Articles du Vendredi : Sélection du 11 mars 2011

Adieu à la croissance !

Jean Gadrey, Professeur émerite d’économie, Membre de la Commission Stiglitz sur les nouveaux indicateurs de richesses
Enbata-Alda ! 10.03.2011

Une informatique « verte » est possible

Frédéric Bordage (greenit.fr) – Expert en Green IT et animateur du site greenit.fr
www.terra-economica.info, 04.03.2011

La fonte des glaces arctiques et antarctiques s’accélère

AFP
Le Monde du 09.03.2011

Les eurodéputés votent pour une taxe sur les transactions financières

AFP
Le Monde du 08.03.2011

[:]

Adieu à la croissance !

Jean Gadrey, Professeur émerite d’économie, Membre de la Commission Stiglitz sur les nouveaux indicateurs de richesses
Enbata-Alda ! 10.03.2011

Le vendredi 18 mars à 19h00, au local de la Fondation Manu Robles-Arangis, à Bayonne, vous pourrez participer à la visio-conférence de Jean Gadrey, professeur émérite d’économie, collaborateur d’Alternatives Economiques, membre du Conseil Scientifique d’ATTAC, membre de la Commission Joseph Stiglitz sur les nouveaux indicateurs de richesses.
A une semaine de la conférence Jean Gadrey, l’auteur de “Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire” répond aux questions d’Alda!

Comment et pourquoi l’économie a souvent fait abstraction des limites de la planète et de la réalité qui nous entoure ?
Les économistes n’ont pas été les seuls à être aveugles ! Mais il est vrai qu’ils ont joué un rôle en tant que prêtres officiels de la religion de la croissance, une religion dont les papes ont d’abord été les grands acteurs du capitalisme, et les évêques les spécialistes de la publicité, du marketing et du crédit.
C’est cette sainte alliance des dévots et des dealers de la croissance qui a conduit à une addiction de masse.
Mais cette dernière fait tellement de ravages que de plus en plus de citoyens commencent à dire :““Dégage la croissance !” Parlons de bien vivre et de solidarité, du mieux-être et non du plus avoir”.

Quand le discours dominant ne jure que par « seule la croissance permet la création d’emplois »… Que veut dire l’économie sans croissance ?
Dans le livre “Adieu à la croissance”, je ne fixe en aucun cas de norme du type «croissance zéro», ce qui reviendrait à continuer à prendre la croissance comme boussole. Je montre d’abord que la poursuite dans la voie de la croissance est une dangereuse impasse. Les preuves sont ici multiples et convergentes. Améliorations qualitatives Ensuite, mon objectif est d’envisager la possibilité d’une autre trajectoire, sans croissance quantitative, mais avec nombre d’améliorations qualitatives (qualité de vie, de l’emploi, des produits, réduction des inégalités) et dans le respect des limites de la nature. Et je montre que cette autre voie serait nettement plus favorable à l’emploi que le productivisme actuel.
Pourquoi ? Parce que la plupart des processus de production «propres», les plus doux avec la nature (plus doux aussi en termes de conditions de travail)… exigent plus de travail (que les productions polluantes et surexploitant les ressources naturelles) pour produire les mêmes quantités, mais d’une tout autre qualité.
Les exigences écologiques et sociales sont bonnes pour l’emploi, contrairement au productivisme en vigueur.
Exemple : il faut environ 30 % d’emplois en plus dans l’agriculture biologique pour produire les mêmes quantités de fruits, légumes, céréales, etc.
Et cette réorientation n’est pas bonne seulement pour l’environnement et pour l’alimentation, elle l’est aussi pour les conditions de travail et la santé… des agriculteurs eux-mêmes.

Coupler exigence écologiques et sociales
N’oublions pas d’ailleurs de coupler systématiquement exigences écologiques et sociales. Pour deux raisons.
• La première est que nombre de besoins sociaux légitimes et éco-compatibles restent largement insatisfaits, par exemple en faveur de logements décents (et écologiques) pour tous, ou de l’éducation, de la santé, des services aux personnes âgées et à la petite enfance, aujourd’hui menacés de fortes restrictions qui entravent le développement humain.
• La seconde raison, essentielle, est que le nouveau modèle ne pourra pas s’imposer s’il laisse en chemin une fraction des gens, donc si l’on ne réduit pas fortement les inégalités pour que tous puissent accéder à ces biens et services de haute qualité et haute durabilité, forcément plus chers que leurs homologues issus du dumping social et écologique et du productivisme destructeur.

Quelle transition nécessaire devra être mise en place entre le modèle économique dominant, et celui que vous préconisez ? Bref, comment s’y prendre pour faire du « vivre et travailler au pays » souhaité par la majorité… une alternative crédible compte tenu des obstacles existants ?
En effet, un autre modèle économique, social et écologique ne va pas s’imposer immédiatement. La question de la transition est cruciale.
Par exemple, s’il n’y a aucune croissance en France en 2011 ou 2012, il est certain que le chômage va progresser car nous sommes encore dans le libéral-productivisme et ce dernier ne va pas disparaître instantanément.
Mais cela fait des années qu’on utilise cet argument pour repousser à plus tard la conversion écologique et sociale indispensable, alors qu’il y a urgence à l’engager.
Certaines politiques peuvent avoir des effets plus rapides que d’autres dans cette bifurcation, mais toutes doivent être menées, et vite.
Il est clair qu’un nouvel urbanisme mettra des décennies à produire des villes conviviales et en général plus denses, mais on peut déjà mettre en place des transports collectifs améliorés pour anticiper l’après-pétrole et des politiques de réhabilitation écologique du bâti.
Je connais de bons exemples de communes qui ont pris de l’avance dans la construction de logements sociaux à basse consommation d’énergie et d’eau, ce qui réduit d’autant les charges locatives et la précarité énergétique. Ou qui ont mis en place des transports collectifs gratuits. Autant d’exemples ou l’écologique et le social se rejoignent.
Il faudra aussi du temps pour convertir l’agriculture productiviste en agro-écologie de proximité, les circuits longs en circuits courts, les usines à vendre en commerces de proximité, les énergies polluantes en énergies propres. Mais cela a déjà commencé et il faut amplifier ces mouvements en y mettant le paquet tout de suite. Dans ma région, qui est la moins boisée de France, un ambitieux «plan forêt», qui a commencé, vise à doubler la surface boisée en trente ans et à réconcilier agriculture et boisement (l’agroforesterie), sans verser dans le productivisme.

Economie du prendre soin
Il me semble qu’en cinq à dix ans, on pourrait, si on le voulait, en finir vraiment avec le culte de la croissance et privilégier une économie du «prendre soin», une économie douce mais riche en emplois de bonne qualité.

Réseau de promotion d’initiatives prometteuses
Enfin, une autre condition de succès de cette transition serait de la promouvoir à tous les niveaux : en bas, localement, sur des territoires et avec des acteurs volontaires, pour la diffusion en réseau des initiatives prometteuses.

L’économie, un simple moyen parmi d’autres
En haut (nationalement, en Europe et dans le monde) pour reprendre le contrôle citoyen de la finance et d’autres biens communs vitaux, et définir des règles économiques justes et des indicateurs de progrès social, humain et écologique remettant l’économie à sa place : celle
d’un simple moyen, parmi d’autres.

Complémentarité de la lutte “en haut et en bas”
Car ce qui émerge «en bas», si remarquable soit-il, sera freiné voire détruit si rien ne change «en haut». Mais à l’inverse, pour que cela change «en haut», rien ne vaut les mobilisations citoyennes ancrées sur tous les territoires.

Visioconférence « Adieu à la croissance »

avec Jean Gadrey

Professeur émérite d’économie
Membre de la Commission Joseph Stiglitz
Membre du Conseil Scientifique d’Attac
Collaborateur d’Alternatives Economiques

Vendredi 18 mars à 19H00 à la Fondation Manu Robles-Arangiz,
20, rue des Cordeliers à Bayonne

La croissance n’est pas la solution, c’est un problème. Elle est aujourd’hui devenue un facteur de crise, une menace pour la planète et un obstacle au progrès. L’homme qui affirme cela n’est pas un aimable farfelu, mais un économiste des plus sérieux. Jean Gadrey est en effet membre de la commission Commission Stiglitz sur les nouveaux indicateurs de richesse en compagnie de cinq prix Nobel d’économie et d’une quinzaine d’autres économistes internationaux de grande renommée.

Il donnera ce vendredi 18 mars une visio-conférence intitulée « Adieu à la croissance » dans laquelle il exposera les thèses développées dans son dernier livre intitulé du même nom, et débattra avec le public réuni à la Fondation Manu Robles-Arangiz ce soir là.

Il s’agira de démontrer qu’il existe des alternatives crédibles -que l’on peut mettre en oeuvre dés maintenant- à la croissance. Jean Gadrey dessinera les contours d’une autre trajectoire, d’une autre modernité. Il nous parlera de bien vivre dans un monde soutenable et de ce qu’il faudra entreprendre sans tarder pour enclencher cette grande bifurcation.

L’entrée à cette conférence -organisée par Bizi ! et la Fondation Manu Robles-Arangiz est gratuite mais il est conseillé de s’inscrire au 05 59 25 65 52 ou à bizimugi@orange.fr

Une informatique « verte » est possible

Frédéric Bordage (greenit.fr) – Expert en Green IT et animateur du site greenit.fr
www.terra-economica.info, 04.03.2011

En sortant de l’ère du jetable, nous pouvons diviser par 4 l’empreinte écologique des équipements électroniques et les rendre plus respectueux de l’homme et de l’environnement. Prêt à modifier vos habitudes de consommation ?
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) polluent et épuisent les ressources en matières premières. Quoi que nous fassions, l’empreinte écologique des ordinateurs, téléphones, et autres matériels électroniques sera toujours négative. Nous pouvons cependant la réduire par 4. Pour cela, nous devons sortir de l’informatique « jetable ».
Les directives européennes poussent les fabricants vers l’éco-conception de leurs matériels. Certains dépassent ces obligations légales en éliminant des substances chimiques toxiques comme le PVC que la loi n’interdit pas (encore) ou en recyclant une partie des matériaux pour entrer progressivement dans l’économie circulaire. D’autres, comme Fujitsu et NEC, n’hésitent pas inventer de faux éco-labels pour rendre leurs produits plus « vert ». Mais même lorsqu’il sont réels, ces progrès restent insuffisants.

Obsolescence programmée
L’impact écologique d’un matériel électronique se concentre en effet lors de sa fabrication et de sa fin de vie. L’ordinateur le plus « vert » est donc celui que l’on ne fabrique pas et que l’on ne jette pas. C’est celui qui « dure ». Il faut donc allonger sa durée vie. C’est à dire passer de 2,5 ans en moyenne aujourd’hui à 10 ans. On divisera alors mécaniquement son empreinte écologique par 4. La durabilité passe par la qualité des composants et de la fabrication, l’évolutivité, l’extension de la garantie et la qualité du service après-vente. La majorité des fabricants ne travaillent pas sur ce sujet, car il est en totale opposition avec leur modèle économique du « jetable » basé sur l’obsolescence programmée et le plus bas prix.
En privilégiant le recyclage des matériels au détriment de leur reconditionnement, les pouvoirs publics n’incitent pas les fabricants à sortir du modèle « jetable ». Pourtant, un simple texte de loi allongeant la durée de l’amortissement comptable d’un ordinateur de 3 à 10 ans pousserait la majorité des entreprises à utiliser leur matériel informatique plus longtemps. Car il aurait encore de la valeur. L’Etat et les fabricants et ne sont pas les seuls à pouvoir agir. Les éditeurs de logiciels sont les premiers responsables de l’obsolescence de matériels parfaitement fonctionnels. La puissance nécessaire pour pouvoir faire fonctionner leurs logiciels (mémoire, processeur) double, en moyenne, tous les deux ans.

Des alternatives existent
Enfin, les consommateurs peuvent, eux aussi, contribuer à allonger la durée de vie du matériel en l’utilisant plus longtemps et en privilégiant un équipement reconditionné ou « durable » lors d’un nouvel achat. Basé à Lyon, l’éditeur DotRiver propose de donner une seconde vie aux postes de travail en les transformant en terminaux à l’aide de logiciels open-source. A Bidart, Meta-IT propose un ordinateur éco-conçu, fabriqué en France, facilement réparable et garanti 6 ans.
Nous avons les solutions pour diviser par 4 l’empreinte écologique des équipements électroniques. A chacun de prendre ses responsabilités et de traduire les belles paroles en actes concrets. Mais accepterons-nous de payer 2 fois plus cher un ordinateur qui fonctionne 3 fois plus longtemps ? Accepterons-vous de payer plus cher un matériel fabriqué dans des conditions de travail décentes ? C’est toute la question.

La fonte des glaces arctiques et antarctiques s’accélère

AFP
Le Monde du 09.03.2011

Les glaces du Groenland et de l’Antarctique perdent de leur masse à un rythme accéléré. C’est la conclusion d’une nouvelle étude réalisée à partir d’observations satellitaires, financée par la NASA et publiée mardi 8 mars, qui fait craindre une montée des océans plus importante que prédit jusqu’à présent.
Cette recherche, la plus longue portant sur les changements de masse des glaces polaires, laisse penser que les pertes subies aux deux pôles dépassent celles des glaciers et des calottes de glace des montagnes pour devenir le principal contributeur à la montée des océans. En outre, l’augmentation du niveau des océans pourrait se produire beaucoup plus tôt que ne le projettent les modèles actuels.

UNE FONTE TROIS FOIS PLUS RAPIDE QUE CELLE DES GLACIERS DE MONTAGNE
Cette observation de près de vingt ans montre qu’en 2006 le Groenland et l’Antarctique ont perdu ensemble 475 milliards de tonnes de glace en moyenne. Un tel volume est suffisant pour faire grimper le niveau des océans de 1,3 millimètre en moyenne par an. Chaque année, au cours de l’étude, les deux masses de glaces arctiques et antarctiques ont perdu ensemble 36,3 milliards de tonnes en moyenne de plus que l’année précédente.
En comparaison, une étude de 2006 portant sur les glaciers et calottes de glace des montagnes estimait la perte à 402 milliards de tonnes par an en moyenne, avec une accélération de la fonte d’une année sur l’autre trois fois plus faible que dans l’Arctique et l’Antarctique.

AUGMENTATION DU NIVEAU DES OCÉANS DE 32 CM D’ICI À 2050
Si les taux de fonte aux deux pôles continuent à ces rythmes durant les quatre prochaines décennies, la perte cumulée de glace ferait monter les océans de 15 centimètres d’ici à 2050, concluent les auteurs de cette étude publiée dans l’édition de mars des Geophysical Research Letters. Outre ces 15 centimètres, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires des montagnes ajouteraient 8 centimètres, sans oublier un accroissement de 9 centimètres résultant de la dilatation thermique des eaux. Finalement, les océans pourraient donc voir leur niveau monter de 32 centimètres d’ici à 2050, selon ces chercheurs.
« Le fait que les glaces arctiques et antarctiques vont contribuer le plus à la montée des océans dans l’avenir n’est pas étonnant car elles contiennent beaucoup plus de glace que les glaciers des montagnes », note Eric Rignot, un chercheur du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa à Pasadena (Californie) et à l’Université de Californie à Irvine, l’un des principaux auteurs de cette communication. « Si les tendances actuelles persistent, les niveaux de la mer vont probablement être nettement plus élevés que ceux projetés par le Groupe intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’évolution du climat (GIEC) en 2007 ».

Les eurodéputés votent pour une taxe sur les transactions financières

AFP
Le Monde du 08.03.2011

Les députés européens ont voté à 529 voix contre 127, mardi 8 mars, pour une taxe sur les transactions financières. La proposition, contenue dans un amendement à un rapport présenté par l’élue socialiste grecque Anni Podimata, préconise à l’UE d’encourager l’instauration à l’échelle mondiale de cette taxe, que la France souhaite également proposer à l’occasion du G20.
Le vote était loin d’être acquis, les conservateurs du Parlement européen y étant opposés. Mais Angela Merkel, la chancelière allemande, a fait savoir son adhésion à cette idée, ce qui a permis d’emporter le vote. « Nous souhaitons que cette taxe sur les transactions financières soit acceptée par tous les membres de l’Eurogroupe », avait déclaré la chancelière.
L’Allemagne comme l’Autriche défendent depuis longtemps le projet d’une telle taxe, mais d’autres pays européens craignent qu’elle ne provoque une fuite des capitaux si elle n’est adoptée qu’au niveau de la seule zone euro. « On ne peut pas se lancer dans une décision sans avoir mené une étude permettant de savoir si la compétitivité des places financières de l’UE ne risque pas d’être altérée », estimait ainsi l’eurodéputé conservateur français Jean-Paul Gauzes.

VERS UNE TAXE SUR LE CO2 ?
« Il faut attendre les résultats d’une étude d’impact », avait également plaidé le commissaire européen chargé de la fiscalité, Algirdas Semeta. Mme Podimata suggère un taux de taxation situé entre 0,01 % et 0,05 %, ce qui permettrait de générer une recette dans l’UE de 200 milliards d’euros par an et de freiner la spéculation.
« Avec un taux aussi minime, cela ne va pas affaiblir la compétitivité du marché financier européen », a-t-elle assuré. Son rapport demande également l’introduction d’une taxe sur les émissions de CO2 pour intégrer le principe du pollueur-payeur, et d’étudier la faisabilité d’eurobligations.
La Commission présentera de nouvelles propositions sur une taxe sur l’énergie « au printemps », a assuré M. Semeta, dont la dernière proposition avait été rejetée.
L’adoption du rapport de Mme Podimata permet de relancer le débat sur les nouvelles ressources financières de l’UE, alors que la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande ont obtenu un gel du budget de l’UE jusqu’en 2020. Ces cinq pays représentent 50 % des contributions au budget de l’UE.