Alors qu’il a pour objectif de “bâtir une offre de mobilité moderne et performante comme alternative au « tout voiture »”, le Syndicat des mobilités Pays Basque-Adour (SMPB) offre une remise de 20% sur les tarifs de l’autoroute, y compris aux personnes seules dans un SUV de 1,5 tonne ! En effet, avec le Pass Rocade 50, aucune pratique de covoiturage ou d’intermodalité n’est exigée, il suffit de faire 20 fois le même trajet mensuel avec un domicile ou un lieu de travail sur le territoire.
Effectif depuis le 1er octobre 2019, suite à une convention signée entre le Syndicat des mobilités et Vinci Autoroutes, ce Pass offre donc une réduction totale de 50 % aux automobilistes qui empruntent régulièrement l’autoroute A63 / A64, les seules conditions étant d’effectuer au moins 10 allers-retours (ou l’équivalent de 20 trajets) dans le mois sur un trajet préférentiel et de justifier d’un lieu de domiciliation ou de travail sur le territoire de l’agglomération. Sur les 50% de réduction, 30% de remise est effectuée par Vinci Autoroutes et 20% prise en charge par le Syndicat des mobilités c.à.d la collectivité. Selon le Syndicat la mesure a coûté 480 000 € HT depuis sa mise en œuvre.
En quoi cette dépense d’argent public contribue-t-elle d’une quelconque manière à développer les mobilités alternatives “au tout voiture”, mission prioritaire du Syndicat ?
Engagée à titre expérimental, la convention a été prolongée par 4 avenants jusqu’en mars 2025. La délibération initiale prévoyait que “des mesures complémentaires favorisant la multimodalité [pourraient] être apportées à ce dispositif en associant le covoiturage et l’usage du réseau de transports collectifs pour enrichir le dispositif en 2020. Une remise complémentaire de 20% pourrait être apportée par le Syndicat des mobilités offrant ainsi un total de 70% de remise selon des modalités précisées ultérieurement.” Pourtant, ce pass n’est pour l’instant associé à aucune condition encourageant ni l’intermodalité, ni le covoiturage.
Si l’on peut saluer le développement de l’offre Txik Txak en transports en commun, on peine à voir en quoi ce pass participe aux objectifs du Plan de mobilité d’amener la part de la voiture individuelle de 77 % (en 2020) à 52% (en 2030), la marche de 15% à 25%, le vélo de 1,3% à 8% et les transports collectifs de 4,5% à 11%.
La mesure est justifiée par le SMPB dans l’objectif de “faire de l’autoroute une rocade urbaine [et de viser] le désengorgement des cœurs de villes desservis par le réseau routier”
Dans sa délibération du 16/06/22, il évoque des “résultats encourageants” du Pass rocade, du fait du nombre croissant d’abonnements mais aucune mesure du trafic en cœur de ville – que ce dispositif est supposé faire diminuer – n’est proposée. Cette décision semble avoir été prise avec la vision d’un trafic automobile constant et d’une circulation plus ou moins fluide selon l’ajout ou la suppression d’une voie pour les voitures. Or, cette conception intuitive est démentie par de multiples cas et il est bien documenté par les études d’urbanistes que c’est souvent l’inverse qui se produit. En effet, les choix d’aménagements effectués par les décideurs publics influent sur les comportements de mobilité. L’ajout d’une voie nouvelle ou une facilitation d’accès (comme c’est le cas ici) crée un appel d’air où l’infrastructure finit par attirer un trafic automobile supérieur. Inversement, la suppression d’une voie se traduit par une diminution globale du trafic du fait du report d’une part des déplacements sur les autres modes (marche, vélo ou transport collectif). Espérons que ce phénomène, encore trop souvent ignoré par les pouvoirs publics, soit mieux pris en compte pour un meilleur partage de la voirie en faveur des mobilités actives.
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