Groenland : au XXIe siècle, la fonte de la calotte glacière sera la plus importante depuis 12.000 ans
Source : France info avec AFP
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La fonte de la calotte glacière du Groenland va causer, au XXIe siècle, une augmentation du niveau des mers jamais observée depuis 12.000 ans. Dans une étude publiée dans la revue Nature mercredi 30 septembre, des scientifiques ont reconstruit pour la première fois l’histoire de la fonte des glaces de cette calotte pendant tout l’Holocène, époque géologique commencée il y a 11.700 ans. Cette chronologie, qui a nécessité cinq années de travail, permet de dissocier les fluctuations naturelles de la masse de glace de l’effet du changement climatique provoqué par l’Homme.
Ses auteurs concluent que si les émissions de gaz à effet de serre continuent au même rythme, la couche de glace de plusieurs kilomètres pourrait se réduire de 36.000 milliards de tonnes entre 2000 et 2100, suffisamment pour rehausser les océans de 10 cm.
Jusqu’à la fin des années 1990, cette couche de glace gagnait en gros autant de masse grâce aux chutes de neige qu’elle en perdait l’été avec l’effondrement des glaciers et la fonte de la glace. Mais cet équilibre a été rompu par l’accélération du changement climatique. L’année dernière, la calotte du Groenland a ainsi perdu plus de 500 milliards de tonnes, un record depuis le début des données satellites en 1978, contribuant pour 40% à la montée du niveau de la mer en 2019.
Cette calotte contient en théorie assez d’eau pour faire monter les océans de sept mètres, mais une fonte totale prendrait des centaines, voire des milliers d’années. En revanche, même une élévation des océans de quelques dizaines de centimètres a déjà un potentiel dévastateur pour les zones côtières de la planète.
Limiter le réchauffement climatique à +2 °C par rapport à l’ère industrielle, objectif minimal de l’Accord de Paris, permettrait de réduire à deux centimètres la contribution de la calotte glaciaire à la hausse du niveau des mers d’ici la fin du siècle. Mais cette hausse se poursuivrait inexorablement les siècles suivants.
« Sans aucun doute, nous verrons une augmentation du niveau des océans pendant ce siècle. Mais sans changement de trajectoire maintenant, cette hausse va bouleverser la vie sur presque toute la planète », a souligné Jason Brine de l’université étasunienne de Buffalo, principal auteur de l’article. « Quelles que soient les futures émissions de CO2, la calotte du Groenland perdra plus de glace lors de ce siècle que pendant les périodes les plus chaudes des 12.000 dernières années. »
Posséder la terre en « commun » pour mieux la protéger
Claire Legros
www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/30/posseder-la-terre-en-commun-pour-mieux-la-proteger_6047648_3451060.html
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Héritée des communaux du Moyen Age, la notion de « commun foncier » fait l’objet d’un regain d’intérêt dans le débat public. Elle est aussi expérimentée, dans une démarche sociale et écologique, par des collectifs qui bricolent le droit, faute de dispositifs adaptés.
C’est une idée vieille comme le monde, puis tombée dans les oubliettes de l’histoire, qui resurgit aujourd’hui dans le débat public à la lumière de la crise écologique : considérer les terres agricoles non plus comme une propriété privée, mais comme un « bien commun » dont la gouvernance doit être partagée afin de mieux les protéger.
La réflexion est portée par des chercheurs – philosophes, juristes, anthropologues, économistes – mais aussi par des collectifs de citoyens qui constatent les difficultés du droit moderne à protéger la terre de la surexploitation ou du bétonnage.
La situation est en effet préoccupante. Alors que la crise sanitaire due au Covid-19 a montré l’importance d’une relocalisation de la production alimentaire, plus de cent hectares du patrimoine cultivable français sont grignotés chaque jour par l’habitat (41,9 %), les réseaux routiers (27,8 %) ou les services et loisirs (16,2 %), souligne un rapport de France Stratégie publié en 2019. Chaque mois, près de 500 agriculteurs mettent la clé sous la porte sans être remplacés. Une situation qui favorise la dévitalisation des campagnes et la concentration des terres entre les mains de grandes fermes industrielles.
Epargne solidaire
Face à ce constat, des chercheurs et des citoyens explorent des formes de gouvernance plus soucieuses de la préservation des ressources. Depuis 2003, le mouvement Terre de liens met ainsi en pratique l’idée d’un « commun foncier » partout en France. Pour freiner la disparition des terres agricoles, il propose à des citoyens de participer au rachat de fermes par le biais d’une « foncière », un outil d’épargne solidaire et d’investissement dont le capital accumulé permet de racheter des biens agricoles qui ne trouvent pas de repreneur.
Le mouvement garantit que les terres ne pourront pas être revendues et qu’elles seront cultivées selon les principes de l’agriculture biologique. L’objectif est triple : « sortir la terre agricole du marché spéculatif qui favorise les grosses exploitations et l’endettement », accompagner de nouveaux paysans dans un projet de culture ou d’élevage bio et freiner la disparition de terres de plus en plus vouées au béton.
Depuis dix-sept ans, 16 000 particuliers ont choisi de placer leurs économies dans le projet et près de 6 400 hectares ont été achetés. Une grande partie des 350 paysans qui les cultivent sont nés hors du milieu agricole. Sans le coup de pouce de l’association, ils n’auraient pas pu s’installer. « L’idée n’est pas d’abolir la propriété privée, explique Tanguy Martin, responsable du débat public au sein du mouvement, mais de l’incarner différemment, de manière collective, pour expérimenter ce que pourrait être la gestion de la terre en commun dans la France du XXIe siècle. »
L’histoire des « communs fonciers », qui se confond avec celle de l’agriculture, est ancienne. Elle débute il y a 13 000 ans, quand se mettent en place les premières formes de gouvernance communautaire, alors que l’organisation des usages du sol prime sur la notion de propriété. A l’époque, les paysans s’organisent pour partager les terres afin d’y couper du bois ou d’y faire paître leurs animaux domestiques, selon des règles conçues pour garantir à la fois les droits de chacun et la préservation des ressources.
Le développement de la propriété privée et la règle des « enclosures », à la fin du Moyen Age, vont réduire considérablement ces pratiques. Pour bon nombre d’économistes, la fin des communs médiévaux signe la naissance du capitalisme.
A partir de l’époque moderne, des communs subsistent, ici et là, de manière ponctuelle. La juriste Sarah Vanuxem, enseignante-chercheuse en droit à l’université Côte d’Azur, en a ainsi retrouvé la trace dans le droit français récent avec les « sections de communes », une pratique ancienne répertoriée administrativement en 1793 et qui perdure dans plusieurs départements comme le Puy-de-Dôme, le Cantal, ou des régions telles que le Limousin, mais qu’une loi votée en 2013 vise à faire disparaître progressivement. « Il resterait entre 23 000 et 100 000 sections de communes sur le territoire français rassemblant au minimum 300 000 hectares », estime la chercheuse. Les habitants d’une section de village – souvent un hameau – s’y organisent entre eux pour partager les droits de pâturage ou d’affouage (coupe du bois) sur un terrain qui n’appartiennent ni à la commune ni à un propriétaire.
Tragédie des communs
Alors que les communs fonciers tendent à disparaître du monde occidental, le biologiste américain Garrett Hardin (1915-2003) leur donne pourtant le coup de grâce théorique en 1968. Cette année-là, il évoque, dans la revue Science, la « tragédie des communs » – le mécanisme, pour lui inéluctable, selon lequel la propriété collective d’un pâturage le condamne à la surexploitation, chacun des éleveurs ayant intérêt à y faire paître le plus de vaches possible. La conclusion de cet article qui va influencer les raisonnements économiques et politiques des décennies suivantes est sans appel : seule la division de la parcelle en propriétés distinctes, ou bien sa gestion par une administration supérieure, peut éviter la catastrophe. Hors de la propriété privée ou de l’Etat, point de salut. Bien que critiqué, le raisonnement se répand dans les milieux économiques, notamment aux Etats-Unis, à la faveur de l’essor du néolibéralisme.
A la fin du XXe siècle, les travaux d’Elinor Ostrom, chercheuse américaine en sciences politiques, contredisent cependant la théorie de Garrett Hardin. A partir d’observations de terrain, l’universitaire a démontré, avec d’autres chercheurs, que la gestion communautaire d’un bien permet au contraire de préserver durablement les ressources qui s’y trouvent – à condition que le collectif se dote de règles de gouvernance capables d’assurer la répartition des droits d’usage de chacun.
Les travaux d’Elinor Ostrom seront récompensés en 2009 par l’équivalent du prix Nobel d’économie « pour avoir démontré comment les biens communs peuvent être efficacement gérés par des associations d’usagers ». Ils inspirent, depuis, la réflexion de nombreux chercheurs qui voient dans l’action collective citoyenne une alternative à l’intervention publique ou à celle du marché.
La juriste Sarah Vanuxem explore ainsi, depuis 2016, le concept de « communs fonciers » à la lumière du droit foncier moderne. Dans La Propriété de la terre (Wildproject, 2018), elle invite à « chausser de nouvelles lunettes pour lire le droit de telle façon que de réels changements puissent avoir lieu face à l’urgence écologique ».
Réhabiliter la gouvernance collective du foncier permet, selon elle, de redéfinir la propriété de la terre en matière d’habitation et non plus de domination. « On oppose traditionnellement en droit les choses, considérées comme des objets, et les personnes, sujets de droit, la terre faisant alors partie des objets sur lesquels un propriétaire aurait tous les droits, y compris celui de le surexploiter. Or, il n’en a pas toujours été ainsi, cette opposition a été théorisée seulement à l’époque moderne, à partir du XVIIe siècle. »
Bricolages juridiques
La juriste s’appuie sur les travaux de l’historien du droit Yan Thomas, qui montrent que l’Occident, pendant longtemps, n’a pas fait de distinction entre les choses et les personnes, en particulier dans le système juridique romain.
D’autres relations sont donc envisageables dans le droit contemporain, estime-t-elle, comme de considérer la terre, non pas comme un objet, mais comme un milieu à administrer. « Des systèmes où les personnes sont administratrices de la nature, plutôt que “comme maîtres et possesseurs”, selon la formule de Descartes, mériteraient d’être explorés de nouveau, à une époque où la conception que nous avons de la propriété privée ne permet plus de protéger la terre », affirme la juriste, qui propose de « lire la propriété autrement, non de la supprimer ». Son travail a été salué par l’anthropologue Philippe Descola, qui y voit « une ouverture exceptionnelle pour repenser les rapports juridiques entre humains et non-humains à l’ère de l’anthropocène ».
Car la mise en pratique de communs fonciers se révèle aujourd’hui complexe. Pour monter leurs projets, les collectifs doivent faire preuve d’imagination : ils détournent de leur usage des outils juridiques qui n’ont souvent rien à voir avec leur objectif. Un manuel intitulé « Des terres en commun ! Stratégies locales d’accès à la terre pour l’agriculture paysanne et agroécologique », publié en juin par un collectif d’associations européennes, a recensé une dizaine de ces bricolages juridiques.
A Terre de liens, le dispositif est chapeauté par une société en commandite par action, dont les parts sont réparties de telle façon qu’un arbitre tient lieu de garant du projet. Les actionnaires ne cherchent pas un retour sur investissement financier, mais un retour éthique et solidaire.
A Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), les occupants du bocage, qui s’organisent aujourd’hui pour acquérir collectivement terres et bâtiments, ont opté pour un fonds de dotation, une structure à michemin entre l’association et la fondation, initialement créée pour défiscaliser le mécénat : baptisé « La terre en commun », il a été lancé en novembre 2018 « sans aucun système de parts ou d’actions », explique le collectif, afin que les biens soient « placés en dehors de la spéculation et des recherches d’enrichissement personnel ».
Pour Sarah Vanuxem, ces montages juridiques « sont révélateurs d’une insuffisance » : ils invitent le législateur à élaborer des formes juridiques de gouvernance partagée.
Ecovillages, logements participatifs… Une autre manière d’habiter la Terre
Nicolas Truong et Pascale Tournier
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Soucieux de réduire leur consommation d’énergie et d’utiliser des matériaux locaux, des Français, nouveaux adeptes de la vie communautaire, choisissent un logement en harmonie avec leurs convictions.
Le gazon n’a pas encore été planté, ni le potager bio. La maison pour les seniors est aussi à l’état de plan. Mais déjà, sept blocs de maisons de couleur ocre et un habitat commun, rassemblant buanderie et chambres d’amis, sont sortis de terre.
Situé dans l’Eure-et-Loir, à quelques centaines de mètres du centre hindouiste Amma, l’oasis du Plessis va, à terme, accueillir 28 familles soucieuses d’un mode de vie écologique et harmonieux. Célia, 28 ans, a quitté son travail d’ingénieur bien payé à Saint-Gobain pour rejoindre cette aventure avec son conjoint. Retrouver du lien social « dans un monde qui le piétine » et déployer sa préoccupation pour l’avenir de la planète sont à la source de ce qu’elle considère comme un engagement. « On travaille pour les générations futures, pas pour soi, soutient la jeune femme. Il s’agit de prendre le temps de changer un lieu à son échelle : l’Eure-et-Loir n’est pas avant-gardiste en matière de culture bio et de respect de la biodiversité. » Au loin s’étendent en effet des champs de culture intensive de la Beauce.
A l’instar de Célia, ils sont de plus en plus nombreux à s’installer dans des éco-hameaux ou des habitats participatifs. A se mettre consciemment ou non dans les pas, version écologique, du philosophe du XIXe siècle Charles Fourier et de son projet utopiste de phalanstère, ou de son héritier Jean-Baptiste Godin, avec son familistère de Guise (Aisne). Pas question pour ces nouveaux adeptes de vie communautaire de construire des maisons de solitaires à la Henry David Thoreau (1817-1862), ou des citadelles de survivalistes attendant l’arrivée de la catastrophe. Ils sont ingénieurs, architectes ou juste désireux d’être en accord avec leurs idées. Ils pensent que le changement de société passe par une autre façon d’habiter. L’architecture arrêtée reflète leur volonté de respecter l’environnement et de créer du commun. Comme le souligne l’écrivaine et essayiste Marielle Macé, habiter constitue en soi un projet politique, car c’est « faire face autrement à ce monde-ci, à ce présent-là, avec leurs saccages, leurs rebuts, mais aussi leurs possibilités d’échappées. Et occuper autrement le terrain » (Nos cabanes, Verdier, 2019).
Une occupation de terrain parfaitement comprise par les zadistes de Notre-Dame-des-Landes qui considèrent que « ce geste simple, habiter, est inséparable de celui de lutter » (Habiter en lutte. Quarante ans de résistance, collectif Comm’un, Le passager clandestin, 2019). Car habiter, ce n’est pas seulement se loger. Ce n’est pas uniquement résider. Comme le soutient le philosophe Martin Heidegger (1889-1976), « habiter est le trait fondamental de l’être » (Essais et conférences, 1951).
Bien sûr, l’urbanisme peut y contribuer. Et Michel Serres (1930-2019) avait su s’adresser aux architectes afin qu’ils s’intéressent autant à la botanique qu’à l’esthétique (Habiter, Le Pommier, 2012).
C’est pourquoi les nouvelles constructions des oasis essaient de s’appuyer sur des techniques qui réduisent l’empreinte de l’homme sur le sol. L’habitat est « passif » – l’isolation thermique réduit la consommation d’énergie et se trouve complétée par les apports solaires. Les toilettes sont sèches. L’eau est souvent purifiée dans des stations de phyto-épuration, et l’autonomie alimentaire visée. On parle aussi d’« architecture de cueillette », quand les matériaux locaux et simples comme le bois sont utilisés. SCI, SAS, SCIA : chaque collectif choisit la forme juridique qui permet la propriété et l’animation collective sans qu’il y ait de spéculation en cas de vente. Avec la loi Alur (accès au logement et la rénovation de l’urbanisme rénové) de 2014, le statut de coopérative ne doit plus être réduit au champ de l’entreprise, il doit aussi embrasser le logement. Mais les décrets d’application tardent à être publiés. En attendant, c’est la société coopérative par actions simplifiées (SAS) à but commercial, régie par la loi de 1947, qui est privilégiée. Les coopérateurs sont propriétaires d’une société qui est elle-même propriétaire d’un bien.
Quand le droit n’épouse pas les nouvelles aspirations, on essaie de l’infléchir. Après avoir lutté avec succès contre la construction d’un projet immobilier en périphérie de Dijon afin de maintenir un potager collectif, les habitants du quartier des Lentillères ont trouvé un nouveau combat. Ils souhaitent la création de la catégorie d’urbanisme « zone d’écologie communale ». Le but : autoriser l’habitat, l’agriculture et les « non-humains » sur un même lieu. « Habiter, cela crée un rapport différent à l’espace », clament Nicolas, Maria, Abdel et les autres, installés dans leur « snack friche » construit de leurs mains, La Grange rose, ou dans leurs masures à charpente en bois de récupération. Souvent, les jeunes attirés par l’esprit communautaire font le choix de l’habitat léger dont la yourte est devenue l’emblème. D’autres, comme François Salliou, maire de Trémargat (Côtes d’Armor), en « amoureux du bois » qui rêvait d’une charpente à l’ancienne, construisent leur maison grâce à un chantier participatif et des matériaux locaux.
Car habiter, c’est aussi composer avec le territoire et son histoire. Dans cette France des éco-hameaux, l’agencement des pièces est aussi pensé pour favoriser de nouvelles relations, fondées sur la mutualisation des dépenses et le partage des activités. « Nous voulons un lieu de vie qui construit de la résilience, de l’interdépendance et de l’interconnexion », affirme Raphaël Notin, 46 ans, de l’éco-hameau Grain & Sens, perché dans les montagnes ardéchoises. A l’abri de tilleuls centenaires, quatre familles françaises et anglo-saxonnes vivent dans une ancienne ferme réhabilitée depuis deux ans. Dans les salles communes – le séjour boisé, l’atelier où l’on répare, la bibliothèque –, ils échangent et partagent leurs savoir-faire et leur savoir-être pour développer leur projet d’agro-écologie, de boulangerie paysanne et d’« English camps » dispensant des cours d’anglais.
Au Moulinage de Chirols, ils sont toute une bande à s’être embarqués dans l’aventure ambitieuse de l’auto-construction. Trônant au-dessus de la rivière ardéchoise de La Fontaulière, cette ancienne usine de tissage de la soie a été investie par un collectif de près de vingt-cinq personnes. L’objectif : rénover l’espace de 4 000 m2 pour le transformer en tiers lieu, composé d’habitats participatifs, de résidences d’artistes et de salles de coworking. Le site est chargé d’histoire. « Les gens dans la région sont contents que cela revive : beaucoup ont vu leur mère ou leur grand-mère y travailler », explique Gaëlle, une militante du CCFDTerre solidaire, impliquée dans ce « pôle d’expérimentation collective, sociale et solidaire ». En ce jour de février, une forte activité règne au Moulinage.
Tous les mercredis est organisé un chantier collectif. Déjouant les stéréotypes sexistes liés au travail dans le bâtiment, des jeunes femmes formées sur le tas enlèvent la charpente qui menace de s’écrouler. Ça tape, ça cogne, ça dégage les gravats dans la bonne humeur. Chacune est à sa place, en fonction de ses compétences. Sweatshirt poussiéreux, Julia s’est découvert un goût pour les coups de pioche qui « défoulent ». Avec ses amies venues de la région ou d’ailleurs, elle renoue avec cette pratique de chantiers collectifs de jeunes. Une façon aussi de repenser le travail en dehors des contraintes économiques en se fondant sur les valeurs de l’entraide, de l’autogestion et de l’expérimentation, plaçant ainsi l’apprenant, à la suite du philosophe pragmatiste américain John Dewey (18591952), dans un rôle actif. « J’aime la part d’improvisation possible en fonction des besoins du projet, explique Gaëlle, dans la seule salle chauffée à la déco foutraque. L’intelligence collective nous définit et nous accompagne dans notre volonté de transformer le système. » Et cette intelligence semble être saluée. Sur la page du site Internet du collectif du Moulinage de Chirols s’affichent en effet les logos officiels de la région Rhône-Alpes, de la Fondation de France et du Fonds social européen. Preuves d’un soutien financier, ils marquent aussi le début de la reconnaissance d’une nouvelle manière d’habiter le monde.
Petit manuel à l’attention des indécis qui hésitent encore (extraits)
De A à Z, 25 bonnes raisons de s’opposer à la construction d’un surf park dans la zone de Jalday à Saint Jean de Luz
Version 3.0 – 20 septembre 2020
Article
1. ARTIFICIALISATION DES SOLS
En 2015, selon le compte rendu des assises régionales de la biodiversité en Nouvelle Aquitaine, sur notre territoire, 9,5 % des terres sont déjà artificialisées et 61% des sols artificialisés sont imperméabilisés (habitations, commerces, routes…). Bétonner un espace naturel empêche l’infiltration de l’eau dans le sol pour reconstituer la nappe phréatique, accentue les risques d’inondation des parcelles environ- nantes et nuit à la biodiversité qui perd de fait son habitat naturel.
Tel que présenté dans le document d’orientation d’aménagement et de programmation en vue de la modification du PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la ville de Saint Jean de Luz (lire page 51 et suivantes), le surf park de Jalday est « un nouvel aménagement de 7 ha » qui prévoit d’artificialiser des « terres agricoles et des espaces naturels (prairies et forêts) pour installer un bassin de forme triangulaire de 155 m de côté avec un espace de circulation des piétons et de loisirs en bordure de piscine, ainsi que 1 500 m2 de commerces et de bureaux : boutique Boardriders, commerces annexes (bien-être, image, art, musique, décoration, alimentation…), espace de bar et restauration avec terrasses donnant sur la piscine, micro-brasserie, hôtel 3 ou 4 étoiles de 75 à 100 chambres, bureaux et espaces de séminaires (réunions, évènementiel…). Les bâtiments sont envisagés sur 3 à 4 niveaux de hauteur (rez-de-chaussée plus 2 ou 3 étages). »
Une emprise au sol à laquelle il faut ajouter :
- un bâtiment technique pour la machinerie et l’entretien,
- une voie d’accès en prolongement de l’entrée arrière de l’actuel site Boardriders,
- un parking d’environ 500 places (si l’on se base sur les besoins chiffrés pour le parc équivalent de Castets), c’est à dire aussi grand que celui du supermarché Carrefour Jalday à quelques centaines de mètres de là.
- le réaménagement et le redimensionnement de la portion de la RD 855 (route d’Ahetze) desservant ce site depuis la RD 810.
Un projet en totale contradiction avec les déclarations du Premier Ministre Jean Castex qui appelle, dans une circulaire diffusée le 24 août, les préfets à utiliser toutes les possibilités de recours visant à empêcher les projets de centres commerciaux de plus de 1 000 m2 pour limiter l’artificialisation des sols, conformément au « Plan biodiversité » qui définit l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) et aux recommandations de la Convention citoyenne pour le climat.
2. ARTIFICIALISATION DE LA PRATIQUE SPORTIVE
«Le surf c’est un lien avec la nature, avec les saisons. C’est une relation à l’espace-temps que rien ne peut remplacer. Considérer que l’on va créer un Disneyland du surf en disant que c’est du surf, c’est un mensonge. » – Francis Distinguin, Directeur Technique National de surf de 1990 à 2007 et président de la Fédération européenne de surf de 2007 à 2009 intérrogé par Surfsession magazine.
« On peut s’inquiéter de voir ainsi littéralement dénaturer le surf, qui est tout sauf payer pour appuyer sur le bouton d’une machine pour démarrer une vague. C’est au contraire observer le vent et les conditions météorologiques qui annoncent une session. C’est attendre LA bonne vague, apprentissage de la patience et non pas obtention immédiate d’une prestation avec une carte bancaire. C’est se retrouver les pieds dans le sable après avoir franchi une dune, en respectant les espèces végétales et animales remarquables, plutôt que passer dans le pédiluve. C’est se préparer à affronter les éléments naturels après avoir analysé la situation des baïnes. C’est développer la solidarité lorsque l’on vient en aide à un baigneur surpris par les courants. C’est se rappeler qu’il y a d’autres êtres vivants en apercevant un banc de bars au ras de la surface plutôt que d’être dans une eau chlorée aseptisée. C’est être connecté à la nature dans ce qu’elle a de plus beau, de plus fragile mais aussi de plus puissant : l’océan. » – Vital Baude, Conseiller régional, élu de la Gironde et délégué au littoral de la Région Nouvelle-Aquitaine dans le journal Sud-Ouest du 11 novembre 2019.
« La promotion de l’offre touristique fondée sur la valorisation du surf […] risque d’engendrer une certaine uniformisation des ambiances touristiques sur la côte aquitaine. […]
L’artificialisation des vagues modifie l’écologie de la relation du surfeur à la vague, qui nécessite en milieu naturel le développement d’un sens marin, c’est-à-dire cette capacité motrice et sensorielle du surfeur à appréhender le milieu de pratique. […] C’est de la mutation d’une pratique et donc d’une culture sportive dont il est alors question, voire des utopies qu’elles véhiculent », en remettant en cause « les valeurs de communion avec la nature et de refus de la société de consommation dans lesquelles baigne le mythe fondateur de la culture surf. » – Ludovic Falaix, maitre de conférences à l’Université des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) Clermont Auvergne dans son article « les paradis artificiels du surf » publié en avril 2018.
Certains reprocheront à ces prises de position d’être trop dogmatiques ou loin de la réalité du surfeur lambda. Si seulement ! Le surf en piscine n’a pas grand-chose à voir avec le vrai surf comme le rapporte le magazine Wavepool Mag qui a récemment testés plusieurs surf-parks. Extraits.
A propos de The Wave à Bristol en Angleterre :
Puis-je arriver au dernier moment ?
Non. Arrivez en avance. Les organisateurs recommandent d’être là une heure avant votre session.
Puis-je surfer à la fois la gauche et la droite dans la même session ?
Non. Si vous avez réservé la gauche en pensant qu’il suffirait de passer l’autre côté pour surfer un peu la droite, vous vous trompez. On vous a donné un lycra coloré en arrivant qui correspond à la session que vous avez réservée (niveau avancé en gauche ou niveau intermédiaire en droite par exemple). De la même manière, vous ne pouvez pas jeter un coup d’œil de l’autre côté du lagon pour voir ce qui s’y passe, le quai cache la vue. Donc si vous avez un pote qui surfe de l’autre côté, impossible de l’encoura-ger quand il fait une bonne manœuvre.
A propos de Urbnsurf à Melbourne en Australie :
Que faut-il savoir de l’achat des billets à l’arrivée au surf park ?
Les réservations en ligne ouvrent six semaines à l’avance et sont très vite épuisées. Si vous devez voyager en avion, le mieux est d’acheter votre session de surf d’abord et de ne réserver votre vol et votre hôtel qu’ensuite. Quand vous arrivez au surf-park, vous trouverez des tablettes qui ressemblent à des I-Pad pour confirmer votre session. C’est assez simple, un employé vous aidera et vous remettra votre bracelet d’identification. C’est comme une clé électronique qui vous permet de rentrer et de sortir du parc pendant vos sessions de surf.
3. BIODIVERSITÉ
Bétonner un espace naturel détruit les espaces de vie de la faune et la flore sauvage alors que près de 68 % des animaux sauvages ont déjà disparu depuis 40 ans selon le rapport Planète Vivante du WWF publié le 10 septembre 2020.
Nous sommes face à une accélération sans précédent de la pression exercée par l’Homme sur les écosystèmes : artificialisation du territoire, fragmentation des milieux naturels, l’intensification des pratiques agricoles, prolifération d’espèces exotiques envahissantes, pollutions (lumineuse, chimiques, déchets…), changement climatique, demande en ressources naturelles et en énergies… En s’attaquant au capital naturel de la planète, l’humanité se met elle-même en danger. La stabilité de notre économie dépend des services que la nature nous fournit gratuitement. Un seul exemple : un tiers de la production alimentaire mondiale dépend des pollinisateurs (les abeilles par exemple) qui transportent des grains de pollen d’une fleur mâle vers une fleur femelle et contribuent ainsi à la fécondation des plantes.
Détruire des prairies agricoles et une forêt pour construire une piscine géante et des infrastructures en béton c’est augmenter encore la pression humaine sur un environnement d’autant plus précieux qu’il est acté dans le document d’orientation d’aménagement et de programmation en vue de la modification du PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la ville de Saint Jean de Luz (p53) que « les versants boisés présentent un enjeu fort en raison, plus particulièrement, de la présence de deux zones humides au Nord-Est et au Sud et d’une station de Grémil prostré [une plante à jolie fleurs violettes], espèce protégée au niveau national, à l’Ouest. »
4. CENTRE DE RÉFÉRENCE POUR LA CONCEPTION DE NOUVEAUX PRODUITS FILIÈRE OCÉAN
Selon ses partisans, l’originalité du projet est de « s’adresser à la fois à une clientèle touristique et de loisirs et à des entreprises en créant un centre de référence mondial pour la conception de nouveaux produits et services de la Filière Océan, Glisse et Sports aquatiques ». Inutile. Un tel endroit existe déjà à moins d’un km de là, dans la zone même de Jalday !
Ouvert depuis octobre 2019, Créaluz vise « à accompagner les projets innovants dans une démarche d’éco-conception, attirer des start-ups et des activités à forte valeur ajoutée, notamment des filières glisse, nautisme et sports aquatiques et à conforter un pôle d’expertise sur l’éco-conception, les matériaux souples, les textiles techniques intelligents ».
Précisons que Créaluz est largement sous exploité puisque seulement deux entreprises occupent le bâtiment de 320m2 et qu’au moins deux autres centres dédiés à la recherche et à l’innovation dans les filières glisse et océan existent déjà sur la côte basque : Olatu Leku à Anglet et l’Ocean Living Lab à Hendaye.
5. CONSOMMATION D’ÉNERGIE
Alors que la tendances et aux énergies renouvelables et qu’on cherche, comme à Mutriku au Pays basque sud, à récupérer l’énergie (gratuite) des vagues pour créer de l’électricité dans des stations houlomo- trices, à Saint Jean de Luz, au contraire, on prévoit d’utiliser de l’énergie (payante) pour générer des vagues !
Un surf park consomme de l’énergie pour créer des vagues. Beaucoup d’énergie ! 1,6 kWh pour une vague de petite taille (1,2 m pendant 10 s), trois fois plus pour une vague de 1,5 m de 15 s et les chiffres conti- nuent d’augmenter de façon exponentielle pour des vagues plus grosses selon les données officielles du constructeur Wavegarden.
Sachant qu’un foyer français de 4 personnes (2 adultes et deux enfants) consomme 13,7 kWh par jour, chaque surfeur·se utilise l’électricité de trois familles par jour pour une session d’une heure sur des vagues de taille moyenne ! Sans compter l’énergie nécessaire pour les commerces, les bureaux, l’hôtel et le système de filtration de l’eau, ce qui double encore les besoins quotidiens.
6. CONSOMMATION D’EAU
Alors que l’agglomération Pays Basque diffuse des préconisations pour appeller à « préserver notre ressource en eau » et à adopter des « éco-gestes simples et efficaces pour contribuer à la longévité de notre or bleu », le projet de piscine à vagues prévoit de consommer au minimum 81 millions de litres et sans doute bien plus chaque année !
Selon l’étude environnementale déposée par la société Wavelandes Atlantique pour le projet de Castets, équivalent en terme de taille du bassin (155 m) et de technologie utilisée (Wavegarden, modèle The Cove®), le volume d’eau du bassin exclusif à la pratique du surf est de 25 000 m3 d’eau (10 piscines olympiques de 50 m de long) auquel il faut ajouter un lagon de faible profondeur (dans lequel « viendront mourir les vagues et ainsi recréer les sensations de l’océan ») de 12 000 m3 (près de 5 piscines olympiques de 50 m de long) qui est utilisé pour l’entrainement des débutants et permet de supprimer l’effet « backwash » qui dénature les vagues. Ce volume total de 37 000 m3 sera vidangé annuellement. Il faut ajouter à cela un remplissage quotidien pour compenser l’évaporation, de 120 m3 / jour à 1350 m3 / jour en fonction de l’ensoleillement. Ce qui représente une consommation annuelle estimée de 81 000 m3 d’eau (81 millions de litres !) selon l’hypothèse basse d’évaporation (et donc sous évaluée), soit la consommation annuelle de 540 familles (2 adultes et 2 enfants).
Une hérésie quand on sait que la consommation d’eau journalière est déjà « multipliée par 5 en période estivale » et « s’avère être une problématique majeure à prendre en compte dans la révision du document d’urbanisme de Saint-Jean-de-Luz » comme le souligne le Diagnostic communal de janvier 2020 sur l’état initial de l’environnement pour la demande de modification de PLU (p111).
Koronabirusa eta klima aldaketa: guztiz lotuta dauden bi lehentasun
Ingurumen buletina
www.ela.eus/eu/ingurumena/albisteak/koronabirusa-eta-klima-aldaketa-guztiz-lotuta-dauden-bi-lehentasun
Article
Koronabirusari beharrezko arreta guztia eman behar zaio, baina ezin ditugu ahaztu klima aldaketaren aurkako borroka, ezta berebiziko garrantzia duten gainerako arazoak ere, Zaldibarko zabortegiaren egoera kasu.
Aurreikuspenek adierazten dute 2020 honetan berotegi efektuko isurketak murriztu egingo direla 2019rekin alderatuta. Koronabirusa geldiarazteko hasierako neurriek (kale hutsak, fabrika asko itxita, autorik gabeko errepideak …) airearen kalitatea hobetu duten arren ezin zaio balio handirik eman. Txinan (isurketen %25eko murrizketa) eta beste herrialde batzuetan pandemiaren ondorioz izandako isurketen murrizketa, aldi baterako gertaerak baitira. Gainera gobernuek krisitik ateratzeko hartzen dituzten neurriak sarritan gehiegizko kontsumoan eta natur baliabideen gehiegizko ustiapenean oinarrituak izaten dira.
Birus honek gure ohiturak ere aldatu ditu, eta batzuk epe luzean klima aldaketaren aurka egiten lagun dezake: etxetik lan egitea, bideokonferentzia bidezko bilerak, egun gutxiago lan egitea, tokiko kontsumoa,… Telelana handitu egin da, baina aldaketa kultural, antolakuntzakoa eta teknologikoa behar ditu. Aldaketa horri esker, joan etorrien kostu ekonomikoa eta ingurumenekoa murrizteko aukera dago, kontziliazioa errazteaz gain. Enpresek ondorioztatu beharko lukete planetarentzat ona dena badela beraien hornikuntza kateak era guztietako arriskuen aurrean babesteko modua ere, izan klima aldaketarekin zerikusia dutenak, edo izan pandemia globalak.
Egoera hau frogatzen ari da trafikoaren eta industria kutsatzailearen jarduera murriztea bezalako neurriek berehalako ondorioak dituztela, bai ingurumenean, bai kutsadurak eragindako gaixotasunak jada pairatzen dituzten pertsonen osasunean. Ez da ahaztu behar espainiar estatuan urtean 16.000 heriotza izaten direla atmosferako kutsadurak eraginda.
Une honetan koronabirusaren inguruan mundu mailako kezka dagoen arren, klima aldaketaren aurkako borrokan ahaleginak ez dira murriztu behar. Koronabirusa aldi baterako izatea espero da, aldi baterako eraginak dituena, baina klima aldaketa urte askoan egongo da hemen eta etengabeko ekintza eskatzen du. Klima aldaketak ere ondorioak ditu pertsonen osasunean eta gure gizarteetan, koronabirusa baino askoz larriagoak sarritan. Epe laburrean eragin ekonomikoa izango du birusak, baina berotze globalak eragindako galerak masiboak izango dira.
Eta ezin dugu ahaztu egoera honetan zerbitzu publikoak jokatzen ari diren papera, murrizketa handiak eta pribatizazioak jasan ondoren, osasun krisi honetatik ateratzeko funtsezko lana egiten ari dira. Pandemia osteko egoera une erabakigarria izango da koronabirusari aurre egiteko baldintzarik onenak ez izatera eraman gaituen sistema hau aldatzeko neurriak hartzeko.
Aldaketa erradikalak egiteko aukera da hau, bizitza erdigunean jarriz eta planeta babestuz. Daukagun ekoizpen, banaketa eta kontsumo eredua hausnartzeko eta birpentsatzeko unea, baita lan egiteko modua ere.