Climat : le monde dépasse 1,5 degré de réchauffement pour la première fois pendant 12 mois consécutifs, «un signal désastreux»
LIBERATION et AFP
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La planète a dépassé sur 12 mois consécutifs la barre de 1,5 °C de réchauffement selon les données de l’observatoire Copernicus, un «avertissement brutal sur l’urgence des mesures à prendre pour limiter le changement climatique».
Après une chaleur record en 2023, 2024 commence déjà mal. Jamais un mois de janvier n’avait été aussi chaud. Surtout, pour la première fois, la planète a dépassé sur 12 mois consécutifs la barre de 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle. Entre février 2023 et janvier 2024, la température mondiale de l’air à la surface du monde a été de 1,52 °C supérieure à la période 1850-1900, selon les données de l’observatoire européen Copernicus.
«Cela ne signifie pas que nous avons franchi la barre des 1,5 °C fixée à Paris» en 2015 pour tenter d’enrayer le réchauffement climatique et ses conséquences, rappelle Richard Betts, directeur des études sur les impacts climatiques à l’office national de météorologie britannique. Pour cela, il faudrait que cette limite soit dépassée de façon stable sur plusieurs décennies. «Néanmoins, il s’agit d’un nouveau rappel des profonds changements que nous avons déjà apportés à notre climat mondial et auxquels nous devons maintenant nous adapter», a-t-il ajouté.
«Avertissement brutal»
«Il s’agit d’un avertissement brutal sur l’urgence des mesures à prendre pour limiter le changement climatique», souligne pour sa part Brian Hoskins, directeur de l’Institut Grantham sur le changement climatique de l’Imperial College London. «C’est un signal très important et désastreux […], une alerte pour dire à l’humanité que nous nous rapprochons plus vite que prévu de la limite de 1,5 degré», a abondé Johan Rockström de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat (PIK).
Le climat actuel s’est déjà réchauffé d’environ 1,2 °C par rapport à 1850-1900. Et au rythme actuel d’émissions, le Giec prévoit que le seuil de 1,5 °C a une chance sur deux d’être atteint en moyenne dès les années 2030-2035. Avec une température moyenne de 13,14 °C, janvier 2024 est le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré depuis le début des mesures, après une année 2023 record.
C’est 0,12 °C de plus que le précédent record de janvier 2020 et 0,70 °C au-dessus des normales de la période 1991-2020. Et comparé à l’ère préindustrielle, c’est 1,660 °C plus chaud. Janvier est le 8e mois d’affilée pour lequel le record de chaleur mensuel est battu, souligne Copernicus.
Le mois a été marqué par une vague de chaleur en Amérique du Sud, qui a enregistré des températures records et des incendies ravageurs en Colombie et au Chili, avec des dizaines de morts dans la région de Valparaíso. Malgré quelques épisodes de froid et des précipitations parfois importantes sur certaines parties du globe, une douceur exceptionnelle a également été constatée en Espagne et dans le sud de la France ainsi que dans certaines parties des États-Unis, du Canada, de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale.
L’urgence d’une réduction d’émissions de gaz à effet de serre
La surface des océans est elle aussi en surchauffe, avec un nouveau record en janvier de 20,97 °C de température moyenne. Cette valeur s’inscrit au deuxième rang des plus chaudes tous mois confondus, à moins de 0,01 °C du précédent record d’août 2023 (20,98 °C). Cette chaleur s’est poursuivie au-delà du 31 janvier, atteignant de nouveaux records absolus et dépassant les valeurs les plus élevées des 23 et 24 août 2023, souligne Copernicus. Et ce, alors que le phénomène climatique El Niño est en train de ralentir dans le Pacifique équatorial, ce qui devrait normalement contribuer à faire baisser un peu le mercure.
L’année 2024 «commence avec un nouveau mois record», déplore Samantha Burgess, cheffe adjointe du service changement climatique (C3S) de Copernicus. «Une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre est le seul moyen d’arrêter l’augmentation des températures mondiales».
Mi-janvier, l’Organisation météorologique mondiale et l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) ont déjà averti que 2024 pourrait bien battre le record de chaleur établi l’an dernier.
Selon NOAA, il y a une chance sur trois que l’année 2024 soit plus chaude que 2023, et 99 % de chances qu’elle se classe parmi les cinq années les plus chaudes de l’Histoire. Néanmoins, estime Johan Rockström, il y a aussi des chances que, à la fin de ce «troisième super événement El Niño» renforcé par l’activité humaine, les températures «retombent comme cela a été le cas en 2016 et 1998».
Les géants du fossile s’enfoncent dans le tout-pétrole?
Martine Orange
www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/070224/les-geants-du-fossile-s-enfoncent-dans-le-tout-petrole
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Les grands groupes pétroliers occidentaux ont tiré un trait sur leurs engagements de lutte contre les dérèglements climatiques. Tous n’affichent plus qu’un objectif : produire toujours plus de pétrole et engranger toujours plus d’argent. Comme l’exigent leurs actionnaires.
Bien sûr, cela n’a pas la même flamboyance qu’en 2022. Mais dans cet environnement morose, où l’activité économique mondiale patine, elles ont toutes les raisons de se féliciter de leurs résultats. Sur l’ensemble de l’année 2023, les cinq plus grandes compagnies pétrolières occidentales (Exxon, Chevron, Shell, BP, TotalEnergies) ont réalisé 113,3 milliards de dollars (105,2 milliards d’euros) de profits.
Comparé aux 180,5 milliards de dollars enregistrés l’année précédente, cela fait certes un peu pâle figure. Mais la crise énergétique s’est dissipée. Les cours du pétrole, qui avaient flambé à plus de 120 dollars le baril, sont redescendus tout au long de 2023 autour 70-80 dollars. Ceux du gaz ont été divisés par quatre, après les tensions extrêmes de 2021-2022, amplifiées par la guerre d’Ukraine. Tous affichent une baisse des profits qu’ils génèrent de 40 % à 50 % d’une année sur l’autre.
TotalEnergies ne fait pas exception. Officiellement, le groupe pétrolier est le seul à voir ses résultats progresser cette année : ils passent de 19 à 21,4 milliards de dollars entre 2022 et 2023. Ses profits de l’an dernier avaient cependant été sérieusement rabotés : ils étaient de plus de 36 milliards de dollars avant que le groupe n’inscrive une série de provisions et de dépréciations d’actifs, notamment après l’abandon de ses activités en Russie.
Cette chute à l’unisson des profits des majors pétrolières vient conforter la thèse de ceux qui défendaient une taxe sur les superprofits des compagnies pétrolières l’an dernier : elles ont bien bénéficié d’un effet d’aubaine lié à des circonstances hors norme qui n’avaient rien à voir avec leurs performances intrinsèques. Cette année, elles n’ont plus rien à craindre en matière de taxation supplémentaire : la question d’un prélèvement sur les superprofits a été enterrée depuis longtemps.
Un nouveau record pour les rachats d’actions
Loin d’être affectées par ces baisses, les majors pétrolières y voient au contraire un signe d’encouragement : leurs profits de 2023 sont supérieurs de 40 % à ceux de 2021. Pour TotalEnergies, c’est la meilleure performance de son histoire ; pour Exxon, la deuxième.
Toutes y décèlent la confirmation du bien-fondé des changements de stratégie qu’ils ont adoptés au cours des deux dernières années. Passés un peu inaperçus, ces revirements se déclinent chez toutes de la même manière : renforcement des activités pétrolières et gazières, abandon des engagements en faveur de la lutte contre les dérèglements climatiques, diminution des investissements et des immobilisations trop gourmandes en capitaux, augmentation des rendements. En un mot, tout ce que leur demandent leurs actionnaires.
Habituées jusque-là à dominer Wall Street, Exxon et Chevron vivent très mal leur relégation derrière les géants du numérique et de la high-tech. Pour doper leurs cours, elles usent de l’arme désormais favorite des grands groupes : les rachats d’actions. Leurs concurrentes européennes n’ont eu aucun mal à se laisser convaincre de les imiter. Année après année, les sommes dépensées pour rémunérer les actionnaires atteignent de nouveaux sommets.
Mais 2023 marque un record toutes catégories : les cinq majors ont reversé plus de 90 milliards de dollars, dont plus de 60 milliards sous forme de rachats d’actions, à leurs actionnaires. Les unes et les autres se sont engagées à faire encore mieux cette année.
Cette politique se révèle des plus payantes. Les majors pétrolières, qui redoutaient dans les années 2018-2019 de se voir exclues des marchés des capitaux avec l’instauration de normes ESG (environnement, social et gouvernance) en cours d’adoption par les institutions internationales et les financiers, ne nourrissent plus aucune crainte : attirés par la manne pétrolière, les investisseurs reviennent au galop. Même la finance verte, qui se voulait exemplaire en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, a passé la marche arrière. Les gérants de ces fonds « verts » achètent en masse ces valeurs pétrolières parce qu’elles offrent des rendements imbattables.
En marche arrière sur les renouvelables
Ce soutien explicite des marchés financiers encourage les groupes pétroliers à abandonner leurs discours précédents : plus question d’être les champions des énergies renouvelables, de contribuer par tous les moyens à l’instauration d’une économie décarbonée et de renoncer au pétrole et au gaz.
Très en pointe dans la promotion d’une stratégie bas carbone, BP a fait un tête-à-queue spectaculaire en 2023. Lors de la présentation de ses résultats, son président, Bernard Looney, avait alors annoncé une révision drastique des ambitions du groupe dans ce domaine. Au lieu de 40 % de baisse de ses émissions en 2030, il ne prévoyait qu’une diminution de 25 % à cette date, l’objectif initial étant reporté à 2050.
Le changement de cap a été encore plus brutal que prévu. Déjà contesté pour ses résultats médiocres, Bernard Looney a dû démissionner en septembre dernier pour n’avoir pas révélé toutes ses relations « personnelles » dans l’entreprise. Son successeur, Murray Auchincloss, n’a été confirmé que fin janvier. Entre-temps, le groupe pétrolier britannique a décidé de pousser les feux dans le pétrole et le gaz et d’oublier nombre de projets dans les énergies renouvelables.
Le mouvement est général. Estimant que les prix de rachat garantis par les gouvernements ne sont pas suffisamment élevés pour des projets de champs d’éoliennes ou de parcs solaires, les majors ont renoncé à participer à de nombreux appels d’offres voire se sont retirées des projets déjà lancés. Tout cela n’est pas assez rentable, selon eux.
Dans le souci d’améliorer les performances de Shell, son directeur général Wael Sawan, en poste depuis un an, a annoncé son intention de vendre des actifs et de réduire ses investissements – pourtant déjà assez faibles – dans les solutions bas carbone. Il prévoit de supprimer des centaines d’emplois dans ces activités.
La direction d’Exxon, qui n’a jamais été favorable à toute transition énergétique, ne fait même plus d’effort pour cacher ses positions. À l’exception de la capture du CO2 et de l’hydrogène, dernières lubies des financiers, elle n’ a pas de grand projet dans le domaine. Ne se sentant plus contraint par les discours ambiants, le groupe pétrolier a même décidé de montrer les dents face à toute contestation écologique : il vient d’engager des actions judiciaires contre deux fonds activistes qui contestaient son absence de politique environnementale, bien que ceux-ci aient renoncé à leur pétition.
Le pétrole, leur « raison d’être »
À ce stade, il n’y a plus que TotalEnergies qui revendique encore sa volonté de vouloir se développer dans les énergies renouvelables. Le groupe a toujours l’ambition d’atteindre les 100 gigawatts (GW) de puissance installée dans la production d’électricité renouvelable d’ici à 2030. Même si le pétrolier français semble faire bande à part sur le sujet, il se retrouve cependant en parfait accord sur l’essentiel avec ses concurrents : le pétrole et le gaz sont plus jamais les fondements de leur activité, leur « raison d’être ». C’est de là que les uns et les autres tirent tout leur argent.
Les groupes s’enfoncent dans la politique la plus court-termiste qui soit : produire le plus de pétrole possible, en dégageant le plus d’argent possible, sans se soucier de l’avenir.
Les cinq majors ont là aussi changé d’approche sur le sujet : ces activités doivent consommer beaucoup moins de capitaux qu’auparavant, être plus rapidement rentables.
Ces nouvelles exigences les amènent à reconsidérer leurs engagements, à nettoyer leur portefeuille, à céder les actifs risqués.
En janvier, Shell a ainsi a annoncé la vente pour 1,3 milliard de dollars de ses activités d’extraction pétrolière au Nigéria, un pays où le groupe travaille depuis des années. Ce dernier prévoit de ne conserver que son exploration offshore jugée moins risquée et moins contestée par les populations. De la même manière, Chevron se dit prêt à vendre des actifs dans l’Alberta (Canada), pas assez rentables.
La grande fusion entre pétrole traditionnel et pétrole de schiste
Pour les groupes pétroliers américains, cette révision des activités pétrolières s’inscrit dans ce qui pourrait s’apparenter à un certain isolationnisme. 2023 a marqué en effet un changement majeur dans le monde pétrolier américain : la fusion entre les activités pétrolières traditionnelles et celles issues du pétrole et du gaz de schiste.
Pendant près de quinze ans, les grandes majors pétrolières ont regardé avec une certaine condescendance le développement de ces petites unités pétrolières et gazières travaillant par fracturation de la roche sur tout le territoire américain. L’accélération de ces productions – qui ont permis aux États-Unis de se hisser à nouveau aux premiers rangs des producteurs pétroliers mondiaux et d’assurer l’indépendance énergétique du pays, sur fond de crise énergétique – a convaincu les majors pétrolières qu’il n’était plus temps de les ignorer.
En octobre, Exxon a racheté la société texane Pioneer Natural Resources pour 59,5 milliards de dollars. C’est la première grande OPA dans le pétrole de schiste. La fusion des deux groupes devrait permettre d’atteindre une production de 2 millions de barils de pétrole de schiste par jour en 2027. Chevron, qui a l’ambition de produire près de 1 million de barils par jour de pétrole de schiste au Texas, serait le prochain candidat pour racheter d’autres de ces producteurs, à en croire certains traders.
Indifférents au contexte international, les groupes pétroliers américains pourraient produire plus de 11 millions de barils par jour cette année, selon les prévisions. Cette politique de production intensive vient heurter de plein fouet celle de l’Arabie saoudite et de l’Opep, qui cherchent, dans cette période de moindre demande, à maintenir des cours élevés en diminuant leur production.
Tant que les majors pétrolières réussiront à dégager des marges plantureuses même avec des prix moyens, elles pourront poursuivre dans cette voie. Mais si leur rentabilité se dégrade, tout s’arrêtera. Car l’important, ce n’est ni le climat ni la préservation de la planète, c’est la satisfaction des actionnaires.
« Agiter l’épouvantail de la décroissance comme l’a fait Gabriel Attal, contribue à un “climato-dénialisme” insidieux »
Luc Semal (Politiste, spécialiste des mobilisations écologiques)
www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/06/agiter-l-epouvantail-de-la-decroissance-comme-l-a-fait-gabriel-attal-contribue-a-un-climato-denialisme-insidieux_6214997_3232.html
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La décroissance n’est ni la récession ni la pauvreté pour tous, estime, dans une tribune au « Monde », le politiste Luc Semal, qui déplore les propos caricaturaux du premier ministre en la matière.
Lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre, Gabriel Attal, a jugé utile de définir sa conception de l’écologie par contraste avec une « écologie de la brutalité », supposément portée par « certains » qui siégeraient, croit-on comprendre, dans les rangs de la gauche parlementaire : « Pour eux, l’écologie doit être punitive, douloureuse, passer par la désignation de boucs émissaires et par la décroissance. La décroissance, je le redis ici, c’est la fin de notre modèle social, c’est la pauvreté de masse. » De tels propos sont tristement banals pour qui s’intéresse à l’histoire des alertes écologiques et de leur réception, ou de leur non-réception, depuis plus d’une cinquantaine d’années. Au fil des décennies, la pensée écologique s’est construite sur l’idée qu’une croissance matérielle infinie est impossible dans un monde fini, et qu’une croissance matérielle trop prolongée produit des désastres globaux et irréversibles : par exemple, le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. En miroir, la dénonciation des lanceurs d’alerte comme autant de fous ou d’extrémistes est devenue un lieu commun de la rhétorique écolosceptique.
Pourquoi s’en priver ? C’est si facile ! Il suffit de caricaturer le propos (« ils veulent arrêter la croissance ! »), de faire peur (« vous serez tous pauvres ! ») et de se poser en protecteur raisonnable (« moi, je vous propose une croissance verte »). En rhétorique, cela s’appelle la stratégie de l’épouvantail : caricaturer les propos de l’adversaire, si possible en son absence, pour mieux les balayer du revers de la main… On s’épargne ainsi un fastidieux débat de fond.
En France, une particularité linguistique veut que cette figure imposée de l’écoloscepticisme se cristallise souvent sur le mot « décroissance », depuis qu’une (petite) partie des écologistes en a fait son étendard, au début des années 2000. Dès la présidence de Nicolas Sarkozy, on ne comptait plus les prises de parole publiques traitant la décroissance par le mépris. Car n’est-elle pas l’épouvantail parfait ? Nul besoin d’argumenter. Prononcer le mot suffit à réactiver le cliché, sans égard pour l’abondante littérature scientifique qui renouvelle aujourd’hui la pensée sur les limites écologiques et les frontières planétaires.
Entrave à la réflexion
Rien que de très banal, donc. Mais cela reste affligeant. On peut être en désaccord avec les théories et les propositions rassemblées sous le vocable « décroissance » : il est légitime d’en débattre. Mais se contenter d’agiter l’épouvantail, c’est contribuer à un « climato-dénialisme » et à un « écolo-dénialisme » insidieux, qui fonctionnent par déni des ordres de grandeur du problème. C’est entraver la réflexion sur l’ampleur des transformations sociales à mettre en œuvre pour espérer enrayer le cours de la catastrophe. Et, en l’occurrence, c’est se tromper trois fois.
C’est d’abord se tromper en laissant entendre que l’opposition de gauche à l’Assemblée nationale proposerait la décroissance, alors que c’est factuellement faux, à de rares exceptions près. Il suffit de regarder les programmes. Même les élus écologistes, dans leur écrasante majorité, soit récusent l’idée de décroissance, soit restent très prudents à cet égard. Réduire l’opposition parlementaire de gauche à un attelage de partisans de la décroissance n’a donc aucun sens.
C’est ensuite se tromper en présentant la décroissance sous un faux visage, caricaturé à des fins rhétoriques, mais sans aucun fondement factuel. La décroissance n’est ni la récession ni la pauvreté pour tous. Ce serait plutôt, dans sa dimension matérielle, une réduction de la production et de la consommation à des fins de soutenabilité écologique et de justice sociale. Il s’agirait donc d’abord de faire décroître les consommations des plus riches, et de faire décroître les inégalités.
De nombreuses propositions concrètes de la décroissance tournent autour de l’instauration de tarifs progressifs, ou du plafonnement des revenus ; deux exemples de mesure qui pèseraient sur les plus riches et non sur les plus pauvres.
L’idée sous-jacente est que, dans un monde fini, les surconsommations des plus riches privent les plus pauvres de leur juste part, en même temps qu’elles dégradent les conditions d’habitabilité du globe. Que l’on soit d’accord ou non avec cette idée, elle n’a en tout cas rien à voir avec la pauvreté généralisée.
Une réponse fondée sur le partage
C’est, enfin, se tromper en laissant prospérer l’illusion que l’on pourrait « en même temps » mener la transition écologique et poursuivre indéfiniment la croissance matérielle. C’est là que le propos se rapproche le plus du climato-dénialisme : un déni non pas du réchauffement lui-même, mais de l’ampleur et du rythme des réductions de production et de consommation qu’il serait nécessaire de collectivement organiser pour espérer l’enrayer ou le ralentir.
Et s’il n’y avait que le réchauffement climatique ! Au vu de l’état de la biodiversité, on pourrait tout aussi bien parler d’écolo-dénialisme en général. Le problème est là : exorciser à peu de frais le spectre de la décroissance, c’est toujours réaffirmer la possibilité d’une croissance infinie, et faire fi des travaux scientifiques qui alertent sur l’existence des limites et sur les conséquences de leur dépassement.
Les théories et les propositions de la décroissance soulèvent de nombreuses questions, toutes très légitimes. Quelles productions et consommations matérielles faudrait-il faire décroître en priorité ? Quelles sont au contraire celles à préserver, au prix d’efforts plus importants ailleurs ? Quels impacts sur le PIB ? Quel modèle social pour accompagner une telle trajectoire ? Comment le financer ? Quels risques géostratégiques ? Ce sont de vraies questions, et la décroissance n’a pas réponse à tout. Mais elle a le mérite de montrer du doigt l’éléphant dans la pièce qu’est la question des limites écologiques, et de proposer une réponse politique fondée sur le partage.
Elle n’est pas une invitation démente à la pauvreté généralisée. Il est navrant que, en 2024, on en soit encore à rappeler ces quelques faits.
Luc Semal est maître de conférences en science politique au Muséum national d’histoire naturelle. Chercheur au Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco) et spécialiste des mobilisations écologistes. Il est notamment l’auteur de Face à l’effondrement. Militer à l’ombre des catastrophes (PUF, 2019) et il a dirigé (avec Bruno Villalba) Sobriété énergétique. Contraintes matérielles, équité sociale, perspectives institutionnelles (Quæ, 2018).
Dubaiko COP28: gailurrak ez dira bidea
Nerea Martiarena eta Martin Zelaia, Sustrai Erakuntza Fundazioaren izenean
www.argia.eus/albistea/dubaiko-cop28-gailurrak-ez-dira-bidea
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Klimaren azken Goi Bilerak –eta dagoeneko 28 izan dira– beste behin ere etsipen eta engainu hondarrak utzi dizkigu. Ahots asko izan dira klima aldaketari aurre egiteko anbiziorik eza agerian utzi dutenak. Askok nabarmendu dute erregai fosilen ustiapenarekin aberasten direnen eta berauek murrizteko edo desagertzeko bultzadaren arteko bateraezintasuna.
Argi dago azken urteotan kliman ikusten ari garen aldaketak giza jardueren ondorio direla, bereziki Ipar Globalarenak, erregai fosilak erretzearekin eta neurrigabeko etekin ekonomiko pribatua lortzearekin lotuta daudenak. Krisi klimatikoaren bortizkeriak erregai fosilak oso tarte laburrean erabiltzeari uztera behartuko gaitu. Hala ere, aspaldian planifikatu behar zen bide hau, Ipar eta Hego Globalaren arteko justizia eta ongizatea bermatuta. Batez ere, erregai fosilen agortzearen sintoma larriak ematen ari diren honetan. 29 urte itxaron behar izan ditugu, Dubaiko goi-bilerara arte, azken ebazpenean lehen aldiz “erregai fosilak” izendatuak ikusi ahal izateko, modu lausoan. Eskandalu horrek erakusten du giza eta natur biktimek zein eragin txikia duten sistema kriminal horri eusten diotenen poltsikoetan.
Goi-bilera honen azken ebazpenaren edukia aztertzen badugu, garrantzitsua iruditzen zaigu “erregai fosilak atzean utzi” ahal izateko bide-orriaren inguruko zehazpen falta, “zazpi urtean energia berriztagarriak hirukoizteko” estrategiaz haraindi. Hortxe baitago gakoa. Erregai fosilak kentzeko, Dubain zein Nafarroan, eskaintzen zaigun bide ia bakarra elektrizitatean oinarritutako energia berriztagarriekin ordezkatzea da. Eta inoiz ez da zalantzan jartzen neurri horren eraginkortasuna, edo berriztagarriek gaur egun erabiltzen ditugun energia moduen erreleboa hartzeko aukeraren bideragarritasuna.
Ez dugu ahaztu behar gaur egun munduko eta Nafarroako energia-kontsumoa erregai fosiletan oinarritzen dela gehienbat. Nafarroako Gobernuaren 2021eko azken balantze energetikoaren arabera, erregai fosilak gure erkidegoko energia primarioaren kontsumo guztiaren %79 izan ziren. Beraz, kontsumitzen dugun energiaren ia %80 erregai fosilak dira, eta beste %20a energia berriztagarriak. Eta estatu, Europa eta mundu mailan kopuruak are okerragoak dira berriztagarrien kasuan.
Egin nahi den “trantsizioa” ezinezkoa iruditzen zaigu, Ipar Globaleko herrialdeetan egiten dugun energia-kontsumo handiari eusten saiatzen garen bitartean
Horrela, egin nahi den “trantsizioa”, hau da, urte gutxiren buruan erregai fosilak kontsumitzetik berriztagarriak kontsumitzera pasatzea, ezinezkoa iruditzen zaigu Ipar Globaleko herrialdeetan egiten dugun energia-kontsumo handiari eusten saiatzen garen bitartean, etekin ekonomiko pribatuaren logikak bultzatuta. Eta ez bakarrik aurreko paragrafoan aipatu ditugun zifra ikaragarriengatik, baita energia berriztagarriek dituzten konponbide zaileko arazoengatik ere. Gure ustez, beharrezkoa da energia berriztagarrietarako trantsizioa proposatzen duten botere politiko eta ekonomikoek energia horiek kontsumo elektrikoan integratzeko dagoen zailtasuna aztertzea, baita elektrizitatea egungo kontsumo energetikoetara ez egokitzearen arazoa ere, zientzialari garrantzitsuak informatzen ari diren bezala.
Energia berriztagarrien gabezia eta arazo horiexek ikusten ari gara dagoeneko Nafarroan, aitzindaria baita energia mota horietan. Datu ofizialetara jotzea besterik ez dago: mota horretako energiak biltzeko poligono handiak gure lurraldea gero eta gehiago suntsitzen ari dira, eta berotegi-efektuko gasen emisioak ez dira batere murriztu. Hain zuzen ere, Nafarroako Gobernuaren 2021eko datuek erakusten dute CO2 isuriak %11,88 igo direla 1990etik, eta 2021ean %8,61 handitu direla 2020arekin konparatuta. Era berean, emisioak gehien handitu dituzten sektoreak jasangaitzenekin bat datoz: garraioa (%15,39 hazi da), non errepide bidezko garraioa trenbidearen gainetik hobesten den, aldi berean, bidaiarientzako AHT bultzatzen delarik; eta nekazaritza eta abeltzaintza (%17,96ko igoera), non ustiapen intentsibo eta makroetxalde handiko nekazaritza eta industria eredua bultzatzen den.
Argi dago, beraz, elektrizitate berriztagarria ekoizteko azpiegitura gehiago jartzeak ez duela emisio mailak murrizteko balio. Eta, beraz, beharrezkoa da zerbait gehiago egitea, ez du balio “berriztagarriak hirukoiztu” behar direla esateak bakarrik, hori egitea erraza izango balitz bezala, mundu mailan eskalagarria, giza beharretara egokitua, eta emisio kutsagarriak murrizteko balioko balu bezala.
Horregatik, ezin dugu ostrukarena egin. Klima aldaketaren aurrean benetan erreakzionatu behar badugu, erregai fosilen erabilerari amaiera eman behar diogu, egungo produkzio eta kontsumo neurriei eusteko Kapitalismo Berdeak planteatzen dizkigun konponbide faltsuetan erori gabe. Herrialdeen arteko elkartasunak, gure burua ekosistemetan integratu behar izanak eta ongizatearen arloan Ipar eta Hego Globalaren arteko orekak gure kontsumo materiala eta energetikoa murriztera garamatzate. Horrek guztiak jarduera guztietan izan behar du isla, jarduera produktibo zein erreproduktiboetan. Eta Nafarroan ez goaz bide egokitik.
Ez da lan erraza, baina beharrezkoa eta egingarria da. Horrek esan nahi du ezin garela besoak gurutzatuta geratu gizartearen eta ingurumenaren degradazioaren aurrean. Larrialdi klimatikoa eta desberdintasun sozialak are gehiago areagotzen dituen egungo aukera kapitalistaren ordezko balio eta praktika kolektibo berriak eraikitzen eta esperimentatzen joan behar dugu.
Ildo horretan, itxaropentsua da hainbat esparrutatik datozen alternatiba berriak planteatzen dituzten dinamika eta proposamenen sorrera. Sustrai Erakuntza Fundazioa ere hainbat jarduketa-proposamen aztertzen ari da, egungo sistemaren eraldaketan eta planetako bizitzaren zaintzan arlo konkretutik eta kolektibotik jarduteko aukera emango digutenak. Proposamen horiek bere garaian zirriborratu genituen, eta orain sakon aztertzen ari gara. Hori baita bidea, eta ez kapitalismoak igoarazi nahi dizkigun gailurrak.