Articles du Vendredi : Sélection du 07 juillet 2023

Les dépenses néfastes à l’écologie ont explosé, dit la Cour des comptes
Vincent Lucchese
https://reporterre.net/Les-depenses-nefastes-a-l-ecologie-ont-explose-dit-la-Cour-des-comptes

 

Peu d’argent, peu de suivi… La Cour des comptes dresse un bilan très critique du montant des dépenses publiques consacré à la transition écologique. En parallèle, les dépenses défavorables à l’environnement ont, elles, explosé.

Après le rapport accablant du Haut conseil pour le climat publié fin juin, et celui de l’Autorité environnementale qui estimait en 2022 que la transition n’était « pas amorcée » en France, une nouvelle institution indépendante étrille l’action écologique du gouvernement. Dans une note thématique rendue publique le 6 juillet, la Cour des comptes dresse un bilan très critique de la contribution de la dépense publique à la transition écologique.

En s’appuyant sur les données du projet de loi de finances 2023, la Cour note que « les dépenses favorables à l’environnement ont augmenté de 1 milliard d’euros entre 2021 et 2023 alors que le besoin d’investissement peut être évalué à au moins 10 milliards d’euros [par an] pour la seule transition climatique ». L’effort budgétaire devrait donc être décuplé. Et encore, cette estimation ne prend pas en compte les besoins de financement pour « la protection de la biodiversité, la lutte contre les pollutions ou le développement de l’économie circulaire ».

Plus inquiétant peut-être, les dépenses défavorables à l’environnement ont, elles, explosé, passant de 10,3 à 19,6 milliards d’euros entre 2022 et 2023. Dans la sous-catégorie des niches fiscales, la situation est particulièrement critique. La note recense 7,6 milliards d’euros de niches fiscales défavorables contre 3,7 milliards d’euros de « dépenses favorables ». Mais plusieurs dispositifs majeurs, comme l’exonération de taxe intérieure sur les carburants pour les avions commerciaux, sont exclus du périmètre actuel d’analyse de conséquences environnementales des dépenses publiques. Si ce type de dispositifs était pris en compte, cela « aboutirait à une augmentation de plus de 85 % des dépenses [défavorables] ». Pire encore, en ajoutant les dispositifs « provisoires et ponctuels », la Cour conclut que « le volume des dépenses [fiscales] défavorables a plus que doublé entre 2022 et 2023 ».

Des budgets « verts » amoindris en cours de route

Dans le détail, la juridiction financière dénonce également la manière dont ces financements sont mis en œuvre. Elle souligne le manque de chiffrage précis des politiques environnementales et le décalage entre « des objectifs ambitieux » annoncés par l’État au fil des plans et lois successifs, et le manque de « moyens pour les atteindre ». « Chaque année, la Cour constate, dans son rapport sur le budget de l’État, l’absence de programmation des financements d’infrastructures de transport », se désole-t-elle notamment. Avec pour conséquence des infrastructures « inadaptées » et un service « défaillant » qui entraîne un recul de l’usage des transports collectifs, au profit des véhicules individuels carbonés.

Autre problème : il existe un écart persistant entre les crédits environnementaux votés et ceux effectivement exécutés. Les dépenses favorables ont tendance à perdre du budget en cours de route, tandis que les dépenses défavorables sont légèrement supérieures à ce qu’elles étaient initialement votées. « Des dépenses vertes ont pu être reportées ou remplacées par des dépenses brunes considérées comme plus urgentes ou nécessaires », estiment les auteurs de la note. Des remises sur les carburants sont typiquement pointées comme exemple de mesure accroissant les dépenses défavorables.

Les lois et plans environnementaux se multiplient et s’accélèrent, note l’instance, mais leurs objectifs chiffrés de réduction des polluants ou de décarbonation souffrent d’un manque de données fiables, d’outils de vérification et de contrôles effectifs pour s’assurer de leur mise en œuvre. La rénovation énergétique des bâtiments ou la Politique agricole commune constituent deux chantiers majeurs de la transition qui souffrent de « carences de suivi » dans leurs effets environnementaux.

Généraliser le « budget vert »

Du côté des éléments encourageants, la Cour des comptes se félicite de l’existence du « budget vert ». Depuis 2021, un rapport annexe aux projets de loi de finance doit en effet effectuer une analyse des budgets sous le prisme écologique : c’est ce rapport qui a servi de matière première à la note thématique présentée par la Cour des comptes.

Cet outil budgétaire innovant est toutefois encore limité : seuls 10 % des dépenses budgétaires de l’État sont cotées par « favorables » ou « défavorables » par ce prisme. La note recommande une prise en compte plus systématique de l’impact environnemental dans les décisions budgétaires. Un « budget vert » plus large et plus précis « pourrait devenir un instrument de pilotage environnemental, utilisé à toutes les étapes de la gestion budgétaire ». La note formule aussi le vœu que la dimension verte soit prise en compte dans les procédures d’arbitrages budgétaires et guide l’administration dans la gestion concrète des crédits en cours d’année.

La Cour conclut sur quelques recommandations, dont la mise en place d’un suivi annuel, qui permettrait de confronter les objectifs annoncés aux résultats obtenus. La note prend l’exemple de l’objectif annoncé de réduction de 15 % de la production des déchets ménagers par habitant entre 2010 et 2030… mais qui suit jusqu’à présent une trajectoire linéaire, c’est-à-dire une diminution nulle.

Est enfin recommandé le renforcement des études d’impact environnemental préalables aux projets de loi, aujourd’hui trop souvent bâclées. « Les études d’impact ne comportent ni objectifs chiffrés, ni indicateurs établis pour servir à l’évaluation ultérieure de la politique, ni estimation du coût climatique de la mesure (…) ou du coût des mesures alternatives. » Un appel à la rigueur bienvenu au moment où — selon un rapport de l’économiste Jean Pisani-Ferry et de l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz — la France devrait, chaque année et d’ici 2030, mobiliser 34 milliards d’euros pour financer la transition climatique.

Camille Etienne : « Je suis née dans l’urgence climatique »
Aude Ferbos
www.sudouest.fr/environnement/declic/camille-etienne-l-urgence-climatique-est-partout-n-attendons-pas-un-declic-15797492.php

À 25 ans, Camille Étienne est l’un des figures montantes du militantisme écologique. La jeune femme appelle à la désobéissance et au soulèvement, chacun à sa manière, pour répondre aux défis environnementaux

Elle a grandi sur les glaciers du Parc de la Vanoise, au- dessus de Grenoble. Après des études à Sciences Po, mais aussi de philo, un master d’économie et une année à la fac d’agriculture et d’agroforesterie de Finlande, Camille Étienne se définit comme une « militante activiste pour la justice sociale et climatique ». Passionnée de montagne et de navigation, elle signe « Pour un soulèvement écologique » (1). Un livre qu’elle a présenté mercredi 28 juin à la station Ausone (librairie Mollat) à Bordeaux devant une salle comble et enthousiaste.

Vous avez tout juste 25 ans, et après un court-métrage, vous signez déjà un premier essai. Camille Étienne, qui êtes- vous ?

Je me définis comme activiste pour la justice sociale et climatique. C’est important pour moi de lier engagement social et engagement climatique pour montrer qu’il s’agit là de corps qui s’abîment, qui sont menacés, qui prennent des décisions. Le climat n’est pas quelque chose qui flotte au-dessus de nos têtes de manière indéfinie, ce n’est pas non plus quelque chose d’ordre divin qui nous tomberait dessus, j’essaie de donner une corporalité à l’urgence climatique.

Justement, quelle est votre définition de l’écologie ?

Les chercheurs rappellent que l’écologie est une discipline : c’est la science des relations entre les espèces humaines et non humaines, c’est ce qui nous lie. Ce n’est en rien l’apanage du climat, de l’environnement, de la météo ou seulement de la bio- diversité.

Le concept d’environnement nous exclut, puisque c’est justement ce qui est autour de nous. Alors qu’au contraire, nos corps sont menacés, on retrouve des microplastiques dans le lait maternel, nos aînés meurent des canicules en 2023 etc…

Vous êtes passée par Sciences Po notamment. Comment avez-vous construit votre parcours ?

Pour citer Merleau-Ponty, « penser est un acte de chair ». Pour moi, c’est une dialectique constante entre mes lectures, les rencontres et des actions.

Concrètement, j’ai grandi dans une famille d’alpinistes, dans le parc de la Vanoise, la question de la nature faisait partie de notre quotidien : on a des photos de toute la famille, à différentes générations, sur le même glacier avec des rites de passage.

J’ai grandi avec la conscience que je serai peut-être la première génération à voir la disparition des neiges éternelles.

Avez-vous eu un déclic écologique ?

Non, je n’ai pas souvenir d’avoir eu comme un réveil. De fait, je suis née dans l’urgence climatique ; sur le buzzer de l’horloge, chaque année il y avait de moins en moins d’insectes, il faisait de plus en plus chaud. Je me suis construite avec ça.

Mais c’est aussi une posture politique. Si on se positionne dans cette mythologie du déclic alors on l’attend et on ne le provoque pas. L’urgence climatique est partout. N’attendons pas ce déclic, ayons plutôt le courage d’avoir un regard lucide sur le monde.

Face à cette urgence climatique et à l’emballement de la situation, comment ne pas céder à l’impuissance ?

Ce qui crée l’impuissance, c’est de se tromper dans la distinction entre les mythes et les fictions. La seule réalité avec laquelle on ne peut négocier ce sont les limites planétaires : il y en a neuf, on en déjà dépassé six.

Reste à savoir comment on habite le monde, la question demande du travail, du temps, mais n’oublions pas c’est une histoire qu’on se raconte. Par exemple, on s’accorde sur l’idée qu’un billet de dix euros vaut dix euros, c’est une fiction pratique pour diluer le change, mais si on la refuse, elle ne marche plus. On peut renoncer et désobéir à une fiction qui menace nos conditions d’existence.

D’où la nécessité de se soulever ?

Cette nécessité est vitale pour les gens que je rencontre dans mon activisme : tous les trois jours, un activiste environnemental est tué, notamment au Brésil ou en Amazonie. Mon quotidien c’est de rencontrer ces activistes. En Ouganda par exemple, ils sont en première ligne. Certains d’entre eux assistent à la disparition de leur pays, doivent quitter leurs terres. Dans leurs yeux, je vois notre responsabilité, nous qui vivons dans un pays où il est encore permis de contester sans risquer la peine de mort.

Justement, parlons-en : comment réagissez-vous à l’annonce de la dissolution des Soulèvements de la terre ?

Ce soir, je devais être à un rassemblement de soutien, avec des intellectuels comme Annie Ernaux. Qu’on soit d’accord ou pas avec les méga-bassines, le Lyon-Turin, l’idée que la contestation ne soit plus permise dans notre démocratie devrait tous nous insurger. Sinon on se retrouve dans un état totalitaire ; et il n’y a alors pas d’autre choix que la violence. Si on veut garder une écologie de la paix, il faut laisser la contestation s’exprimer.

Que se serait-il passé si l’État n’avait pas déployé ce dispositif policier pour défendre un trou dans un champ ? Les militants se seraient mis dans ce trou, il ne me semble pas que l’ordre public ait été menacé au point que l’on puisse parler de terrorisme !

Comment envisagez-vous la suite de votre parcours ? L’engagement politique ?

Il y a quelques jours, je suis partie en bateau sans mon téléphone, à mon retour j’avais x appels en absence : une fake news annonçait que j’étais tête de liste aux Européennes pour Europe Écologie Les Verts. C’est faux. D’abord, pour des raisons personnelles, c’est une question de liberté profonde. Et puis, je ne veux pas décider du monde avant de l’avoir habité un peu.

Ensuite, ce que je fais est déjà politique, mais pas partisan. Les mouvements sociaux constituent un contre-pouvoir animé uniquement par l’intérêt général, hors de toute logique de loyauté à un parti.

Pour finir, vouloir imposer des sujets à l’agenda prend du temps et demande une obsession : si on s’occupe des affaires de la cité, on ne peut pas travailler une idée émergente. Par exemple, quand j’ai travaillé sur l’exploitation minière des fonds marins pendant deux ans, je n’ai pas répondu à une interview si je ne pouvais pas aborder le sujet, idem avec les décideurs. C’est comme ça qu’on peut avoir des vraies victoires, et ça marche !

«Pour un soulèvement écologique. Dépasser notre impuissance collective », de Camille Étienne, éd.du Seuil, 176 p., 18

À rebours de l’agro-industrie, une ferme développe les semences paysannes de demain
Nils Hollenstein
https://basta.media/a-rebours-de-l-agro-industrie-une-ferme-developpe-les-semences-paysannes-de-demain

Dans un village des Hautes-Alpes, une ferme maraîchère a fait le choix des semences paysannes dans une démarche collective. Une manière de résister à l’industrie semencière tout en développant des productions adaptées au climat local. Reportage.

Située à 700 mètres d’altitude, la commune de La Bâtie-Montsaléon est caractéristique du département majoritairement montagnard des Hautes-Alpes. « Ce n’est ni la Provence, ni la Savoie, mais un territoire unique au niveau des conditions climatiques », loue Samuel Genas.

L’homme de 39 ans est l’un des trois associées de la ferme Sarriette et Roquette, installée dans le village de 250 habitantes. L’exploitation est gérée collectivement avec deux autres associées, Anne Aït-Touati et Maïa Gordon, et mise sur une variété de cultures maraîchères biologiques, mais aussi sur la vente de plants, d’œufs, d’épices, d’aromatiques et de semences « paysannes ».

Les semences paysannes sont directement sélectionnées et reproduites librement par les agriculteurices dans leurs propres champs. Elles ne sont pas préalablement issues de semences certifiées achetées à un semencier. Parfois, on parle aussi de « variétés anciennes ». Mais Samuel Genas rejette ce terme. « Aujourd’hui, c’est un terme accaparé par l’industrie agroalimentaire et utilisé comme argument marketing », explique-t-il.

Mainmise de l’industrie semencière

Dans le territoire de La Bâtie-Montsaléon, avoir recours à des semences paysannes n’a rien d’un discours publicitaire. C’est une exigence du lieu. « Aucune variété industrielle de semence n’est développée pour être adaptée à notre climat, précise l’agriculteur. Les semences industrielles ne sont pas adaptées à tous les contextes. Et pour exprimer tout leur potentiel, il leur faut nécessairement des béquilles chimiques comme les pesticides », ajoute Samuel Genas.

Ces semences promues par l’agro-industrie sont appelées « variétés hybrides F1 » et sont majoritairement développées par six multinationales : Bayer, Corteva Agriscience, ChemChina/Syngenta, BASF, Limagrain/Vilmorin et KWS. Des multinationales des semences qui sont également pour plusieurs d’entre elles des mastodontes des pesticides.

En 2018, Syngenta, Bayer, Corteva et BASF contrôlaient à elles seules 70 % de la production mondiale de semences. Ces semences industrielles peuvent sembler attractives sur le papier : elles conjuguent des caractéristiques issues du croisement de deux variétés. Mais la réalité est moins rose.

Exclusion du catalogue officiel

Les plantes issues de ces semences présentent bien les caractéristiques promises la première année, mais ce ne sera plus le cas les années suivantes. Les agriculteurices se retrouvent alors contraintes de racheter cette même variété chaque année pour conserver ces caractéristiques. La situation est profitable pour les multinationales semencières, moins pour les paysannes.

La puissance de l’industrie semencière est favorisée par la réglementation actuelle qui prévoit un ensemble strict de trois critères pour la sélection des semences commercialisables. Le « DHS », pour « distinction » par rapport aux variétés existantes, « homogénéité » des plantes produites, et « stabilité » pour dire que ces semences n’évoluent pas selon l’environnement.

Les semences qui répondent à ces trois critères peuvent intégrer une des listes du « catalogue officiel » des variétés. Celui-ci exclut les semences paysannes, qui sont hétérogènes et évoluent pour s’adapter à leur environnement.

Un programme régional

« Actuellement, l’adaptation au changement climatique est un des arguments avancés pour rendre acceptables les nouveaux OGM. Mais face au caractère imprévisible du changement climatique, ce sont plutôt les semences paysannes qui sont les plus indiquées pour cela », défend Samuel Genas.

La ferme de Samuel, Anne et Maïa a rejoint depuis peu le programme régional DiversiGo, qui vise à développer des semences paysannes pour s’adapter au changement climatique, en lien notamment avec l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut pour la recherche et le développement.

La tomate est une des cultures maraîchères choisies pour ce programme. Samuel Genas est plutôt fier de la serre de sa ferme qui en accueille différentes variétés, comme la « cornue des Andes », la « cœur-de-bœuf » ou la « kaki coing ». « Certaines variétés étiquetées comme telles en supermarché n’en sont que de pâles copies », accuse le maraîcher.

La sélection des variétés de tomates se fait selon les souhaits des maraîchères et maraîchers prenant part au programme. « Les variétés populations que nous avons choisies de cultiver pour leur goût, leur rendement et leur calibre arrivent à maturité un peu tard pour la saison touristique, explique Samuel Genas. L’idée du programme de sélection est de progressivement gagner en précocité tout en gardant les autres propriétés qui nous plaisent. » D’autres critères seront établis par la suite, au fil de l’expérimentation et des besoins.

Une dimension collective

Les semences paysannes ne reposent pas seulement sur des initiatives individuelles isolées. « Pour que les semences paysannes se développent, il faut qu’elles s’échangent, circulent et soient cultivées dans différents milieux », souligne Marie Mokrani, animatrice au sein du Réseau Semences Paysannes. La dimension collective est intrinsèque au travail de sélection.

La concrétisation de cette démarche s’est traduite en 2017 par la création d’une Maison des semences paysannes des Hautes-Alpes, nommée Graine des montagnes. « Les maisons de semences paysannes s’inspirent des banques de semences communautaires d’Amérique du Sud et se développent continuellement depuis les années 2000, détaille Marie Mokrani. Elles permettent de créer un cadre collectif pour l’échange de semences. Les modèles sont divers. Certaines n’accueillent que les paysans, d’autres que les jardiniers. Certaines se spécialisent en semences potagères ou seulement en céréales. »

À Graine des montagnes, les semences sont potagères puisque quatre fermes maraîchères, dont Sarriette et Roquette, sont à l’origine du projet. Ces mêmes fermes fournissent une partie de leur production de semences à l’association.

L’esprit est au collectif : les adhérentes de Graine des montagnes ont par exemple autoconstruit une colonne « densimétrique ». Cet équipement permet de séparer les résidus des semences elles-mêmes. La machine est mise à disposition des adhérentes et peut donc passer de ferme en ferme ou centraliser le tri de semences, selon les besoins.

L’initiative peine toutefois à fédérer plus largement, déplore Samuel Genas. « On essaye de convaincre les maraîchers de la région d’abandonner leurs variétés hybrides pour des variétés populations, décrit-il. Mais ce n’est pas facile, car certains maraîchers restent méfiants, peut-être parce qu’ils ont peur de sortir de quelque chose qu’ils connaissent et qui marche pour eux. »

 

 

 

Herri zaurgarrienek zorpeturik segituko dute finantza sistema berrian ere
Jenofa Berhokoirigoin
www.argia.eus/argia-astekaria/2832/herri-zaurgarrienek-zorpeturik-segituko-dute-finantza-sistema-berrian-ere

Berrogeita hamar bat gobernutako ordezkari, nazioarteko finantza-egitura esanguratsuenak, hainbat enpresa pribatu eta Gobernuz Kanpoko Erakunde zenbait batu dira Parisen, ekainaren 22an eta 23an, mundu mailako finantza itun berri bat adosteko asmoz. Orain arteko joko-arauak zaharkituak eta bidegabeak direla onarturik, baita klima larrialdiaren testuinguruari egokitu beharraz ere kontziente, “sakonki erreformatzea” zuten helburu. Ez da horrelakorik gertatu: orohar, erabakiguneetan herri pobreenek segitu behar lukete pisu gutirekin eta beraien kaltera harturiko erabakiak pairatzen.

Klima aldaketak mehatxaturiko Karibeko Barbados uharteko Lehen ministro Mia Mottley dugu Parisen buruturiko topaketaren sustatzaileen artean. Munduaren Hegoko hainbat herri pobreen gisara alarma pizten dabilena dugu Mottley: klima larrialdia bete-betean pairatzen hasiak dira eta ez dute horri aurre egiteko baliabide finantzariorik. Alta, badakigu ez direla beroketa efektuaren oinarrian: V20 edo Vulnerable Twenty (“Hogei zaurgarriak”) taldea osatzen duten 58 estatu zaurgarrienak –tartean, Barbados uhartea– gas isurketen %5aren oinarrian dira. NBEren arabera, 2030 arte, urtero 140.000 eta 300.000 milioi dolar artean beharko dituzte klima aldaketari egokitzeko eta 2030etik aitzina urtero 280.000 milioi eta 500.000 milioi dolar artean. Adibidez, Pakistango iazko uholdeek 30 milioi herritar kaltetu zituzten eta ofizialki 30.000 milioi dolarreko gastuak eragin zituzten.

Hori horrela, 1944az geroztik munduko moneta eta finantza sistema arautzen duen Bretton Woodseko ituna zaharberritzeko asmoz elkartu ziren berrogeita hamar bat gobernu ordezkari, finantza arloko eragile nagusiak –Munduko Bankua, Nazioarteko Diru Funtsa, garapenerako banku unilateralak,…–, enpresa pribatu zenbait, kliman adituak diren zientifiko batzuk eta hainbat Gobernuz Kanpoko Erakunde. Antolatzaile zen Frantziako presidente Emmanuel Macronek finantza-sistema “errotik erreformatzeko” asmoa plazaratu zuen hastapeneko hitzartzean. “Greenwashing-aren eta iruzur klimatikoaren gailurra” izan zen Attac elkartearen arabera, eta beste behin ondorio bera atera dezakegu nazioarteko hitzordu horretatik: egoera klimatiko, ekonomiko, sozial eta finantzarioak eskatzen duen konpromiso eta aldaketa heina ez da hartu.

Mundu mailako finantza sistemaren “erabateko aldaketa” espero bazuen ere Mottleyek, maleruski, horrelakorik ez da gertatu. Bridgetown-eko iniziatiba deituriko proposamen-multzoa esku artean bertaratu zen, baina gehienei ez zaie segidarik eman. Ondoko proposamenak biltzen ditu dokumentu horrek: klimaren desafioari begira herri aberatsek diruz laguntzea pobreenak; zorrari dagokionez, egoera berriari egokitzea, demagun interes tasak ttipituta edo tarte batez deuseztatuta –ez da zorraren ezeztatzerik aipatzen–; enpresa pribatuen esku-hartze finantzarioa emendatzea; maileguak jasotzeko aukerak zabaltzea; finantza-instituzioetako ordezkaritzan aldaketak bideratzea, Hegoko eta Iparreko herrien ordezkaritza orekatuagoa bihurtzeko; eta zerga berriak adostea, tartean, fosil erregaien gainekoa.

Luiz Inacio da Silva Lula Brasilgo presidenteak ere gogor hitz egin zuen gaur egungo joko-arauen aurka: “Ezin dugu klimaz hitz egin, desberdintasun sozialei begiratu gabe. (…) Instituzioak ez baditugu aldatzen munduak berdin funtzionatzen segituko du eta aberatsak are aberatsago izanen dira eta pobreak are pobreago”. Hainbat GKEk ere dute instituzioen eraldaketa galdatzen: “Iraganeko hutsak ez errepikatzeko gisan, Hegoko herriak hobeki ordezkatuak izan behar dira, ahots ozenagoa behar dute finantza erabakietan. Instituzioak dekolonizatu behar dira, eskubideak eta herritarren beharrak erdigunean ukanen dituzten instituzio gardenez eta demokratikoez ordezkatu behar dira”.

 

 

 

 

 

Sistema desorekatu horren adibide dugu, demagun, Igorpenerako Eskubide Bereziak deitu prozesua –estatuen diru erreserbak osatzeko aukera dakarrena–. Herri pobreenek 22.000 milioi dolar jaso dituzte eta G7ko zazpi estatu aberatsek 280.000 milioi dolar. Hots, herrien arteko desberdintasunak areagotu besterik ez ditu egiten gaur egungo sistemak, estatuaren aberastasunaren arabera banatzen dituelako eskubide horiek. Nola ez aipa, herri zaurgarrienak zaurgarri mantentzen dituen zorren sistema. Munduko Bankuak zein Nazioarteko Diru Funtsek prestatu maileguen baldintzak bidegabeak dira: herri aberatsendako interes tasa apalak baldin badira, herri txiroenentzat izugarri altuak dira –Kanadarentzat %2,7 ingurukoa du Munduko Bankuak, Haitirentzat %13,3koa eta Angolarentzat %20,1ekoa, adibidez–. Gain-gastu horiengatik eta mailegua ordaindu ahal izateko harturiko mailegu berriak direla eta, Hegoko herri pobreek 18 aldiz ordaindu dute 1980an zor zutena. Zorraren deuseztatzea da Hegoko herri pobreek galdetzen dutena, dirua horretara bideratu beharrean, zerbitzu publikoen garapenerako, txirotasuna borrokatzeko edota trantsizio ekologikorako erabili ahal izateko.

Zorra ordaintzen, trantsizio ekologikoan inbertitu ordez

Horrelakorik ez dute adostu Parisko gailurrean. Hala ere, “hondamendiaren klausula” sortzea onartu dute: hondamendi klimatikoa pairatuz gero, zorraren ordainketa gelditua izanen zaie tarte baterako, lehentasunez kalteen konponketara bideratzeko dirua.

Klima aldaketari egokitzeko eta trantsizio ekologikoa bideratzeko jasotzen dituzten finantzazioak mailegu bidez direla salatzen dabil herrien zorpetzearen aurka borrokan dabilen CADTM taldea: diruztatze horien %71 mailegu bidez da, hots, interesak ere ordaindu behar dituzte, are gehiago sakonduz zorraren zurrunbiloan. Horrek zer erran nahi du? Klima aldaketaren oinarrian ez badira ere, hondamendia pairatzen dabiltzala, eta gainera, dirua bideratzen dabiltzala larrialdiaren erantzule nagusi diren herri aberatsei.

Pariseko bileran berretsi dute behingoan errespetatuko dutela 2009an harturiko –baina inoiz bete ez duten– konpromisoa: herri aberatsenek zaurgarrienei urtero 100.000 milioi dolar banatuko dizkiete. Baina betikoa, dirutza hori ez da emaitza gisa bideratuko, baizik eta mailegu bidez.

Gaur egun, 9.000.000 milioi dolarrekoa da herri zaurgarrienen zorra –bikoiztu egin da azken hamar urteetan–. Ondokoa ere gehitzen du CADTMek: “Zorra da berotze globalaren aliatu onena, garapen bidean dauden herrialdeak esportazio, nekazaritza intentsibo eta estraktibismoarekin jarraitzera behartzen dituelako, zorra dolarretan ordaindu ahal izateko”.

Hori horrela, are kezkagarriagoa da jakitea enpresa pribatuen esku-hartzea eskatu dutela Parisetik. “Publikotik euro bat ezarriko dugun aldi oro, euro bat gehituko zaio esfera pribatutik”, Macronen hitzetan. Badakigu enpresa pribatuak Hegoko herrietako baliabide naturalei begira direla –gasa, mineralak, metalak ala petrolioa–, eta errazki irudikatu dezakegu multinazional aseezinek egin ditzaketen xantaiak eta azpijokoak… Klima aldaketa bihurtuko da beraz herri eta multinazional aberatsek aberasteko baliatuko duten drama. Zaurgarrienak pobreziaren zurrunbiloan atxikita. Zaharrak berri beraz finantza-sistema berrian.