Articles du Vendredi : Sélection du 21 mai 2021


Les banques françaises au secours du pétrole, du gaz et du charbon
Alexandre-Reza Kokabi
https://reporterre.net/Les-banques-francaises-au-secours-du-petrole-du-gaz-et-du-charbon

Les grandes banques françaises ont injecté près de 100 milliards de dollars dans les entreprises actives dans le charbon, le pétrole et le gaz, depuis début 2020. BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et BPCE ont « augmenté ces financements de 22,5 % ».

« Le nerf de la guerre, c’est la finance. Avec elle, pour protéger notre planète, nous pouvons changer la donne », a déclaré Emmanuel Macron, le 22 avril, à l’occasion du sommet sur le climat organisé par le président étasunien Joe Biden. Dans une étude publiée ce mardi 18 mai, Les Amis de la Terre et Oxfam montrent que la réalité est tout autre, et que la finance n’a rien de « vert ». Loin de protéger la planète, les banques françaises ont, en pleine pandémie de Covid-19, couru au chevet des énergies fossiles.

Dans ce document, les ONG révèlent qu’entre janvier 2020 et mars 2021, les grandes banques françaises — BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne (BPCE) — ont financé à hauteur de 100 milliards de dollars (environ 82 milliards d’euros) des entreprises actives dans le charbon, le pétrole et le gaz. « Les quatre grandes banques françaises ont de surcroît toutes augmenté ces financements, de 22,5 % en moyenne entre 2019 et 2020 », écrivent les auteurs, qui expliquent cette hausse par une mobilisation massive de capitaux pour aider une industrie fossile affectée par la crise sanitaire.

12 milliards de dollars financés par BNP Paribas

L’étude montre aussi que les meilleures clientes des banques sont les huit majors pétrolières et gazières : BP, Chevron, Eni, Equinor, ExxonMobil, Repsol, Shell et Total. En 2020, la dégringolade des prix du pétrole a fait chuter la valeur boursière de ces grandes multinationales. L’action du groupe Total a, par exemple, perdu 30 % de sa valeur en 2020, relève le rapport. Mais les majors pétrolières et gazières ont pu compter sur le soutien indéfectible des banques, qui leur ont injecté 25 % de leurs financements. À elle seule, BNP Paribas a financé ces majors pour 12 milliards de dollars (environ 9,9 milliards d’euros).

BNP Paribas, Crédit agricole et Société générale ont aussi acheté de nouvelles actions de ces entreprises. Fin 2020, elles en détenaient 24 millions de plus que début de cette même année. Une opération à perte : ces actions ont fait perdre aux banques 1,4 milliard de dollars (près de 1,2 milliard d’euros) en une année.

« En répondant à la demande massive de capitaux de l’industrie fossile, les banques sont en totale contradiction avec ce que dit le Programme des Nations unies : qu’entre 2020 et 2030, la production mondiale de pétrole et de gaz doit diminuer respectivement de 4 % et 3 % par an, pour être conforme à la trajectoire de 1,5 °C », déplore auprès de Reporterre Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France.

L’industrie du pétrole et des gaz de schiste, aux effets dévastateurs sur la planète, a également bénéficié de ces fonds. L’étude montre que 17,7 milliards de dollars de financements (près de 14,6 milliards d’euros) ont été dirigés vers les trente entreprises les plus agressives au monde dans le développement du pétrole et des gaz de schiste. En octobre 2020, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire exhortait pourtant les acteurs financiers français à mettre en œuvre une sortie des hydrocarbures non conventionnels.

Résultat de ce soutien indéfectible du secteur de la finance aux énergies fossiles : la reprise économique mondiale profite au charbon, au pétrole et au gaz. 2021 devrait être l’une des pires années en matière de hausse des émissions de gaz à effet de serre, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans le même temps, l’urgence climatique se fait de plus en plus palpable, alors que l’année 2020 est désormais la plus chaude jamais enregistrée en Europe.

« L’addiction » aux majors, « un danger climatique avéré »

Mais pourquoi une telle addiction des banques françaises à l’industrie fossile ? Les auteurs du rapport proposent deux pistes d’explication :

  • En les soutenant financièrement depuis des années, les banques ont construit leur dépendance à l’industrie fossile et notamment à certaines supermajors. Une partie de la stabilité et des profits des grandes banques et investisseurs se retrouve aujourd’hui indexée à ceux de leurs clients des énergies fossiles. « En situation de crise, ces entreprises nocives sont aujourd’hui too big to fail [trop grandes pour faire faillite] pour les banques, qui préfèrent ne rien leur refuser », dit Lorette Philippot.
  • Les intérêts des directions des banques et des multinationales des énergies fossiles convergent. Une enquête du média DeSmog a récemment révélé que plus de 65 % des directeurs ou directrices de grandes banques européennes ont des liens avec ces industries très intensives en carbone.

À la fin du rapport, Les Amis de la Terre France et Oxfam France somment le gouvernement de durcir le ton face aux banques, dont « l’addiction aux majors » représente « un danger climatique avéré ». Elles lui demandent « d’inscrire une obligation légale pour les acteurs financiers à se conformer à une trajectoire contraignante de réduction de leur empreinte carbone et de sortie des énergies fossiles, sous peine de sanction financière ». Cette sortie doit passer, pour les ONG, « par l’arrêt échelonné de toutes les opérations liées aux énergies fossiles, le plus rapidement possible et programmé avec les travailleurs·ses et habitants·tes des bassins économiques concernés ».

Plusieurs amendements avaient été déposés en ce sens à l’occasion du passage de la loi Climat et résilience à l’Assemblée nationale. Aucun n’a pu être débattu. « Ils ont tous été jugés irrecevables par la majorité », regrette Lorette Philippot, qui y voit « une nouvelle occasion manquée, pour Emmanuel Macron, de devenir le “leader de la finance verte” qu’il prétend être ».

« L’État doit imposer les règles du jeu, estime dans le rapport Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer finance et climat chez Oxfam France. Seul l’État a les moyens de rompre cette dépendance toxique et d’éteindre les braises sur lesquelles soufflent les banques françaises. »

Prévention de risques : Biriatou prend une mesure pionnière
Willy Roux
www.mediabask.eus/fr/info_mbsk/20210515/prevention-de-risques-biriatou-prend-une-mesure-pionniere

Lors du dernier conseil municipal, les élus de Biriatou ont intégré au Plan communal de sauvegarde le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire. Une première dans l’Hexagone.

Le conseil municipal de Biriatou a voté le 3 mai en faveur d’une modification de son Plan de sauvegarde communal en intégrant le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire. C’est la première commune de l’Hexagone à intégrer une réelle politique pour tenter de pallier une éventuelle pénurie alimentaire causée par une rupture de la chaîne d’approvisionnement après une cyber-attaque, une pandémie, un conflit social enraciné ou une catastrophe naturelle de grande ampleur.

« Nous avons le devoir de se mettre en ordre de marche face à ce risque que je place au même niveau que les risques majeurs comme les risques naturels ou les risques technologiques. A l’heure actuelle, en quelques jours, nos administrés pourraient se retrouver sans ressources alimentaires durant plusieurs jours, explique Solange Demarcq-Egiguren, élue maire de Biriatou en 2020. Notre adaptabilité n’est pas suffisante, le taux de couverture des besoins de notre population est de seulement 13 % ». La première magistrate de la ville frontière place même sa démarche dans le cadre de la loi sur de modernisation de la sécurité civile.

« Toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile. En fonction des situations auxquelles elle est confrontée et dans la mesure de ses possibilités, elle veille à prévenir les services de secours et à prendre les premières dispositions nécessaires. La politique de sécurité civile doit permettre de s’attaquer résolument aux risques en les anticipant davantage, de refonder la protection des populations et de mobiliser tous les moyens encourageant les solidarités », stipule cette loi votée en 2004.

Les populations ne sont pas préparées 

Après une année à lutter contre la pandémie liée au coronavirus, cette initiative unique résulte d’une rencontre entre la maire de Biriatou et Stéphane Linou, auteur du livre « Résilience alimentaire et sécurité nationale ». Cet ancien conseiller général de l’Aude, pionnier du mouvement Locavore, est intervenu fin avril dans le cadre d’une formation auprès des élus de Biriatou.

Pour lui, ce risque, méconnu de la population et ignoré à la fois par l’armée et les politiques publiques, pourrait conduire à des scènes d’émeutes si le scénario catastrophe se produit. « Il n’y a pas de stock stratégique d’État, pas de stock dans les mairies, les populations ne sont pas préparées et ne supportent pas la frustration. Cet état des lieux peut conduire à des troubles sociaux majeurs comme ça a été le cas sur l’île de la Réunion lorsque le port a été bloqué durant la crise des Gilets jaunes », détaille Stéphane Linou, auteur d’un travail de mémoire fourni sur le sujet.

Selon le chercheur, l’approvisionnement alimentaire est très vulnérable alors que 70 % de la consommation alimentaire passe par des grandes surfaces dont les stocks ne dépassent pas deux jours. Alors qu’au début de la pandémie, tout le monde se souvient de la rupture de stock de papier toilette ou de savon pour le mains, aucune pénurie alimentaire n’avait eu lieu. « Nous sommes passé près de la catastrophe, si la pandémie avait été plus létale et le taux d’absentéisme plus élevé chez les transporteurs par exemple, la rupture aurait pu avoir lieu ».

Sensibilisation et plan d’action en trois temps

Les risques sur la chaîne d’approvisionnement sont multiples. En premier lieu, les cyber-attaques sur de grands groupes de distributions ou de transports comme celle récente sur Colonial Pipeline aux Etats-Unis, qui fait craindre une pénurie d’essence sur la côte Est des USA. A ce sujet, la France observe une contrainte très forte sur les ressources pétrolières puisqu’elle importe la quasi-totalité des énergies fossiles qu’elle utilise. Sans oublier les conflits sociaux, le dérèglement climatique et les pandémies. D’ailleurs, le 17 mai 2019, avant la crise sanitaire, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait jugé le risque de rupture d’approvisionnement comme « un risque majeur ». Il répondait alors à la sénatrice, Françoise Laborde dont la résolution sur la résilience alimentaire et la sécurité nationale a été proche d’être votée.

Pour lutter contre le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire, plusieurs actions à court, moyen et long terme sont envisagées par la municipalité de Biriatou. La première est de faire de la sensibilisation auprès de la population, des communes voisines, de la Communauté d’agglomération Pays Basque et surtout des services de secours comme le pompiers, afin d’inviter le Sdis à enrichir son Schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR). Ensuite, Biriatou souhaite encourager le retour des potagers familiaux et des réserves alimentaires sous formes de bocaux. Elle veut également favoriser les circuits courts et l’implantation de jeunes agriculteurs diversifiés dans leurs productions ou encore l’ouverture d’une boulangerie-épicerie bio utilisant des farines locales ou l’augmentation des stocks de la cantine. Parmi les nombreuses idées des élus de Biriatou, la création d’un stockage de semences paysannes, des jardins-forêts ou jardins pare-feu. Une commission extra-municipale sur la résilience alimentaire sera également créée.

« Avec cette excellente démarche, la maire de Biriatou reprend une responsabilité oubliée des ancêtres des maires ou des consuls pour qui la base de la démarche politique était dictée par l’obligation d’alimenter la population », se satisfait Stéphane Linou.

La transition énergétique va-t-elle manquer de matières premières ?
Cédric Philibert
www.revolution-energetique.com/la-transition-energetique-va-t-elle-manquer-de-matieres-premieres

Les objets de la transition énergétique, de la voiture électrique à l’éolienne et aux panneaux photovoltaïques, sont gourmands en métaux. Au point que beaucoup s’inquiètent ou font mine de s’inquiéter : cette « gourmandise » pourrait-elle faire échouer la transition, ou faire sombrer les pays occidentaux dans une nouvelle dépendance géostratégique vis-à-vis de pays producteurs, de la Chine au Congo. Voire réduire à néant les objectifs du fait des dépenses énergétiques et problèmes environnementaux associés.

L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) vient de publier sa première analyse approfondie du sujet, dans un rapport de 287 pages, « The role of critical minerals in energy transitions » (Le rôle des minéraux critiques dans les transitions énergétiques). Ses conclusions ? Il y a aura bien une demande accrue de minéraux, notamment de lithium, de cobalt, de nickel, de cuivre et de terres rares, mais si on s’y prend à temps elle ne devrait pas handicaper à l’excès la transition énergétique, dont la nécessité n’est pas remise en cause. Et une nouvelle dépendance n’est pas le scénario le plus probable.

Le scénario de l’AIE

Pour éviter les contre-sens, il faut pourtant lire ce rapport avec beaucoup d’attention. Par exemple, l’AIE montre que selon son scénario de « développement durable », compatible avec une stabilisation du réchauffement global vers 2°C, la demande de lithium en 2040 sera multipliée par 42, celle de graphite par 25, de cobalt par 21 et de nickel par 19, essentiellement pour la fabrication de batteries, notamment celles des véhicules électriques.

Par comparaison, la consommation de terres rares (qui, rappelons-le ne sont pas utilisées dans les batteries), n’augmenterait ‘que’ 7 fois, celle de cuivre de 3 fois et celle de silicium doublerait,  principalement du fait de leur utilisation dans les renouvelables et les réseaux électriques. Toutes ces augmentations seraient plus fortes encore dans un scénario « zéro émissions nettes en 2050 ».

Mais attention : il s’agit là de la demande des seuls objets de la transition énergétique – or ces minéraux sont utilisés pour mille autres choses, par exemple le numérique, les armements, et même les combustibles fossiles : les centrales à charbon efficaces utilisent beaucoup de nickel, le raffinage et les pots catalytiques des automobiles du platine ou du palladium notamment. Si la transition énergétique représentera jusqu’à 90% de la demande de lithium en 2040, 60-70% du nickel et du cobalt, on descend au-dessous de 50% pour tous les autres, avec 40% pour le cuivre et les terres rares. Selon Carbon Tracker, la multiplication par six de la demande de minéraux critiques pour la transition ne représenterait qu’un doublement de la consommation totale, tous secteurs et minéraux critiques confondus.

Toutes ces projections sont incertaines, bien sûr, car les technologies évolueront de façon peu prévisible, avec l’apparition de nouvelles chimies pour les batteries, par exemple. L’intensité en matériaux des technologies nouvelles continuera de diminuer. Par exemple, la quantité de silicium nécessaire par watt de cellule PV ne cesse de diminuer : 16 grammes en 2004, et moins de 4 grammes aujourd’hui. De fait, le scénario qui repose sur un triplement du rythme d’installation du solaire ne prévoit qu’un doublement de la demande annuelle de silicium de ce secteur. Actuellement, la fabrication et l’installation d’une éolienne de 3,45 MW requiert, par kWh d’électricité produite, 15% de béton, 50% de cuivre, 50% de fibre de verre et 60% d’aluminium de moins que les machines de 2 MW mises en service il y a quelques années.

Une production potentiellement insuffisante mais pas de rareté globale

L’AIE relève le décalage croissant entre l’extraction minière et l’ambition climatique, et rappelle que l’ouverture de nouvelles mines est un lent processus. Dès avant 2025, la production de cuivre, de lithium, de cobalt pourrait être insuffisante (voir graphique ci-dessous).

Pour autant, l’AIE affirme qu’il n’y a pas de rareté globale des ressources. Les écarts géographiques de production ne reflètent pas nécessairement des écarts similaires dans les ressources. La croute terrestre contient largement assez de ces « minéraux critiques » pour assurer le succès de la transition énergétique, explique l’Agence. Certes, certains des sites les plus riches ont d’ores et déjà été exploités, et par exemple la teneur en cuivre des mines du Chili a baissé de 30%, ce qui accroît naturellement le coût de l’extraction, l’énergie nécessaire, le prélèvement d’eau ou les rejets de traitement.

Pas de quoi pourtant faire un bilan négatif de la transition énergétique : l’AIE montre ainsi que les émissions de CO2 d’une voiture électrique à batterie alimentée par le mix électrique mondial moyen sont inférieures de plus de 50% à celles d’une voiture à moteur thermique, et de plus de 75% en prenant une électricité moins carbonée. Un cinglant démenti aux élucubrations de ceux qui, à l’instar du journaliste Guillaume Pitron, affirment l’impossibilité de la transition.

S’il est vrai que l’industrie minière a plutôt mauvaise presse, ce serait une erreur de penser qu’aucune amélioration n’est possible. Déjà en 2019 près de 88 sites miniers dans 26 pays disposaient de près de 2000 mégawatts d’énergie solaire pour leur fonctionnement.

Dans une mine de fer en Suède, l’exploitant Boliden a récemment installé des caténaires pour électrifier les énormes dumpers qui transportent les roches. Les fabricants d’explosifs miniers chiliens et australiens, Enaex et Dyno Nobel,  ont été les premiers à s’intéresser à la production d’hydrogène avec de l’électricité renouvelable. Et des procédés nouveaux sont en développement pour économiser l’eau et réduire les déchets miniers.

Une dépendance de nature très différente

Par ailleurs, l’extraction de certains minerais est concentrée dans un petit nombre de pays : cobalt en RDC, terres rares en Chine, lithium en Australie. Et c’est encore plus vrai pour leur traitement, la Chine transformant en produits semi-finis des pourcentages considérables non seulement des terres rares (> 80%), mais aussi du lithium et du cobalt (~ 60%), voire du cuivre et du nickel (~ 40%). Cependant, la répartition des ressources, quoiqu’assez inégale, l’est toutefois moins que celle de la production ou du traitement.

Et surtout, l’éventuelle « dépendance » stratégique n’est absolument pas la même s’il s’agit de construire des capacités de production, ou de les alimenter jour après jour : une pénurie ou un pic de prix du lithium affecte la fabrication des voitures électriques, une hausse du prix du pétrole impacte immédiatement la vie quotidienne des citoyens, et la vie économique. L’AIE le sait bien, qui doit son existence au choc pétrolier de 1974, et à la mise en place par les pays de l’OCDE des réserves stratégiques de pétrole ou de produits pétroliers.

A plus long terme, le recyclage prendra le relais. S’il est aussi peu développé aujourd’hui, c’est qu’au regard des besoins croissant rapidement, les sources de matériaux à recycler sont nécessairement insuffisantes, comme on le voit avec les batteries au lithium des véhicules : il y en a encore très peu qui arrivent aujourd’hui dans les filières de recyclage. Dès lors, celles-ci sont d’autant plus difficiles à mettre en place que le minerai neuf reste bon marché… preuve de sa relative abondance.  D’un côté comme de l’autre les choses changeront peu à peu, et le recyclage prendra une place majoritaire dans la fourniture des métaux – après la phase de croissance initiale de la transition énergétique.

Avis de l’auteur

Ce rapport est une… mine. Mais certaines expressions un peu ambigües seront – sont déjà – utilisées par les adversaires de la transition énergétique. Les ressources minières utilisées pour les énergies renouvelables, les réseaux et les véhicules électriques, sont très différentes de celles, tout aussi minières, de pétrole, de charbon et de gaz. Quand les fossiles sont brûlés, on ne peut pas revenir en arrière et restaurer leur potentiel énergétique, on peut, au mieux, capturer le CO2 pour éviter son émission à l’atmosphère. Les centrales thermiques fossiles utilisent moins de minéraux que les renouvelables pour leur construction, mais beaucoup plus au regard de l’énergie produite, ce qui ne ressort pas toujours avec assez d’évidence des graphes de l’AIE.

Social et environnement, même urgence
Txetx Etcheverry, Cofondateur d’Alternatiba, militant de Bizi ! et d’ANV

COP21
www.politis.fr/articles/2021/05/social-et-environnement-meme-urgence-43196

Pour que le chômage de masse et les politiques d’austérité dus à la crise sanitaire ne relèguent pas au second plan les luttes pour la planète, le mouvement climat doit défendre les intérêts des classes populaires.

L’énorme impact économique et social à venir de la crise sanitaire actuelle aura-t-il les mêmes effets que la crise économique de 2009-2010 sur le mouvement climat ? La bataille climatique avait alors disparu d’un coup de l’agenda politique et citoyen mondial après avoir été à son apogée avec la mobilisation internationale autour du sommet de Copenhague.

Les temps ont changé depuis. Réchauffement climatique bien plus tangible, même en Occident, existence d’un véritable mouvement climat, avec une capacité réelle de mobilisation et d’organisation. Reste que chômage de masse et politiques d’austérité peuvent demain reléguer au second plan l’urgence climatique. Sauf à réussir à lier les deux, pas seulement dans nos discours et nos slogans, mais également dans les pratiques quotidiennes, partout et surtout au sein des populations qui seront les plus touchées par la crise économique et sociale à venir.

On ne part pas de zéro et beaucoup de choses ont déjà été pensées, écrites et expérimentées dans ce sens. Les propositions de contribution climat solidaire du Réseau action climat, les études sur les emplois climatiques publiées par Bizi ! au niveau local, ou par Attac, Solidaires, la FSU, etc. au niveau national ; mais aussi les initiatives communes d’Alternatiba ou d’ANV-COP 21 et de certaines associations travaillant dans les banlieues ; la plateforme « Plus jamais ça » lancée notamment par Greenpeace, Attac, Oxfam, les Amis de la Terre, la CGT, la FSU, Solidaires et la Confédération paysanne… Tout cela ouvre des pistes dans la bonne direction.

Il faut désormais passer à la vitesse supérieure. Si l’on veut que les thèses et propositions du mouvement climat soient reprises à leur compte par les milieux populaires, qu’ils y voient les solutions à leurs problèmes de chômage, de pauvreté, de santé, de sentiment d’isolement et d’insécurité, de manque de perspectives que la crise va aggraver considérablement, il n’y a finalement pas 36 000 chemins. Ce n’est pas en expliquant et en répétant que nos solutions sont bien meilleures et désirables que celles de l’extrême droite ou des intégristes de tous poils que nous gagnerons cette bataille-là. D’après moi, c’est uniquement si les militant·es du climat sont aux avant-postes de la défense des intérêts et des besoins matériels des classes populaires que leurs propositions globales, mêlant justice sociale et métamorphose écologique de nos sociétés, seront comprises, acceptées, appropriées par elles.

Des militant·es climat ont récemment créé au Pays basque un mouvement nommé Alda (« Changer » en langue basque) pour défendre les intérêts et les aspirations des populations, familles et personnes des quartiers et milieux populaires. S’occupant des problèmes de logement (dans une zone particulièrement tendue à ce niveau), défendant des personnes peu au fait de leurs droits face à l’administration, à telle compagnie d’assurances ou à tel propriétaire, les membres d’Alda vont de manière volontariste à la rencontre des habitants des quartiers, par le biais d’une enquête populaire ou en diffusant un journal des quartiers sur chaque paillasson. Il s’agit d’un travail d’implantation particulièrement accaparant, mais qui déjà porte ses premiers fruits. Des personnes en difficulté, totalement inconnues du mouvement climat – et plus globalement des associations, syndicats et partis existant localement –, contactent elles-mêmes Alda, qui a désormais ouvert une première permanence à la ZUP de Bayonne. Il sera particulièrement instructif de suivre ce genre d’expériences pour voir ce qu’elles produisent comme dynamiques, mobilisations et propositions tentant de répondre à partir du terrain et de la pratique concrète aux problèmes de « fins du mois et de fin du monde ».

En lien avec cette démarche naissante, je tiens à saluer ici la mémoire d’un petit paysan et grand militant, Mixel Berhocoirigoin, qui vient de nous quitter. Lui avait réussi, depuis longtemps déjà, cette synthèse concrète entre justice sociale et urgence écologique et climatique. Cofondateur de la Confédération paysanne, il en a été le premier secrétaire général, de 1989 à 1991, et fut un artisan important du projet d’agriculture paysanne comme alternative à l’agriculture industrielle, productiviste et climaticide. Compagnon de route d’Alternatiba depuis ses débuts, président de la chambre d’agriculture alternative du Pays basque pendant dix ans, doté d’une intelligence et d’une bienveillance peu communes, d’une capacité visionnaire autant que d’un talent pédagogique admirable, Mixel forçait l’amitié, le respect. Il n’a pas fini de nous inspirer, d’éclairer notre chemin.

Erregai fosil gehiago ez, eskerrik asko
Irune Lasa
www.berria.eus/paperekoa/1913/012/001/2021-05-20/erregai-fosil-gehiago-ez-eskerrik-asko.htm

Nazioarteko Energia Agentziak (IEA) zenbait mugarri zehaztu ditu bide orri batean, munduko energia sektorea karbonoan neutral izan dadin 2050ean. Besteak beste, esan du ez dela zabaldu behar petrolio eta gas hobi gehiago. Munduko energia eskariaren %80 betetzen duten erregai fosilek %20 bete beharko dute hemendik 30 urtera.

Mezuak soilik ez, gauzak nork esaten dituen ere garrantzitsua izan ohi da, eta batzuetan, oso garrantzitsua. Hori gertatu da aste honetan IEA Nazioarteko Energia Agentziarekin.

Hidrokarburoen kontsumitzaileen alde egiteko sortu zen erakunde horrek esan du hemendik aurrera ez dela zabaldu behar petrolio eta gas hobi gehiago, ezta ikatz meategi gehiago ere, 2050ean energia sektoreak karbono neutraltasuna iritsi nahi badu; ezinbestekoa izango dela erretorikatik errealitaterako jauzia egitea eta energiaren arloko «inoiz ez bezalako transformazioa» gauzatzea, beroketa globala 1,5 gradura mugatzeko aukera izango bada.

Hainbat eragilek aspalditik eskatzen ziotena bete du azkenean IEAk: asteartean, txosten mardul bat aurkeztu zuen bide orri bat marrazteko, datozen 30 urteetan munduko energia sektoreak karbono neutraltasunerantz bete beharreko mugarriekin. Askok espero baino mezu indartsuagoarekin, aho zabalik utzi du bat baino gehiago.

Ez baitira nolanahiko mugarriak lortu behar direnak, nolabait, orain gobernu eta enpresen betebehar bihurtu direnak. Fatih Birol IEAko zuzendari nagusia, behintzat, ez da epelkerietan ibili: «Petrolioaren, gasaren eta ikatzaren eskariak izango duen gainbehera handiari begira, jada ez dago beharrik erregai fosilen eskaintza handitzeko inbertsioetarako. Hemendik aurrera, ez da eraiki behar karbono harrapaketarik gabeko beste ikatz zentral termikorik. 2035etik aurrera, ez da saldu behar barne errekuntzako auto berririk, eta auto elektrikoak %5 izatetik %60ra pasatu behar dira 2030erako. 2040an, argindar sistema globalak karbono isuririk gabea izan behar du».

GARRANTZIA

OCDErekin lotutako gobernu arteko erakundea da IEA, eta, beraz, herrialde aberatsak ditu kide. Haren txostenek eta gomendioek jarraipen zuzena izaten dute herrialde horien energia politiketan, baina beste hainbat herrialdeentzat ere erreferentzia sendoa dira, baita inbertsiogile eta merkatuentzat ere. Eta hortik IEAren bide orri berriaren garrantzia eta eragin ahalmena.

Ingurumenaren aldeko taldeek hainbatetan leporatu diote IEAri ez duela azterketa fundamentuzkorik egin klima larrialdiari aurre egiteko jokalekuei buruz, eta berriztagarrien garrantzia gutxietsi duela. Baina herrialde aberatsak euren buruari deskarbonizazio helburuak jartzen hasi izanak eta, batez ere, Joe Bidenekin AEBak ere bide horretan jartzeak erraztu egin du IEAren beraren transformazioa, bai mezuan, baita haren izaeran ere.

Erregai fosilen hornikuntzaren disrupzioei aurre egiteko eta sektoreari buruzko informazioa biltzeko eta lantzeko sortutako agentzia bat da IEA, baina orain beste helburu batzuk dituela iragarri zuen iazko urrian Birolek berak: «Erabakia dugu IEA energia garbirako trantsizio globalerako agentzia bihurtzea».

ERRETORIKA

IEAko zuzendari nagusia jada jarri da rol horretan. Aste honetan, deskarbonizazio helburu arranditsuetatik harago ekitera deitu ditu gobernuak eta enpresak: «Aurtengo isurien hazkundea handienetan bigarrena izango da. Ikusten ari gara handitzen ari dela tartea gobernuen erretorikaren eta bizitza errealean gertatzen denaren artean. Hainbat konpromiso eta promesa entzuten ari gara, baina zenbakiak, emisioak, gora doaz».

IEAren arabera, gero eta denbora gutxiago dago gauzak aldatzeko, eta berehala egiten hasi beharreko «etxeko lanak» jarri ditu: «Hiru etxeko lan guztientzat, gobernu, industria eta herritarrentzat. Bat: energia baliabide garbiak ahalik eta gehien erabiltzea. Bi: berrikuntzaren botoiari ematea, teknologia berriak garatzeko, ahalik eta lasterren egon daitezen prest merkatuan, batez ere industriarako, garraio astunerako, hegazkinetarako eta itsas garraiorako. Hiru: erregai fosilen erabilera nabarmen murriztea».

INBERTSIOAK

Hori bai, dirutza beharko da inbertsioetan urtero mugarri horiek betetzen joateko. IEAren kalkuluen arabera, energia sektorean urtero munduan egin den inbertsioa ia 1,9 bilioi euro inguruan ibili da azken urteetan (2,3 milioi dolar). Bada, karbono neutraltasuna lortzeko inbertsioetan jauzi ikusgarria egin beharko da, urtero lau bilioi euroren inbertsioak egin beharko baitira iturri berriztagarrien hedakuntzan, elektrifikazioan… Hots, munduko barne produktu gordinaren %1 gehiago jarri beharko da urtero.

Enpleguari dagokionez, gaur egun energia alorrak mundu osoan zuzeneko 40 milioi langile dituela kalkulatu du IEAk, eta, bide orria betetzen joango balitz, datozen hamar urteetan hamalau milioi lagun gehiago beharko lirateke energia garbietan. Aldiz, 2030erako, bost milioi enplegu galduko dira petrolio, gas eta ikatz hornikuntzan eta haiek erabiltzen dituzten zentraletan.

 

 

DENBORAREN KONTRA

Nahiko argi dago deskarbonizazioa, iristekotan, lehenago iritsiko dela herrialde garatuetan eta garabideko herrialdeek laguntza beharko dutela egin beharreko inbertsioetarako. Guztien mesederako. Hori esan nahi izan zuen Birolek astearteko aurkezpenean: «Lasterketa honetan, denak ez dira abiatzen leku beretik. Lasterketa ez da herrialdeen artekoa, zenbakiei begirakoa: denboraren kontrako lasterketa bat da. Ez da arrakastarik izango herrialde guztiak ez badira iristen helmugara. Klima aldaketari aurre egiteko, garrantzi kritikoa izango du herrialde garatuen eta garatzeko bidean direnen arteko kooperazioak».

ZALANTZAK

IEAren bide orriaren garrantzia inor gutxik jarri du auzitan, baina, hala ere, zalantza batzuk agertu dira sare sozialetan eta erakunde batzuetan. Adibidez, energia nuklearrak deskarbonizazioan jokatu beharreko zereginaren inguruan. 2050. urteko energia hornikuntzan, nuklearrei %11ko zatia aitortzen die bide orriak, eta gaur egun %5 betetzen du.

Bestalde, bide orriak efizientzian eta teknologian aurreikusten dituen hobekuntzen inguruan ere zalantzak agertu dituzte aditu batzuek. IEAk herrialde aberatsenen BPGrako aurreikusitako hazkundea baino txikiagoa da energia beharren hazkundea, eta horrek ere piztu ditu dudak.

Deskarbonizazioan karbono harrapaketarako, erabilerarako eta biltegiratzerako IEAk iragarritako partearekin ados ez daudenak ere badaude; batetik, harrapaketa teknologiak oraindik ia garatu gabe daudelako, eta, bestetik, haiek ingurumenean eragin dezaketen kaltearengatik.

Edonola ere, orain ez hainbeste sinestezina zirudiena gertatzeak gero eta aukera errealagoa dirudiela nabarmendu du IEAren txostenak: petrolio, gas eta ikatz asko lurpean geldituko da.