astrophysique ou la climatologie, et de réfléchir ensemble à la catastrophe écologique en cours. Alors, pour participer à ce devoir de vérité nous, membres d’Atecopol, étions les 14 et 15 mars avec les étudiant.es de nos établissements d’enseignement supérieur pour discuter et débattre de la situation. Nous avons le 15 au matin mobilisé notre communauté, celle des chercheur.es et des enseignant.es du supérieur, afin de discuter du positionnement de notre profession face au réchauffement climatique. Et nous étions le 15 après-midi au côté de la jeunesse qui nous interpelle tous.

Le constat

ll y a quelques analyses que nous souhaiterions vous livrer. La première consiste en la réponse à une question très simple, que nombreux.ses parmi vous se sont certainement déjà posée : notre mode de vie actuel est-il compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ? Ou en d’autres termes peut-on arriver à vivre comme nous le faisons actuellement en nous passant d’énergies fossiles ? La question est simple mais y répondre est compliqué. Pour le faire, il faut passer un temps considérable à lire des rapports du GIEC, lire des articles scientifiques, se documenter sur les énergies renouvelables et réfléchir. Au final, la réponse est relativement simple : c’est non. Ce qui rend les choses très difficiles est l’intermittence des énergies renouvelables, et le fait qu’elles soient extrêmement diluées, et donc nécessitent la couverture d’espaces considérables avec des grosses infrastructures très consommatrices en matériaux pour récupérer de l’énergie, avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer en terme de déchets miniers, perte de biodiversité et artificialisation du monde. Il existe néanmoins quelques possibilités. La première, qui n’est d’ailleurs pas si éloignée de la situation actuelle, est que nous exploitions outrageusement le reste du monde.

Il existe effectivement une solution technologiquement possible qui serait qu’une frange ultra-minoritaire de la planète puisse continuer à vivre comme nous aujourd’hui, à condition d’exploiter les travailleurs d’autres pays ou de son propre pays, et de refuser l’accès à ce mode de vie à d’autres, car il ne serait pas compatible avec l’avenir à long terme de la planète. Un Occident qui continuerait son mode de vie et maintiendrait donc l’ensemble du reste du monde dans la pauvreté serait techniquement possible, mais nous serons probablement tous d’accord pour dire que cela ne serait éthiquement pas soutenable. La seconde serait l’utilisation ultra-massive du nucléaire, dans des proportions telles qu’elle n’est envisagée sérieusement par aucun pays, fait de toute façon face au rejet de la majorité des citoyens, et ne pourrait tout au mieux constituer qu’une solution transitoire, en raison de la finitude des réserves d’uranium. La troisième est d’accepter l’intermittence et le fait que nous ne disposerions pas d’énergie à volonté tous les jours, et qu’à certains moments de la journée ou de l’année, on n’en aurait pas ou peu.

Mais finalement, en l’état actuel de nos connaissances, il n’existe pas de solutions technologiques qui permettent à toute la planète d’avoir notre niveau de confort actuel sans mettre en péril le climat et le vivant. Et les gens qui vous disent le contraire se trompent par ignorance, ont fait des erreurs de calcul, ou mentent par intérêt. Les scientifiques et les ingénieurs pourraient être utiles à mettre en place un certain nombre de choses souhaitées par les citoyens et utiles sur le long terme à l’humanité, comme une agriculture résiliente ou un bon système de soins. Mais ce n’est pas la voie qui est très majoritairement suivie. On assiste plutôt à l’heure actuelle à une philosophie très différente en matière d’ingénierie et de recherche scientifique, qui ont toutes deux complètement intégrées une illusoire et dangereuse idée de croissance et de progrès technologiques infinis. La recherche technologique se développe donc actuellement en se basant sur le postulat que demain, l’énergie sera encore très largement abondante, peu chère, et nous permettra de mener à bien des projets pharaoniques.

Pourtant, qui peut sérieusement croire que, alors que nous devrions développer les moyens de nous déplacer les plus écologiques possibles, le développement d’un véhicule autonome truffé de capteurs et d’électronique soit une priorité ? Qui rêve encore de conquérir Mars alors que nous ne sommes pas capables de prendre soin de notre planète ? Qui pense encore que, alors qu’il n’a jamais été aussi nécessaire de reprendre en main le destin de l’humanité, nous devrions laisser la gestion de tous nos gestes quotidiens et des objets qui nous entourent à des intelligences artificielles ou à des algorithmes ? Et enfin, qui souhaite encore, alors que les humains ont plus que jamais besoin de retrouver l’humilité nécessaire à la prise de conscience de la finitude de notre planète, de nos ressources et de nos vies, nous vendre un rêve de toute-puissance et d’immortalité ?

Les gens qui nous vendent ce rêve s’imaginent sans doute que leur futur sera celui d’humains immortels, servis et soignés par des robots, buvant des cognac dans des voitures autonomes climatisées tout en se remémorant avec délice leur dernier voyage en navette spatiale. Cette science-fiction pourrait éventuellement devenir réalité mais, même si c’était le cas, nous savons très bien qu’elle ne pourrait être accessible qu’à une ultra-minorité tandis que tout le reste de l’humanité vivrait dans la misère, pour rendre ce rêve possible pour quelques-uns. Et c’est pourtant actuellement précisément ce projet politique, qui consiste en fait à vouloir sauvegarder le mode de vie d’une frange réduite de la population en exploitant le reste du monde qui est à l’œuvre, que ce soit au niveau national comme au niveau mondial. Mais il est désormais de notre devoir de refuser à la fois cette science-fiction et le projet politique associé. Notre rêve pourrait être un vrai rêve populaire, réaliste et humble : que l’immense majorité des habitantes et habitants de Notre Terre puissent dans les siècles à venir continuer à se nourrir, se soigner, à rire et à se divertir, sans avoir à quitter leur terre d’attache, et sans que notre Planète ne sombre dans le chaos. Et les navettes spatiales, les robots assistants et les véhicules autonomes ne participent pas à ce rêve ; au contraire, ils l’en éloignent.

Nous faisons partie de la minorité favorisée

Le problème, dans tout cela, c’est que, dans notre pays, beaucoup parmi nous sommes déjà presque des milliardaires immortels buvant du cognac dans un véhicule climatisé en rêvant de voyages en navette spatiale. Nous pouvons communiquer instantanément avec des gens à l’autre bout du monde, atteindre l’Australie en moins d’une journée, manger de la viande et des denrées provenant d’autres continents presque autant que bon nous semble, et avons une espérance de vie que jamais l’humanité n’a atteinte. La classe moyenne française peut -mais pour combien de temps encore, vu la dynamique de déclassement en cours- vivre dans de vastes maisons bien chauffées et dotées d’une piscine individuelle. Sa voiture est bien entendu dotée de nombreux gadgets électroniques et d’un GPS qui, rappelons-le, nécessite d’envoyer des satellites pour trouver sa route. Lorsqu’elle reçoit ses amis le weekend, elle est censée leur servir une belle portion de saumon d’élevage et de crevettes de Madagascar, dont l’un contribue à une surpêche mortifère dans les océans, et l’autre à la destruction de la mangrove à l’autre bout du monde. Comme le dit Edgar Morin : “Le mot bien-être s’est dégradé en s’identifiant au confort matériel et à la facilité technique que produit notre civilisation. C’est le bien-être des fauteuils profonds, des télécommandes, des vacances polynésiennes, et de l’argent toujours disponible”.

Alors, si nous ne pouvons décemment pas conserver sur le long terme l’ensemble de tout cela, une question complexe reste en suspens : que souhaitons nous conserver de tout le luxe que la civilisation du pétrole nous a donné à connaître, à apprécier et qu’elle a même parfois rendu indispensable pour notre simple vie quotidienne ou notre métier ? Puisque nous partageons avec Extinction Rebellion cette envie de parler vrai, nous plaidons pour que, tous ensemble, nous ayons une discussion honnête et franche sur ce que nous souhaitons vraiment pour nous et pour le reste de l’humanité présente et future, à la lumière de ce qu’il est vraiment possible de faire. Souhaitons-nous maximiser notre bien-être présent sans trop nous soucier du long terme et de celui de nos descendants ? Quel degré d’inégalité à l’échelle d’un pays ou du monde sommes-nous capables de tolérer ? Que souhaitons-nous garder ? Notre espérance de vie ? Nos capacités à voyager loin et rapidement ? La société numérique ? L’alimentation carnée ? De vastes lieux d’habitation chauffés ? Les denrées exotiques ? Des piscines individuelles ? Vous le voyez, ces questions sont complexes car elles bousculent le confort qui nous semble avoir été acquis après des décennies de progrès. Elles sont en tout cas bien éloignées des questions faussement naïves auxquelles on nous propose de répondre dans le Grand Débat.

Nous ne prendrons qu’un seul exemple, qui nous tient particulièrement à cœur au sein de l’Atelier : celui des voyages en avion. Dans nos métiers de chercheuses et chercheurs, nous sommes incités très fortement à voyager en avion et certains parmi nous, comme beaucoup de françaises et de français, le prennent également pour nos vacances. Certains parmi nous ont volontairement arrêté les voyages en avion, mais ils sont très loin d’être majoritaires.

Pourtant, actuellement, il n’existe aucune voie raisonnable qui permettrait de diminuer de manière significative la contribution de l’aviation au réchauffement climatique, et il n’y en aura aucune à moyen terme, les ingénieurs vous le confirmeront. Nous allons vous donner un chiffre : pour permettre à chaque Français.e de faire un voyage long-courrier par an en avion, il faudrait consacrer 16 départements français à la culture de l’agro-carburant ! Oui 16 ! Bien entendu, on parle là de monocultures et de techniques agricoles hyper-intensives qui ne peuvent qu’à long terme épuiser la terre et détruire la biodiversité. Nous ne pouvons pas nous permettre cela. Ou bien peut-être pourrions-nous, pour obtenir cet agro-carburant, perpétuer la catastrophe écologique et humaine en cours au Brésil, en déforestant l’Amazonie et expulsant les populations autochtones ? Pourquoi faire ? Pour prendre l’avion et aller constater de nos propres yeux les conséquences désastreuses de notre exploitation du monde ? Où pour aller dans des îlots de pseudo-authenticité maintenus artificiellement par des agences de voyages ou des autochtones pour continuer à vendre du tourisme à quelques privilégiés ? Est-ce cela que nous voulons ?

Quant aux électro-carburants, moins gourmands en espace, ils nécessiteraient malgré tout, à l’échelle européenne, d’investir 1500 milliards d’euros, de couvrir l’équivalent de 2 fois la République Tchèque (ou 4 départements français pour la seule consommation française) de panneaux solaires et d’éoliennes uniquement pour l’aviation, le tout pour obtenir un carburant qui serait au mieux quatre fois plus cher que du kérosène et ne permettrait, dans le bien improbable meilleur des cas, de réduire la contribution des avions au réchauffement climatique que d’un facteur deux[S. Schemme et al, Fuel 205 198–221 (2017)]. Autant vous dire que les avions ne sont pas près de s’arrêter de voler au kérosène, alors que c’est maintenant qu’il faut diminuer nos émissions. Prendre l’avion est donc un luxe incompatible avec la sauvegarde de la planète sur le long terme, et il est de notre devoir de vous le dire ! Et toute politique basée sur nos connaissances scientifiques devrait arriver à la conclusion qu’il faut suivre trois voies en parallèle en ce qui concerne l’aviation : réduire, réduire et réduire. Et se poser la question de la nécessité vitale ou pas de maintenir cette technologie. Quelle est la vision politique actuelle autour de l’avion ? à l’échelle mondiale, 1500 nouveaux aéroports sont en projet…

Mais un point difficile, et il faut bien le reconnaître, est que, actuellement, très peu de gens sont prêts à arrêter de prendre l’avion, que ce soit chez les jeunes comme chez les moins jeunes. Pour beaucoup, le mot “voyage” est devenu synonyme de “prendre l’avion pour aller sur un autre continent”. De même, nous n’imaginons plus la vie sans internet, alors que cette technologie n’est présente dans notre quotidien que depuis 20 ans. Sans parler des smartphones, qui ne sont pourtant là que depuis 10 ans, et dont certains parmi vous disent pourtant “je n’imagine pas la vie sans”. Le luxe technologique a colonisé notre imaginaire, et nous sommes devenus incapables d’imaginer une autre vie. C’est dire la puissance qu’ont les forces qui nous entraînent vers une seule et même manière de voir les choses.

Deux propositions… pour commencer

Comment sommes-nous arrivés là ? La société dans laquelle nous vivons nous incite à faire toutes ces dépenses luxueuses à travers la publicité : cette dernière cherche à envahir nos vies jusqu’aux pissotières des bars, et cherche à communiquer avec les smartphones pour proposer des publicités personnalisées, alors que nous cherchons simplement à nous promener paisiblement dans la rue. Alors, plus que jamais, à l’aube de la catastrophe écologique, refuser ce que la société de surconsommation attend de nous devient un impératif. Il nous faut plus que jamais réfléchir à ce qui relève du luxe, et ce qui relève du besoin. Nous devons faire en sorte que le luxe, réservé à une minorité, disparaisse, mais que toute la population puisse satisfaire ses besoins essentiels. Nous devons donc en premier lieu supprimer toute la machinerie publicitaire qui nous fait passer le luxe pour des besoins fondamentaux. L’interdiction totale de la publicité est donc la première mesure que nous proposons pour la transition écologique, car nous ne voyons pas un seul, nous disons bien pas un seul, point positif pour notre société à son existence. Notez bien que nous disons publicité, et pas information. Les informations utiles aux consommateurs peuvent et doivent rester présentes dans les endroits où l’on y accède volontairement. La publicité, qui consiste à imposer une incitation perverse non désirée à surconsommer, doit tout simplement disparaître de nos vies.

Par ailleurs, plus que jamais, la société doit devenir égalitaire car, dans un monde où les ressources et l’énergie vont mécaniquement être amenées à se raréfier, les inégalités vont devenir de plus en plus difficiles à être éthiquement supportables pour les franges les plus aisées, et physiquement supportables pour les franges les plus pauvres. On nous répondra que les inégalités sociales sont intrinsèques aux sociétés humaines. Ceci est un mensonge, bien pratique pour justifier la mainmise de la richesse part quelques-uns. Il existe de nombreux exemples de sociétés humaines ayant vécu, parfois pendant des millénaires, dans des sociétés égalitaires, sans pouvoir, sans rapport de domination, et au sein desquelles les ressources étaient partagées. L’accumulation de richesse était dévalorisée socialement, et l’entraide était la norme. Les inégalités ne sont pas intrinsèques à la nature humaine, elles sont le résultat d’une culture que nous avons le devoir de remettre en question !

Alors, comment pourrait-on mettre en place un vrai régime égalitaire, qui réponde aux besoins de tous, et empêche l’accumulation de luxe qui gaspille nos précieuses ressources et le futur de notre planète ? Dans certains projets politiques, on parle souvent de limitation des salaires ou de taxation des successions.

Ces mesures sont intéressantes mais insuffisantes, car des moyens ont toujours été trouvés pour contourner les politiques de répartition et accumuler de la richesse ; il suffit de regarder les statistiques de répartition des richesses pour s’en persuader. Il nous faut proposer un projet politique qui fasse tout simplement perdre son sens à l’accumulation de richesses. Ce que nous proposons ici est différent : il s’agit du contrôle social de la nature de la production. Le système capitaliste repose sur la propriété privée et la liberté d’entreprendre. Nous ne remettons ici nullement en cause la liberté d’entreprendre, mais nous remettons en cause vigoureusement la liberté d’entreprendre, de produire, et de vendre n’importe quoi. Ce qui doit être mis en vente et proposé à l’achat au citoyen doit répondre à un certain nombre de principes et doit être évalué par des assemblées dédiées. Le premier de ces principes est que ce produit doit impérativement prendre soin de la planète, des humains et des autres êtres vivants, tant dans ses matériaux, son mode de production, que dans sa finalité. Il ne s’agit pas juste de répondre à quelques normes, nous voyons bien que cela ne fonctionne pas : il s’agit de passer à un mode de production par autorisation des citoyens, en considérant tous les aspects que l’introduction d’un nouveau produit a sur l’ensemble de la société et sur les sociétés à venir. Le second principe est que tout produit ou service vendu au grand public doit impérativement pouvoir être acheté par le plus grand monde. Ce faisant, l’accumulation de richesses perdra tout son sens, puisque la richesse ne servira plus.

L’an 01

Alors, à l’heure où nous devons imaginer un nouveau futur, un autre rapport à la technologie, une nouvelle évaluation de nos besoins, nous pouvons nous tourner vers nos prédécesseurs, ceux qui avaient refusé de sacrifier leurs rêves et leur environnement au nom du progrès économique, vers tous ceux qui avaient déjà anticipé, depuis deux cents ans, le pétrin dans lequel nous nous trouvons maintenant ! Et ce, alors même qu’il n’était même pas question de réchauffement climatique.

Commençons donc cette nouvelle ère de manière rafraichissante, en (re)-regardant le film l’an 01, ou en lisant la B.D. Ce film commence par une décision partagée par toute la population d’arrêter la production industrielle et la consommation de biens inutiles, et par une réflexion sur ce qu’il est indispensable de continuer à produire pour le bonheur de tous. Le mot d’ordre de ce film est “on arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste”. Jamais ces trois mots d’ordre n’auront été autant d’actualité : “On arrête tout”, car un grand nombre de choses qui nous entourent doivent être arrêtées, c’est indispensable. “On réfléchit”, car la situation dans laquelle nous nous trouvons est d’une complexité inouïe, et qu’il n’y a pas de réponse simple à une situation complexe ; “ et c’est pas triste”, car ce que nous allons chercher à mettre en place, c’est une nouvelle manière d’être heureux et d’être bien ensemble, sans pour autant détruire le vivant. A aucun moment nous ne devons laisser la joie nous quitter, car nous pouvons facilement nous débarrasser de beaucoup de choses sans que notre joie nous quitte, au contraire : aller nous baigner dans les lacs et les rivières plutôt que dans la piscine d’un.e pote, louer une maison à la campagne avec 30 ami.es plutôt que d’aller à Bali, se retrouver dans un parc ou un bar plutôt que de zoner sur facebook, dormir avec un gros pull Casimir orange plutôt qu’en T-Shirt, aller bivouaquer en montagne plutôt que d’y faire du ski, raconter des conneries plutôt que de faire des selfies, manger des poires plutôt que des ananas, brasser de la bière dans son salon plutôt que de bosser pour Airbus, rouler à 70 dans une vieille 4L pourrie en chantant plutôt qu’à 140 dans un SUV et son autoradio bluetooth… le Nouveau Monde que nous allons mettre en place sera tout sauf triste. Ce sont les ennemis du vivant qui veulent faire croire que sobriété rime avec tristesse car pour eux, le bonheur nécessite un yacht. Nous serons heureux, et nous n’aurons pas de yacht… et personne n’en aura, car nous aurons décidé de ne plus en produire.

Alors, comme dans l’An 01, nous décidons nous aussi de commencer une nouvelle ère en refusant les technologies qui nous apportent plus d’enfermement que de liberté, en imaginant de nouvelles manières de produire, de nouvelles manières de prendre les décisions qui nous concernent, et de nouvelles manières de communiquer, de voyager, de nous soigner, de mourir, de faire la fête, de travailler et d’apprendre. Car le système politique et économique actuel, nous le voyons tous les jours, est structurellement incapable de prendre en compte le long terme, et il n’est plus capable de se réformer : il se contente de se protéger et de défendre ses serviteurs, tout en priant qu’une révolution n’ait pas lieu, s’emmurant avec son trésor, un fusil à la main. Il ne s’agit pas d’un problème de personnes. Nous pouvons certes être en désaccord avec M. Macron, mais il n’est que la représentation émergeant naturellement de nos règles et de notre système. Alors, si nous devons mettre fin à quelque chose, c’est plus à notre système actuel qu’à la présidence de Macron.

Ce qu’il adviendra de l’humanité dans les années et les siècles qui viennent n’est pas encore écrit : la réponse dépend de nous, aujourd’hui, car nous vivons un moment unique dans l’histoire. Les commentateur.rices ne peuvent pas dire mieux en disant que nous sommes la première génération à subir les effets du changement climatique, et la dernière à pouvoir le limiter à des niveaux encore tolérables pour le bien-être de nos descendants. Alors peut-être que le 15 mars 2019, l’an 01 a commencé. Le jour où la jeunesse s’est révoltée ! Alors, que le nouvel élan qui souffle aujourd’hui ne s’arrête jamais, et longue vie au mouvement du 15 mars !

Signataires :
Frédéric Boone, astronome adjoint, Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), UMR CNRS – UT3.
Guillaume Carbou, maître de conférences en sciences de la communication, Laboratoire Sciences, Philosophie, Humanités (SPH), Université de Bordeaux ; associé au Laboratoire d’études et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales (LéRASS), UT3.
Julian Carrey, professeur en physique, Laboratoire de Physique et Chimie des Nano- Objets (LPCNO), UMR CNRS – INSA – UT3.
Jean-Michel Hupé, CR CNRS en sciences cognitives, Centre de Recherche Cerveau et Cognition (CerCo), UMR CNRS – UT3.
Vanessa Léa, CR CNRS en archéologie, laboratoire TRACES, UMR CNRS – Université Toulouse Jean-Jaurès & Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement (écoLab), UMR CNRS – INP – UT3.
Sébastien Rozeaux, maître de conférences en histoire contemporaine, laboratoire France, Amérique, Espagne – sociétés, pouvoirs, acteurs (FRAMESPA), UMR CNRS – UT2.

Geoingeniaritza nola arautu erregai fosilen ugazabek klima are gehiago honda ez dezaten
Pello Zubiria Kamino
www.argia.eus/argia-astekaria/2638/geoingeniaritza-nola-arautu-erregai-fosilen-ugazabek-klima-are-gehiago-honda-ez-dezaten

Nazio Batuen Erakundeak batzar berezia egin zuen Nairobin, Kenya, martxoaren 11 eta 15 artean, klimaren geoingeniaritzaren gobernantzaz arau berriak adosteko. Negoziaketak, ordea, aurrez blokeatuta zeuden eta luzaz proposamena landua zuen Suitzak berak atzera egin zuen azkenean kutsatzaile handienek bidea itxita. Klima aldaketa geoingeniaritzaz konpontzeko esperimentuak mundu mailan arautzeko dagoen ezintasunaren adierazgarria izan da Nairobikoa.

Alainet agentzia bidez zabaldutako albistea, ETC mugimenduak honela titulatu zuen: “Petrolio gehien ekoizten duten herrialdeek, kutsadura gehien isurtzen dutenek, blokeatu dute NBEn geoingenieritzaren gobernantza”. Nazio Batuen Ingurumen Programa (NBIP) baitan  Kenyako hiriburuan egindako biltzarraz ari zen; huts egin zuen potentzia handiak garatzen ari diren geoingeniaritzaren arriskuentzako araudia zorrozteko ahaleginean. Gertatu zen justu klimaren inguruko kezkak mundu osoan, Greta Thunberg gazte suediarrari jarraiki, mobilizazio handiak  eragin behar zituen bezperan.

ETC taldeak –teknologia berriek eta multinazionalen estrategiek bioaniztasunean, nekazaritzan eta giza eskubideetan dauzkaten eraginen jarraipena egiten duenak– honela laburbiltzen du zer den ingurumen geoingeniaritza: “Eskala handiko teknologia multzo bat da klima manipulatzeko proposatzen ari direna, bai negutegi eragineko gasak atmosferatik berreskuratzeko edo bai planetako tenperaturak hozteko ere. Teknologiok ez dituzte ukitzen klimaren aldaketaren sakoneko kausak baina handiago egiten dute ekonomiak erregai fosilekiko daukan menpekotasuna”.

Geoingeniaritzaz orain artean gehien iraun duen nazioarteko hitzarmena Aniztasun Biologikoari buruzko Ituna da, horren baitan burutu dira 2007tik gaurdainoko negoziaketa guztiak. Esaterako, 2008an Londresen sinatu zen  itsasoa ongarritzea –aurrerago azalduko duguna– debekatzeko erabakia, 2013an lege bihurtu zena. Hala ere arauak atea zabalik uzten die ikerketa zientifikorako esperimentuei eta orain horien kontrola zorroztea ere lantzen ari ziren, ingurumenaren geoingeniaritzaren beste zenbait atalena bezala.

Burkina Faso, Mikronesia, Mali, Mexiko, Montenegro, Niger, Georgia, Senegal eta Hego Koreak sustatu dute hasieratik Suitzak geoingeniaritzazko teknologien arautzeaz –bereziki karbono dioxidoa erauzi eta metatzeaz eta eguzkiaren erradiazioak kudeatzeaz– aurreratutako proposamena, baina bi arerio gogorrek blokeatu dute: Saudi Arabiak eta AEBek, Brasilen laguntzarekin. Energia fosilen ekoizle handienek, hain zuzen.

Nazioarteko Ingurumen Legearen aldeko Zentrotik (CIEL, ingelesezko sigletan) Carroll Muffetek honela iritzi dio gertatuari: “Norbaitek uste badu kutsadura handia sortu eta petrolioa ekoizten duten herrialdeak prest egon daitezkeela klima manipulatzeko teknologia berrietan gobernantza arauak onartzeko, AEBek eta Saudi Arabiak egindakoak ohar moduan balio beharko lioke: ez dute horrelako kontrolik onartuko baldin eta beren betiko negozioei oztoporen bat badakarkie. AEBek, geoingeniaritzazko ikerketa eta esperimentuen bultzatzaile nagusietakoa denak, ez du nazioarteko behaketa mugatu bat ere onartzen”.

Bitartean, geoingeniaritzaren arautze horren alde bultzaka segitzen du hainbat herri mugimenduk, 2018ko udazkenean Ez manipulatu Ama Lurra” agiria sinatu zutenek. Via Campesina, ATTAC, Emakumeen Mundu Martxa, ETC… eta mundu osoko ziento bat erakunde gehiago dira sinatzaileak.

Militarren eta korporazioen esku

Mende bat baino zaharragoa da ingeniaritza bidez klima manipulatzeko asmoa. Teknologia nagusi askorekin gertatu den moduan, hasieran arma militartzat ikertu zen, etsaia menderatzeko tresna beldurgarri bat eskuratu nahian. Baina gero eta sarriago gertatzen diren krisi klimatikoek ikerlariei proposamen berriak sorrarazi dizkiete eta gaur geoingeniaritza nagusiki klimaren aldaketari aurre egiteko tresnatzat aipatzen da… aitortu gabe ikerketa militarrak horretan daukan interesa.

Geoingeniaritzak helburutzat dauka Lurra planetaren sistemak eskala handian eraldatzea eta aipatzen du klimaren aldaketari erremedioa jarri nahia, besterik ez bada konponbide hobeak sortu artean denbora irabazteko.

Teknika horiek bi multzo handitan banatzen dira. Batetik daude atmosferako CO2a murrizteko proposamenak. Esaterako, itsasoa burdina, urea eta beste elikagaiz ongarritu nahi dute, horrek ugaritu araziko lukeen fitoplanktonak atmosferako CO2a bereganatuko lukeelakoan. Teknologia horren aldagai bat litzateke itsasoko ur geruzak nahastea, hondotik azaleratuakoak ere fitoplanktona ugal dezan.

Beste teknologia sail batek CO2a mekanikoki harrapatu, metatu eta erabili nahi du hori isurtzen duten industrietan bertan, batzuetan (CCS) beste produktu kimiko batzuekin nahastuta petrolio ustiapenetan erabiltzeko, beste batzuetan (CCUS) produktu manufakturatuen ekoizpenean berrerabiltzeko.  Beste esperimentu batzuek proba egiten dute CO2 zuzenean airetik berreskuratu eta pilatzeko (DAC), beti ere kimika edo tresna mekaniko bidez.

BECCS motako teknikek landareak sartzen dituzte tartean, esaterako erregai fosilen ordez etanola ekoiztu edo biomasa erre eta ondoren aurreko tekniketako batekin bahitzeko sortutako CO2a. Meteorizazio handitua deitzen diote beste teknika esperimental bati: lehorrean bezala itsasoan barreiatzea CO2arekin erreakzionatu eta metatuko duten mineralak, silikatoak adibidez.

Bigarren multzo ezberdinean daude eguzkiaren irradiazioen kudeaketa proposatzen dutenak. SRM motako esperimentuekin estratosferaraino hainbat produktu bidali nahi dituzte (sufre dioxidoa, titanioa, aluminioa…) eguzkiaren izpiei oztopo egiteko. Itsasoko hodeiak zurituz egin nahi dute proba beste batzuek, eguzkiaren izpiak ispiluen moduan berriro espaziorantz bideratuko dituztelakoan. Aldiz, zirru motako hodeiak saretu nahi dituzte beste batzuek, Lurrak hortik galdu dezan beroa. Eta ororen buru, badira eguraldia aldatzeko beste hainbat esperimentu.

ETC eta beste mugimenduak borrokan ari dira esperimentu horien kontra, arriskutsuak direlako. Teknologia horien eragin askok atzera ezinezko ondorioak sortuko lituzkete.

Klimaren aldeko benetako neurriei uko egiten dietenak sendotzen dituzte, herrialde eta korporazio indartsuenen boterea handituz. Ingurumenarentzako eta elikadura katearentzako oso arriskutsuak dira. Etorkizuneko belaunaldientzako, injustuak. Planetaren militarizazioa areagotuko lukete, termostato globala kontrola lezakeenaren alde. “Eta klima salgai jarriko lukete. Dagoeneko konkurrentzia gogorrean ari dira patente bulegoetan planetaren klimaren krisiarentzako erremedio  teknikoa badaukatela dioten batzuk eta besteak. Ikara eragiten du klima aldatzeko ‘eskubideak’ monopolio pribatu baten esku geratzeko posibilitate hutsak”.