Articles du Vendredi : Sélection du 2 septembre 2016

L’écologie est plus importante que le burkini

Hervé Kempf
https://reporterre.net/L-ecologie-est-plus-importante-que-le-burkini

Optimisation fiscale : la Commission européenne impose une sanction record à Apple

Olivier Petitjean
www.bastamag.net/Optimisation-fiscale-la-Commission-europeenne-impose-une-sanction-record-a

L’évasion fiscale, délit de riches aux dépens des pauvres

Jérôme Duval est membre du CADTM, Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et de la PACD, la Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette en Espagne. Il est l’auteur avec Fátima Martín du livre Construcción europea al servicio de los mercados financieros, Icaria editorial 2016 et est également coauteur de l’ouvrage La Dette ou la Vie, (Aden-CADTM, 2011), livre collectif coordonné par Damien Millet et Eric Toussaint qui a reçu le Prix du livre politique à la Foire du livre politique de Liège en 2011.
www.politis.fr/articles/2016/09/levasion-fiscale-delit-de-riches-aux-depens-des-pauvres-35281

Climat : l’enlisement de l’après-COP21

VJulien Bouissou (New Delhi, correspondance), Gilles Paris (Washington, correspondant), Brice Pedroletti (Pékin, correspondant) et Simon Roger
www.lemonde.fr/cop21/article/2016/08/30/climat-l-enlisement-de-l-apres-cop21_4989602_4527432.html#g8jkd3poqljAXVDd.99

L’écologie est plus importante que le burkini

Hervé Kempf
https://reporterre.net/L-ecologie-est-plus-importante-que-le-burkini

Allez, on rentre ! Parce qu’il faut informer et parler des vrais sujets…

Ah que ça fait du bien ! Pendant quatre semaines, l’équipe de Reporterre s’est égaillée aux quatre coins de France. La pause, tout simplement, et d’excellents moments vécus par chacune et chacun. On souhaite que pour vous, cela a été pareil.

Et maintenant, la reprise. Où la présence d’une voix permanente sur l’écologie est plus que jamais nécessaire, alors que tout le mois d’août a été occupé sur les estrades de l’actualité par l’affligeant débat sur le burkini. Comme si n’avait aucune importance le fait que le mois de juillet a été le plus chaud jamais enregistré. Comme si le fait que, selon l’analyse de l’empreinte écologique, la planète a dépassé le 13 août sa consommation des ressources naturelles renouvelables ne méritait pas un mot des politiques. Comme si le constat que la biodiversité est rapidement détruite par la déforestation et l’expansion des surfaces agricoles n’avait pas d’importance.

Mais heureusement, les bonnes nouvelles sont aussi là, sous le radar d’une actualité qui voudrait nous obliger à ne penser qu’à « l’identité » – quel mot policier !

Dans l’océan Pacifique, la plus grande réserve marine du monde est créée autour d’Hawaï. A Bure, les manifestant(e)s ont réussi le 10 août à faire tomber le mur que voulait imposer l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs dans le bois Lejuc. Et en Allemagne, le vice-chancelier Sigmar Gabriel juge que les négociations sur le Tafta (Traité transatlantique de libre échange) ont échoué. Ce qui montre que, plus que jamais, ce sont les luttes citoyennes qui feront changer les choses.

L’année va être dominée en France par la campagne pour les élections présidentielles. On devine, à la voir s’amorcer entre burkini et identité, à quel point elle risque de passer à côté d’enjeux essentiels, que sont la crise écologique planétaire et l’injustice sociale qui préside aujourd’hui à l’ordre des choses. Ce sera la tâche de Reporterre, avec beaucoup d’autres, nous l’espérons, de faire entendre, jour après jour, la voix de l’écologie. Une écologie de lutte, d’alerte, mais optimiste, aussi, et soucieuse de vivre ensemble.

Nous suivrons donc avec attention ceux des politiques qui placent l’écologie au premier plan de leurs préoccupations. Nous continuerons notre travail sur « Ecologie et quartiers populaires » – car la paix civile dépend d’abord de la volonté de vivre ensemble. Nous explorerons avec enthousiasme les alternatives qui fleurissent avec énergie aux quatre coins du monde. Et parce que le monde n’est rien sans beauté, et que la nature est une des plus belles sources de beauté, nous cheminerons vers de nouvelles « balades naturalistes ».

Avec vous, avec votre soutien, votre intérêt, pour soutenir le quotidien de l’écologie, plus libre que jamais, sans actionnaire, sans publicité. Bonne rentrée !

Optimisation fiscale : la Commission européenne impose une sanction record à Apple

Olivier Petitjean
www.bastamag.net/Optimisation-fiscale-la-Commission-europeenne-impose-une-sanction-record-a

La Commission européenne a tranché : Apple devra reverser plus de 13 milliards d’euros à l’Irlande, pour compenser les impôts dus et non versés par la firme à la pomme entre 2003 et 2013. En cause, le caractère « illégal » de deux rescrits fiscaux (ou rulings) accordés à Apple par l’Irlande en 1991 et en 2007. Ces accords secrets conclus entre administrations fiscales et multinationales – au centre du scandale Luxleaks [1] – fixent à l’avance les conditions d’imposition de ces dernières, de manière généralement extrêmement avantageuse.

En l’occurrence, les deux rescrits incriminés ont permis à Apple de faire baisser son taux réel d’imposition en Irlande à seulement 0,005 % de ses bénéfices en 2014 [2] ! La Commission les a assimilés à des aides d’État déguisées, tout comme elle l’avait fait il y a quelques mois pour des rescrits accordés par les Pays-Bas à Starbucks et par le Luxembourg à Fiat [3]. Les sommes en jeu étaient néanmoins largement inférieures.

La décision est un camouflet pour Apple et pour l’administration américaine, qui avaient fait monter la pression sur les institutions européennes au cours des dernières semaines. Selon les données collectées par le Corporate Europe Observatory, la firme à la pomme est devenue, depuis l’annonce d’une enquête sur ses pratiques fiscales, l’un des acteurs majeurs du lobbying bruxellois, multipliant les rendez-vous avec la Commission – ses dépenses de lobbying auprès des institutions européennes ont été multipliées par quatre en quelques années. Des hauts responsables américains ont pris publiquement fait et cause pour Apple, accusant l’Europe de protectionnisme et de remise en cause du droit international. Une note du Trésor américain publiée début août menaçait même explicitement l’Europe de représailles économiques.

Quid des autres pays lésés par Apple ?

L’Irlande occupe une position centrale dans la stratégie fiscale d’Apple, comme plusieurs autres multinationales américaines. La plupart des profits générés par la firme dans le monde, à l’exception de l’Amérique du Nord et du Sud, transitent par le pays, à travers les redevances versées, pour l’utilisation de la marque et des brevets, par les diverses entités locales d’Apple à la filiale Apple Services international, basée à Cork.

La Commission européenne a d’ailleurs explicitement suggéré que les administrations fiscales des pays lésés par Apple pourraient récupérer une partie de la somme versée par Apple à l’Irlande « s’ils considèrent, au regard des informations révélées par l’enquête de la Commission, que les engagements, ventes et autres activités d’Apple auraient dû être enregistrés sur leur territoire ». Une possibilité ouverte non seulement aux pays européens, mais également à ceux d’Afrique ou d’Asie, voire aux États-Unis. Même s’il est difficile à ce stade de dire si de telles démarches auront effectivement lieu et quelle forme elles pourront prendre, cette déclaration représente un geste symbolique fort de la Commission, et une manière de répondre aux accusations de protectionnisme. Rappelons que le fisc français enquête actuellement sur les pratiques fiscales et financières d’Apple.

« Concurrence libre et non faussée »

On peut considérer la méthode privilégiée par la Commission européenne pour s’attaquer à l’évasion fiscale et aux faveurs accordées aux multinationales par certains États – en les considérant comme des « aides publiques déguisées » nuisibles à la « concurrence libre et non faussée » – comme un pis-aller, en l’absence d’une véritable transparence fiscale et d’une harmonisation des assiettes et des taux d’imposition au niveau continental.

Cette approche explique le caractère paradoxal de la sanction prononcée par la Commission européenne, obligeant Apple à verser à l’Irlande une somme que cette dernière n’a pas réclamée, et dont les dirigeants ne veulent pas, parce que la sanction remet en cause leur politique fiscale très favorable à l’implantation des multinationales.

Selon la presse irlandaise, le gouvernement a dépensé à ce jour pas moins de 670 000 euros d’argent public en frais judiciaires pour contester la décision de la Commission, sans parler des coûts d’un éventuel appel. L’annonce de la sanction de la Commission européenne a néanmoins relancé le débat politique en Irlande sur le bien-fondé de cette stratégie fiscale, y compris au sein du gouvernement [4].

Certes, les institutions européennes ont généralement utilisé l’argument de la concurrence libre et non faussée pour imposer des politiques de libéralisation et de privatisation. Il n’en reste pas moins que les politiques de protection de la concurrence ont aussi, historiquement, une composante progressiste : celle de la lutte contre les monopoles, les cartels, et les avantages outranciers accordés par les États aux grands groupes privés. C’est dans cette perspective que se situent les décisions prononcées sous l’égide de la Commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager sur les rescrits fiscaux accordés par l’Irlande à Apple, tout comme auparavant ceux accordés à Fiat et à Starbucks. Reste à savoir en quoi consistera la future décision sur les rescrits accordés par le Luxembourg à Amazon et McDonald’s, puis celle sur les multiples enquêtes diligentées contre Google.

Notes

[1] Tous nos articles sur le procès Luxleaks à retrouver ici.

[2] Le taux d’imposition des sociétés en Irlande, l’un des plus bas d’Europe, est théoriquement de 12,5%.

[3] Lire à ce sujet : La Commission européenne commence à sévir contre l’optimisation fiscale des multinationales

[4Voir ici.

L’évasion fiscale, délit de riches aux dépens des pauvres

Jérôme Duval est membre du CADTM, Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et de la PACD, la Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette en Espagne. Il est l’auteur avec Fátima Martín du livre Construcción europea al servicio de los mercados financieros, Icaria editorial 2016 et est également coauteur de l’ouvrage La Dette ou la Vie, (Aden-CADTM, 2011), livre collectif coordonné par Damien Millet et Eric Toussaint qui a reçu le Prix du livre politique à la Foire du livre politique de Liège en 2011.
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Près de 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, principalement dans les pays dits « en développement ». Or, dans ces pays, chaque année, au moins 250 milliards d’euros de recettes fiscales disparaissent dans les paradis fiscaux, soit 6 fois la somme nécessaire par an pour lutter et vaincre la faim d’ici 2025 (1).

 

« On estime que 85 % à 90 % de ces avoirs [fonds privés placés dans les paradis fiscaux] appartiennent à moins de 10 millions de personnes – soit 0,014 % de la population mondiale –, et qu’au moins un tiers de ces avoirs appartiennent aux 100 000 familles les plus riches du monde, dont chacune pèse au moins 30 millions de dollars », écrit l’économiste américaine James S. Henry. C’est donc bien aux plus fortunés que profite la réduction des recettes fiscales par la fraude, ce qui perpétue et aggrave les inégalités.

La raison mène à penser que les plus riches, qui jouissent des bénéfices de leurs sociétés, devraient contribuer à une redistribution au profit des plus pauvres via l’impôt sur les bénéfices de ces sociétés. Or, la plus-value ainsi dégagée par l’exploitation de la force de travail s’évapore dans des territoires paradisiaques pour l’oligarchie qui gouverne et légifère. Il s’agit d’un vol organisé à grande échelle – illégitime et non conforme à toute idée de développement humain – d’une richesse qui appartient à celles et ceux qui l’on créée par leur travail et qui devrait financer les services publics. En effet, l’impôt sur les bénéfices, ainsi non redistribué pour le bien commun car échappant au fisc, permet au capitaliste d’optimiser la plus-value extraite par le travail en allant, illégalement ou non, chercher à en privatiser l’entièreté.

La fraude entrave le développement

La fraude et l’évasion fiscale, pratiquées notamment par les multinationales aidées des grands cabinets d’audit (les fameux « Big four » : Deloitte Touche Tohmatsu, Ernst & Young, KPMG et Price Water House Coopers), sont un véritable fléau qui entrave l’avancée d’un réel développement pour les populations appauvries par ces politiques. Cette hémorragie de capitaux empêche la construction d’hôpitaux et l’embauche de médecins à des salaires décents ; l’équipement d’écoles à la hauteur de l’enjeu accompagné du recrutement de professeurs afin de réduire le nombre d’élèves par classe ; l’implantation de réseaux d’adduction d’eau potable, etc.

Pour la période 2008-2012, Global Financial Integrity estime que, dans 31 pays en développement, les sorties de fonds illicites étaient supérieures aux dépenses publiques dans la santé et que, dans 35 pays en développement, elles étaient supérieures aux dépenses publiques dans l’enseignement (2). Dans son rapport, Illicit Financial Flows from Developing Countries: 2004-2013, la même organisation constate que les pays dits en développement et les économies émergentes ont perdu 7 800 milliards de dollars (7 002 450 000 euros) dans les flux financiers illicites à partir de 2004 jusqu’en 2013, avec des sorties illicites de plus en plus importantes, augmentant de 6,5 % par an en moyenne, presque deux fois plus vite que le PIB mondial (!).

Croissance des inégalités

Tant de besoins criants, pourtant indispensables à l’avancée d’un réel développement, sont abandonnés au profit d’une classe oligarchique qui ne cesse de s’enrichir. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a indiqué que les 8 % de la population mondiale les plus riches encaissent la moitié des revenus totaux, l’autre moitié revenant aux 92 % restants (3).

Les richesses concentrées entre les mains des 1 % les plus riches sont passées de 44 % des richesses mondiales en 2010 à 48 % en 2014. Au cours des vingt dernières années, les inégalités de revenus ont augmenté dans les pays en développement (4).

La fraude fiscale mérite un peu de sérieux, et surtout une justice qui sanctionne les coupables. Il en va du développement des pays appauvris par le « système dette ». Dans son rapport, l’expert indépendant sur la dette à l’ONU, M. Juan Pablo Bohoslavsky, insiste sur la nécessité de combattre les flux financiers considérés comme illicites qui « concourent à l’accumulation d’une dette insoutenable, puisque l’insuffisance des recettes publiques peut pousser les gouvernements à se tourner vers les emprunts extérieurs ». Au lieu de s’endetter pour faire face à cette hémorragie de capitaux que constitue la fraude fiscale, ces flux illicites privent les États de ressources qui pourraient financer des activités indispensables à l’élimination de la pauvreté et à la réalisation des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques.

À l’issue de ce rapport, une résolution portant sur l’évasion fiscale et sur la nécessité de rétrocéder les avoirs détournés aux pays dits « en développement », a été adoptée au niveau du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Lors du vote, le 24 mars 2016, aucun État européen n’a voté en sa faveur. La Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume-Uni, le Portugal, l’Albanie, la Slovénie, la Lettonie, la Géorgie, la République de Corée, l’Ex-République yougoslave de Macédoine, le Mexique et Panama se sont abstenus.

 

(1) « Au total, le montant des fuites de ressources pour le développement, qui tient compte, outre des recettes fiscales perdues, des gains qui auraient pu être tirés des possibilités de réinvestissement manquées, serait compris entre 250 milliards et 300 milliards de dollars par an. » Voir A. Cobham, « UNCTAD study on corporate tax in developing countries », Unacounted.org (2015). Voir aussi la pétition en ligne.

(2) Voir J. Spanjers et H. Foss, « Illicit financial flows and development indices: 2008-2012 », Global Financial Integrity, p. 30 à 33 (2015).

(3) Voir PNUD, « Humanity Divided: Confronting Inequality in Developing Countries » (L’humanité divisée : combattre les inégalités dans les pays en développement), p. xi du texte anglais (New York, 2013).

(4) Voir « Wealth: having it all and wanting more » (Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout), rapport thématique d’Oxfam, p. 2, 3 et 7 (2015).

Climat : l’enlisement de l’après-COP21

VJulien Bouissou (New Delhi, correspondance), Gilles Paris (Washington, correspondant), Brice Pedroletti (Pékin, correspondant) et Simon Roger
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Où est passé l’optimisme qui prévalait au lendemain de l’adoption de l’accord de Paris sur le climat, en décembre 2015 ? Près de neuf mois plus tard, il ne reste que quelques Etats insulaires pour croire encore à une application rapide du texte engageant la communauté internationale à limiter le réchauffement « bien en deçà » de 2 °C. « Ce que nous avons conclu à la fin de l’année dernière aura probablement force de loi d’ici à la fin de cette année », assurait début août la présidente des îles Marshall, Hilda Heine. Menacé de disparaître sous la montée des eaux, ce petit archipel du Pacifique ne peut s’offrir le luxe de douter de la bonne volonté des 195 Etats participants à la COP21.

Pourtant, le doute pèse depuis sur les discussions climatiques. Et la déception risque de dominer le sommet du G20 des 4 et 5 septembre en Chine, comme elle a marqué la rencontre du G7, fin mai, au Japon. Des vingt pays les plus riches de la planète, qui se retrouveront à partir de dimanche à Hangzhou, aucun n’a jusqu’ici ratifié l’accord de Paris, à l’exception de la France, qui a bouclé le 8 juin son processus d’adoption, mais doit désormais attendre que les autres membres de l’Union européenne (UE) fassent de même pour rendre cette ratification effective.

Relevant à la fois de la compétence des Etats et de celle de l’UE, le traité adopté lors de la 21e conférence des Nations unies – la COP21 – requiert que l’Union et ses vingt-huit Etats membres déposent conjointement leurs « instruments de ratification ». Pour le moment, seuls deux pays ont rempli leurs obligations : la France et la Hongrie. Ecartelée entre des Etats avancés dans la voie de la transition énergétique (à l’instar du Danemark) et des nations très dépendantes du charbon (la Pologne en tête), l’UE pourra difficilement conclure ces négociations d’ici à la fin 2016 et la COP22, en novembre, à Marrakech, au Maroc.

 

Un avant et un après COP21

Pour Célia Gautier, du Réseau Action Climat (RAC), l’UE est frappée d’inertie :

« L’Allemagne, par exemple, vient de supprimer de son plan de sortie du charbon tout objectif daté, alors qu’au contraire il faut planifier cette sortie. En France, la programmation pluriannuelle de l’énergie, clé de voûte de la politique énergétique des années à venir, reste floue et incohérente. »

« L’Europe n’investit pas dans la transition énergétique, estime la responsable du RAC. Tant mieux pour la Chine, dont les constructeurs éoliens sont passés devant les acteurs historiques du secteur, les Européens Vestas et Siemens ! Les chefs d’Etat n’ont toujours pas compris qu’il y avait un avant et un après COP21 et que l’urgence climatique réclamait un changement profond de leurs politiques nationales. »

La Chine, justement, plus gros émetteur de gaz à effet de serre de la planète – 24 % du total mondial –, devrait mettre à profit la réunion du G20 pour ratifier officiellement l’accord sur le climat. La présentation du projet de loi au comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, réuni depuis lundi pour sa session bimestrielle, indique que le consensus est acquis sur le sujet. L’engagement de n’augmenter ses émissions de CO2 que jusqu’en 2030 s’est traduit par l’adoption d’un train de mesures voté en mars.

Le 25 août, le quotidien anglophone de Hongkong South China Morning Post a révélé que Pékin et Washington envisageaient de publier une déclaration commune sur leur ratification le 2 septembre, deux jours avant le début du sommet de Hangzhou. Brian Deese, conseiller en chef du président américain sur le changement climatique, s’est rendu à Pékin les 23 et 24 août pour préparer la visite de Barack Obama, et s’est entretenu avec Xie Zhenhua, le négociateur en chef chinois.

 

 

 

 

Incertitude

Alors que les sujets de désaccord se multiplient entre les deux capitales, Pékin ne serait pas mécontente de démarrer le G20 sur une « note positive » célébrant la collaboration avec les Etats-Unis. A l’approche du sommet, la Chine soigne les apparences. Comme pour chaque grand événement international se tenant sur son territoire, l’activité des usines polluantes, notamment les aciéries, a été réduite à coups de directives.

Autre acteur majeur du réchauffement climatique avec 15,5 % des émissions mondiales, les Etats-Unis préféreraient sans doute orchestrer cette annonce dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre, mais ne comptent pas heurter Pékin si ce sujet émerge durant le G20.

Compte tenu de l’hostilité du Congrès républicain, le président Obama ne devrait pas « ratifier » l’accord de Paris mais le « rejoindre » (« join »), ce qui expose à une incertitude en cas de changement à la Maison Blanche le 8 novembre, le candidat Trump ayant déjà fait savoir qu’il comptait revenir sur l’accord s’il était élu.

 

Seuls vingt-cinq pays ont ratifié l’accord

Quoi qu’il en soit, un coup d’accélérateur sino-américain ne suffira pas à pérenniser le traité adopté lors de la COP21. Pour entrer en vigueur, le texte doit obtenir la ratification d’au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre. D’autres Etats, notamment les puissances émergentes, devront passer de la parole aux actes. Au Brésil, le président par intérim Michel Temer pourrait ratifier le texte fin août, prédit le site Observatorio do Clima.

En Inde, le processus de ratification a commencé en juin, avec la visite du premier ministre Narendra Modi à Washington. Début juillet, New Delhi a répété que les pays riches devaient offrir à l’Inde un accès aux technologies et une aide au financement. Les émissions indiennes de gaz à effet de serre (6,5 % aujourd’hui) ont augmenté de 67 % entre 1990 et 2012. Si rien n’est fait pour changer de modèle de développement, celles-ci pourraient doubler d’ici à 2030.

Présidente de la COP jusqu’en novembre, Ségolène Royal espère voir l’accord entrer en application dès la COP22. « Ce serait l’idéal, mais ce sera très difficile », reconnaît la ministre de l’environnement. Pour intensifier la pression, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, donne rendez-vous le 21 septembre à New York. Seuls vingt-cinq pays ont à ce jour ratifié l’accord de Paris, et ils représentent moins de 2 % des émissions mondiales.