2100. urtean herritarren %60 urak har ditzakeen eremuan biziko dira Eusko
Jaurlaritzaren azterketaren arabera
Jon Fernández González
www.argia.eus/albistea/eusko-jaurlaritzak-azken-50-urteetako-klimaren-bilakaeraren-azterketa-argitaratu-du
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Bero boladak ohikoagoak eta luzeagoak dira, azken bi mendeetan 20 zentimetrotan igo da itsas maila eta EAEko bataz besteko tenperatura 0,3 ºC igo da hamarkada bakoitzean.
Eusko Jaurlaritzak, Ihobe eta Euskalmeten lankidetzarekin, 1970etik 2023ra arteko klimaren bilakaera aztertu du Klimaren Egoera Euskadin txostenean. Azpimarratu dutenez, klima aldaketak eragin nabarmena izan du Araba, Bizkaia eta Gipuzkoan: bero boladen maiztasuna eta iraupena handitu dira, itsas maila 20 cm baino gehiago igo da azken bi mendeetan, eta 1970etik tenperatura batez beste 0,3 ºC igo da hamarkada bakoitzeko. 2023an, itsasoaren tenperatura inoizko altuena erregistratu zuten.
Tenperatura maximoak eta bero egun kopurua handitu dira: 2022 eta 2023. urteak beroenak izan ziren, 75 « egun bero » baino gehiago erregistratua. Bero boladen iraupena ere bikoiztu da azken hamarkadetan, eta 2022an erregistratu zen egun gehieneko bero bolada. Egun hotzak eta izotz egunak gutxitu egin dira. Itsas mailaren igoeraren epe luzeko proiekzioek kostaldeko populazioarengan mehatxu garrantzitsua aurreikusten dute, 2100erako 26 zentimetroko igoera izango dela dio azterketak. Mehatxua da herritarren %60a baino gehiago kostaldean bizi delako eta beraz « 40.000 pertsona inguru biziko direlako urak har ditzakeen eremuetan ».
Txostenak nabarmendu du ere Euskadin berotegi efektuko gasen emisioak %33 jaitsi direla 2005etik, baina garraioaren sektorean %135eko igoera izan dela 1990etik. Horren aurrean Eusko Jaurlaritzak trantsizio energetiko eta klimatikoan sakontzeko beharra azpimarratu du, egokitzapen eta arintze politikak maila berean jarrita, eta tokiko datu sistemak sendotzeko beharra azpimarratu du.
Écologie : quand le RN mène la danse
Lucie Delaporte
https://info.mediapart.fr
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C’est pratiquement un sans-faute. Moratoire sur les énergies renouvelables, finalement rejeté in extremis, réintroduction des néonicotinoïdes, facilitations pour la construction de fermes-usines, suppression des zones à faibles émissions (ZFE), dynamitage du « zéro artificialisation nette »…
Même dans ses rêves les plus fous, le Rassemblement national n’aurait pas imaginé, il y a encore quelques mois, aligner autant de « victoires » contre l’écologie en si peu de temps.
« C’est une magnifique semaine pour le Rassemblement national dans sa lutte contre l’écologie punitive », clamait le 19 juin dans l’hémicycle le député RN du Gard, Pierre Meurin, annonçant que la prochaine cible de son parti serait de revenir sur les interdictions de louer des passoires thermiques. Quand on a un boulevard devant soi, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Le tableau de chasse du parti de Marine Le Pen depuis un mois est impressionnant. Sans même être arrivé au pouvoir, c’est lui qui donne le tempo non plus uniquement sur ses obsessions habituelles – l’immigration et la sécurité – mais désormais aussi sur l’écologie.
Avec une droite complètement radicalisée qui, de LR à Horizons, tente de rivaliser de formules vaseuses contre « la dictature verte », le RN a poussé comme jamais le backlash actuel sur les questions environnementales. Avec son groupe de plus de 120 députés, il est devenu la boîte aux lettres des lobbys industriels en tout genre, qui se jugent bien trop entravés par les réglementations environnementales, qu’on pourrait pourtant juger encore bien timides. Des bétonneurs à l’agrochimie en passant par le nucléaire, tous ont su trouver une oreille attentive dans les rangs lepénistes.
Surmobilisés, les députés et sénateurs du RN ont été présents en nombre lorsqu’il fallait voter des textes cruciaux au Parlement sur l’écologie ces dernières semaines : loi Duplomb, proposition de loi sur la « simplification de la vie économique », sur l’A69, sur l’énergie, etc.
Eux, la plupart du temps si brouillons et dilettantes dans l’hémicycle, ont porté des amendements souvent très précis, très techniques, qui n’auraient peut-être pas été différents s’ils avaient été écrits par les groupes d’intérêts des secteurs concernés.
Un travail de pro face à un « bloc central » clairsemé ou ectoplasmique, comme indifférent – ou soulagé ? – devant les coups de boutoir portés notamment à la loi « climat et résilience » de 2021. Pourtant pratiquement le seul bilan de Macron depuis 2017 en matière d’environnement.
« Tiers-lieux enracinés » : le nouveau visage de l’extrême droite à la campagne
Victoire Radenne
https://reporterre.net/Tiers-lieux-enracines-le-nouveau-visage-de-l-extreme-droite-a-la-campagne
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Réinvestir les campagnes pour y créer des communautés « catholiques et enracinées » : tel est l’objectif du programme Communitas Christiana, qui, derrière un discours et une esthétique ruraliste, diffuse un idéal séparatiste.
C’est une opportunité à saisir : la reprise du Billy Bar, au centre-ville de Sées (Orne). L’idée est de transformer l’historique troquet en un « tiers-lieu convivial et multifonctionnel », entre « le café de sortie de messe et l’espace coworking », présente Victor Aubert sur Instagram. Mais par cette invitation à reprendre la gérance du troquet, ce jeune homme à la barbe soigneusement taillée ne souhaite pas seulement revitaliser le centre-ville de cette commune normande de 4 000 habitants : il est le fondateur d’Academia Christiana, une organisation identitaire et catholique traditionaliste, accusée de légitimer la violence physique et le recours aux armes. Des accusations réfutées par Academia Christiana qui se revendique comme « un institut de formation culturelle catholique, attaché à la transmission intellectuelle, spirituelle et civique, dans un cadre strictement légal et non violent ».
Investir des lieux de convivialité en imitant certains codes de la gauche militante afin de reconstituer un entre-soi idéologique dans les campagnes françaises : ainsi pourrait se résumer le mantra de Communitas Christiana, un programme lancé par l’Association culturelle d’éducation intégrale (ACEI), également dirigée par Victor Aubert, qui vise à « recréer des communautés locales catholiques et enracinées face à l’isolement croissant des individus et au déclin anthropologique ».
Savoir-faire manuel, sport et vie spirituelle
Loin d’être abouti, le projet de tiers-lieux catholiques s’inscrit dans une ambition plus large de reconquête des territoires, ouvertement revendiquée. « En 2025, nous voulons aider des communautés à se développer autour de nos valeurs dans au moins cinq villes de France pour la première année, puis multiplier par deux cette ambition l’année suivante », clame l’organisation sur son site.
Si Communitas Christiana se défend d’être une communauté religieuse ou un mouvement politique, mais plutôt « une initiative portée par des laïcs catholiques engagés », le programme se dit tout de même fidèle « à la reconnaissance de la royauté sociale du Christ ». Et sa porosité avec les partis d’extrême droite a fait l’objet de nombreux articles. Mais là aussi, Victor Aubert affirme que Communautas Cristianas n’est « ni un parti ni un mouvement politique, mais un label de soutien logistique et méthodologique à des groupes locaux de vie fraternelle et catholique », et qu’« aucun soutien n’est accordé à des initiatives violentes, ni à des structures militantes d’extrême droite. »
Mais à quoi le programme Communitas Christiana aspire-t-il en appelant la jeunesse à « bâtir des communautés enracinées, catholiques et tournées vers le bien commun » ? Leur notion d’enracinement peut se résumer aux cinq piliers de l’éducation intégrale, détaillés dans leur charte : le savoir-faire manuel (organisation de chantiers, artisanat, travail de la terre), le sport et l’hygiène de vie, la formation intellectuelle (histoire, littérature), la solidarité et la vie spirituelle (prières, foi, pèlerinages).
Une vision étroitement liée à celle du milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin, créateur du Fonds du bien commun et des Nuits du bien commun, qui prône également le concept d’éducation intégrale au sein de ses futurs internats en Sologne.
Des militants d’origine citadine
Entre deux contenus sur les conséquences environnementales de l’artificialisation des sols et la désertification rurale, Communitas Christiana publie régulièrement des top 5 des petites villes idéales où s’implanter. Parmi les critères qu’ils chérissent : la présence d’une messe traditionaliste, de préférence effectuée en latin, une école catholique hors contrat à moins de 15 kilomètres et un accès ferroviaire à une grande ville. Des territoires censés séduire « une jeunesse en quête de sens », aspirant à ralentir et embrasser « une vie plus simple », reprenant des éléments de langage peu habituels à l’extrême droite.
Sans toutefois parvenir à cacher la peur centrale qui guide leurs actions : voir la proportion de catholiques pratiquants reculer par rapport à celle des musulmans, comme détaillé dans un post Instagram sur « l’asphyxie spirituelle ». « En espérant que ces isolats de civilisation autochtone serviront de points de départ à la reconquête de notre pays. Reprenons le manche ! » commente un internaute convaincu.
« Ils fabriquent un discours sur les campagnes abandonnées et la prétendue polarité avec la ville »
Si les trois premières communautés se trouvent à Paris (Le Cercle parisien), Lyon (La Communauté lyonnaise) et Toulouse (Communitat Occitana) — démontrant l’origine majoritairement citadine des militants — une dizaine de nouvelles « communautés enracinées » sont apparues récemment, à l’instar d’Auvernha Christiana, aux alentours de Clermont-Ferrand, Liga Carcinola à Brive-la-Gaillarde, le Cœur yonnais en Vendée, ou encore Des Tours et des lys, en Touraine. Cette dernière suscite l’inquiétude des élus et syndicats locaux.
« Leurs intimidations ont commencé avec la pression contre la tenue d’événements avec des drag queens et l’hébergement des mineurs isolés. Mais au-delà de ces obsessions, ils fabriquent un discours sur les campagnes abandonnées et sur la prétendue polarité entre la campagne et la ville pour séduire les jeunes ruraux et organiser leur projet politique », assure Astrid Gonzalez, secrétaire fédérale du Mouvement jeunes communistes d’Indre-et-Loire.
Elle a réclamé la dissolution du groupe en novembre 2024 à la suite d’une marche aux flambeaux durant laquelle ont été entonnés des chants issus des répertoires de la Waffen-SS . Alexandre Boumi, à la tête de la communauté, également fondateur du mouvement identitaire Chouan, était présent au défilé d’ultradroite organisé par le Comité du 9-mai à Paris.
« Vitrine acceptable »
Leur ancrage local passe également par l’organisation d’évènements culturels comme le Printemps de l’Ouest, à Châteaubriant (Loire-Atlantique), qui promet loisirs extérieurs, petite restauration, danses traditionnelles et jeux bretons.
« Dans la région, ils se fabriquent une vitrine acceptable, par le biais de maraudes — officieusement réservées aux SDF blancs —, des raids printaniers — randonnées qui font penser aux jeunesses hitlériennes —, ou des sessions de ramassage de déchets », dit Charles Fournier, député écologiste de la circonscription, qui a également réclamé l’ouverture d’une enquête à la préfecture.
Une story publiée le 23 mai sur le compte Instagram du mouvement Des Tours et des lys trahit ses obsessions avant tout sécuritaires et identitaires : « Tu souffres dans ta chair de voir ton peuple s’avilir, être remplacé, trahi, précarisé et agressé au quotidien ? Viens à notre rencontre. »
Des groupes avec lesquels Communitas Christiana refuse tout amalgame. « Ces groupes, dans leur grande majorité, ne sont pas membres du programme Communitas Christiana. Aucun des exemples que vous évoquez n’est affilié officiellement à notre label. »
« Créer des communautés racialement homogènes, pour que la race blanche se perpétue »
Sans qu’elles revendiquent nécessairement leur appartenance au programme Communitas Christiana, toutes ces nouvelles communautés utilisent des éléments de langage similaires sur leurs réseaux sociaux : un « enracinement dans les traditions françaises », « au service du bien commun », regroupant des jeunes catholiques aspirant à faire communauté au sein d’une ruralité fantasmée.
Car s’ils appellent à « retravailler la terre », ils ne présentent pas de véritable vision en la matière, si ce n’est le concept d’écologie intégrale, sur le site d’Academia Christiana. Son premier théoricien, l’idéologue chrétien Jean-Charles Masson, appelait dès 1984 à un « réenracinement » pour « dénomadiser » la France dans une série d’articles parus dans Je suis français, mensuel de l’Union royaliste provençale.
Entrisme dans le tissu local
La rhétorique d’une modernité qui vacille, quand la ruralité reste debout, se rapproche, selon Pierre Cornu, historien de la ruralité, « de l’idéologie pétainiste ». « L’un des slogans du maréchal Pétain était “La terre, elle, ne ment pas”. Il a ancré le thème du terroir, des racines, dans une pensée conservatrice et réactionnaire, aujourd’hui récupérée par la nébuleuse zemmouriste ».
Pour Antoine Dubiau, doctorant en géographie et auteur de l’ouvrage Écofascismes (éd. Grevis, 2023), ce rejet de la ville, qui serait le lieu de la décadence, est une rhétorique habituelle de l’extrême droite, qu’elle soit écologiste ou non : « Entre les lignes, l’idée est de reconstituer une base arrière préservée du métissage racial et culturel. Les Braves [mouvement d’extrême droite nataliste] défendaient déjà l’idée de créer des communautés racialement homogènes pour que la race blanche se perpétue. »
Pour son financement, Communitas Christiana profite des avantages fiscaux de l’Association culturelle pour l’éducation intégrale, qui l’héberge. Les dons aux structures qu’elle abrite sont défiscalisables, ouvrant droit à une déduction d’impôt de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable.
« L’extrême droite, ce n’est pas juste des crânes rasés qui veulent se battre dans la rue »
Cet entrisme dans un tissu local s’inscrit dans une stratégie investie plus globalement par l’extrême droite française. Depuis 2013, Academia Christiana organise des universités d’été, de la Loire à la Provence, pour « restaurer la civilisation ». L’Institut Iliade, groupe de réflexion d’extrême droite, organise chaque année des formations pour les jeunes dans lesquelles est abordée l’écologie, « incontestablement l’un des grands enjeux de notre siècle ».
Quant aux royalistes de l’Action française, ils ébauchent dans un ouvrage les contours d’une « écologie intégrale » qui serait fondée autour du triptyque enracinement, terroirs et décroissance, quand d’autres militants appellent à la création de « zones identitaires à défendre ».
Une énième preuve, selon Antoine Dubiau, « que l’extrême droite, ce n’est pas juste des crânes rasés qui veulent se battre dans la rue, mais des franges intellectuelles qui investissent le champ de l’écologie, des territoires et de l’enracinement pour justifier une hiérarchie raciale ».
Une intention là encore réfutée par Victor Aubert : « Le lien avec une prétendue volonté de « créer des communautés racialement homogènes » est mensonger. Jamais aucun texte, discours ou initiative de l’ACEI n’a défendu une telle idée. »
Quant à la reprise du Billy-Bar dela ville de Sées, il précise que « ce projet n’est en aucun cas porté par Academia Christiana ni par Communitas Christiana. Il ne s’inscrit dans aucune démarche politique, idéologique ou religieuse. Il s’agit d’une initiative entrepreneuriale locale, portée par un collectif apolitique. »
« Se réapproprier le système énergétique en faisant communautés »
Rachel Knaebel
https://basta.media/Se-reapproprier-le-systeme-energetique-faisant-communautes-energie-renouvelables-transition
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Alors que l’extrême droite a fait adopter la semaine dernière un moratoire sur les énergies renouvelables et un amendement pour la réouverture de Fessenheim, des collectifs se battent pour une transition énergétique démocratique. Entretien.
Jeudi 19 juin, l’Assemblée nationale a adopté un moratoire sur le développement de nouvelles installations éoliennes et photovoltaïques. L’amendement a été voté par les député·es LR et d’extrême droite, lors de l’examen d’une proposition de loi sur le futur énergétique du pays. Les députés RN ont aussi fait voter un amendement pour la remise en marche de la centrale de Fessenheim, fermée en 2020 et en voie de démantèlement. Une majorité de député·es a finalement rejeté, en vote solennel mardi 24 juin, l’ensemble de la proposition de loi qui comprenait ces amendements.
Alors que l’extrême droite et la droite veulent stopper toute transition énergétique en France, des collectifs citoyens s’engagent sur le terrain pour dessiner une transition énergétique vraiment démocratique. On s’est entretenu avec des contributeur·rices du livre collectif Petit manuel de démocratie énergétique (Éditions du commun, 2025), pour parler de communautés d’énergie, de fournisseur associatif d’électricité, et de réappropriation des moyens de production.
Des directives européennes de 2018 et 2019 ont introduit dans le droit européen deux nouvelles notions : les communautés d’énergie renouvelable et les communautés énergétiques citoyennes. Qu’est-ce qu’une communauté énergétique telle que définie dans les textes européens ?
Mikhaël Pommier [1] : Il y a plusieurs lectures de la communauté énergétique. La notion a été intégrée dans des directives européennes dans le but de permettre une meilleure implication des citoyens dans un processus de transition énergétique.
Cela a été poussé par des pays, notamment l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, qui sont assez avancés sur les questions de coopératives d’énergie, et par le travail de l’organisation REScoop, un réseau de près de 3000 coopératives de production d’énergie. À la base, leur intention était de proposer un outil technique et juridique qui puisse servir le développement des coopératives citoyennes énergétiques.
Quand nous avons entendu parler de cette notion de communauté énergétique en 2021-2022, depuis nos cultures et pratiques des communs à la Coop des milieux, on a trouvé que c’était intéressant. Et nous avons voulu élargir la notion, car il existe des groupes qui sont aujourd’hui systématiquement poussés à la marge des politiques énergétiques et des scénarios de transition énergétique, mais qui, pourtant, peuvent vraiment prendre part aux politiques énergétiques.
Il est possible d’imaginer d’autres formes de communautés énergétiques que les coopératives de production d’énergie. Pensons par exemples à des collectifs d’habitants qui luttent contre les passoires thermiques, comme le font l’association Alda au Pays basque, le CHO3 à Marseille, et d’autres ; ou à un contre-projet développé par des membres de Stop Mines dans l’Allier, qui propose de favoriser la rénovation et la création de petites lignes ferroviaires de proximité plutôt que l’installation d’une mine de lithium dédié à la fabrication de batteries de voitures électriques, comme en témoigne une des contributrices du Petit manuel ; ou encore à des tentatives de création de filières courtes bois artisanales de proximité en Isère et en Saône-et-Loire. L’hypothèse principale de l’ouvrage, c’est de dire qu’il est possible de construire de nouvelles manières de se réapproprier le système énergétique en faisant communautés.
Que dit la transposition française des textes européens sur les communautés énergétiques ?
Mikhaël Pommier : Elle prévoit trois principes pour les communautés énergétiques citoyennes : une participation ouverte et volontaire de la part des membres ; un contrôle effectif par les membres, notamment les citoyens, les autorités locales, les petites entreprises ; et une finalité autour des avantages environnementaux et sociaux qui doivent être prédominants sur des logiques de lucrativité. Les revenus de la communauté doivent par ailleurs être orientés au bénéfice des membres et des communautés locales.
Dans le contexte d’un secteur énergétique qui est de plus en plus financiarisé, le fait de poser la non-lucrativité comme un principe commun aux communautés énergétiques, c’est une brèche intéressante.
En quoi le fournisseur local et associatif d’énergie renouvelable Énergie de Nantes (expérience que vous étudiez dans le livre) diffère par exemple de ce qui se fait depuis un certain nombre d’années déjà au sein de projets citoyens de production d’énergies renouvelables ?
Mikhaël Pommier : Pour Énergie de Nantes, ce qui est vraiment inédit, c’est qu’elles et ils ont fabriqué un fournisseur d’électricité associatif. C’est le seul en France. Pour la première fois, un fournisseur d’électricité se donne une obligation de non-lucrativité. Et au-delà de l’activité de fournisseur d’énergie, Énergie de Nantes s’inscrit dans un mouvement social. Pour Énergie de Nantes, la fourniture d’énergie est un moyen parmi d’autres de se réapproprier l’énergie.
« Pour la première fois, un fournisseur d’électricité se donne une obligation de non-lucrativité »
La différence fondamentale avec une coopérative énergétique classique, c’est aussi qu’Énergie de Nantes fait du prix de l’énergie un objet politique à discuter. Par exemple, elles et ils ont lancé une expérimentation autour d’une tarification solidaire de l’énergie, décidée au sein de larges assemblées qui ont lieu tous les deux mois.
Vanille Ecrement [2] : Énergie de Nantes, ce sont des gens qui sont reliés aux mouvements sociaux. Ils posent des questions sociales.
Bien sûr qu’on peut, en tant qu’habitant, installer des panneaux solaires ou monter des projets d’éoliennes gérées sous forme associative, mais ça reste de petites structures. Et à côté de ça, il y a une très grande quantité d’infrastructures qui existent déjà et qu’il faudrait pouvoir gouverner collectivement. Cela ne peut pas se faire à travers le prisme étroit de la propriété privée. C’est pour ça qu’on a besoin de mouvements sociaux dans le domaine de l’énergie.
Le livre mentionne aussi l’expérience du village de Prats-de-Mollo-la-Preste, dans les Pyrénées-Orientales…
Mikhaël Pommier : À Prats-de-Mollo-la-Preste, il y a également la volonté de se réapproprier l’énergie en tant qu’habitante et habitant, mais dans un contexte très différent. Il existe dans cette commune depuis très longtemps une régie électrique municipale. C’est comme un petit EDF-Enedis local. Il y en a assez peu en France [5 % du territoire est aujourd’hui approvisionné par des régies électriques municipales, ou entreprises locales de distribution, qui n’ont pas été étatisées ni fondues dans EDF en 1946, ndlr].
Il y a environ dix ans, des experts et expertes de cette régie électrique ont décidé que c’était important pour la commune de viser une autonomie énergétique. La régie municipale produisait alors moins de la moitié de ses besoins localement, via de l’hydroélectrique. L’idée était de mettre plus de moyens dans une infrastructure technique et numérique pour optimiser le réseau et gagner en moyens de production énergétique.
Mais ce qui est assez compliqué quand on essaie de changer d’infrastructure, c’est aussi de comprendre quels changements démocratiques il faut en même temps opérer. Dans cette commune-là comme pour beaucoup de collectivités, c’est très difficile de faire du sujet de l’énergie une question publique large. Ces sujets sont discutés essentiellement entre experts. Les personnes qui se sentent légitimes à en parler et à prendre part à ces décisions se comptent dans une commune comme Prats-de-Mollo-la-Preste sur les doigts de la main.
En France, même s’il reste des régies énergétiques municipales, le modèle a été celui de la centralisation de la production et de la fourniture d’électricité, via EDF, une entreprise détenue par l’État. Comment les coopératives et les communautés d’énergies perçoivent-elles cette tension entre centralisation étatique et projets de démocratisation via des communautés qui décentralisent la politique énergétique ?
Vanille Ecrement : Ce n’est pas forcément la position partagée par tout le monde dans le livre, mais je pense que c’est quand même très utile d’avoir de grands réseaux. Cela permet d’organiser la solidarité sur un territoire à grande échelle. Et cela permet de garantir une certaine disponibilité de l’énergie, même si je pense qu’il faut remettre en question le fait que l’énergie soit disponible à tout moment pour n’importe quel usage.
Je n’ai pas pour ma part d’opposition à ce que de grands systèmes techniques existent, mais c’est un débat constant, entre planification écologiste et anarcho-primitivisme. Pour moi, la question de la forme des réseaux et des moyens qu’on utilise est secondaire par rapport à la question des rapports sociaux, si on veut démocratiser l’énergie.
« On a besoin de mouvements sociaux dans le domaine de l’énergie »
Je pense qu’il faut être prudent sur des analogies un peu faciles entre réseaux décentralisés et décentralisation du pouvoir, car c’est tout à fait imaginable d’avoir des sociétés très hiérarchiques basées sur l’énergie solaire. La Chine produit beaucoup d’électricité à partir de charbon, mais de plus en plus avec du solaire. Le photovoltaïque lui-même peut se développer selon des modèles différents. On peut avoir d’énormes champs de panneaux, ou les poser sur les toits. En Europe, le photovoltaïque, c’est à plus de 50 % sur les toits.
Sortir de la marchandisation de l’énergie vous semble incontournable dans la perspective de développer des communautés d’énergie ?
Mikhaël Pommier : Pour nous, la démarchandisation implique des formes de réappropriation du droit. Un premier geste pour démarchandiser, c’est déjà d’arriver à faire exister les communs dans le système actuel, qui les place systématiquement en marge.
Pour faire exister Énergie de Nantes, il a fallu des trésors d’inventivité et de créativité, y compris juridiques. Énergie de Nantes a présenté un dossier pour demander l’agrément de fourniture auprès du ministère de l’Énergie. Elle a dû tenir pendant deux ans, créer ses propres outils pour faire valoir un droit d’exister en tant que petit fournisseur associatif. C’est un précédent qui peut faire jurisprudence pour d’autres.
Chercher à démarchandiser l’énergie implique paradoxalement de parvenir à construire
des interfaces avec des infrastructures, des logiques marchandes, des systèmes normatifs qui marginalisent les communs. Un autre exemple, c’est qu’Énergie de Nantes veut permettre aux habitantes et habitants de reprendre le contrôle sur leur facture. Mais elle doit encore avoir recours au marché spot, même de manière très marginale, en raison de l’aléa de leurs moyens de production actuels : beaucoup d’éolien et un peu d’hydroélectrique.
Le marché spot est un marché où l’électricité est achetée et vendue pour une livraison immédiate ou à très court terme, et où les prix fluctuent en fonction de l’offre et de la demande en temps réel. Face à ça, Énergie de Nantes crée une tarification solidaire de l’énergie, un mécanisme de solidarité et d’éducation populaire très intéressant, qui est aussi un précédent important. Énergie de Nantes fait aussi de l’éducation populaire pour aider les habitants à comprendre comment fonctionne le marché de l’énergie, comment on est obligé de se brancher dessus tout en essayant de s’en extraire.
En France, le nucléaire compte toujours pour une large majorité de la production d’électricité. Comment aborder la démocratisation des enjeux énergétiques face au nucléaire ?
Mikhaël Pommier : Depuis une perspective démocratique, les infrastructures nucléaires sont fondamentalement problématiques. Faire exister un ensemble de pratiques qui sont marginalisées, c’est déjà révolutionnaire dans le contexte énergétique actuel en France. Après, dans les histoires des collectifs qui sont présents dans le Petit manuel de démocratie énergétique, une très grande majorité des gens ont construit un parcours militant avec l’idée de développer autre chose qu’un système énergétique fondé sur l’approvisionnement par le nucléaire.
Vanille Ecrement : C’est une question qui ne se pose pas aujourd’hui, mais pour de bonnes raisons, car on n’est pas du tout dans un moment de l’histoire de la France où l’on peut sérieusement penser prendre le contrôle des centrales nucléaires.
Nick Chavez, un ingénieur communiste états-unien, étudie comment les formes contemporaines de production ouvrent des possibilités révolutionnaires différentes. Il explique que certaines choses peuvent être directement réappropriées, d’autres nécessitent des aménagements, et d’autres doivent être démantelées. Le nucléaire serait plutôt dans cette dernière catégorie.
Mais on pourrait imaginer une fiction politique où une partie du territoire deviendrait autogérée, et où une centrale nucléaire serait temporairement une ressource utile. C’est pour cette raison que Nick Chavez veut dépasser la « désertion », parce qu’il faut aussi être capable de gérer de grands objets techniques dans ces situations.