Articles du Vendredi : Sélection du 7 décembre 2018


Les émissions de CO2 en forte hausse en 2018
Sciences et Avenir avec AFP
www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat-les-emissions-de-co2-continuent-d-augmenter_130045

Le « pic » tant espéré attendra. Les émissions de CO2 des énergies fossiles, première cause du réchauffement mondial, ont connu en 2018 une hausse inédite depuis sept ans, comme un rappel à la réalité pour les États réunis à la COP24 en Pologne.

RECHAUFFEMENT. Selon un bilan annuel publié mercredi 5 décembre 2018 en marge de la 24e conférence climat de l’ONU, les émissions de CO2 liées à l’industrie et à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz devraient croître de 2,7% par rapport à 2017, après une hausse de 1,6% l’an dernier ayant suivi trois ans quasiment stables. « Il faut remonter à 2011 et la sortie de la crise financière de 2008 pour trouver pire taux » dit à l’AFP Glen Peters, climatologue au centre de recherche Cicero (Oslo) et co-auteur de l’étude parue dans la revue Open Access Earth System Science Data« Les politiques se font distancer par la croissance de l’économie et de l’énergie, souligne-t-il. On est loin de la trajectoire qui nous permettrait de rester à 1,5°C ou même 2°C de réchauffement, objectifs de l’accord de Paris. La rhétorique enfle mais l’ambition non, nous avons complètement dérapé ».

La hausse de cette année est alimentée notamment par un boom d’émissions en Chine (+4,7%), premier émetteur mondial (un quart du total), dont les efforts avaient pourtant permis des résultats encourageants les années précédentes, selon ce 13e bilan du Global Carbon Project, réalisé par 80 scientifiques. « Les tendances des dernières années ont beaucoup à voir avec les hauts et les bas de l’utilisation du charbon en Chine, souligne Corinne Le Quéré, de l’Université d’East Anglia. Mais nos experts chinois pensent que cette résurgence est liée aux stimulus économiques donnés par le gouvernement, et donc possiblement temporaire. »

À quand le « pic d’émissions » ?

Deuxième pays émetteur, les États-Unis en sont à +2,5% d’émissions en 2018. A ne pas forcément imputer aux politiques anti-climat de Trump, mais plutôt à un hiver et un été extrêmes qui ont sollicité chauffages et climatiseurs, notent les chercheurs. L’Inde est elle à +6,5%. Les émissions européennes en revanche reculent (-0,7%), avec des disparités nationales.

Outre le charbon, première source de CO2, la consommation de gaz naturel a augmenté de 2% par an dans le monde entre 2000 et 2017, dont +8,4% dans une Chine qui lutte contre la pollution de l’air. Côté pétrole, on pensait le pic de consommation atteint. Il n’en est rien, du fait des transports : le nombre de véhicules croît de 4% par an, dont une faible part d’électriques. Et le recours au carburant utilisé par l’aviation commerciale a bondi de 27% en 10 ans. « Même s’il y a eu des progrès notables en matière d’énergies propres et de véhicules électriques, ils restent trop faibles pour troubler la marche en avant des énergies fossiles », commente Glen Peters.

Peu d’engagements fermes pour limiter le réchauffement climatique à la COP24

Au total, les émissions de CO2 fossile devraient atteindre un record de 37,1 gigatonnes (Gt) en 2018. Soit les 3/4 des gaz à effet de serre. Auxquels s’ajoutent 5 Gt liées à la déforestation. Les émissions atteindront-elles bientôt leur « pic », avant de basculer ? Si le monde veut limiter le réchauffement à 1,5°C, il devra les faire plonger bien avant 2030, et fortement : – 45% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2010. « Ce n’est pas encore le pic d’émissions espéré », note Corinne Le Quéré, mais pas un retour non plus aux forts taux des années 2000.

Pour le climatologue Kevin Anderson, de l’Université de Manchester, « il est temps d’ouvrir les yeux : sur fond d’illusion collective, de tenue de comptes partiale et de mensonges, les émissions vont continuer à grimper », a-t-il commenté à la lecture des résultats. Les États sont réunis jusqu’au 14 décembre à Katowice pour la COP24. La conférence a jusqu’ici été l’occasion d’appels répétés de l’ONU et des pays les plus vulnérables à accélérer la réduction des émissions, mais il y a eu peu d’engagements fermes. Les participants sont invités à faire un point sur l’ambition globale. Selon un observateur, cela pourrait donner lieu à une déclaration d’un groupe de pays.

 

Gaël Giraud : « Le lien social est ce qui fait qu’une société tient debout »
Annie Kahn
www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/06/gael-giraud-le-lien-social-est-ce-qui-fait-qu-une-societe-tient-debout_5393520_3224.html

Entretien avec l’économiste en chef de l’Agence française de développement, qui s’alarme de la distance croissante entre riches et pauvres.

Comment définissez-vous le « lien social » ?

C’est ce qui fait qu’une société tient debout. Le droit ne suffit pas. Encore moins le marché. Ce qui explique la crise actuelle du lien en Europe, au ­Brésil, aux Etats-Unis… Depuis les années 1990, la social-démocratie a réduit la justice sociale à l’égalité des chances. Or l’égalité des chances procède d’une vision atomisée et darwinienne de la société qui tient les liens de solidarité pour négligeables. Pour les raviver, il faut réduire les inégalités de position : revenu, genre, patrimoine, éducation, génération, handicap…

L’égalité des chances procède d’une vision atomisée et darwinienne de la société qui tient les liens de solidarité pour négligeables.

Vous pensez donc que l’augmentation des inégalités dégrade le lien social ?

Avec [la philosophe] Cécile Renouard, j’ai conçu un « indicateur de capacités relationnelles » (RCI) qui mesure la qualité relationnelle selon trois dimensions : l’accès aux réseaux (routes, télécommunications, écoles, centres de soin, télécommunications…) ; la qualité des relations avec nos proches ; l’engagement pour l’intérêt collectif (mouvements de jeunesse, syndicats, communautés religieuses, partis politiques, vote…). En Indonésie comme au Nigeria, lorsque les écarts de revenus augmentent trop, la qualité du lien social mesurée par le RCI se dégrade.

A l’inverse, est-ce que la réduction des inégalités renforce le lien social ?

Elle prévient les déchirures. Mes travaux en macro-économie montrent aussi que réduire les inégalités améliore la croissance potentielle, nonobstant les problèmes écologiques associés au PIB.

En France, selon l’Insee, l’écart de niveau de vie s’est réduit entre les 30 % de Français les plus ­modestes et la médiane. Comment ­expliquez-vous que cette diminution des ­inégalités s’accompagne d’une augmentation des tensions ?

Si l’écart entre ces deux tranches se réduit, c’est le signe du déclassement des classes moyennes. En 2016, le revenu médian en France, comme celui des 30 % les plus modestes, n’avait toujours pas retrouvé son niveau d’avant le krach de 2008. Les inégalités mesurées selon l’indice de Gini sont plus élevées aujourd’hui qu’il y a vingt ans. En cause, un schisme qui est aussi éducatif. L’ascenseur scolaire est en panne depuis vingt ans en France. Pour la première fois depuis deux siècles, un enfant n’a pas plus de chances de faire de bonnes études que ses parents. Un tiers d’une classe d’âge est diplômé du supérieur. Ce tiers concentre les pouvoirs politique, médiatique, économique, et n’a quasiment plus de relation avec le reste de la population, d’où la dislocation du corps social, les tensions et les incompréhensions actuelles.

Pour la première fois depuis deux siècles, un enfant n’a pas plus de chances de faire de bonnes études que ses parents

Pour réduire les inégalités, faut-il investir autant dans la constitution du lien social que dans l’accès à l’eau, à l’alimentation, à la santé ?

Tout va ensemble ! En Afrique et en Inde, le puits est un lieu de socialisation privilégié, tout comme les repas, partout dans le monde. Pour refaire des liens, la promotion des « communs » est décisive. Les stades, les piscines, le sport sont des médiations importantes. Mais aussi la langue, la culture… Ce que nous partageons en commun, voilà ce qui nous humanise et que le « chacun pour soi » de la privatisation met en péril.

Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux peuvent-ils aider à consolider ce lien commun ?

Ils sont un vecteur évident de connexion à sa communauté. J’ai travaillé à alphabétiser des enfants roms en France, qui vivent pieds nus mais ont tous un téléphone portable.

Dans bien des régions d’Afrique, le portable est arrivé avant le raccordement au réseau électrique. Mais les réseaux virtuels désocialisent aussi les adolescents. Ils contribuent donc à la première dimension de notre indicateur mais nuisent aux relations avec nos proches, et peuvent être désastreux vis-à-vis de l’engagement collectif : en témoignent les élections italiennes et brésiliennes. Or un lien social de qualité exige la prise en compte de ces trois dimensions.

En quoi l’accord de Paris sur le ­climat contribue-t-il au lien social ?

Le dérèglement environnemental accroît les inégalités, et vice versa. Les 10 % les plus riches de la planète sont responsables de 45 % des émissions de CO2. Alors que les 50 % les plus pauvres n’en produisent que 13 % mais sont les premières victimes du réchauffement. Inversement, vous et moi devons apprendre la sobriété heureuse. Pour y consentir, il faut des liens forts. De même, l’acceptabilité de la taxe carbone par les plus précaires dépend de la réduction des inégalités. Face à l’imminence des crises écologique et financière, certaines élites rêvent de se bunkeriser en Suède… Pourtant, une société ghettoïsée rendra tout le monde malheureux. L’antidote, c’est la transition sociale et écologique, un projet collectif qui prend ceci au sérieux : nous avons un seul monde en commun.

« L’acceptabilité de la taxe carbone par les plus précaires dépend de la réduction des inégalités »

 

Edouard Louis : ”Chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père”

https://www.lesinrocks.com/2018/12/04/actualite/edouard-louis-chaque-personne-qui-insultait-un-gilet-jaune-insultait-mon-pere-111149208

L’écrivain analyse le mouvement des gilets jaunes dans un texte qu’il nous a transmis.

Edouard Louis, auteur de Qui a tué mon père (Seuil) décrit « le choc » qu’il a ressenti en découvrant les images des Gilets Jaunes, et les sentiments puissants qu’elles ont suscité:

« Depuis quelques jours j’essaye d’écrire un texte sur et pour les gilets jaunes, mais je n’y arrive pas. Quelque chose dans l’extrême violence et le mépris de classe qui s’abattent sur ce mouvement me paralyse, parce que, d’une certaine façon, je me sens personnellement visé.

J’ai du mal à décrire le choc que j’ai ressenti quand j’ai vu apparaitre les premières images des gilets jaunes. Je voyais sur les photos qui accompagnaient les articles des corps qui n’apparaissent presque jamais dans l’espace public et médiatique, des corps souffrants, ravagés par le travail, par la fatigue, par la faim, par l’humiliation permanente des dominants à l’égard des dominés, par l’exclusion sociale et géographique, je voyais des corps fatigués, des mains fatiguées, des dos broyés, des regards épuisés.

La raison de mon bouleversement, c’était bien sûr ma détestation de la violence du monde social et des inégalités, mais aussi, et peut-être avant tout, parce que ces corps que je voyais sur les photos ressemblaient aux corps de mon père, de mon frère, de ma tante… Ils ressemblaient aux corps de ma famille, des habitants du village où j’ai vécu pendant mon enfance, de ces gens à la santé dévastée par la misère et la pauvreté, et qui justement répétaient toujours, tous les jours de mon enfance « nous on ne compte pour personne, personne ne parle de nous » – d’où le fait que je me sentais personnellement visé par le mépris et la violence de la bourgeoisie qui se sont immédiatement abattus sur ce mouvement. Parce que, en moi, pour moi, chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père.

Tout de suite, dès la naissance de ce mouvement, nous avons vu dans les médias des « experts » et des « politiques » diminuer, condamner, se moquer des gilets jaunes et de la révolte qu’ils incarnent. Je voyais défiler sur les réseaux sociaux les mots « barbares », « abrutis », « ploucs », « irresponsables ». Les médias parlaient de la « grogne » des gilets jaunes : les classes populaires ne se révoltent pas, non, elles grognent, comme des bêtes. J’entendais parler de la « violence de ce mouvement » quand une voiture était brulée ou une vitrine cassée, une statue dégradée. Phénomène habituel de perception différentielle de la violence : une grande partie du monde politique et médiatique voudrait nous faire croire que la violence, ce n’est pas les milliers de vie détruites et réduites à la misère par la politique, mais quelques voitures brûlées. Il faut vraiment n’avoir jamais connu la misère pour pouvoir penser qu’un tag sur un monument historique est plus grave que l’impossibilité de se soigner, de vivre, de se nourrir ou de nourrir sa famille.

Les gilets jaunes parlent de faim, de précarité, de vie et de mort. Les « politiques » et une partie des journalistes répondent : « des symboles de notre République ont été dégradés« . Mais de quoi parlent ces gens ? Comment osent-ils ? D’où viennent-ils ? Les médias parlent aussi du racisme et de l’homophobie chez les gilets jaunes. De qui se moquent-ils ? Je ne veux pas parler de mes livres, mais il est intéressant de noter que chaque fois que j’ai publié un roman, j’ai été accusé de stigmatiser la France pauvre et rurale justement parce que j’évoquais l’homophobie et le racisme présents dans le village de mon enfance. Des journalistes qui n’avaient jamais rien fait pour les classes populaires s’indignaient et se mettaient tout à coup à jouer les défenseurs des classes populaires.

Pour les dominants, les classes populaires représentent la classe-objet par excellence, pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu ; objet manipulable du discours : de bons pauvres authentiques un jour, des racistes et des homophobes le lendemain. Dans les deux cas, la volonté sous-jacente est la même : empêcher l’émergence d’une parole des classes populaires, sur les classes populaires. Tant pis s’il faut se contredire du jour au lendemain, pourvu qu’ils se taisent.

Bien sûr, il y a eu des propos et des gestes homophobes et racistes au sein des gilets jaunes, mais depuis quand ces médias et ces « politiques » se soucient du racisme et de l’homophobie ? Depuis quand ? Qu’est-ce qu’ils ont fait contre le racisme ? Est-ce qu’ils utilisent le pouvoir dont ils disposent pour parler d’Adama Traoré et du comité Adama ? Est-ce qu’ils parlent des violences policières qui s’abattent tous les jours sur les Noirs et les Arabes en France ? Est-ce qu’ils n’ont pas donné une tribune à Frigide Barjot et à Monseigneur je-ne-sais-plus-combien au moment du mariage pour tous, et, en faisant cela, est-ce qu’ils n’ont pas rendu l’homophobie possible et normale sur les plateaux de télé ?

Quand les classes dominantes et certains médias parlent d’homophobie et de racisme dans le mouvement des gilets jaunes, ils ne parlent ni d’homophobie ni de racisme. Ils disent : « Pauvres, taisez-vous ! » Par ailleurs, le mouvement des gilets jaunes est encore un mouvement à construire, son langage n’est pas encore fixé : s’il existe de l’homophobie ou du racisme parmi les gilets jaunes, c’est notre responsabilité de transformer ce langage.

Il y a différentes manières de dire : « Je souffre » : un mouvement social, c’est précisément ce moment où s’ouvre la possibilité que ceux qui souffrent ne disent plus : « Je souffre à cause de l’immigration et de ma voisine qui touche des aides sociales« , mais : « Je souffre à cause de celles et ceux qui gouvernent. Je souffre à cause du système de classe, à cause d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe« . Le mouvement social, c’est un moment de subversion du langage, un moment où les vieux langages peuvent vaciller. C’est ce qui se passe aujourd’hui : on assiste depuis quelques jours à une reformulation du vocabulaire des gilets jaunes. On entendait uniquement parler au début de l’essence, et parfois des mots déplaisants apparaîssaient, comme « les assistés« . On entend désormais les mots inégalités, augmentation des salaires, injustices.

Ce mouvement doit continuer, parce qu’il incarne quelque chose de juste, d’urgent, de profondément radical, parce que des visages et des voix qui sont d’habitude astreints à l’invisibilité sont enfin visibles et audibles. Le combat ne sera pas facile : on le voit, les gilets jaunes représentent une sorte de test de Rorschach sur une grande partie de la bourgeoisie ; ils les obligent à exprimer leur mépris de classe et leur violence que d’habitude ils n’expriment que de manière détournée, ce mépris qui a détruit tellement de vies autour de moi, qui continue d’en détruire, et de plus en plus, ce mépris qui réduit au silence et qui me paralyse au point de ne pas réussir à écrire le texte que je voudrais écrire, à exprimer ce que je voudrais exprimer.

Mais nous devons gagner : nous sommes nombreuses et nombreux à se dire qu’on ne pourrait pas supporter une défaite de plus pour la gauche, et donc pour celles et ceux qui souffrent ».

Jaunes, verts : mêmes colères
Txetx Etcheverry
https://reporterre.net/TRIB-Jaunes-verts-memes-coleres

Les « fins de mois » et les « fin du monde » sont tout autant « victimes de ce système plumant les plus pauvres pour donner aux plus riches en même temps qu’il saccage la planète », explique l’auteur de cette tribune. Qui propose une taxe carbone permettant de financer la transition énergétique et la justice sociale et appelle aux rassemblements du 8 décembre.

Txetx Etcheverry est membre de la coordination de Bizi ! et d’Alternatiba. D’abord engagé dans les années 1970 dans le combat pour l’indépendance du Pays basque, il est devenu syndicaliste et militant climatique.

 

Le gouvernement voudrait bien diviser, ou voir s’affronter, entre les « fins de mois » et les « fin du monde », celles et ceux qui combattent sa politique.

Nous ne tomberons pas dans ce piège pour deux bonnes raisons :

  • La première est que nous sommes « en même temps » les un-e-s et les autres. Nous sommes victimes de ce système plumant les plus pauvres pour donner aux plus riches en même temps qu’il saccage la planète et les conditions mêmes de nos vies à moyen terme.
  • La seconde est que nous voyons bien que ce gouvernement n’apporte aucune solution réelle ni à nos problèmes individuels de fins de mois ni à notre problème collectif de fin du monde. Le chômage de masse est toujours là, les inégalités sociales explosent et « en même temps » la biodiversité recule et les émissions de gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique ont augmenté de 3,2 % en 2017 au « pays de la COP21 »  !

Bref, il y a beaucoup de beaux discours, tant pour le climat que pour le pouvoir d’achat, tant contre le chômage que contre les gaz à effet de serre. Mais seulement ça : des discours. Les actes eux, les politiques concrètes, sont trop souvent le contraire exact des belles intentions proclamées.

Et de cela nous n’en pouvons plus ! Nous ne supportons plus ce sentiment profond qu’on se fiche de nous, et qu’au lieu de servir l’intérêt général, la puissance publique le sacrifie au profit d’une minorité déjà trop riche, trop puissante et aux comportements socialement et écologiquement dévastateurs.

Des décennies de politiques néolibérales ont considérablement dégradé nos sociétés, menaçant sérieusement la démocratie et le vivre ensemble, sapant nos libertés, l’égalité et la fraternité. Dans le même temps, le capitalisme et la religion de la croissance à tout prix ont réussi à déstabiliser les conditions mêmes de nos vies sur terre, par la perturbation dangereuse de la biodiversité, des grands équilibres écologiques et du climat lui-même. Les scientifiques nous en alertent, par dizaines de milliers : nous n’avons plus que quelques années pour agir, massivement, si nous voulons éviter le pire à nos enfants.

Des propositions portées depuis presque dix ans

Nous souffrons des mêmes maux même si nous ne réclamons pas toujours les mêmes remèdes. Nous souffrons de la baisse de notre pouvoir d’achat, de l’injustice sociale et fiscale, de l’exclusion et du chômage, du démantèlement des services publics ou des trains de nuit, de notre dépendance à la voiture individuelle, de la dégradation de notre environnement, de la contamination de notre air et de notre nourriture, de la déstabilisation du climat.

Au moment où le Premier ministre annonce un moratoire sur la hausse de la taxe carbone, soulignons d’abord que les gilets jaunes et beaucoup de militant.e.s climat étions d’accord pour la juger socialement injuste et écologiquement inefficace. Socialement injuste car après la suppression de l’ISF et les multiples cadeaux fiscaux faits aux plus riches, il était inacceptable pour les plus pauvres d’être encore plus taxés et ponctionnés. Écologiquement inefficace car ses recettes loin d’être intégralement affectées à la transition écologique finançaient le budget général voire carrément, via le CICE, des entreprises polluantes ! Le moratoire annoncé doit être l’occasion d’une remise à plat totale de la fiscalité en France pour aboutir au plus vite — il y a urgence — à une réforme fiscale globale ayant deux objectifs essentiels : la justice sociale et la transition écologique. Nos mobilisations doivent continuer jusqu’à gagner sur ce point fondamental.

Mais puisqu’il faut laisser sous le sol sans les exploiter les trois quarts des réserves d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) actuellement connues si on veut limiter l’emballement du climat, la question se pose toujours de la manière de limiter au maximum la consommation de ces énergies là. Bref, comment concevoir dans la cadre de cette réforme fiscale globale une taxe carbone permettant elle une transition massive, juste et solidaire vers un autre système, plus soutenable. Voici, pour tenter d’avancer dans le débat et la réflexion commune avec toutes celles et ceux qui luttent en ce moment, les propositions portées depuis presque dix ans déjà par le mouvement « urgence climatique et justice sociale » Bizi !

Nous voulons une taxe carbone s’appliquant, sans aucune exception (kérosène, sites industriels soumis au marché carbone européen, etc.), à tous les carburants, moyens de chauffage, productions diverses provenant des énergies fossiles. Son taux sera ambitieux, permettant de dégager des recettes de plus en plus importantes qui serviront intégralement à financer deux grands postes :

  • la transition énergétique avec l’isolation des logements, le changement des modes de chauffage, un réaménagement du territoire, le développement des transports collectifs de proximité dans les villes et les campagnes, du télétravail, des infrastructures cyclables et d’une indemnité kilométrique vélo obligatoire, du fret ferroviaire, maritime et fluvial, la reconversion de l’agriculture industrielle, le développement des énergies renouvelables ; tout cela sera fortement créateur d’emplois et tout cela sera bon pour notre pouvoir d’achat en nous permettant de dépenser moins d’argent en chauffage, déplacements, et en nous protégeant contre les hausses inévitables et très importantes du pétrole et du gaz dans les années à venir ;
  • la justice sociale avec un fond de solidarité pour les ménages les moins aisés ou vivant dans les zones provisoirement mal desservies par les transports collectifs. Ce fond permettra, par des chèques forfaitaires, de compenser le surcoût mensuel causé chez ces secteurs-là de la population par la taxe carbone, le temps qu’ils aient accès à de véritables alternatives de déplacement, le temps que leur logement ait été isolé et équipé d’autres modes de chauffage… L’objectif est que la taxe carbone soit totalement compensée pour les 50 % les moins riches de la population, et que les 20 % les plus pauvres aient même à gagner dans la mise en place de ce système. Ce fond servira également à contribuer au financement des efforts de réduction d’émission de gaz à effet de serre et d’adaptation aux conséquences du changement climatique dans les pays du Sud.

Faisons le maximum pour se retrouver, marcher ensemble ou au moins dialoguer

Cette taxe carbone s’intégrera dans une réforme globale de la fiscalité en France (visant à faire porter un effort supplémentaire en faveur de la transition sociale et écologique sur les 20 % les plus riches de la population. À titre d’exemple, rappelons ici qu’il y a plus de deux millions de millionnaires en France) et devra être accompagnée d’un plan européen de financement de la transition.

Le samedi 8 décembre, plus de 140 marches sont organisées partout en France pour sonner l’urgence climatique, n’en déplaise au ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui a osé demander leur annulation. Le même jour, les Gilets jaunes seront très certainement mobilisés dans un grand nombre d’endroits. Faisons le maximum pour se retrouver, marcher ensemble ou au moins dialoguer.

Le 8, manifestons nos colères et nos demandes de manière unie, déterminée et non violente. Construisons ensemble des propositions répondant à la fois au court et au moyen terme. Luttons « en même temps » contre l’injustice sociale et la précarisation de notre quotidien, et pour préserver un monde vivable pour nos enfants.

Oui, ensemble, nous sommes une force immense, et nous pouvons changer le système avant qu’il ne soit trop tard.

 

Gilet Vert : les transitions, ça urge !
GILET VERT a lancé cette pétition adressée à citoyens
www.change.org/p/c-est-d%C3%A9j%C3%A0-%C3%A7a-gilet-vert-les-transitions-%C3%A7a-urge-7221b953-0b62-47e0-8b7e-11c25192f488

www.facebook.com/gilet.vert.transition/

Gilet Vert est une très jeune dynamique citoyenne née sur facebook sur l’initiative de responsables, de bénévoles et de professionnels de l’action socioculturelle. Elle a regroupé en deux semaines plus de 20.000 personnes issues de milieux et générations diverses, des grandes agglomérations, des zones périphériques et une représentation importante des territoires ruraux. Exigeante et déterminée, la dynamique Gilet Vert est en cours de structuration dans une trentaine de départements. 

Mobilisés au sein des Gilets Verts, nous partageons l’exaspération sociale qui s’exprime actuellement dans notre pays à travers la mobilisation des Gilets jaunes. Nos fins de mois sont également rendues difficiles en raison des taxes sur les carburants et par le coût de la vie en général.  Nous constatons que le développement économique de notre société, dévastateur pour l’environnement,  ne permet pas non plus de conjurer les frustrations sociales. Bien au contraire, il génère partout des inégalités invraisemblables.

Nous constatons que les institutions, les formes de représentation et d’implication démocratiques de nos sociétés sont clairement inadaptées aux enjeux de notre époque. Nous devons innover à tous les niveaux.

Nous avons une conscience aigüe des enjeux écologiques. Il ne se passe pas une semaine sans que la communauté scientifique ne nous alerte sur le chaos climatique à venir et qui, en partie est déjà là. Elle nous alerte sur la dégradation partout des écosystèmes et l’effondrement de la biodiversité à l’échelle planétaire. Nous-mêmes en sommes les témoins dans nos campagnes, sans abeilles ni chants d’alouettes. Des règles internationales ne permettent pas à nos représentants de répondre aux attentes et aux besoins des populations dans le cadre des limites naturelles. Nous exigeons donc de nos représentants qu’ils consacrent leur énergie à rapidement changer ces règles.

Ce qui est déjà difficile à négocier face à la colère populaire est impossible avec la Nature.  On n’invite pas la Nature à s’asseoir à une table de négociation. Face à elle, les hommes n’ont rien à négocier, c’est elle qui décide.

Les transitions solidaire, démocratique et écologique s’accompagnent d’une quatrième et indispensable transition : la transition culturelle. Plus que d’innovations technologiques, nous avons urgemment besoin de changer notre regard, nos systèmes de valeurs et nos comportements, nous affranchir du consumérisme, de la société du divertissement permanent et de la primauté de la compétition sur toute la vie sociale. Nous avons besoin d’évoluer individuellement et collectivement, d’être plus attentifs et coopératifs, de prendre soin du vivant et les uns des autres.

Les Gilets Verts s’engagent et appellent à l’engagement de notre société toute entière en faveur de ces mesures urgentes :

  1. Financer la transition écologique et solidaire par le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune, par la lutte contre l’évasion fiscale, par la taxation des émissions des gaz à effet de serre et par l’instauration d’une taxation sur les transactions financières.
  2. Faire de la lutte contre le dérèglement climatique, la dégradation des écosystèmes et l’effondrement de la biodiversité, les urgences absolues de notre époque.
  3.  Entendre et renforcer la participation des jeunes générations et des personnes économiquement et socialement exclues dans les décisions prises par notre société. Agir contre les causes des migrations forcées et favoriser les migrations choisies.
  4. Réduire drastiquement l’impact du transport aérien et maritime, incompatible avec l’urgence écologique.
  5. Développer partout les alternatives à l’usage de la voiture individuelle, favoriser la gratuité des transports collectifs les moins polluants, tout particulièrement dans les territoires ruraux.
  6. Financer massivement les alternatives pour permettre à notre société de s’affranchir de sa dépendance aux énergies fossiles et polluantes et des produits dérivés du pétrole.
  7.  Investir dans le transport fluvial et le transport ferroviaire de marchandises et assurer une desserte du transport public ferroviaire qui réponde véritablement aux besoins des populations.
  8. Exiger un moratoire sur le développement des zones commerciales. Revitaliser les centres-villes, les territoires périurbains et ruraux en s’appuyant notamment sur la richesse des savoir-faire locaux et le développement de nouvelles activités économiques et de lieux socioculturels, conditions incontournables de la cohésion sociale et de la démocratie locale.
  9. S’inspirer des initiatives socialement et écologiquement innovantes déjà existantes dans les territoires et dans d’autres pays. Favoriser l’émergence de la société des biens communs : agriculture urbaine, eau, logement, logiciels libres, monnaies alternatives, médias…
  10.  Accélérer la transition agricole et alimentaire en favorisant les circuits courts, les projets de permaculture et en augmentant les aides à l’agriculture paysanne et biologique. Réduire la consommation de viande et sensibiliser l’opinion publique à la cause animale.
  11.  Développer partout les projets de l’économie sociale et solidaire, accorder une véritable dignité sociale et financière aux métiers de l’aide à la personne et faire de l’urgente transition écologique le premier secteur d’activité des nouvelles générations.

 

Mariama Diallo. Alternatibetatik aldaketara: « Hegoko herriek dute pairatzen probokatu ez duten aldaketa klimatikoa »
Jenofa Berhokoirigoin @Jenofa_B
www.argia.eus/argia-astekaria/2619/mariama-diallo-alternatibetatik-aldaketara

Aldaketa klimatikoa politikoaz ezin banaturikoa dela argi du Mariama Diallok: “Arazoa ez da ekologia edo ingurumenari mugatzen, sistema dugu txarra”. Hori horrela, alternatibak garatzeaz gain, esparru politikoan eragin behar dela dio senegaldarrak. Eta hori laster, berantegi izan aitzin. Hegoko herrien ahotsa entzunarazten egon berri da Baionan antolaturiko Alternatiba egunetan. Justizia klimatikoaren gaian sakontzeko tartea eskaini digu.

Nolakoa da aldaketa klimatikoaren kontzientzia hartzea Senegalen?

Badakigu itsasoa aurreratuz doala, ingurumen arazoak daudela, baina “aldaketa klimatikoa” nozioa ez da baitezpada erabilia, batez ere baserri munduan. Eskolan ibili ez direnek ez dute baitezpada termino hori erabiltzen, baina arazo bat badela ohartuak dira, natura andeatuz doalako. Arrangura hau sendi da maila instituzionalean, baita Gobernuz Kanpoko Erakundeetan ere. Azken lauzpabost urteetan herritar dinamika bat ere garatuz doa. Pozik naiz, Alternatiba sortuz gaia jendarteratzea genuelako xede.

Alternatiba taldeak biderkatzeko deia luzatu zenuten duela bost urte Baionatik.

Alternatiba denetan ereina da, oso ongi gainera. 175 talde sortu dira azken bost urteetan mundu guztian zehar. Gainera, oihartzun handia duela ohartzen gara, ikusiz zenbat herritar batu den Baionan, zenbat hizlari, zenbat komunikabide.

Ez da nahikoa maluruski.

Hozka hau gainditzea da gure erronka, askoz urrunago heltzeko. Besteak beste, mundu mailako dinamikak garatu behar ditugu, Iparraren eta Hegoaren arteko harremanak landuz, eraginkorragoak izateko, indar harreman bat eraikitzeko. Ezinbestekoa dugu. Arazoa ez da ekologia edo ingurumenari mugatzen, sistema dugu txarra. Demokrazia arazoak, garapen ekonomikoaren ereduak… guztia lotua da. Iduritzen zait sistema bere orokortasunean galdekatzeko bide interesgarria dela aldaketa klimatikoaren gaia. Sistema aldatzeko eta mundu iraunkorrago bat espero ahal izateko aukera dugu justizia klimatikoaren bidean.

Nola lortu Ipar-Hego harreman justu eta errespetuzkoa?

Koordinatu behar gara, elkarrekin aitzinatu behar gara. Ez du ezertarako balio Frantzian klima defenditzeak, munduaren beste puntan egitasmo klimatizidioak burutzen uzten baditugu Frantziako enpresak. Aldaketa klimatikoaz hitz egiterakoan, Ipar-Hego harremanaren gaia ezin baztertuzkoa dugu.

Zuri irakurria: “Mendebaldearen erantzukizun historikoa eta zor ekologikoa ez dugu ahantzi behar”.

Hegoko herriak ari dira probokatu ez duten aldaketa klimatikoaren ondorioen pairatzen. Mendebaldearen ardura ez da bakarrik historikoa, gaur egungoa ere bada: berotegi efektua dakarten gasen %3,8 igortzen zuen 2015ean Afrika Subsahararrak, %19 Ipar Amerikak, %10 Europak. Hori horrela, justizia klimatikoa behar dugu, Iparreko herriek behar dituzte bestetan eragin kalteak konpentsatu. Ezinbestekoa izan arren, oso gutxi tratatua den eskaera dugu hau.

Zer nolakoak dituzue ondorioak?

Tenperaturaren emendioaz gain, erran bezala, itsasoaren aitzinamenduak ditu sekulako makurrak eragiten. Herri osoak dira irentsiak Senegalen; herritarrak behartuak dira lekuz aldatzera, dena galduz: etxea, lana, tokiko kulturarekiko lotura, lur horietan ehortziriko arbasoak… Arazoak hamaika dimentsio ditu: geografikoa, ekonomikoa, humanoa, kulturala eta abar. Batzuk piragua hartu eta immigrazio klandestinora arriskatzen dira, beste batzuk Hegoan gelditzen dira, hirietan, egoera gogorrean. Laborantzatik bizi zirenek ezin dute gehiago, itsasoaren aitzinatzearengatik lurrak gaziegiak direlako. Arrantzaleek haiek ez dute gehiago aski erreserbarik itsasoan. Hori horrela, egunerokoa ezin dugu lasaiki bizi. Elikadura segurtasunaren erronka hor dugu: behar bezala jaten ahalko dugu?

Baina, nola eragin erabaki politikoetan?

Aterabidea ez dugu oraindik, landu behar dugu, irudikatzen lortu behar dugu. Presazkoa da. Betidanik baztertu izan dut politika, ez dut gustuko, zikina iduritzen zait. Baina, gaur egun ari naiz gu ere herritar gisa doi bat hobendun garela,  sistema politikotik bazter egonez beste batzuen esku uzten dugulako. Gure helburuaren alde doazen legeak pasarazteko bidea izan daiteke politikan inplikatzea… Ekologia gainditu eta ekologia politikora pasa behar gara, politikaren muinean kokatu behar dugu ekologia, politika produktibista kapitalista hor duguino, ingurumenaren babeserako neurriek ez dutelako emaitzik ukanen. Ingurumenaren babesteak berekin dakar sistema ekonomikoaren aldaketa, ekoizpen eta kontsumo moduen aldaketa.

Gerora begira, zer?

Benetako indar harreman bat lortu behar dugu, alternatibak ez direlako nahikoak. Presionatu behar dugu tokian-toki, nazional zein nazioartean. Urrats ttikiak ez dira nahikoak, aldaketa konkretuak behar ditugu, berantegi izan aitzin. Lan handia dugu, indar harreman hau eraiki behar dugu eta horretarako, estrategiak xeheki marraztu behar ditugu.

Itsasoari begira

“Salumgo delta nuen ikerketa eremu, masterrarentzako. Itsasoaz bi urratsetara, bertakoek kontatzen zidaten ume zirela itsasoa oso urrun zutela. Orduan konturatu nintzen arazoaz. Arrain gutxiago, laborantzan ekoizpen ahulak, uholdeak… aldaketa klimatikoaren ondorioak geroz eta argiago nituen. Nazioarteko negoziaketei interesaturik, laster ulertu nuen klimaren gaia politikoa zela”.