Articles du Vendredi : Sélection du 10 décembre 2010

L’appel solennel des ONG aux négociateurs du climat : « Ne nous décevez pas ! »

Grégoire Allix
Le Monde du 10.12.10

A Cancun, « la négociation n’est pas bloquée »

Grégoire Allix
Le Monde du 09.12.10

Pas d’accord climatique sans petits arrangements entre amis


Le Monde du 08.12.10

Justice climatique :
Cancun et la COP16 au microscope

Geneviève Azam, conseil scientifique d’Attac-France
www.mediapart.fr du 05.12.10

L’appel d’Eric Cantona : le temps est venu d’agir pour des banques citoyennes

Attac France,Paris, le 3 décembre 2010

“Kontsumo taldeek, gizartea sendotzen laguntzen dute”

Rosa Lago, Bilboko Letxugak kontsumo taldekoa
Hebdomadaire Enbata-Alda ! du 09.12.10

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L’appel solennel des ONG aux négociateurs du climat : « Ne nous décevez pas ! »

Grégoire Allix
Le Monde du 10.12.10

« Il reste moins de 48 heures aux négociateurs pour écrire l’histoire et sécuriser l’avenir de nos enfants », a prévenu Kumi Naidoo, le médiatique directeur de Greenpeace, jeudi 9 décembre, à Cancun. Alors que les ministres et les diplomates réunis pour la conférence sur le climat ont entamé le sprint final de ces négociations, enfermés jour et nuit dans des salles à l’atmosphère plus que tendue, les dirigeants des grandes ONG mondiales de l’environnement ont tenu une conférence de presse commune pour leur demander de rehausser leurs ambitions.
 » L’atmosphère est plus constructive qu’à Copenhague en 2009, de nombreux pays sont déterminés à remettre la négociation sur les rails », a estimé le directeur d’Oxfam, Jeremy Hobbs, même si de nombreux points restent à éclaircir. L’Australien a regretté que « les Etats-Unis continuent à prendre la négociation en otage », tandis que le directeur de Climate Network International, l’Américain David Turnbull, a condamné l' »attitude inflexible et impardonnable » du Japon, qui refuse de s’engager dans une deuxième période du protocole de Kyoto. « Ne nous décevez pas ! », a exhorté Yolanda Kakabadse, la présidente équatorienne de WWF.
SÉVÉRITÉ DU DISPOSITIF DE SÉCURITÉ
Malgré cet appel solennel aux 194 pays réunis dans les salles et les couloirs du Moon Palace, les ONG sont apparues très discrètes pendant ces négociations, comparé à la débauche de manifestations spectaculaires qui avaient accompagné la conférence de Copenhague.
La sévérité du dispositif de sécurité déployé par les Nations unies et le Mexique n’y est pas étrangère. En cantonnant les stands des délégations non gouvernementales à plus de 7 km du lieu de la conférence et en empêchant toute manifestation d’approcher, au moyen d’un impressionnant déploiement militaire et policier, les organisateurs ont privé la société civile d’une partie de sa visibilité – quitte à recourir à la force.
Une vingtaine de militants de l’organisation paysanne Via Campesina qui scandaient des slogans au pied du Moon Palace, mardi 7 décembre, se sont vu confisquer leurs accréditations avant d’être fermement expulsés en bus par un service d’ordre très nerveux.
Les ONG ont ainsi renoncé à jouer les trouble-fête dans l’enceinte du Moon Palace, se concentrant sur un intense travail de lobbying auprès des délégations. Même Greenpeace, réputée pour ses mises en scène médiatiques, ne s’y est pas frotté. L’ONG avait un temps imaginé recourir à ses bateaux présents dans le Golfe du Mexique depuis la marée noire pour adresser un message aux négociateurs depuis la mer. La flotte de guerre déployée par la marine mexicaine au large de la plage du Moon Palace l’en a dissuadée.
RELATIF RETRAIT
Mais la discrétion des ONG a une autre raison : elles ont intégré, comme les négociateurs, que la conférence de Cancun porterait des ambitions et des enjeux plus modestes qu’à Copenhague. Ainsi, la délégation de Greenpeace compte une cinquantaine de personnes, dont une vingtaine de Mexicains. Un effectif divisé par cinq par rapport à l’année dernière. « C’est une étape importante mais pas décisive, qui ne peut déboucher que sur des accords institutionnels », explique Karine Gavand, de Greenpeace France. « Faut-il investir toutes ses forces pour déplacer une virgule ? On ne veut pas créer de déception en invitant le public à se mobiliser… »
Quel sera l’effet de ce relatif retrait ? « L’éloignement des ONG contribue à apaiser l’atmosphère, l’absence de pression facilite plutôt la négociation », juge l’ambassadeur français chargé du climat, Brice Lalonde. On saura, vendredi soir, si l’issue de la conférence lui donne raison.

A Cancun, « la négociation n’est pas bloquée »

Grégoire Allix
Le Monde du 09.12.10

La conférence des Nations unies sur le climat se tient à Cancun, au Mexique, jusqu’au 10 décembre.AFP/Ronaldo Schemidt
Le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine, réunis dans le groupe dit des « Basic », ont tenu leur première conférence de presse commune, lundi 6 décembre, à Cancun, une semaine après le début de la conférence des Nations unies sur le climat. Les grands pays émergents ont prévenu les pays industrialisés que deux points n’étaient, pour eux, pas négociables : l’adoption d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto après 2012 et la confirmation des 30 milliards de dollars promis à Copenhague aux pays du Sud pour la période 2010-2012. L’ambassadeur brésilien chargé du climat, Sergio Serra, a répondu à nos questions.
Quelle est, à mi-parcours, votre perception de la négociation ?
Sergio Serra : Tout n’est pas rose, mais la négociation n’est pas bloquée. Cette semaine va être décisive. Ce qui nous préoccupe le plus, c’est l’annonce que le Japon ne s’engagerait pas dans une deuxième période du protocole de Kyoto. Pour nous, cet engagement est un point essentiel. Ce n’est pas un hasard si le Brésil a été choisi par la présidente mexicaine de la conférence, dimanche, pour tenter de débloquer ce dossier au côté de la Grande-Bretagne. Nous devons trouver, avec le Japon, une formule basée sur la flexibilité. Mais le Japon n’est pas le seul qu’il faut convaincre. Je crois que la Grande-Bretagne saura persuader le Canada. Cela risque d’être plus difficile avec la Russie.
L’adoption de procédures de vérification des engagements pris par chaque pays reste un des principaux points de blocage, en raison notamment de l’opposition chinoise. Cela ne met-il pas les Basic en difficulté ?
La Chine est sensible à ce qui touche sa souveraineté. L’Inde a fait une proposition originale pour débloquer les choses. Le Brésil travaille à une alternative au texte indien, à laquelle s’est associée l’Afrique du Sud. Les Chinois attendent de voir le résultat de ce travail.
Pour le Brésil, la transparence n’est pas un problème, mais le contrôle de nos politiques peut en être un. Nous n’aimons pas beaucoup ce mot. Il est normal que les programmes financés par des fonds internationaux ou bénéficiant de transferts technologiques fassent l’objet de vérifications plus étayées. Mais on ne veut pas d’une discussion internationale sur l’ensemble de notre politique nationale de réduction des émissions.
Les grands pays émergents ont tardé à s’exprimer ensemble. Etes-vous moins unis qu’à Copenhague en 2009 ?
Il faut rappeler que les Basic ne forment pas un groupe de négociation, c’est un forum informel. Nous sommes pleinement membres du groupe des pays en développement, le G77. Si nous avons exceptionnellement joué un rôle de groupe à Copenhague, c’était en raison de la situation chaotique et de l’urgence.
Les pays du Basic sont-ils appelés à jouer un rôle moteur dans cette négociation ?
Par leurs actions très ambitieuses et volontaires, les pays du Basic ont déjà pris une forme de leadership. Le Brésil aime se voir comme un joueur important dans la négociation climatique : nous avons été à l’avant-garde sur ces sujets et notre attitude modérée nous permet de construire des ponts entre les positions extrêmes, entre les pays industrialisés et ceux en développement. Je crois que la tendance est que nous renforcions ce rôle.
Cela dit, cette négociation doit rester universelle et non se limiter à un groupe de pays. Certains, y compris au Brésil, souhaiteraient traiter la question du climat au sein du G20 ou du Forum des économies majeures. Non : dans ces enceintes, on réunit certes 90% des émissions de CO2 de la planète, mais ce n’est qu’une partie du sujet. Certains pays ne rejettent quasiment pas de CO2 mais sont fortement affectés par le changement climatique. Il est essentiel de discuter aussi des moyens à mobiliser pour les aider à se protéger.

Pas d’accord climatique sans petits arrangements entre amis


Le Monde du 08.12.10

Cancun ne fait pas figure d’exception. Comme dans toutes les rencontres entre pays, la diplomatie officielle et affichée côtoie les rencontres informelles, échanges de bons procédés et autres tractations de couloir. Encore il y a quelques jours, les rumeurs allaient bon train quant à un “texte mexicain” secret en préparation dans quelque arcanes inconnus des profanes, malgré le démenti de Christiana Figueres, la “Madame climat” de l’ONU. Le spectre de pays complotant pour promouvoir leurs intérêts nationaux, entendez économiques, au détriment de l’intérêt général de la planète, à savoir la lutte contre le changement climatique, a ainsi suscité craintes et critiques, notamment du côté des organisations non-gouvernementales.
Il faut dire que le souvenir du sommet de Copenhague, bradé in extremis par une poignée de puissances influentes et persuasives, est encore cuisant. Au Mexique, les lignes des rapports de force sont encore plus clairement tracées : les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, talonnés par la Chine et l’Inde, sont très réticents à une nouvelle période d’engagement de l’après-Kyoto tandis que l’Union européenne, le souffle coupé par la crise économique qui l’asphyxie, ne parvient pas à hausser la voix pour inciter les pays à passer d’une réduction de 20 à 30% des émissions de CO2 d’ici à 2020 par rapport à 1990.
“Forcément, des groupes s’allient. On ne peut pas faire autrement car il est impossible de négocier directement à deux cents, explique Jean-Charles Hourcade, directeur du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired). Le problème, c’est le manque de leadership. Les tractations sont alors à l’œuvre pour faire aboutir les positions des uns et des autres.”
Leur forme ? Des discussions de couloir, au sens propre, c’est-à-dire des entrevues dans les allées du Moon Palace à la sortie des séances plénières, des messages lors des réunions des groupes de travail, des déjeuners entre hauts fonctionnaires ou encore des visites dans les bureaux des autres délégations. Une diplomatie parallèle qui a pour but de convaincre, au moment d’”enlever les crochets”, c’est-à-dire de valider les parties sur lesquelles les pays se sont accordés, dans ce que l’on appelle les non-papers, ces documents n’ayant pas d’existence officielle mais servant de support aux négociations.
Pour Michael Levi, directeur du programme sur la sécurité énergétique et le changement climatique au Council on foreign relations, un think tank américain, les négociations climatiques nécessitent un leadership que seul un “texte mexicain” peut fournir. “La conférence ne pourra pas déboucher sur un accord utile à moins que ses participants ne puissent avoir des conversations privées pour négocier et élaborer des ententes en coulisses avec les différentes parties”, assure-t-il dans une tribune au Guardian. Et de lâcher, provocateur : “Les militants écologistes et les diplomates souhaitent créer un nouveau modèle de diplomatie ouverte et inclusive ? Ils vont alors devoir renoncer à agir efficacement contre le changement climatique.”
“Tous les Etats jouent un double jeu, confirme Jean-Charles Hourcade. Il y a un écart entre ce qu’ils disent dans les échanges diplomatiques et ce qu’ils pensent réellement.” La preuve, s’il en fallait une, ce sont certains câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks qui témoignent du double langage de la France au moment du sommet de Copenhague : on y apprend que le ministre de l’écologie de l’époque, Jean-Louis Borloo, avait souligné auprès de l’ambassadeur américain l’impossibilité d’un accord non contraignant au profit d’un engagement volontaire des pays, soit une position très éloignée de celle qu’il promouvait ouvertement.
“De la même façon, personne ne croit vraiment à la limitation du réchauffement climatique à deux degrés, principe adopté à Copenhague. Mais c’est une rhétorique qui articule les discussions, les enjeux sur lesquels les pays veulent rester fermes et ceux pour lesquels ils peuvent faire des concessions”, poursuit Jean-Charles Hourcade.
Ce sont ces concessions que dénoncent les ONG lorsqu’elles pointent du doigt les petits arrangements entre amis. “Les discussions informelles tirent les négociations vers le bas”, déplore Karine Gavand, responsable de la campagne climat de Greenpeace France. Et de citer pour exemple un “marchandage” sur la question du mécanisme de développement propre, qui permet aux pays industrialisés de compenser leurs émissions par des projets d’investissement dans des pays en développement. “Le Japon voudrait inclure à ce mécanisme des projets autour du nucléaire ou de la séquestration du carbone, ce qui reviendrait à subventionner l’industrie fossile, avance la militante. Or, l’Union européenne cède sur ce point pour acheter la voix du Japon qui a émis des réserves pour s’engager dans l’après-Kyoto. De la même façon, le Brésil, opposé à cette proposition, l’accepte pour que l’Arabie Saoudite qui, elle, la défend, soutienne en contrepartie la lutte contre la déforestation.”
Au final, les négociations climatiques se résument à des échanges de bons procédés, renforcés par des actions de lobbying, qu’il s’agisse de celui des ONG en faveur d’accords plus contraignants, ou des industriels, qui cherchent à alléger la pression économique que suscite pour eux la lutte contre le changement climatique.

Justice climatique :
Cancun et la COP16 au microscope

Geneviève Azam, conseil scientifique d’Attac-France
www.mediapart.fr du 05.12.10

Un an après Copenhague, la bulle climatique enfle encore. Au Moon Palace, où se déroulent les négociations dans un cadre irréel et parfaitement kitsch, loin des rencontres des mouvements sociaux et du sol mexicain, le climat semble chose abstraite, hors sol.

Au moment où ce papier est écrit, un premier texte de la présidence mexicaine est présenté comme ébauche de résultat final, dix minutes avant l’assemblée plénière de la conférence des parties, dans laquelle plusieurs délégations se sont inquiétées du manque de transparence de la négociation.

Les objectifs de réduction des émissions réelles ne semblent plus être le sujet central des discussions. Ils sont abandonnés par tous ceux qui ne les atteindront pas et qui savent que leurs propositions cumulées, celles qu’ils ont déclarées sans engagement après «l’accord» de Copenhague, signifieraient un réchauffement global de la planète de de 3°C à 5°C. Mais ils sont aussi abandonnés, au nom du «pragmatisme» : ne pas parler des choses qui fâchent pour avancer sur des sujets précis, la lutte contre la déforestation et la création d’un fonds vert. Soit, mais de la même façon que le néolibéralisme a retourné le mot réforme, en faisant des causes des crises les solutions pour les résoudre, le «pragmatisme» conduit souvent à des solutions qui ne font que poursuivre la dégradation de la planète et de l’atmosphère : la planète réelle mène la vie dure aux bonnes intentions. Agrocarburants, séquestration du carbone, marchés du carbone, attestent les échecs successifs des fausses solutions. Le projet de texte, qui laisse ouvertes plusieurs options pour la négociation, est encore plus imprécis en matière de réduction que celui de Copenhague ; il ne fixe même plus de date pour atteindre l’objectif d’un réchauffement maximum de 2°C ! Le Venezuela et la Bolivie, applaudis par une part de l’assemblée, ont vivement dénoncé ce nouveau recul, relayés par les États insulaires et le représentant du G77 plus la Chine. L’ambassadeur de la Bolivie aux nations unies, Pablo Solon, a souligné qu’aucune négociation officielle n’avait porté sur les chiffres de réduction dans cette première semaine de négociations.

Des marchés du carbone sans le protocole de Kyoto ?
Paradoxalement, le Japon, suivi par d’autres pays de manière plus ou moins explicite, en annonçant clairement sa volonté d’en finir avec le protocole de Kyoto et de renoncer à toute idée de traité contraignant pour les pays industriels, a relancé la discussion. Les pays latino-américains regroupés dans l’ALBA, ont réagi vivement, en signifiant à la fois leur volonté d’avancer dans le processus de négociation et l’impossibilité de le faire sans un cadre qui délimite les responsabilités et les engagements et permette une nouvelle phase d’engagements pour les pays industriels après 2012. L’Union européenne manie toujours le double discours : une volonté affichée de s’engager dans une deuxième phase du protocole, d’«examiner» la poursuite du processus tout en demandant un accord contraignant engageant les «plus grandes économies du monde». Autant dire, un renoncement au contenu du protocole, dans sa partie la plus politique : la reconnaissance de fait d’une dette écologique des pays industriels. La préoccupation européenne est ailleurs : sauver du protocole les mécanismes de flexibilité et le marché du carbone dont l’inefficacité écologique est pourtant attestée par de nombreux rapports.

Le fonds vert en panne
La bulle atteint précisément son comble en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. La crise financière aidant, les négociations se poursuivent sans qu’un centime réel soit posé sur la table et sans rien ajouter de plus que ce qui était conclu à Copenhague. On parle donc de sommes virtuelles, qui en l’absence d’engagements des États, ne pourraient venir que de la réorientation d’aides déjà existantes ou du secteur privé, via les marchés du carbone notamment. Les pays du Sud demandent un engagement financier obligatoire et additionnel des États de l’ordre de 1,5% du produit national brut. Mais pour cela, des ressources nouvelles doivent être levées ; c’est pourquoi une taxe sur les transactions financières, qui ne fait pas partie des discussions du Moon Palace, permettrait à la fois la lutte contre la spéculation et la possibilité pour les États de retrouver des marges de manœuvre pour le financement de l’adaptation au changement climatique et de la réduction des émissions.

La Banque mondiale aux avant-postes
Et ce qu’on appelle le pragmatisme est soumis à rude épreuve face à l’intransigeance de la finance internationale, qui par des canaux divers, refuse de voir la création d’un fonds vert mondial sous la responsabilité des Nations unies : la Banque mondiale pourrait être définitivement promue comme administratrice de ce fonds. Autant dire que cette position est inacceptable pour plusieurs raisons : cette banque ne finance que des projets de grande taille financière, excluant donc les milliers de projets locaux sans lesquels la transition ne sera pas possible, elle est engagée dans des projets désastreux sur un plan écologique et social et constitue plutôt le problème que la solution ; enfin cette institution n’est qu’un canal financier qui pratique des prêts au lieu des dons pourtant essentiels pour tous les pays, déjà souvent très endettés et qui doivent de surcroît se battre contre les catastrophes climatiques, dont ils ne portent pas la responsabilité.

À moins d’attendre l’éclatement de la bulle avec des catastrophes majeures, le retour du réel et celui d’un véritable pragmatisme ne pourront se réaliser que par la pression des sociétés et des mouvements sociaux, présents ici loin des négociations. Une présence paradoxale dans cette ville véritable enclave ou plutôt verrue transnationale.

L’appel d’Eric Cantona : le temps est venu d’agir pour des banques citoyennes

Attac France,Paris, le 3 décembre 2010

Suite à l’interview d’Eric Cantona à Presse-Océan, suggérant aux clients de retirer leur argent des banques pour faire s’écrouler leur système de domination, un « buzz » s’est constitué sur Internet. Un site « Bankrun » a été créé pour appeler à un retrait massif et simultané d’argent le 7 décembre prochain. Selon les initiateurs de ce site, il s’agit de dénoncer les ravages d’un « système financier mondialisé dérégulé et incontrôlable », et d’exiger « la création dune banque citoyenne, au service des citoyens ».

Cette initiative rencontre un écho certain auprès de citoyens atterrés de voir les plans d’austérité déferler sur l’Europe au motif qu’il faudrait « rassurer les marchés financiers » et sauver les banques. Nombreux sont ceux qui souhaitent agir ici et maintenant, pour montrer aux gouvernants qu’ils refusent ces politiques irresponsables.

Au stade actuel l’action citoyenne n’a que très peu de chance de déclencher un mouvement de retrait généralisé, susceptible de menacer les banques. Leur stabilité est d’ailleurs bien plus mise en danger par la folle vague de spéculation actuellement en cours contre l’euro… En outre les liens apparents sur le web de certains promoteurs de l’initiative « Bankrun » avec des secteurs de l’extrême-droite doivent inciter à la prudence.

Il n’en demeure pas moins que la mobilisation des citoyens doit se développer pour exiger la mise au pas des banques prédatrices. Les mouvements citoyens doivent en même temps favoriser l’émergence de banques alternatives, solidaires et écologiquement responsables, comme le proposent par exemple les Amis de la Terre, l’une des associations fondatrices d’Attac (voir http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/Guide_banques_VSite.pdf): c’est alors que l’appel aux citoyens à transférer leurs comptes bancaires aura un sens.
L’écho important de la proposition d’Eric Cantona montre qu’une attente forte existe dans la société. Attac lutte depuis douze ans contre la domination de l’industrie financière. Nous nous engageons à renforcer dans la durée l’action citoyenne contre le pouvoir de la finance, pour l’émergence de banques alternatives et solidaires, et pour la socialisation du système bancaire. L’association continuera à s’y employer dans les mois à venir avec ses partenaires.

“Kontsumo taldeek, gizartea sendotzen laguntzen dute”

“Postkarbono” etorkizuna preparatuz, tokian tokiko ekoizleak eta dendak harremanetan jarriz eta sasoiko elikagaien egutegia argitaratuz, besteak beste

Rosa Lago, Bilboko Letxugak kontsumo taldekoa
Hebdomadaire Enbata-Alda ! du 09.12.10

Rosa Lago présente la démarche qui a amené son groupe de consommateurs à fonctionner en AMAP à Bilbo.
Aspalditik mundu osoaren nekazariek tokian tokiko nekazaritza aldarrikatzen eta defendatzen dabiltzala elikadurako enpresa transnazionalen aurrean, haien etorkizuna eta denon elikadura subiranotasuna jokoan daudela esanez.
Aspalditik ere hainbat kontsumitzaileok kezkati gabiltza jaten ditugun barazkiek zer kimiko gainean izango ote duten, supermerkatuan esnea deritzoten edabea errealitatean zer izango ote den, eta haratago, zer etorkizun espero dion petroliozko ongarriekin isuri den lurrari. Hainbat urtez pozoindutako lur hori gure seme-alabak elikatzeko gai izango al da?
Zoritxarrez eta ekonomia kapitalistan sinesturik, azken hamarkadetan lehen sektorea arbuiatu da, nekazaritza barne, etorkizunik ez zeukala eta beste sektoretan irabazi gehiago lortzen zirela argudiatuz. Beraz, nekazari askok eta askok betiko ogibideari utzi diote, edo jubilatu ondoren, baserrian ez dute jarraitzailerik izan. Orain petrolio-krisia aurrean dugula, askoren ustez krisi ekonomiko larria ekarri diguna, urrunetik elikagaiak garraiotzea gero eta garestiagoa izango da. Beraz, gure elikadura ziurtatzeko bertoko elikagaiak kontsumitzea tokian tokiko nekazariak babestuz inoiz baino komenigarria da.
Portland hirian (Estatu Batuak) udaletxea eta hainbat eragile lokal bildu ziren aldaketa klimatikoaz eta petrolioaren krisiaren inguruan, haien hirian bi mehatxu hauei aurre nola egingo zioten hausnartzeko asmoz. Besteak beste, “nekazal lurrak babestea eta tokian tokiko elikagaien ekoizpena bultzatzea” komenigarritzat jo zuten(1). Hainbat eta hainbat hiritan antzeko hausnarketa egin dute “postkarbono” etorkizunaren inguruan. Anglosaxionar herrietan Trantsizio Hiriburuetako mugimenduak indarra hartu du, Totnes herria horren adierazlea izanik, eta han ere Tokian Tokiko Elikaduraren Gida egin nahi dute, tokian tokiko ekoizleak eta dendak harremanetan jarriz eta sasoiko elikagaien egutegia argitaratuz(2). Egungo elikagaien ekoizpenaz arduratuta eta horrek gizartean, ekonomian eta ingurumenean dakartzan kalteetaz ohartuta, 2005eko udazkenean Bilbon Letxugak kontsumo taldea osatu genuen. Gure betekizuna zein zen ondo harrapatu zuen Le-txugak bataiatu gintuen lagunak. Erreferentzia moduan Bizigai genuen, Bilboko produktu ekologikoen kontsumitzaileen elkarte bat, bai eta Espainia aldean martxan zeuden esperientziak ere: Madrilgo BAH elkarteetako kideek (Bajo el Asfalto está la Huerta(3), Galtzada Azpian Baratza dago) lursail bat alokatzen dute eta lurrak lantzeko nekazariak kontratatzen dituzte, beharrezkoa denean auzolanak ere antolatuz. Elkarteek ehundaka lagun dituzte, eta kideak ez dira kontsumitzaile hutsak, baizik eta lurraren eta nekazaritzaren egoeraz jabetzen dira inplikazio handiarekin.
Funtsean kontsumo taldeek egitura sinple eta txikiagoa daukate, eta geure taldea osatzeko Espainian eta Katalunian hedaturik zeuden taldeak eredutzat hartu genituen(4). Denbora pasa ahala, Kataluniako kontsumo talde asko eta nekazari batzuk La Repera sarea(5) osatu dute. Bilboko alde zaharrean hasi ginenetik, gutxienez beste bost talde martxan jarri dira Bilbon bakarrik, Bizkaian gehiago izanik. Azken bi urteetan EHNE sindikatuak Nekasarea proiektua bultzatu du, kontsumo taldeak eta EHNEko baserritarrak harremanetan jarriz eta koordinatuz.
Letxugak taldea osatzerakoan autogestioa eta antolakuntza asanblearioa izatea erabaki genuen, elikadura arloan pertsona autonomo, kritiko eta konprometitu bilakatu ahal ginela sinesturik. Horregatik pertsona kontrataturik edo liberaturik ez dugu izan, kide guztien partaidetza aktiboa beharrezkoa da, eta taldea txikia da (hamabi hamalau etxe, gure kasuan), guztiok auzo berean edo hurbil bizi izanik. Proiektuaren hiru zutabeak honako hauek dira: elikagai organikoak eta hurbilekoak konsumitzea, tokian tokiko nekazal proiektuak ezagutzea eta bultza-tzea, eta bitartekariak murriztea.
Zer behar duzu kontsumo talde bat osa-tzeko? Hasi jendearekin honetaz berba egiten, eta lagunak agertuko dira. Gero bilatu lokal bat: gure kasuan taldekoak beste elkarte ezberdinetako kideak gara (elkarte ekologista, antimilitarista, irrati librekoa…) eta asanbladak izateko eta produktuak jasotzeko elkarte horietako lokalak erabili ditugu. Batzutan arazoak suertatzen dira (“barazkiak ez dituzue jaso!”, edo “erratza pasa ezazue!”), eta askotan ere lokalaren bizitza berpizten da. Gainera kontsumo taldeko kideok lagundu dugu elkarte horrek eskatu duenean (jaietako txoznan, panfletoak banatzen…). Gero ekoizle ekologikoak bila-tzen hasi, adibidez, nekazal sindikatu bati deituz, edo produktu ekologikoen kontsumitzaileen elkarte batean galdetuz. Lanak banatu jende artean, bata barazkietaz arduratu, bestea arraultzetaz.
Hasieran guretzat zaila izan zen, eta enpresa banatzaileak bakarrik aurkitzen genituen. Gainera Euskal Herrian ez genuen lekadun ekologikorik aurkitzen, eta lekadunik merkeenak Turkiatik edo Txinatik zetozen. Gero askok nekazaritzaz ez genekien gauza handirik: baserritarrak esan behar zigun zeintzuk ziren sasoiko barazkiak. Eta olioa, hau mundu berria!, oliba-mota ezberdinak, sapore eta kalitate ezberdinak… Denborarekin elikagaietaz eta nekazaritzaz asko ikasi dugu. Barazkiak astero datoz, baserritarrak osatzen du saskia, eta janari berriak jaten ikasi dugu. Behin baino gehiagotan elkarri galdetu diogu “zer demontre” den saskian dugun barazki berria, eta nola sukaldu. Gure azkeneko eztabaida batean olioaz ari ginen, nola oliba jasotzen dutenei oso gutxi ordaintzen dieten, eta gero olioa garesti saltzen den. Gainera, bilerak oso emankorrak dira: laranjetaz hitz egin, eta gero laranjak lortu eta jan. Gizarte mugimenduetan gabiltzanen-tzat oso bilera bestelakoak dira hauek.
Baserritarrekin harreman estua eta auzolanaren bidez beraiei laguntzea helburu genuen (adibidez, ortuan laguntzea baserritarra haurdun dagoenean). Aldiz, atal honetan ez dugu pauso handirik eman: lehenen baserritarrak gauzak egiten irakatsi behar digu, eta guk hiritarrok ikasteko eta gero auzolanetara joateko denbora atera behar dugu. Normalean oztopoa gure aldetik egon da.
Hasieratik taldekoak hurbileko auzokideak izatea garrantzitsutzat jo genuen, eta esperientziak konfirmatu du: ezusteko batean azkar erantzuteko hurbil bizitzea komeni da: adibidez, lokalean jaso barik barazkien saskiak geratu badira, edo egindako erosketa handia (lekadunak, irina, arroza…) uste ez genuen egunean heldu bada. Gainera hurbil bizi garenok askotan kalean topo egiten dugu, eta amankomuneko zereginari esker harremanak sendotzen dira, konfidantza eta konplizitateak sortuz, eta auzoko edo hiriko gaietan elkarrekin parte hartuz. Alegia, kontsumo taldeek gizarte sarea sendotzen laguntzen dute.
Taldearen tamainak ere garrantzia dauka: jende gutxiren artean bilerak arinak dira, denok elkar ezagutzen dugu eta lana bana-tzen da, alegia, inork ez du betebeharrik gabe alde egiten. Guk gure tamaina hasieratik mugatu genuen, eta gero hurbildu ziren interesatuei kontsumo talde berria osatzen lagundu genien (gure antolakun-tza azalduz, ekoizleen kontaktuak ematen…). Esan bezala, bost urteetan kontsumo talde berriak osatzen ikusi ditugu, bakoitza bere xehetasunekin.
Beraz, zure elikaduraz eta Amalurraren egoeraz kezkatuta bazaude, Letxugak taldekideok kontsumo talde bat osatzera animatzen zaitugu. Denbora apurtxo bat atera behar da, baina ordainketa oparoa da: supermerkatutik ez zara berriro pasako!
(1) Daniel Lerch, Ciudades post carbono: las ciudades norteamericanas responden al techo del petróleo, Ekonomiaz 71. zenbakia, 2. lauhilabete, 2009

(2) Antonio Scotti, Tiempos de Transición, ECOHABITAR 19. zenbakia, 2008 udazkena.

(3) http://bah.ourproject.org/

(4) http://gruposdeconsumo.blogspot.com/

(5) http://repera.wordpress.com