Les 7 et 8 octobre se déroulait, en pleine semaine du développement durable, le meeting aérien de Saint-Jean-de-Luz. Une représentation anachronique et en contradiction avec l’urgence climatique, dont le bilan carbone est a minima de 260 t eq CO2, soit 153 aller-retours Paris-New York d’une personne1 ! Il est grand temps de proposer des divertissements porteurs d’autres imaginaires, respectueux des limites planétaires et compatibles avec le Plan Climat Pays Basque.
En pleine Semaine européenne du développement durable, pendant Euskal Herria Burujabe – temps de mobilisation pour accélérer la métamorphose écologique du territoire – et à la veille de la semaine Klima de la Communauté d’agglomération Pays basque, la programmation de 2 jours de spectacle à la gloire du secteur aérien a pu paraître pour le moins à contretemps. Mais, alors que les événements météorologiques extrêmes se sont multipliés en 2023 et que 6 des 9 limites planétaires sont dépassées, la réaction hors-sol de la majorité municipale de Saint-Jean-de-Luz aux critiques révèle en fait une dissonance bien plus profonde :
“Les enjeux de la biodiversité et du développement durable sont une préoccupation du quotidien à Saint-Jean-de-Luz et on sait combien nos villes sont sujettes à bien des pollutions qui coûtent cher à la collectivité : dépôts sauvages, déjections canines, tags, mégots de cigarettes, etc … A notre niveau, c’est contre ces fléaux qu’il faut lutter et non contre une manifestation grand public qui se tient une fois par an2.”
Si les crottes de chien semblent éclipser le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité dans l’ordre de priorité municipale, l’autocongratulation sur la présence d’un Canadair dans la manifestation parachève une posture de pompier pyromane face à l’urgence écologique.
Le dernier rapport des scientifiques du GIEC3 alerte pourtant sur la situation critique dans laquelle nous sommes : pour respecter les objectifs climatiques, une réduction de moitié de nos émissions de gaz à effet de serre sera nécessaire d’ici 2030 ! Cela implique de profondes transformations des modes de vie et l’évitement des vols long-courrier est un des gestes les plus réducteurs de l’empreinte carbone individuelle selon les scientifiques. Selon le même rapport, les actions individuelles seront insuffisantes et devront être accompagnées par des politiques publiques pour faciliter et inciter à la sobriété, càd “un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète.”
Cette modification radicale des usages, et en particulier des mobilités, nécessite de renouveler nos représentations sociales et nos imaginaires collectifs à travers de nouveaux récits, selon l’Agence de la Transition écologique, pour rendre ces métamorphoses désirables pour tou·tes. C’est cependant la posture inverse qu’adopte la commune quand l’élu luzien en charge de l’animation et du tourisme justifie l’événement comme une “vitrine de l’aéronautique, un secteur économique important”. Promoteur d’un imaginaire illimitiste, contraire aux principes du vivant et mettant en péril l’habitabilité de la planète, ce type de spectacle contribue à nous garder prisonniers des récits actuels et à nous maintenir dans une forme d’inaction.
Le maire de Saint-Jean-de-Luz, Jean-François Irigoyen, semble encore plus en incohérence avec sa fonction de président du Syndicat des mobilités. Si l’on voit mal comment un tel événement participe à l’accompagnement d’un tourisme responsable prévu dans le Plan Climat Pays Basque, on peine à y percevoir la volonté de Faire découvrir, expliquer, donner goût aux pratiques de mobilités alternatives prévue dans le Plan de mobilités qu’il porte. Tant par l’événement en lui-même, que par le peu d’incitations à s’y rendre en recourant aux dites mobilités alternatives. Il s’agit pourtant du 1er poste d’émission carbone pour la plupart des événements. Et l’abandon des voies de bus en site propre, après une courte expérimentation sur la commune, n’incite guère à l’optimisme concernant l’action d’ Intensifier les services de transports en commun dans les espaces les plus denses pour contribuer au report modal.
Le GIEC alerte aussi que le coût de l’inaction sera bien plus exorbitant que celui des investissements et de l’action. Celui du nettoyage de quelques tags sera autrement plus anecdotique pour la collectivité luzienne que celui impliqué par le recul du trait de côte et les inondations par submersion. Il est temps pour la commune de Saint-Jean-de-Luz d’enfin atterrir !
Pour rejoindre les sentinelles écologiques et participer à la métamorphose du territoire, cliquer ici ou nous contacter par mail à hitzahitz@bizimugi.eu pour plus d’informations.
- Estimation à partir de l’étude Émissions GES des Spectacles Aériens Publics sur la base du spectacle Façade maritime. L’événement ayant eu lieu sur 2 jours (au lieu de 1 jour dans l’étude) mais avec une affluence globale moindre que sur la simulation de l’étude, une hypothèse de fréquentation réduite de 30%, soit 20 000 spectateurs se déplaçant, a été retenue. L’impact carbone du trajet Paris-New York est issu du calculateur de l’ADEME. ↩︎
- Citation du groupe majoritaire Saint-Jean Passionnément issue de la rubrique Expression des groupes politiques du site internet municipal entre temps mis à jour et devenu inaccessible. Des propos similaires ont été tenus et relayés dans les médias. ↩︎
- Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. ↩︎