La banquise mondiale au plus bas et des températures mondiales toujours au plus haut en février
LIBERATION et AFP
www.liberation.fr/environnement/climat/la-banquise-mondiale-au-plus-bas-et-des-temperatures-mondiales-toujours-au-plus-haut-en-fevrier-20250306_OQYBOVRS65FANEBTAMJDXWW5LY/
Article
Le mois qui vient de s’écouler «s’inscrit dans la lignée des températures records ou quasi records» depuis deux ans, pointe le bulletin mensuel publié ce jeudi 6 mars par l’observatoire européen Copernicus.
Après 2024 et sa litanie de records et catastrophes climatiques, l’hiver 2025 illustre encore le réchauffement de la planète. En février, la surface cumulée de la banquise autour des deux pôles a atteint un nouveau minimum historique, et les trois mois correspondant à l’hiver de l’hémisphère nord (décembre-février) ont été presque aussi chauds que le record de l’an dernier, selon le bulletin mensuel publié ce jeudi 6 mars par l’observatoire européen Copernicus.
«Février 2025 s’inscrit dans la lignée des températures records ou quasi records observées au cours des deux dernières années» sous l’effet du réchauffement climatique, souligne dans un communiqué Samantha Burgess, du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF).
«L’une des conséquences d’un monde plus chaud est la fonte de la glace de mer» conduisant «l’étendue mondiale de la banquise à un minimum historique», ajoute-t-elle. La banquise fond naturellement l’été (en Antarctique en ce moment) et se reforme l’hiver (Arctique), mais en des proportions désormais déclinantes. Le 7 février, «un plus bas record a été atteint concernant la surface de banquise cumulée» autour de l’Arctique et l’Antarctique, indique Copernicus.
Cette fonte des glaces est particulièrement marquée dans l’Arctique. La banquise de l’Antarctique, sans battre le record absolu, est néanmoins 26 % moins importante que sa moyenne saisonnière au cœur de l’été austral. Le minimum annuel pourrait avoir été atteint à la fin février, estime Copernicus, et «si cela se confirme, il s’agirait du deuxième minimum le plus bas enregistré par les satellites».
La fin d’El Nino ne signe pas la baisse des températures
La planète entame une troisième année d’affilée avec des températures historiquement élevées, après que 2024 est devenue l’année la plus chaude jamais mesurée, battant le record de 2023.
Les climatologues s’attendaient à ce que les températures mondiales exceptionnelles depuis deux ans s’atténuent après la fin du cycle du phénomène El Nino, synonyme de réchauffement supplémentaire, qui avait atteint son apogée en janvier 2024. Mais le thermomètre continue de battre ou de frôler les records.
Même si février 2025 n’est que le troisième mois de février le plus chaud des annales, il reste toutefois hors normes, plus chaud de 1,5°C par rapport au niveau préindustriel, souligne Copernicus. Ce niveau figure dans l’accord de Paris pour éviter la multiplication des catastrophes climatiques mondiales.
Février a été marqué notamment par d’importants incendies en Argentine et plusieurs cyclones dans le sud-est de l’Afrique et le Pacifique Sud. Une grande partie de l’Arctique, les Alpes et l’Himalaya, ainsi que la Scandinavie, le nord du Chili et de l’Argentine, le Mexique, l’Inde ou la Floride ont connu des températures très chaudes pour un mois de février.
Les océans restent anormalement chauds aussi. La température à la surface des mers a été la deuxième plus élevée jamais enregistrée en février, avec 20,88°C de moyenne mondiale. Les océans, régulateurs cruciaux du climat et puits de carbone, stockent plus de 90 % de l’excès de chaleur causé par les émissions de gaz à effet de serre de l’humanité.
En Ukraine, la guerre et les incendies ont provoqué des émissions de CO2 record
Justine Guitton-Boussion
https://reporterre.net/En-Ukraine-la-guerre-et-les-incendies-ont-provoque-des-emissions-de-CO2-record
Article
L’invasion russe de l’Ukraine, débutée il y a trois ans, a fait des milliers de victimes et a saccagé le pays. Au total, 230 millions de tonnes équivalent CO2 ont été émis, révèle une étude.
Il y a des anniversaires que l’on voudrait ne jamais fêter. Voilà déjà trois ans que la Russie a envahi l’Ukraine, le 24 février 2022. Le nombre officiel de victimes de cette guerre n’est toujours pas connu — il est estimé à 1 million de morts et de blessés par le Wall Street Journal. D’autres chiffres sont, eux, désormais disponibles : ceux des émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par la guerre. Elles ont atteint 230 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2e) en trois ans, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’Autriche, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie réunies.
« Le coût climatique de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a atteint de nouveaux sommets », commentent les auteurs de l’analyse révélant ces chiffres. L’étude a été publiée le 24 février et menée par l’Initiative on Greenhouse Gas Accounting of War. Ce collectif de recherche est financé en partie par le gouvernement suédois et la Fondation européenne pour le climat, et est soutenu par l’Ukraine.
Selon cette étude, les émissions liées à la guerre ont augmenté de 55 MtCO2e en 2024. Celles générées par le secteur militaire (les véhicules lourds consommant du carburant, l’acier et le béton utilisés pour les fortifications, etc.) obtiennent la première place de ce triste podium, avec 82 MtCO2e émises depuis 2022. La seconde marche est occupée par la reconstruction des infrastructures et des bâtiments endommagés (62 MtCO2e).
Davantage d’incendies
Une troisième catégorie se développe à vitesse grand V : les émissions générées par des feux. « Les incendies provoqués par des combats ont connu une augmentation notable en raison de conditions de sécheresse inhabituelles, probablement dues au réchauffement climatique », écrivent les chercheurs. Alors que 47 000 hectares de forêt ont brûlé en 2022, puis 29 000 hectares en 2023, ce sont 92 000 hectares qui ont disparu dans les flammes en 2024. Ces feux ont généré 25,8 MtCO2e en 2024, soit plus que les émissions combinées de 2022 et 2023 (22,9 MtCO2e).
« L’été 2024 a été beaucoup plus sec que la moyenne en Ukraine, peut-on lire dans l’étude. Cela a créé les conditions idéales pour que les incendies causés par les combats démarrent sous la forme de petits feux, avant de s’étendre à de plus grandes étendues de manière incontrôlée. » D’autant qu’il est trop dangereux pour les pompiers d’opérer dans la zone de combats.
Selon l’étude, « l’année 2024 est un exemple inquiétant de la façon dont le changement climatique et les conflits armés se renforcent mutuellement, entraînant un réchauffement accru de la planète ». Une évaluation détaillée, « pouvant contenir des sources d’émissions supplémentaires qui n’ont pas encore été prises en compte », sera publiée au printemps 2025.
« La Russie devrait assumer le coût de ses émissions climatiques »
« La Russie a commencé cette guerre et devrait assumer le coût de ses émissions climatiques », estime l’un des auteurs, Lennard de Klerk. De son côté, l’Ukrainienne Svitlana Krakovska, membre du Giec [1], présentera à ses collègues les résultats de cette nouvelle étude le 24 février, lors de la 62e session du Giec, en Chine.
Outre les émissions de GES liées à la guerre, « la Russie de Vladimir Poutine se sert des désastres environnementaux et des dégâts provoqués pour faire pression sur l’Ukraine. L’écocide devient alors une arme de guerre », estimait en octobre dernier Sophie Marineau, doctorante en histoire des relations internationales, dans un entretien à Reporterre. Incendies à répétition, destruction du barrage de Kakhovka en juin 2023, pollution des cours d’eau à l’été 2024… Les coûts mis en place pour reconstruire les infrastructures détruites sont autant de moyens financiers qui ne sont pas investis dans la défense militaire.
Après trois ans, nul ne sait quand cette guerre prendra fin. La semaine dernière, Donald Trump a multiplié les fausses déclarations à l’égard du président ukrainien Volodymyr Zelensky, le qualifiant de « dictateur sans élection », et l’accusant — à tort —d’être à l’origine de la guerre déclenchée par Moscou. Le président étasunien a également déclaré que son homologue ukrainien avait fait « un très mauvais travail de négociation » jusqu’à présent. En parallèle des pourparlers américano-russes, les principaux dirigeants européens se sont réunis le 17 février, à Paris, espérant peser dans le processus en cours.
Le Pouliguen, sur le littoral atlantique, revendique une politique du logement climato-compatible
Marion Briswalter
www.mediapart.fr/journal/ecologie/030325/le-pouliguen-sur-le-littoral-atlantique-revendique-une-politique-du-logement-climato-compatible
Article
Située entre l’océan et les marais salants, la commune défend une politique de densification de l’habitat et des infrastructures, qui respecte la loi climat et résilience de 2021. Au contraire de la région dirigée par Christelle Morançais, qui freine des quatre fers.
Le Pouliguen (Loire-Atlantique).– La brume est retombée le long du boulevard, et l’arrivée de la nuit est annoncée par les merles qui se répondent sans avoir à hausser le ton. Le silence règne dans la ville. Rue des Marais, allée des Mouettes… : toutes les artères du centre-bourg pourraient être rebaptisées « rue des volets fermés ». Les façades, serrées les unes contre les autres, y affichent le même air de grande solitude.
Car Le Pouliguen n’échappe pas à la tendance observée dans bon nombre de stations balnéaires, en expansion mais inhabitées une grande partie de l’année et de plus en plus réservées aux ménages privilégiés, souvent retraités, du fait de prix immobiliers très élevés.
Située à une heure de Nantes, la ville compte 6 500 logements pour seulement 4 000 habitant·es, selon l’Insee. Le Pouliguen est devenu un cas à part en Loire-Atlantique, voire dans la région Pays de la Loire, territoires champions de la croissance démographique et de l’artificialisation des sols. La commune est remarquée pour avoir perdu « 1 000 habitants en dix ans » et fermé six classes. Cela étant, son port de plaisance et de pêche, plus ou moins animé, et qui marque la limite avec La Baule, est flanqué de six agences immobilières et d’un cabinet de notaires.
Face à cette grande bascule, la majorité municipale installée en 2020 a décidé de « redynamiser la ville et faire revenir des habitants à l’année », explique le maire, Norbert Samama (centre-droit), qui assure que cette politique peut s’articuler avec la loi climat. « Oui, on va réaliser du logement pour sédentariser et rajeunir la population en artificialisant très peu. Je le prends comme un défi et c’est assez facile pour moi de le dire par rapport à d’autres maires, car de toute manière nous n’avons pas la capacité au Pouliguen de nous étendre et de consommer du foncier. »
De fait, depuis le XIXe siècle, le tissu urbain s’est déployé partout où il le pouvait, empiétant sur les champs et les dunes et s’étalant jusqu’aux falaises granitiques du couchant et aux marais salants de Guérande. Une trajectoire qui oblige la commune à planifier autrement son aménagement, afin de sauvegarder et de restaurer les espaces de grande valeur qui peuvent encore l’être, et en respectant la prévention des risques littoraux.
Maisons en péril
Car l’érosion côtière et les phénomènes de submersion marine font partie du quotidien : 30 % du Pouliguen est aujourd’hui classé en « zone rouge » submersion. D’ici à 2050, une cinquantaine d’habitations pourraient être mises en péril sous l’effet de l’effondrement des falaises, et 500 maisons d’ici à 2100, selon des diagnostics qui ne tiennent pas compte du dérèglement climatique, selon le maire.
« On est sur un territoire très contraint : il y a la loi littoral, un plan de prévention des risques littoraux contre les submersions marines qui édicte des règles d’inconstructibilité, des règlements liés au patrimoine et une ville qui n’est pas en capacité d’accepter un immeuble de dix étages en cœur de ville », résume l’élu.
Malgré ce casse-tête, la loi climat est en phase d’être traduite dans le plan local d’urbanisme (PLU) et dans le schéma de cohérence territoriale (Scot) de la communauté d’agglomération Cap Atlantique, dont Norbert Samama est le vice-président. Cette intercommunalité à cheval sur la Loire-Atlantique et le Morbihan s’est fixé comme objectifs la « densification » urbaine, le recours aux logements collectifs et à moindre coût. Tout en fixant une « limite » à la croissance démographique et des quotas pour les locations de vacances, à l’image de la démarche adoptée par la ville de Saint-Malo.
Avec la loi du 20 juillet 2023, qui visait à assouplir la loi zéro artificialisation nette (ZAN), les élu·es des façades maritimes et des îles avaient obtenu un régime dérogatoire leur permettant, sous conditions, de faire reconnaître comme espaces « désartificialisés » les routes et bâtiments qu’il va falloir déconstruire et « renaturer » en guise de zone de transition ville-océan. Dans la tête des politiques, l’idée est de pouvoir jouir d’une compensation en vue de l’artificialisation de l’intérieur des terres, lorsque le moment sera venu de « reculer » face à la montée des eaux.
Le nouvel épisode qui se joue avec l’examen par deux commissions du Sénat, mardi 18 et mercredi 19 février, de la proposition de loi Trace (pour trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux), intervient dans un contexte de fortes crispations entre les élu·es du littoral et l’État autour de la question, irrésolue, de l’indemnisation des propriétaires privés dont les biens sont mis en péril par l’amplification de l’érosion littorale et les fautes d’urbanisme.
La région contre la loi
Profitant de la proposition de loi sénatoriale (présentée par huit des seize sénateurs et sénatrices des Pays de la Loire), qui ne prévoit pas de nouvelle dérogation spécifique aux littoraux, l’Association nationale des élus du littoral (Anel) réclame, dans une note de synthèse qu’elle nous a fait parvenir, la levée des conditions pour les compensations des routes et bâtiments à déconstruire.
L’Anel, dont les membres se plaignent d’être « en première ligne », sans moyens ni soutien de l’État, pour « légitimer » la sobriété foncière auprès de la population, demande aussi des « dérogations à la loi littoral » car, défend-elle, « la règle nationale » doit se mettre en « adéquation avec la réalité locale, avec l’idée majeure que le projet définisse l’espace à mobiliser et non l’inverse ». Une posture que l’on retrouve dans la proposition de loi sénatoriale.
C’est aussi la façon de penser de la majorité régionale des Pays de la Loire, qui négocie depuis trois ans avec l’État une « application différenciée » du ZAN, avec un objectif de réduction de la destruction des espaces naturels et agricoles ramené à « 34 % » à l’horizon 2030, au lieu des « 50 % » fixés dans la loi en vigueur. « La singularité du dynamisme ligérien en matière économique et démographique remet en cause la pertinence et la capacité de la région à appliquer [la loi climat] », faisait valoir Christelle Morançais (Horizons), présidente de région, dans une délibération de juin 2022 adoptée contre l’avis des quatre groupes d’opposition.
« ZAN ou pas, les contraintes sont en effet déjà extrêmement fortes sur le littoral, souligne Elsa Richard, conseillère régionale d’opposition (Les Écologistes). Mais on continue à penser le développement économique sous la forme d’une expansion foncière, or ça ne serait que déplacer le problème. On va arriver à un point de bascule où on ne peut plus protéger le littoral, donc pensons autrement : concentrons certaines activités sur certains espaces. Depuis 2021, notre groupe demande des exercices de prospective urbaine pour des plans à cinquante ou cent ans. »
« Il faut qu’on repense très rapidement notre politique de l’urbanisme, il faut transformer cette conjonction de politiques publiques qui ont un caractère contradictoire en trajectoire cohérente », abonde Norbert Samama. « La recomposition requise de la bande littorale ne se fera pas sans une remise en cause plus profonde des activités humaines », plaide Benjamin Taupin, auteur de l’ouvrage Érosion du littoral, pour une organisation renouvelée (éditions Ems, 2024). Pour ce professeur de gestion à l’université Paris-Saclay, « l’occupation des sols est une dimension certes fondamentale, mais finalement somme toute limitée, tant elle dissimule l’ampleur de l’adaptation que commande l’avancée de l’océan ».
« Ce sont nos dividendes » : cette usine de laine a été reprise par ses salariés
Clément Villaume
https://reporterre.net/Ce-sont-nos-dividendes-cette-usine-de-laine-a-ete-reprise-par-les-salaries
Article
La filature de laine Bergère de France a été reprise en Scop par ses travailleuses et travailleurs en octobre 2024. Collectivement, ils et elles réinventent leur activité, en la rendant plus durable et s’en partageant les fruits.
À Bar-le-Duc, dans la Meuse, les ouvrières de Bergère de France sont aussi actionnaires. Aux portes de la ville, on ne peut pas louper l’une des dernières filatures de laine du pays. C’est une institution depuis 1946. Mais l’usine meusienne, qui a compté jusqu’à 800 personnes à la grande époque, a bien failli disparaître en 2024.
Après sa liquidation pour des raisons économiques, l’entreprise a été reprise en octobre 2024 en Société coopérative de production (Scop) par 56 salariés-associés. Un projet encouragé par le nouveau PDG, Jean-Michel Nicolas. « On a dû repartir de zéro, renégocier tous les contrats et se battre au tribunal de commerce, raconte-t-il. Tout le monde a mis la main à la pâte, avec au bout, une belle aventure humaine. » Elle cherche désormais encore un équilibre financier.
La visite de l’usine commence. Par une porte dérobée, on arrive directement à l’atelier. « C’est ma maison ici », s’amuse Fabien Joannes, 49 ans, dans la boîte depuis 1997. Ce « petit jeune de Bergère » a tout connu ici. Il est responsable de la maintenance de ce site de 6 hectares.
Même s’il a été dans les premiers à lancer la Scop, Fabien Joannes n’est pas « en costard-cravate, mais en tenue comme [s]es gars ». « Plutôt que de voir un concurrent ou un fonds d’investissement décider de notre sort, on a préféré se démener », dit-il.
Les ballots de laine, venue d’Uruguay (l’acrylique provient du Portugal) sont d’abord teintés et essorés. La matière est ensuite filée, puis assemblée pour créer un fil de laine, puis des pelotes. Plus loin, des salariés préparent les commandes pour les clients.
La marque de laine Phildar avait aussi une proposition de rachat de l’usine, « mais ils ne voulaient garder que le service création et le nom. Ils auraient tout fait faire à l’étranger et on se serait retrouvés sur le carreau, poursuit le responsable de maintenance. Et bon courage pour réintégrer une autre boîte dans le coin. Par ici, ça n’embauche pas, c’est sinistré ».
Pour intégrer la Scop, les employés ont dû investir 15 % de leur prime de licenciement. Même quelques-uns, à un an de la retraite, ont pris des parts dans l’entreprise.
Si l’entreprise se porte bien, peu importe le montant de départ engagé, chacun profite des bénéfices équitablement. « Que l’on soit ouvrier, contremaître ou cadre, on aura tous le même dividende à la fin de l’année », s’enthousiasme Fabien Joannes.
L’ambiance est au travail ce mois de février, où les demandes en pelotes de laine atteignent leur apogée. « On ne tricote pas en maillot de bain sur la plage, le tricot, c’est un sport d’hiver », s’amuse le quadragénaire.
Dans cette usine vieillissante, il faut chauffer au moins à 23 °C et produire 60 % d’humidité dans l’air — une météo digne des tropiques — pour éviter que le fil de laine casse. Jour et nuit, les génératrices tournent dans un boucan assourdissant.
Les factures d’énergie sont énormes : 1,7 million d’euros de gaz et d’électricité par an. « On consomme 7,5 mégawatts annuels. C’est colossal », dit Jean-Michel Nicolas, le PDG. « Et c’est pire quand il fait froid, ajoute son collègue Fabien Joannes. On a décidé de ne plus produire de laine en hiver [dès l’hiver prochain] pour faire des économies. »
Il s’agit alors de s’organiser autrement : programmer les collections de tricot assez en avance pour fabriquer seulement les pelotes de laine entre mars et septembre. Sur ces 38 000 m2 de bâtiments, la production a aussi été recentrée pour ne chauffer qu’un seul endroit.
« Les autres bâtiments pourraient servir à d’autres entreprises de logistique pour aussi réduire leur empreinte carbone, continue Jean-Michel Nicolas. Avec toutes ces décisions, on est déjà à moitié moins de consommation. »
Depuis la reprise en coopérative, les ouvriers sont complètement polyvalents. De l’assemblage de la laine à l’envoi des colis, en passant par la fabrication des catalogues et la confection des pelotes, ils touchent à tout.
« Avant, c’était chacun sa place sur la chaîne, on ne bougeait pas de sa machine, présente Fabien Joannes. Aujourd’hui, je m’occupe des espaces verts, mais je parle aussi à la Région pour trouver des financements. »
Un peu plus loin, Nathalie inspecte les pelotes de laine prêtes à partir dans les cartons. « La qualité n’est pas encore parfaite, on peut faire mieux », lance-t-elle à son PDG.
Et son confrère, François, contremaître à l’usine, d’abonder : « C’est sûr que ça donne envie de se bouger. On veut que notre boîte vive. C’est notre usine, c’est nos dividendes. »
Même son de cloche du côté de Philippe Marmottin, 56 ans, qui s’occupe de la comptabilité de l’entreprise. « Au départ, je n’étais pas certain d’y aller, j’étais fatigué des deux dernières années. Mais j’ai un esprit coopératif, sourit-il. Aujourd’hui c’est plus convivial, on est moins grognons. »
Il reste néanmoins du pain sur la planche. À titre d’exemple, tous ont été repris avec les mêmes contrats qu’avant la cessation d’entreprise et les écarts de salaires entre eux restent à discuter.
Chez Bergère de France, on est dans les derniers à revendiquer des pelotes françaises et un savoir-faire unique. « Ici, tout le monde connaît l’entreprise », appuie Florence Thiriot, l’ancienne gérante de la mercerie Aux Articles de Paris, à Bar-le-Duc.
« On espère que ça va durer, je croise les doigts pour eux, poursuit-elle. Mais il n’y a pas de raison, la laine est redevenue complètement tendance. Tricoter, c’est avoir un pull chaud et unique, qui sort de l’ordinaire. Mais c’est surtout un acte durable et écoresponsable », à rebours de la fast-fashion et de ses conséquences désastreuses pour l’emploi textile en France.
Une ancienne salariée de Bergère, Céline, devrait bientôt reprendre sa boutique pour commercialiser la marque iconique. « Bien sûr que ça va continuer. Avec les Scop, les gens vont reprendre leur destin en main, s’enthousiasme Fabien Joannes. Quand je parle aux gens d’ici, ils nous disent : sauver une boîte comme ça, chapeau bas ! Mais ce n’est pas impossible. La preuve, on le fait ! »
L’autopartage Aupa comme alternative à la voiture individuelle
Emeline Robillard
www.enbata.info/articles/lautopartage-aupa-comme-alternative-a-la-voiture-individuelle
Article
Créée il y a deux ans, la coopérative Aupa développe pour ses utilisateurs, particuliers et professionnels, un service d’autopartage. Cette année, elle va déployer cette alternative à la voiture individuelle en dehors du BAB.
La coopérative Aupa a été créée il y a tout juste deux ans à l’initiative de citoyens et d’acteurs économiques locaux afin d’offrir une réponse (parmi d’autres) aux enjeux de mobilité sur le territoire. Pour rappel, le Plan de mobilité Pays Basque Adour de la CAPB a pour objectif de réduire la part modale de la voiture de 70 à 52% d’ici 2030. Dans ce sens, la coopérative propose aux usagers un service d’autopartage, en s’associant au Réseau Citiz, 1er réseau coopératif d’autopartage en France et ce depuis 25 ans.
Part modale de la voiture de 70 à 52% d’ici 2030
L’autopartage est une alternative à la voiture individuelle pour des personnes qui n’ont pas besoin (ou pourraient ne pas avoir besoin) de la voiture tous les jours. Quand on pratique principalement les mobilités actives (marche, vélo) et/ou que l’on prend les transports en commun, la 1ère ou 2ème voiture du foyer peut rapidement devenir une contrainte : coût d’achat, assurance, essence, stationnement, maintenance, ce sont autant de charges à gérer pour un bien qu’on l’on utilise trop peu et dont le bilan carbone est désastreux. En mettant à disposition des véhicules en libre-service sur des stations au plus près des usagers, réservables pour une heure, un jour ou plus, Aupa permet d’envisager de se séparer de sa voiture et d’en louer une juste quand on en a besoin. Et tout le monde y gagne ! Les utilisateurs eux-mêmes qui accèdent à un service simple, pratique et économique (on ne paie que ce l’on utilise, et tout est compris !) ; les collectivités, car l’autopartage est un levier pour les modes de déplacement plus doux grâce au report modal (1) ; enfin, notre environnement de vie y gagne également car plus il y a d’usagers qui deviennent autopartageurs, moins il y a de voitures (2) dans nos rues. Des espaces seront donc libérés pour de la végétation, des îlots de fraîcheur, des pistes cyclables, etc. ; la pollution sonore sera réduite, la qualité de l’air améliorée. Les premiers véhicules sont arrivés en juillet 2023 et c’est aujourd’hui environ 200 conducteurs actifs qui utilisent les neuf véhicules de la coopérative répartis sur les sept stations de Bayonne (trois stations, cinq véhicules), Anglet et Biarritz (deux stations d’un véhicule chacune). Les mairies du BAB sont d’ailleurs elles-mêmes utilisatrices du service, car l’autopartage est aussi à destination des professionnels !
Pour éviter la gestion et les coûts d’une flotte interne, mieux maîtriser des pics de déplacements professionnels et même pour soutenir une démarche de mobilité plus responsable et réduire son impact environnemental, 25 à 30% des utilisateurs Aupa sont des professionnels.
Déploiement du maillage des stations hors les murs du BAB
En ce début d’année 2025, la coopérative aborde sa deuxième phase de développement qui se traduira d’une part par la consolidation du service déjà en place et d’autre part par un déploiement du maillage des stations hors les murs du BAB.
Un véhicule Aupa arrivera au printemps au pied du projet d’habitat participatif Grândola à Tarnos. Les villes du littoral (de Boucau à Hendaye), les « Petites villes de demain » (Hasparren, Hendaye, Mauléon- Licharre, Saint-Jean-Pied-de-Port et Saint-Palais), ainsi que d’autres communes qui se densifient comme Camboles- Bains et Ustaritz, seront sollicitées pour étudier la pertinence d’une ouverture de station à moyen terme. C’est d’ailleurs avec la commune de Donibane Garazi que les réflexions sont déjà initiées. Un projet coopératif avec les structures locales I-Ener et Enargia verra le jour en 2026, associant le coeur de métier des trois sociétés partenaires : une voiture électrique en autopartage alimentée via une borne de recharge en énergie produite par une ombrière photovoltaïque installée sur cette même station. Pour finir, cette nouvelle année annonce aussi deux événements impactant la mobilité sur le territoire Pays Basque – Sud Landes. Depuis le 6 janvier, 30% d’offres supplémentaires sont proposées par le réseau de transport collectif Txik Txak ; ensuite, est préparée l’entrée en vigueur, à partir d’avril, d’une Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) qui interdirait aux véhicules sans vignette Crit’Air ou avec une vignette Crit’Air 5 de circuler sur le périmètre à l’ouest de l’A63 et de la D810. Dans ce nouveau contexte, l’autopartage comme alternative à la voiture individuelle sera d’autant plus une option pérenne à considérer pour usagers et prescripteurs.
(1) Evolution de l’usage après inscription à l’autopartage (en jours d’utilisation par mois) : vélo +22% ; marche +38% ; bus +18% ; train +29%.
(2) Une voiture en autopartage en boucle remplace cinq à huit voitures personnelles et libère jusqu’à trois places de stationnement en voirie. Source : TRAUCHESSEC Elodie, ADEME, WESTER Léa, LOUVET Nicolas, COGNEZ Alice 6t. 2022. Enquête Nationale sur l’Autopartage 2022. 165 pages.
Aupa est une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Pour participer au développement de nouvelles stations, rejoignez-nous en prenant une ou plusieurs part(s) sociale(s) (1 part = 200 euros/eusko).
Karbonoa ez da neutroa
Leire Artola Arin
www.argia.eus/albistea/karbonoa-ez-da-neutroa
Article
Agintari gutxik aitortzen dute publikoki, disimulurik eta konplexurik gabe, multinazional kutsatzaileen alde daudela. Nahiago izaten dute enpresa horien aurpegi berdea babestu, “planetaren alde” lan egiten ari direla harro azpimarratu, eta kutsadura eta marroiz zikindutakoa alfonbra azpian ezkutatu. Enpresa erraldoiek defendatzen dute eurak ez direla klima aldaketaren arduradun, atmosferari egindako kaltea erreparatzen dutelako. “Karbono neutroa” izatea bogan dago, eta isuritako karbono dioxido tonak konpentsatzeko zuhaitzak landatzea ere bai.
Zertarako aldatu praktika kaltegarriak, karbono kredituak erosi baditzakete, irudi berdea garbi mantentzeko. Halaxe egiten dute Netflix, Meta edota British Airways bezalako multinazionalek: eurek isurtzen dutena beste batzuek xurgatu dezaten eskatzen dute, nazioarteko legedia errespetatzen dutela esateko. Horretarako, karbono kredituak erosten dizkiote, besteak beste, Kenyako Northern Rangelands Trust (NRT) proiektuari. NRTn elkartu ziren bazkideei –USAIDek eta Europako Batasunak ere finantzatzen dute– ideia bikain hau otu zitzaien klima aldaketa geldiarazteko: Kenyako abeltzain indigenen jarduera kontrolatzen dute, eta ondorioz, inguruko landaredia ugaritzen da, eta beraz, lurrean karbono gehiago jasotzen da. “Lur bidez karbonoa ezabatzen duen munduko proiekturik handiena” dela diote.
Baliabideak espoliatzeaz gain, Mendebaldeak zaborra eta kutsadura ere Hego Globalaren esku utzi ditu. Abdullahi Hajj Gonjobe borana herri indigenako abeltzainak salatu du “kontserbazioaren” izenean Kenyako lurretara doazen enpresak euren interesen alde soilik ari direla, eta herritarrak zapalduta, proiektutik kanpo eta isolatuta utzi dituztela. Kexak baieztatu ditu orain Ingurumenaren eta Lurren Isiolo-ko Auzitegiak, kaltetutako komunitateetako 165 pertsonak ezarritako salaketa ebatzita: konstituzioz kanpo eta oinarri juridikorik gabe ezarri ziren NRTren proiektuko bi eremu handienak. Gainera, sententziak agindu du NRTko lurren zaindariak eremutik joan behar direla, izan ere, herritarrek hainbatetan salatu dute pertsona armatu horiek jatorrizko herritarren eskubideak urratu dituztela.
Survival International antolakundeak urteak daramatza NRTren gehiegikerien berri ematen, eta Caroline Pearce zuzendariak sententzia jakindakoan ziurtatu du ez dela arazo isolatua: “Karbono konpentsazioko proiektu gehienek eredu zaharkitu bera jarraitzen dute: lurra ‘babesten’ dutela baieztatzen dute, eta bitartean lur horien jabe indigenen eskubideak zapaltzen dituzte; prozesuan onura ederrak jasotzen dituzte”.
Argi geratzen ari da “karbono neutroa” izatea ez dela soluzioa, ezta berotegi efektua murrizteko erreminta ere. Multinazionalek herritarren kontura dirutza irabazten jarraitzeko trikimailua da; berdez margotu dute, baina kirats berbera dario.