Articles du Vendredi : Sélection du 12 février 2015

Réchauffement: le faux-semblant des forêts européennes

Romain Loury
www.journaldelenvironnement.net/article/rechauffement-le-faux-semblant-des-forets-europeennes,66894

Affaire Cahuzac : les faucheurs de chaises réclament un procès de l’évasion fiscale

Sophie Chapelle, Thomas Clerget
www.bastamag.net/Les-faucheurs-de-chaises-reclament-un-proces-de-l-evasion-fiscale

La décroissance à portée de main

Fabrice Flipo
www.reporterre.net/La-decroissance-a-portee-de-main

Réchauffement: le faux-semblant des forêts européennes

Romain Loury
www.journaldelenvironnement.net/article/rechauffement-le-faux-semblant-des-forets-europeennes,66894

Les forêts européennes sont-elles vraiment efficaces contre le réchauffement climatique? Pas si sûr, selon une étude publiée jeudi 4 février dans Science: certes, la surface forestière de 10% a augmenté depuis 1750, mais leur gestion et la nature des espèces ont fortement évolué, favorisant une légère hausse de la température.

Le résultat est pour le moins inattendu: du fait qu’elles absorbent un quart des émissions de gaz à effet de serre –contre la moitié par les océans-, les forêts sont considérées comme l’un de nos principaux alliés contre le réchauffement. Or tout n’est pas question que de carbone: il faut aussi tenir compte du cycle de l’eau et des transferts d’énergie.

C’est à cet exercice que se sont livrés Kim Naudts, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). Les chercheurs ont analysé l’évolution des forêts européennes depuis 1750, dont on pourrait a priori penser qu’elle a eu un effet positif: après une baisse de 190.000 km2 jusqu’en 1850, la couverture forestière a augmenté de 386.000 km2, soit un gain net de 10% en 260 ans.

Or bien d’autres facteurs sont à prendre en compte: primo, les peuplements de feuillus ont  perdu 436.000 km2 depuis 1850, tandis que ceux de conifères, plus vendeurs, ont augmenté de 633.000 km2. Deuxio, 218.000 km2 de taillis ont été converties en futaies. Tertio, 85% des forêts européennes sont désormais gérées.

Une température accrue de 0,12°C

Résultat: par rapport à 1750, les forêts actuelles stockent 3,1 milliards de tonnes de carbone de moins, du fait de l’extraction du bois. Et la température dans les basses couches de l’atmosphère s’est accrue de 0,12°C, en raison de la conversion de forêts de feuillus en forêts de conifères: la raison en est que les premières, qui perdent leurs feuilles en hiver, permettent plus de réflexion de la lumière par les sols enneigés. Avec les conifères, dont le feuillage persiste en hiver, l’albédo, pouvoir réfléchissant du sol, a décru de 1%.

Au-delà de l’Europe, c’est ce type de politique forestière, sur fond de lutte contre le réchauffement climatique et d’exploitation du bois, que d’autres pays mettent en place. Parmi eux, la Chine, qui prévoit de planter 772.000 km2 d’arbres, mais aussi les Etats-Unis (254.000 km2) et la Russie (170.000 km2). Entre 64% et 72% des forêts mondiales sont exploitées, et les changements d’espèces sont monnaie courante.

 

 

Redéfinir la gestion forestière

Selon les chercheurs, tout plan de lutte contre le réchauffement s’attachant à l’usage des sols devrait «certes intégrer la couverture forestière, mais aussi tenir compte du type de gestion de la forêt, car tous ne contribuent pas à l’atténuation du changement climatique». «L’enjeu est maintenant de savoir s’il est possible de trouver une stratégie qui refroidit la température tout en permettant la production de bois et d’autres services écosystémiques», concluent-ils.

Egalement publiée jeudi dans Science, une étude italienne s’est penchée sur l’effet de la déforestation au niveau mondial, entre 2003 et 2012, sur le réchauffement. Selon les chercheurs, l’effet serait d’environ +1°C dans les régions tempérées et tropicales, de plus de 2°C dans les zones arides, mais sans effet dans les régions boréales. Et l’effet lié aux cycles hydriques et énergétiques serait équivalent à 18% de celui lié au relargage du carbone forestier.

Affaire Cahuzac : les faucheurs de chaises réclament un procès de l’évasion fiscale

Sophie Chapelle, Thomas Clerget
www.bastamag.net/Les-faucheurs-de-chaises-reclament-un-proces-de-l-evasion-fiscale

Mais que peuvent bien redouter ces forces de l’ordre d’un sit-in de chaises vides ? Alors que s’ouvre le procès de Jérôme Cahuzac ce 8 février pour fraude fiscale et blanchiment, les faucheurs de chaises se sont donné rendez-vous dans la matinée, à quelques mètres du palais de justice de Paris. « Juger un homme ne suffit pas, c’est le procès de l’évasion fiscale qu’il faut faire », martèlent les associations Attac, Les Amis de la Terre et « Action non violente COP21 ». Les militants profitent du procès de l’ancien ministre pour remettre à la justice les 196 chaises saisies dans des agences de banques ces derniers mois. Des chaises réquisitionnées au sein de banques qui possèdent des filiales dans les paradis fiscaux (nos précédents articles).

« Malgré les révélations des lanceurs d’alerte comme Hervé Falciani (HSBC), Stéphanie Gibaud (UBS) ou Antoine Deltour (LuxLeaks), banques et paradis fiscaux continuent à prospérer en toute impunité », déplore Thomas Coutrot, porte-parole d’Attac France. « L’État brandit la récupération de 2,5 milliards d’euros en 2015 auprès de contribuables repentis, quand le montant de la fraude fiscale s’élève entre 60 et 80 milliards d’euros par an, on est très loin du compte ! »

Destruction d’emplois dans les administrations fiscales

Christian Sautter, ancien ministre des Finances du gouvernement Jospin, figure parmi les personnes portant les chaises en direction du palais de Justice. « La fraude fiscale est une faute contre l’égalité, confie t-il à Basta !. Il faut payer les services publics, assumer la solidarité. On sait où sont les paradis fiscaux, lutter contre eux est une question de volonté politique. » Cette lutte passe notamment par un renforcement considérable des services fiscaux. Plus de 3100 emplois ont ainsi été supprimés dans les services du contrôle fiscal de la DGFiP depuis 2010. Même scénario à l’échelle européenne : la fédération syndicale européenne des services publics a calculé qu’entre 2008 et 2012, 13,6 % des effectifs ont été supprimés dans les administrations fiscales de 30 pays européens.

Les forces de police ont finalement décidé de bloquer les faucheurs de chaises avant l’arrivée au palais de Justice. Difficile de connaitre la destinée de ces 196 chaises laissées sur ce pont… Elles ont été récupérées à la fin de l’action par la police. Iront-elles décorer les cellules des commissariats ? Plusieurs faucheurs de chaises ayant participé ces derniers mois à des actions de réquisition citoyenne ont été placés en garde à vue ou convoqués aux commissariats pour des interrogatoires. Un procès en correctionnelle d’un faucheur est même annoncé à Marseille. Quant à ceux qui rendent possible l’évasion fiscale, ils courent toujours. Cherchez l’erreur.

La décroissance à portée de main

Fabrice Flipo
www.reporterre.net/La-decroissance-a-portee-de-main

La pensée de la décroissance est foisonnante et féconde. Un ouvrage en rassemble les notions clé pour mettre en valeur « ce mouvement et cet enjeu majeur de notre temps ». Fabrice Flipo est maître de conférences en philosophie politique et sociale, spécialiste de l’écologisme et de la modernité. Il enseigne à l’école des Télécoms d’Evry et a publié notamment Nature et politique, contribution à une anthropologie de la globalisation et de la modernité. Il anime un blog.

Récemment est paru un ouvrage important, consacré au vocabulaire de la décroissance. Il s’agit d’un projet international, déjà édité en Angleterre et en Espagne, coordonné par trois chercheurs de l’Institut des sciences et technologies environnementales de l’Université autonome de Barcelone, et tous les trois membres du groupe d’étude Research & Degrowth (Recherche et Décroissance). Le livre réunit les contributions de 60 auteurs sur 528 pages.

Il comprend quatre parties. La première est consacrée aux courants de pensée, où l’on retrouve l’anti-utilitarisme, la bioéconomique, les courants de l’écologisme ou encore la critique du développement. Les huit entrées font le tour des grandes sources d’inspiration de la décroissance, qu’elles soient militantes ou plutôt académiques, comme la political ecology anglo-saxonne.

La seconde s’intéresse aux notions clé que l’on retrouve fréquemment utilisées dans les différents courants de la décroissance : autonomie, bien commun, bonheur, capitalisme, croissance (évidemment !), entropie, extractivisme, simplicité volontaire, etc. Les 25 entrées expliquent chacune en quelques pages quelles sont les principales réflexions et analyses sur le sujet.

Construire un paysage commun

La troisième partie aborde la question de l’action, avec une présentation de certaines actions et mesures emblématiques de la décroissance, tels que les coopératives, la désobéissance, les monnaies communautaires, l’économie féministe ou encore le partage du travail.

Les 18 entrées montrent que la décroissance n’est pas seulement théorique et abstraite, mais qu’elle s’incarne dans des pratiques et des utopies concrètes (entrée « néo-utopistes ») qui incarnent les idéaux et nous font entrer dans le monde de demain.

 

La quatrième partie regarde du côté des alliances possibles. Le buen vivir, l’économie féministe ou l’ubuntu (le bien vivre au sens sud-africain) sont les pistes principales avancées dans ce domaine. L’idée est de montrer que si la décroissance n’invente pas tout, elle entre en résonance avec des pratiques existantes, dans le monde entier, c’est donc de là que vient l’espoir.

Pourquoi cet ouvrage est-il important ? Parce que dans un paysage décroissant minoritaire, morcelé, aux échanges parfois difficiles, mais avec une réelle dynamique et une forte créativité, du commun doit se construire, ce qui passe notamment par une mise en valeur des lieux de rencontre, ce qui construit un paysage commun, où chacun peut se repérer.

La vie que nous pourrions choisir de mener demain

L’ouvrage donne accès de manière simple et lisible aux notions clés utilisées dans les milieux qui prennent au sérieux la question de la décroissance. Le lecteur non-spécialiste et non-initié trouvera ici un outil efficace et agréable à lire, lui permettant de s’instruire et de se faire sa propre idée. Les entrées sont relativement courtes, elles évitent toute complication inutile, mais étudient en profondeur le poids des logiques économiques et industrielles qui pèsent sur les conditions d’existence collective. Elles présentent d’autres formes d’organisation de la production et des échanges, critiquent les effets de nos choix de société sur le rapport au politique, montrent les expériences collectives qui témoignent d’ores et déjà de l’existence de résistances créatives et vivaces partout dans le monde. Il s’agit là d’un panorama complet de notre vie quotidienne, et de la vie que nous pourrions choisir de mener demain !

Décroissance. Vocabulaire pour une nouvelle ère s’appuie en outre sur un grand nombre d’auteurs, venant de spécialités et de pays variés. Ils offrent une perspective internationale sur le sujet, démontrant que la thématique mobilise largement, même si la France a joué un rôle important en la matière. Rappelons que le colloque de Leipzig, en 2014, a stoppé les inscriptions à 3.000 participants !

Le livre, initialement publié en anglais, est en cours de traduction dans plusieurs langues, c’est un ouvrage fédérateur, appelé à devenir une référence. Chaque édition dans une nouveau pays s’enrichit de nouvelles contributions, dont en France celles de Serge Latouche, Paul Ariès, Agnès Sinaï, Anna Bednik…

 

 

 

 

La décroissance est à la fois un mouvement et un enjeu majeur de notre temps, comme le rappellent la COP 21 ou le quinquennat de François Hollande, qui s’achève sans que la promesse principale d’une réduction du chômage n’ait été réalisée, ce qui n’est pas sans rapport avec le fait que la croissance ait été la principale sinon l’unique stratégie du président socialiste pour atteindre cet objectif. Les plus grandes mesures en la matière auront en effet été le Cice (le Crédit impôt, compétitivité, entreprise) et la loi Macron (libéralisation des lignes de car, travail le dimanche…), qui n’ont eu aucun impact mesurable sur l’emploi. Sortons de la pensée unique ! Sapere aude, disait Kant : « Osons penser par nous-mêmes ! »

Décroissance. Vocabulaire pour une nouvelle ère, Giacomo D’Alisa, Federico Demaria et Giorgos Kallis, Éditions Le Passager clandestin, 528 p., 25 euros