Articles du Vendredi : Sélection du 04 octobre 2019


Lubrizol : le préfet a donné son feu vert à des augmentations de capacités sans évaluation environnementale
Laurent Radisson Journaliste : Rédacteur en Chef délégué aux marchés HSE
www.actu-environnement.com/ae/news/lubrizol-rouen-stockage-produits-dangereux-autorisation-prefet-evaluation-environnementale-etude-dangers-34125.php4

Profitant d’assouplissements de la réglementation mis en œuvre par le gouvernement, le préfet a autorisé en début d’année une augmentation de capacité des produits dangereux dans l’usine de Rouen à l’origine de l’accident industriel.

La réglementation des installations classées a fait l’objet de nombreux assouplissements ces dernières années qui pourraient ne pas être étrangers à l’accident survenu dans l’usine de Lubrizol de Rouen le 26 septembre.

En juin 2018, le gouvernement a publié un décret qui réduit le périmètre des projets soumis à évaluation environnementale. Parmi les installations concernées figurent les installations Seveso, qui constituent les installations les plus dangereuses au sein de l’Union européenne, du fait de la quantité de produits dangereux qu’elles mettent en œuvre. Malgré cela, l’exécutif a décidé de soustraire les modifications de ces établissements à une évaluation environnementale systématique pour les soumettre à une procédure d’examen au cas par cas.

Jusqu’à la loi Essoc d’août 2018, cet examen relevait dans tous les cas d’une autorité environnementale indépendante. Mais cette loi de simplification a donné cette compétence au préfet lorsque le projet consiste en une modification des installations, et non une création. Une compétence que le gouvernement aimerait étendre, via la loi énergie-climat en attente de promulgation, à l’ensemble des examens au cas par cas.

Deux demandes successives d’augmentation

L’établissement Lubrizol de Rouen a bénéficié de ces assouplissements. L’exploitant a présenté deux demandes successives d’augmentation des quantités de substances dangereuses le 15 janvier et le 19 juin 2019. Conformément à la loi Essoc, c’est donc le préfet qui s’est prononcé sur les demandes et non l’autorité environnementale indépendante. Dans les deux cas, il a considéré qu’il n’y avait pas lieu à évaluation environnementale.

Comme le rappelle le CGDD dans son tout récent guide de lecture de la nomenclature des études d’impact, “si la modification est soumise à évaluation environnementale (…), elle nécessitera en conséquence une nouvelle autorisation”. A contrario, les modifications non soumises à évaluation n’en nécessitent pas. Or, l’absence de nouvelle autorisation signifie aussi l’absence d’étude de dangers systématique, même si le préfet est toujours en mesure d’en exiger une. Contactée par Actu-Environnement, la préfecture n’est pas en mesure d’indiquer si une telle étude, destinée à prendre en compte les nouveaux risques liés à ces augmentations de capacité, avait été ou non réalisée par l’exploitant.

Utilisation de bacs en multi-produits pour l’atelier mélange

Sur quoi portaient les deux demandes de Lubrizol ? La première portait sur une augmentation des quantités de substances stockées sur le site : 1.598 tonnes supplémentaires au titre de la rubrique 1436 (Substances inflammables) de la nomenclature des ICPE, 36 tonnes au titre de la rubrique 4140 (Toxicité aiguë), respectivement 984 et 1305 tonnes au titre des rubriques 4510 et 4511 (Dangereux pour l’environnement aquatique). La modification prévoyait “l’utilisation de bacs en multi-produits pour l’atelier mélange“, ainsi que la possibilité de “stocker dans les bâtiments et zones de stockage existantes du site de nouveaux produits”. L’analyse du formulaire de demande faite par l’exploitant montre qu’il s’agit en fait d’une demande de régularisation d’une augmentation de capacité déjà réalisée. Pourtant, la réglementation exige que toute modification notable de l’installation fasse l’objet d’une demande préalable à la préfecture qui doit donner son feu vert avant sa réalisation.  La deuxième demande portait sur le stockage de 240 “ISO Containers”, récipients de stockage destinés à être manutentionnés d’une capacité totale de 4.800 tonnes, dont 600 tonnes de produits classés sous trois rubriques (1436, 4510 et 4511) communes avec celles ayant fait l’objet de la première augmentation. L’installation prévoyait également la mise en œuvre de 24 postes de réchauffage destinés à modifier la viscosité des produits.

Contrairement à la première demande consistant en une régularisation, cette deuxième prévoyait une phase de travaux incluant notamment la démolition d’un bâtiment amianté et plombé. La motivation de Lubrizol était de réduire les coûts liés au stockage des containers jusque-là réalisé sur le port du Havre puis dans une entreprise de stockage. Là aussi, la préfecture n’est pas en mesure de dire si ces travaux avaient déjà été mis en œuvre par l’exploitant avant l’accident.

Chacune des deux décisions préfectorales prend soin de préciser que l’établissement relève déjà du seuil haut de la directive Seveso et que les augmentations de capacités ne conduisent pas à de nouveaux franchissements de seuils de la directive, qui auraient donné lieu à une nouvelle autorisation. Pourtant, si l’on cumule les capacités des deux augmentations successives, on parvient à des quantités supérieures au seuil haut des deux rubriques contribuant au classement Seveso : 1034 tonnes pour la rubrique 4510 (seuil haut à 200 t), 1605 tonnes pour la rubrique 4511 (seuil haut à 500 tonnes). Si le préfet n’a pas exigé une nouvelle procédure d’autorisation de la part de l’exploitant, il a pris un arrêté le 24 juillet dernier pour “mettre à niveau les dispositions applicables (…) en matière de prévention des risques technologiques” avec le nouveau stockage de produits classés en ISO containers.

On sait que l’incendie est parti d’une zone de stockage, alors que les augmentations de capacités portaient également sur une telle zone. La préfecture se retranche toutefois derrière l’enquête judiciaire pour refuser de répondre sur un probable lien entre ces deux éléments.

Grand chantier de simplification

C’est une belle illustration de la régression constante du droit. On exempte d’étude d’impact et d’étude de dangers des installations Seveso seuil haut en agglomération en outrepassant l’autorité environnementale“, dénonce Gabriel Ullmann, docteur en droit.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé le 29 septembre une transparence totale sur l’accident. Quant au ministre de l’économie Bruno Le Maire, il a jugé utile de revoir les règles d’implantation des usines sensibles.

Les dernières annonces du gouvernement n’allaient toutefois pas dans ce sens. Le 16 septembre, Matignon annonçait un élargissement du régime d’enregistrement pour des entrepôts allant jusqu’à 900.000 m3. Ce qui signifie la fin des études d’impact et des études de dangers pour ces installations. Le 23 septembre, trois jours avant l’accident de Lubrizol, Edouard Philippe annonçait également un grand chantier de simplification pour accélérer les projets industriels dans les territoires. Parmi les propositions ? Autoriser le démarrage d’une partie des travaux sans attendre… l’autorisation environnementale.

Gaz à effet de serre : le bilan peu reluisant des sociétés du CAC 40 depuis l’Accord de Paris
Olivier Petitjean
www.bastamag.net/Climat-rechauffement-CAC-40-entreprises-emissions-CO2-gaz-effet-de-serre-greenwashing-accord-de-Paris

Qu’ont accompli les grandes entreprises françaises depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat ? Pas grand-chose. Rares sont les grands groupes, malgré leurs beaux discours, qui ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre. Pire, certains ont considérablement aggravé leur niveau de pollution. C’est ce que montre l’analyse effectuée par l’Observatoire des multinationales dans la deuxième édition du « Véritable bilan annuel des grandes entreprises françaises ». Passage en revue.

Fin 2015, la communauté internationale réunie à Paris pour la COP 21 signait l’Accord de Paris pour le climat. Les grandes entreprises françaises se sont empressées de le saluer et de s’en revendiquer, dans un bel élan d’unanimité. Tout le CAC 40 le cite dans ses documents de communication, reprenant à son compte ses objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre et de maintien du réchauffement des températures globales en deçà de 2°C, et si possible de 1,5°C. Quelques jours avant la COP 21, 39 grandes entreprises françaises avaient rendu public un « Manifeste pour le climat ».

Il y a quelques semaines à nouveau, 99 d’entre elles ont publiquement endossé l’« Engagement des entreprises françaises pour le climat » lors de l’université d’été du Medef, qui évoque le besoin d’une « baisse drastique » des émissions de gaz à effet de serre « de la planète »(sic).

Presque quatre ans plus tard, il est plus que temps de confronter les discours aux actes. Depuis l’Accord de Paris, le CAC40 a-t-il effectivement commencé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre ? C’est ce que nous avons tenté de savoir, dans le cadre de la préparation du « Véritable bilan des grandes entreprises françaises », dont nous publions la deuxième édition ce 26 septembre. Les chiffres ci-dessous en sont tirés, en avant-première.

Seulement un tiers du CAC40 a réduit ses émissions depuis la COP21

Si l’on considère les chiffres publiés par les entreprises elles-mêmes (souvent partiels, nous y reviendrons), la réponse à notre question est plus que mitigée. En réalité, selon leurs propres données, moins d’un tiers des entreprises de l’indice boursier parisien – treize exactement – ont effectivement réduit leurs émissions de gaz à effet de serre entre 2016 et 2018. 22 entreprises du CAC ont augmenté leurs émissions sur la période, et les cinq dernières ne publient toujours pas d’informations claires à ce sujet (comme Safran ou Michelin), ou ont modifié leur mode de calcul, rendant impossible toute comparaison dans le temps.

Parmi les firmes qui ont le plus augmenté leurs émissions de CO2 depuis l’Accord de Paris, on trouve PSA (+60 %), L’Oréal (+54%), les géants du luxe Hermès (+32 %), Kering (+17 %) et LVMH (+26 %), ou encore le Crédit agricole et l’équipementier automobile Valeo (+ 27 % chacun) [1]. Une poignée de firmes ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre de plus de 10 % depuis la COP 21 : Atos (-12 %), Pernod Ricard (-16 %), Publicis (-25 %) et surtout Engie (-27 %) grâce à un programme volontariste de cession de ses actifs dans le charbon. Ce sont les seuls qui semblent avoir effectivement commencé à mettre œuvre cette « baisse drastique » dont parle le Medef. Visiblement, une majorité de grandes entreprises françaises sont prêtes à réduire les émissions de gaz à effet de serre « de la planète », mais pas les leurs.

Engie : des cessions controversées

Un point semble positif : les émissions cumulées de gaz à effet de serre déclarées par le CAC40 sont globalement orientées à la baisse, passant de 1,15 milliard de tonnes de carbone en 2016 à 1,08 milliard, soit une baisse de 7 %. Mais cette diminution globale est principalement le fait des deux groupes énergétiques Engie et Total, qui pèsent déjà très lourdement dans les émissions du CAC (plus des deux tiers) : -27 % pour Engie et -4 % pour Total. Si l’on enlève Engie, les émissions cumulées du CAC 40 sont stationnaires depuis l’Accord de Paris, à -0,02%. Si l’on enlève également Total, elles sont en hausse de 4,3 %. EDF, qui ne fait plus partie du CAC40, a également réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 1,3%.

Comment Engie a-t-elle réduit de plus d’un quart sa pollution au CO2 ? Avec plusieurs dizaines de centrales électriques dans le monde fonctionnant au charbon, Engie était en 2015 un champion toute catégorie de cette source d’énergie très polluante. Le charbon représentait alors 15 % de son mix énergétique. Aujourd’hui, cette part n’est plus que de 4 %. Engie s’est-elle enfin convertie à la transition énergétique ? Hélas, pas vraiment. Au grand dam des écologistes, Engie se contente généralement de revendre ses centrales à d’autres plutôt que de les fermer ou de les reconvertir.

Au final, ces cessions n’apportent donc absolument aucun bénéfice pour le climat puisque les firmes ou les fonds d’investissement qui rachètent les centrales risquent fort de les exploiter à outrance pour rentabiliser leur investissement. En janvier 2019 par exemple, Engie a revendu ses centrales au charbon situées en Allemagne et aux Pays-Bas au fonds américain Riverstone Holdings pour 200 millions d’euros. Engie, qui détient encore plusieurs centrales charbon un peu partout dans le monde, vient d’ailleurs d’en inaugurer une nouvelle en toute discrétion, dans le port de Safi au Maroc, construite en partenariat avec la holding de la famille royale marocaine.

Total : un cynisme de plus en plus difficile à cacher

Et Total ? La compagnie pétrolière s’est attachée à se construire une image d’entreprise engagée pour le climat. Le groupe français a fait plusieurs acquisitions dans des secteurs liés à la transition énergétique. Il a publié en 2016 une « stratégie climat » censée démontrer qu’il pouvait poursuivre ses activités dans les hydrocarbures tout en restant sur une trajectoire compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris.

Un tel tour de passe-passe ne pouvait faire illusion qu’au prix de quelques manipulations, comme la promotion du gaz (et notamment du gaz de schiste) comme énergie « bas carbone », ou encore l’hypothèse implicite d’un déploiement massif, dans l’avenir, de technologies de « capture et stockage du carbone » pour retirer le CO2 émis par Total de l’atmosphère. Or ces technologies n’existent pas aujourd’hui, et beaucoup pensent qu’elles ne seront jamais viables [2]. Dans le même temps, Total a continué à ouvrir de nouveaux gisements de pétrole et de gaz partout dans le monde, de l’Arctique au Brésil.

Un tel grand écart est évidemment de plus en plus difficile à cacher. Le premier « plan de vigilance » publié par le groupe en 2018, dans le cadre de l’application de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales, ne mentionnait même pas le changement climatique parmi les risques liés à son activité. Dans les documents publiés à l’occasion de l’assemblée générale annuelle de ses actionnaires en 2019, Total prétend inscrire sa stratégie de développement dans le cadre d’un scénario de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) limitant le réchauffement des températures à 2°C à l’horizon 2100. Mais à d’autres pages, le groupe pétrolier admet se baser sur un autre scénario menant vers un réchauffement compris entre 2,7 et 3,3°C…

En 2018, selon une analyse effectuée par l’association Notre affaire à tous (lire notre article), les investissements de Total dans le pétrole et le gaz se sont élevés à 9,2 milliards de dollars en 2018 – contre seulement 0,5 milliard dans le secteur décrit comme « bas carbone ». Pour ces raisons, 14 collectivités locales françaises soutenues par des ONG – suivant l’exemple de leurs homologues aux États-Unis et ailleurs – menacent de traîner Total devant les tribunaux pour manquement à son devoir de vigilance quant aux conséquences du changement climatique.

L’industrie automobile, nouveau mouton noir du climat

Si des firmes comme Total, Engie ou EDF ont fait l’effort, au moins en apparence, de réduire leurs émissions, ce n’est pas le cas d’autres secteurs, moins surveillés, comme l’industrie automobile. Au moment de la COP 21, les constructeurs étaient en train de miser à fond sur le développement des gros véhicules 4×4 ou « SUV ». Ils représentent aujourd’hui un tiers des ventes de voitures neuves. Problème : en plus d’être dangereux et sources de nuisances dans l’espace urbain, ces véhicules émettent d’énormes quantités de gaz à effet de serre. De sorte que les émissions du secteur sont parties à la hausse, à l’image de celles de PSA qui ont augmenté de 60% en deux ans. Selon un rapport récemment rendu public par Greenpeace, l’ensemble des véhicules vendus dans le monde en 2018 représente l’émission de 4,8 milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. C’est presque l’équivalent des émissions annuelles des États-Unis. Les ventes 2018 du groupe Renault-Nissan représentent à elles seules 577 millions de tonnes de CO2 émises.

On comprend dès lors que le secteur automobile soit si réticent à l’introduction d’objectifs plus ambitieux de réduction des gaz à effet de serre, comme le souhaiterait l’Union européenne. Début 2019, le PDG de PSA, Carlos Tavares, s’est illustré par son plaidoyer contre des normes trop exigeantes en matière d’émissions de CO2 des véhicules, pour ne pas pénaliser l’industrie. Il vient tout juste de récidiver à l’occasion du Salon de l’automobile de Francfort, allant même jusqu’à dénoncer une « pensée unique » sur le CO2, et suggérant que les objectifs climatiques de l’Union européenne allaient porter atteinte à la « liberté de mouvement ».

Le reste de l’industrie présente un bilan plus contrasté. Le cimentier LafargeHolcim est sorti du CAC40 en 2018. Ses émissions de C02 n’y sont donc plus prises en compte. Le secteur du ciment est pourtant la plus importance source de gaz à effet de serre industrielle après celui du pétrole. Autre industrie particulièrement nocive pour le climat : la sidérurgie. ArcelorMittal présente des émissions stationnaires sur la période (-0,5%). Seule Saint-Gobain voit ses émissions se réduire depuis la COP 21 (-7%), celles des autres acteurs industriels comme Air Liquide ou STMicro étant orientées à la hausse.

Les autres secteurs problématiques : banques, transport aérien, agroalimentaire… et mode

Autre secteur de plus en plus montré du doigt : la finance. Selon Oxfam, en 2016 et 2017, les six plus grandes banques françaises ont orienté près des trois quarts de leurs financements destinés au secteur énergétique vers le charbon, le pétrole et le gaz. Soit 43 milliards d’euros, contre seulement 12 milliards pour les énergies renouvelables sur la même période. BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole sont les principaux pourvoyeurs de fonds aux énergies sales.

Entre janvier 2016 et septembre 2018, selon les Amis de la Terre, les trois poids lourds bancaires français ont encore investi près de 10 milliards dans les entreprises actives dans le secteur du charbon, 50 % de plus qu’au cours de la période 2013-2015 (lire notre article). Et ce, alors même que ces mêmes grandes banques multipliaient les annonces en faveur de leur engagement « vert » ou lançaient un nouveau produit financier « décarboné ».

Le transport aérien est un autre secteur très polluant où la France compte plusieurs champions : le constructeur Airbus, la compagnie Air France, et les gestionnaires d’aéroports Aéroports de Paris (promis à la privatisation) et Vinci. Non inclus dans l’Accord de Paris sur le climat, le transport aérien est aussi l’un des plus résistants à l’adoption de mesures contraignantes de réduction de ses émissions, et continue à miser sur une forte croissance du trafic aérien pour les années à venir. Il préfère mettre en avant des mesures volontaires et des systèmes de « compensation carbone », autrement dit la plantation industrielle d’arbres dans les pays du Sud. La pression de l’opinion et la « honte de prendre l’avion » pourraient forcer l’industrie à revoir ses plans.

L’agriculture industrielle, en particulier l’élevage laitier et bovin, sont également source majeure de gaz à effet de serre au niveau mondial. La France compte ici aussi plusieurs leaders mondiaux, comme Danone ou Lactalis. Les dirigeants de Danone s’affichent volontiers en champions de l’environnement et de la responsabilité sociale, mais les émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise ont augmenté de plus de 20% entre 2017 et 2018.

Enfin, on n’y penserait pas forcément, mais l’industrie de la mode est l’une des plus polluantes de la planète. Selon la Fondation Ellen McArthur, le secteur textile serait responsable de près de 1,2 milliard de tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère par an, d’un tiers de la pollution aux micro-plastiques dans les océans et d’un cinquième de la pollution globale des eaux. Les données environnementales publiées par les trois groupes de luxe du CAC40 confirment la tendance. LVMH a vu ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 11% en deux ans, sa consommation d’eau de 13% d’une année sur l’autre, et la quantité de déchets produits de pas moins de 30% entre 2016 et 2018. Même constat chez Kering : les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 17% depuis 2016, la consommation d’eau de 23%, et la production de déchets de 128% ! Quant aux émissions du groupe Hermès, elles ont augmenté de 24% en un an seulement (émissions directes uniquement).

Des données qui restent incomplètes

Ces chiffres – issus des rapports annuels des entreprises – doivent être maniés avec précaution. Tous les groupes du CAC40 ne déclarent pas leurs émissions de manière complète. Beaucoup mettent en avant des indicateurs sophistiqués qui les mettent en valeur et renvoient les chiffres réels, en valeur absolue, dans des tableaux en petits caractères.

Certaines omettent encore de rendre compte des émissions indirectes occasionnées par leurs activités (les émissions dites techniquement de « scope 3 »), alors qu’elles représentent une proportion significative de leur bilan carbone.

La baisse constatée des émissions directes d’entreprises comme Pernod-Ricard (qui ne déclare aucun chiffre pour son « scope 3 ») pourrait masquer une hausse de leurs émissions indirectes, liée à l’externalisation des activités les plus polluantes. Une analyse plus fine entreprise par entreprise serait nécessaire pour déterminer comment les réductions d’émissions ont été obtenues. Il semble que dans bien des cas le principal moteur de ces baisses ait été soit des cessions comme dans le cas d’Engie, soit le remplacement de sources polluantes (charbon et pétrole) par une source légèrement moins polluante (le gaz) – ce qui pose question quant à la durabilité de ces réductions.

Des firmes comme Carrefour ne déclarent pas toutes les émissions indirectes qu’elles occasionnent. Si Carrefour tenait compte de l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, c’est-à-dire les émissions occasionnées par la production et le transport de toutes les marchandises vendues dans ses magasins, le bilan carbone qu’elle devrait publier dans son rapport annuel serait largement supérieur [3] Quoi qu’il en soit, la tendance générale est on ne peut plus claire. Depuis la COP 21, rien n’a changé ou presque pour les grandes entreprises françaises. La croissance de leur activité et de leurs profits passe toujours avant la préservation du climat.

Notes

[1] Le « Véritable bilan annuel des entreprises françaises », 2ème édition, porte sur le CAC40 dans sa composition à la fin de l’année 2018. Il inclut donc Valeo, qui a depuis été remplacée dans l’indice parisien par Thales.

[2] Sur tout ceci, lire l’analyse détaillée de la stratégie climat de Total effectuée par l’Observatoire des multinationales en partenariat avec l’ONG 350.

[3] Voir à ce sujet Au-delà des effets d’annonce de la COP21, que font réellement les entreprises françaises pour le climat ?.

Ekonomiaren trantsizio ekologikoa. Zergatik? Zertarako? Nola?
Florent Marcellesi
www.mrafundazioa.eus/eu/artikuluak/ekonomiaren-trantsizio-ekologikoa-zergatik-zertarako-nola

Manu Robles-Arangiz Fundazioak Florent Marcellesik idatzi liburu bat argitaratu du: “Ekonomiaren trantsizio ekologikoa. Zergatik? Zertarako? Nola?” Bizi dugun krisiak birmoldatze sozial eta ekologikoa eskatzen du. Energia urriko gizarte eredu bateranzko trantsizioan gara, eta langileoi interesatzen zaigu trantsizio hau gehiengoak adostutako modu planifikatu batean egitea. Liburuak trantsizio hori Hego Euskal Herrian nolakoa izan daitekeen marrazten du. Gure indarrak esango du nahi dugun trantsizio hori lortuko dugun edo ez.

Sarrera gisa

Trantsizioa: “Izateko edo egoteko era batetik beste batera aldatzeko ekintza eta ondorioa”. Gaixorik dago —oso larri, gainera— gure “izateko era”, hau da, egungo sistema sozioekonomikoa. Izan ere, hazkunde infinituan dago oinarritua, nahiz eta gure planeta finitua izan. Hori dela eta, krisi existentzial larria ari da pairatzen sistema: krisi ekologikoa, soziala, zaintza-krisia; ekonomiaren, etikaren eta demokraziaren krisia. Krisi horien guztien nahasketak injustizia sozial are handiagoa eragiten du (tokian tokikoa eta mundu osokoa), eta gizateriaren biziraupen zibilizatua ere arriskuan jartzen du.

Izateko beste modu horiek”, berriz, hainbat mugimendu sozial eta politikok aldarrikatzen eta eguneroko jardunean eraikitzen dituzten beste “mundu” horiek ditugu. Etorkizun desiragarriak eta beharrezkoak ditugu mundu horiek, non oparotasuna ez baita jada beti gehiago pilatzea (batzuek beste batzuek baino askoz gehiago), baizik eta, Lurraren muga ekologikoen barruan, ondo eta zoriontsu bizitzeko gaitasuna.

Ikusiko dugu, bereziki, enplegu gehiago sor daitekeela, datozen urteotan, ekoizpen-eredua aldatuz eta sektore eta lanbide berdeetan oinarrituz

Esan dezagun argi eta garbi: “izateko beste modu horietan” (alternatiboak, aurrez ezarritako ideien aurkakoak), elkarri eskutik heldutik dabiltza ekologia eta lana (lan produktiboa eta erreproduktiboa, egokia eta duina). Adibide bat jartzearren, ekoizpen-prozesu garbi gehienek (naturarentzat osasungarrienak, energia eta material gutxien kontsumitzen dutenak, CO2 gutxien aireratzen dutenak) lan-bolumen handiagoa eskatzen dute, kantitate bera ekoizteko, natura asko kutsatzen edo baliabide naturalak gehiegi ustiatzen dituztenek baino.

Bestalde, ekonomiaren trantsizio ekologikoa —oro har— hazkunde-ekonomiatik, logika industrialetik eta fordistatik irteteko eta beste ekonomia batera, beste gizarte batera ordenatuki jotzeko proposamen bat da. Jasan garritasuna, kalitatea, elkartasuna eta herritarren partaidetza izan behar ditu ezaugarri ekonomia berri horrek. “Erreformismo erradikaleko” prozesu batez ari gara, hots, epe labur eta ertainera urrats txikiak (handiak, ba-tzuetan) egiteko politika batez, betiere helburu erradikalekin epe luzera.

Bidaia horretan arrakasta izateko, ekonomia tradizionalaren kontzeptu batzuk bazterrera uzten hasi beharra dago, eta beste batzuk (XXI. mendeko premia ekologikoei eta sozialei egokituak) proposatzen hasi (lehen atala). Gero, ausardiaz, ikusi behar da aldaketa handi horrek zer ondorio dakarren sektore eta lan desiragarriei eta ez-desiragarriei dagokienez (bigarren atala). Ikusiko dugu, bereziki, enplegu gehiago sor daitekeela, datozen urteotan, ekoizpen-eredua aldatuz eta sektore eta lanbide berdeetan oinarrituz (hirugarren atala). Jakina, aldaketa horiek gauzatzeko, ikuspegialdaketa behar da, demokrazia gehiago, eta politika publiko sendoak. Eredu horren adibide egoki gisara, meatzari-herri batean egindako trantsizio ekologikoa eta integrala azalduko dugu (laugarren atala).

Hara, Climate Week, irailaren 20etik 27ra iragan diren mobilizazioen karietara, MRA Fundazioak  « Alda Sistema ez klima ! » arloan azken urteetan argitaratu zonbait aritkulu/liburu:  

“Gutxiagorekin ongi bizi” Yayo Herrero https://labur.eus/UpZ7N