Articles du Vendredi : Sélection du 4 juillet 2025

Eurobarometroa: hazi egin dira klima-aldakerekiko kezka eta neurriak hartzeko premia
Ana Galarraga Aiestaran
https://aldizkaria.elhuyar.eus/albisteak/eurobarometroa-hazi-egin-dira-klima-aldakerekiko-k/

Europarren kezka klima-aldaketarekiko hazi egin da, Eurobarometroaren azken inkestaren arabera. Hain zuzen, parte-hartzaileen % 85ak uste du arrisku global larria dela, eta duela bi urte % 77koa zen hori uste zutenen ehunekoa.

Europar Batasunaren klima-politikaren aldeko jarrera sendotzat jo du Eurobarometroak, % 81ek babestu baitu 2050erako klima-neutraltasunaren helburua. 2023ko inkestan 2030erako helburuez galdetu zutenez, zailagoa da alderaketak egitea, baina orduan ere neurriak hartzearen alde agertu ziren; adibidez, energia-trantsizioa azkartzearen aldeko jarrera erakutsi zuten. Kontuan izan behar da Errusia eta Ukrainiaren arteko gerra berriagoa zela, eta ziurgabetasun handiagoa zegoela erregai-horniduraren gainean.

Nolanahi ere, orain egindako galdeketan, herritarrek ekintza klimatikoa, beharrezkotzat ez ezik, onuragarritzat ere jotzen dute, bai ekonomikoki, bai sozialki. Hiru laurdenek baino gehiagok uste du (% 77) klima-aldaketak eragindako kalteen kostuak handiagoak direla klimatikoki neutroa den ekonomia baterako trantsizioaren kostua baino, eta % 88k babesten du inbertsio handiagoa egitea berriztagarrietan eta energia-eraginkortasunean. Horrekin batera, badirudi ziurgabetasunak jarraitzen duela: %75ek uste du erregai fosilen inportazioak murrizteak segurtasun energetikoa hobetuko duela eta EBri ekonomikoki mesede egingo diola.

Bestalde, gero eta gehiago dira ingurumenarekin eta klimarekin lotutako arriskuen eraginpean sentitzen direla adierazten duten europarrak; bereziki, Europa hegoaldean, Polonian eta Hungarian. Neurriak hartzea noren ardura den galdetuta, herritarrei iruditzen zaie gobernu nazionalak (% 66), EBk (% 59), eta enpresek eta industriek (% 58) dutela ardura hori. Soilik % 28k uste dute norbanakoek gaitasun handiagoa dutela gaiari eraginkortasunez heltzeko. Eta gehienek (% 67 k) uste dute bere herrialdeko gobernua ez dela nahikoa egiten ari.

Ekintza klimatikoaren aldeko adostasuna zabala da: % 85ek uste du lehentasuna izan behar duela osasun publikoa hobetzeko, eta % 83k dio klima-aldaketara egokitzeak eguneroko bizitza hobetuko duela.

Aipatzekoa da % 84 ados dagoela klima-aldaketa giza jardueraren ondorio dela. Hala ere, % 52k uste du komunikabide tradizionalek ez dutela informazio argirik ematen, eta % 49k adierazi du zaila dela sare sozialetan eduki fidagarriak identifikatzea.

Canicule et réchauffement climatique : « Là où on dépasse les 40 °C aujourd’hui, on frôlera les 50 °C demain… »
Sylvain Petitjean
www.sudouest.fr/environnement/climat/rechauffement-climatique/infographies-canicule-et-rechauffement-climatique-la-ou-on-depasse-les-40-0c-aujourd-hui-on-frolera-les-50-0c-demain-25059107.php

 

Les climatologues expliquent que les canicules seront plus nombreuses et plus intenses à l’avenir. L’adaptation est nécessaire

Le lien entre vagues de chaleur, canicules et réchauffement climatique ne fait « aucun doute », tranche d’emblée le climatologue landais Christophe Cassou, directeur de recherche du CNRS. « L’exceptionnel d’avant devient la norme d’aujourd’hui, en beaucoup plus intense. Là où on dépasse les 40 °C aujourd’hui, on frôlera les 50 °C demain… » Pourtant, la vague de chaleur que la France traverse ces derniers jours n’est pas la pire.

Dans le Sud-Ouest comme ailleurs, la canicule de 2003 reste la référence. Le thermomètre avait plafonné autour des 40 °C pendant quatre journées d’affilée à Mont-de-Marsan, Bergerac ou Auch. En Gironde, il avait atteint 43,2 °C à Donnezac. En juin 2022, de nouveaux records de chaleur étaient tombés un peu partout dans la région, avec un maximum de 43,4 °C à Pissos, dans les Landes. Cette année, en tout cas au cours de la présente canicule, le thermomètre ne devrait pas dépasser les 40 °C.

Sauf que ces phénomènes ont tendance à devenir plus fréquents et plus intenses. Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) annoncent cette évolution depuis longtemps. Le gouvernement a bien intégré cette donnée au plan national d’adaptation au changement climatique adopté fin 2024. Ce dispositif, qui vise à préparer collectivités, entreprises et citoyens à la hausse des températures, a retenu un scénario à +2 °C en 2030, +2,7 °C en 2050 et +4 °C en 2100.

Regroupés au sein d’AcclimaTerra, les scientifiques de la région Nouvelle-Aquitaine ont émis en 2013 des évaluations similaires. Didier Swingedouw, directeur de recherche CNRS au laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (Epoc) de Bordeaux, préside leurs travaux. « Dès les années 1990, des chercheurs annonçaient l’accélération à venir des canicules. En revanche, leur intensité en durée ou en température n’avait pas vraiment été prévue. À l’horizon 2050-2070, on peut craindre qu’un été sur deux connaisse des épisodes caniculaires. »

La Nouvelle-Aquitaine pas mieux lotie

Les études les plus récentes montrent que les températures maximales en été augmentent plus vite que le prévoyaient les modèles. « Les anomalies de pression anticycloniques sont plus importantes dans les observations de ces dernières années que dans les simulations. Et elles contribuent à ramener vers la Nouvelle-Aquitaine l’air chaud du Sahara qui contourne les Pyrénées », explique Didier Swingedouw.

La Nouvelle-Aquitaine n’est pas forcément mieux lotie que d’autres régions auparavant plus exposées à ces événements extrêmes. « Nous avons quand même moins de vagues de chaleur que le pourtour méditerranéen, temporise le climatologue. Sur le littoral atlantique, lors des vagues de chaleur, il fait parfois dix degrés de moins qu’à Bordeaux, pourtant situé à environ cinquante kilomètres. Mais les anomalies anticycloniques font que c’est le calme plat, et il n’y a quasiment pas de vent pour transporter cet air maritime et rafraîchir l’intérieur des terres. » L’est de la région pourrait donc endurer une vingtaine de journées caniculaires en 2050, cinq ou six jours de plus que le littoral.

Quant à la forêt, même s’il s’agit de la plus grande d’Europe, elle n’a aucun effet sur ces vagues de chaleur. « C’est une grande pinède. Or, l’évapotranspiration des résineux, via leurs aiguilles, est bien moindre que celle des feuillus », précise Didier Swingedouw. « Certaines essences ne tolèrent pas ces fortes températures et vont disparaître, prévient Christophe Cassou. Il faudra un certain temps pour que d’autres s’installent. C’est une illusion de croire que le paysage va juste changer, la transition va être longue et difficile. »

« De la gestion de crise »

« Nous sommes en plein déni de vulnérabilité, déplore le climatologue. On ne cherche pas à s’adapter, c’est de la gestion de crise. Le défi, c’est de recentrer le débat sur la stratégie d’adaptation : soutenir la transformation des bâtiments, réensauvager la nature… On devrait considérer que c’est un investissement nécessaire, pas juste une ligne de dépense. »

Climatisation, ventilation, piscine… Le premier réflexe, en cas de canicule, est d’aménager son cadre de vie et d’améliorer ses capacités à endurer ces fortes températures. « Ce sont les limites de l’adaptation, pointe Didier Swingedouw. Éteindre la lumière, faire du vélo, c’est bien. Mais tant qu’on vendra la lutte contre le réchauffement comme un combat individuel, avec des petits gestes, des ‘‘efforts’’, on n’y arrivera pas… Il faut accentuer les politiques de décarbonation. »

« Aujourd’hui, les climatologues sont en colère, vraiment, insiste Christophe Cassou. Nous sommes là, avec Acclimaterra, pour faire des rappels à la réalité, dans un moment où la politique semble plutôt régressive. Un pilotage national est indispensable pour accompagner les collectivités, qui sont pleines de bonne volonté mais souvent dépassées par les enjeux. »

La décarbonation ne va pas assez vite, alerte le Haut Conseil pour le climat
Mickaël Correia
www.mediapart.fr/journal/ecologie/030725/la-decarbonation-ne-va-pas-assez-vite-alerte-le-haut-conseil-pour-le-climat

Dans son septième rapport annuel, la vigie du climat s’inquiète du fort ralentissement de la baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France. Elle appelle à une relance de l’action politique pour limiter les impacts de la surchauffe planétaire qui s’intensifient dans le pays.

Vigie française de l’action publique en matière climatique, le Haut Conseil pour le climat (HCC), instance indépendante placée sous l’autorité du premier ministre, a publié jeudi 3 juillet son septième rapport annuel.

Intitulée « Relancer l’action climatique face à l’aggravation des impacts et à l’affaiblissement du pilotage », l’étude est publiée alors que la France hexagonale vient de traverser un épisode caniculaire particulièrement intense, et ce, après une année 2024 qui a été la plus chaude jamais mesurée.

L’an dernier, le HCC avait salué des baisses d’émission de gaz à effet de serre du pays encourageantes. Si l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 restait lointaine, le rythme de réduction de nos émissions était en 2023 cohérent avec une trajectoire de décarbonation pour atteindre nos objectifs climatiques en 2030 – une cible fixée à − 55 % de rejets de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

Mais sur l’année 2024, le HCC pointe que les émissions de gaz à effet de serre territoriales brutes de la France sont en baisse de 1,8 % alors qu’en 2023 elles avaient diminué de 6,7 %. Le décrochage est tel que l’organisme estime que le rythme de décarbonation du pays doit désormais « doubler pour atteindre la cible fixée en 2030 ».

Les secteurs du transport et du bâtiment à la traîne

Le HCC s’alarme que ces mauvais résultats soient concomitants avec l’intensification des événements climatiques extrêmes en France – le réchauffement observé dans l’Hexagone a déjà atteint les + 2,2 °C en 2015-2024.

« Au cours des dix dernières années, par rapport à 1961-1990, le nombre de vagues de chaleur en métropole a été multiplié par six, et en 2024, plus de 3 700 décès sont attribuables aux épisodes caniculaires », a rappelé, durant la présentation du rapport, Jean-François Soussana, directeur de recherche à l’Inrae et président du HCC.

Par ailleurs, en 2024, les récoltes céréalières ont été au plus bas depuis quarante ans. Et le coût des inondations de l’hiver 2023-2024 se situe entre 520 et 615 millions d’euros rien que pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais.

« Chaque degré de réchauffement réduit le PIB mondial de 12 % environ : le coût de l’inaction climatique est bien supérieur à celui des trajectoires vers la neutralité carbone », a précisé le président du HCC.

La réponse politique apportée à la colère agricole de début 2024 a fragilisé l’action climatique du secteur.

Concernant les transports en France, le secteur le plus climaticide représentant à lui seul 34 % des émissions nationales, le rythme de décarbonation doit encore quasiment quadrupler pour que le pays reste dans les clous climatiques. « On manque clairement d’une stratégie générale sur les transports de longue distance », a commenté, lors de la divulgation du rapport, Diane Strauss, membre du HCC et directrice du bureau français de l’ONG Transport & Environment.

D’après l’instance indépendante, la baisse des émissions du secteur qui a « fortement ralenti en 2024 » met en exergue le manque de mesures structurelles nécessaires pour poursuivre l’électrification et investir dans les infrastructures ferroviaires et cyclables. De même, « les remaniements ministériels » ou encore « les coupes budgétaires annoncées en 2024 pour 2025 » ont retardé la décarbonation des transports.

Pour le bâtiment (15 % des émissions nationales), la dynamique de diminution des émissions « s’est cassée » en 2024 selon Jean-François Soussana. En cause : des reculs « inquiétants » en matière de politiques publiques existantes, avec par exemple l’annonce en 2025 de l’arrêt des rénovations d’ampleur du dispositif MaPrimeRénov’. Le secteur est tellement à la traîne concernant la décarbonation qu’il doit multiplier au moins par huit son rythme de baisse des émissions pour respecter ses objectifs climatiques d’ici à 2030.

Idem pour l’agriculture. Le rapport indique que l’année 2024 a été marquée par « la réponse politique apportée aux manifestations agricoles de début d’année, qui a fragilisé l’action climatique du secteur et contribué à ralentir sa transition agro-écologique ».

Des baisses d’émissions conjoncturelles 

L’action climatique a pris un tel retard en France qu’au total, 70 % de nos baisses d’émissions en 2024 peuvent être attribuables non pas à des politiques structurelles, mais à des effets conjoncturels comme un hiver doux, l’évolution du parc automobile ou la diminution de l’élevage en France. En 2023, les facteurs conjoncturels expliquaient seulement un tiers de la réduction de nos émissions.

« On observe dans le pays une réduction du cheptel bovin car les éleveurs arrêtent leurs activités à cause du contexte socio-économique actuel. Il existe pourtant de nombreux leviers structurels pour diminuer les émissions du secteur agricole : travailler la santé des sols, planter des haies pour stocker du carbone ou s’adapter aux ressources en eau disponible », a détaillé Marion Guillou du HCC, qui préside l’Académie d’agriculture de France.

En outre, le puits de carbone des forêts, c’est-à-dire les écosystèmes arborés qui absorbent une partie du CO2 émis dans l’atmosphère, s’est dégradé entre 2013 et 2022 à cause des impacts des dérèglements climatiques (incendies, sécheresses) et de l’augmentation des prélèvements de bois.

Pour terminer, le rapport du HCC signale que les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre de la France sont liés à l’usage des énergies fossiles. La facture énergétique liée aux importations de pétrole, de gaz et de charbon a atteint près de 65 milliards d’euros entre avril 2024 et avril 2025. « Atteindre la neutralité carbone en 2050 passe en particulier par la sortie des énergies fossiles », insiste le HCC.

Face à ce sombre tableau, le président du HCC s’est dit « inquiet » et appelle à « un sursaut collectif » pour relancer l’action climatique en France. La veille de la publication du rapport, le cabinet de la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a déclaré que la France venait de connaître « son deuxième mois de juin le plus chaud après 2003 ».

Pourquoi l’avion est moins cher que le train en Europe (et comment y remédier) ?
Alexis Chailloux, responsable Transports au Réseau Action Climat
https://bonpote.com/pourquoi-lavion-est-moins-cher-que-le-train-en-europe-et-comment-y-remedier

En 2023, en France, l’aérien représentait 14 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, et 25 % de son empreinte carbone en intégrant les effets “hors CO2”. Si les objectifs cibles de la Stratégie Nationale Bas Carbone sont respectés, ces chiffres grimperont respectivement à 20 % et 34 % en 2030[1] . C’est d’ailleurs une des alertes lancées par le Haut Conseil pour le Climat dans son 7e rapport annuel, publié hier.

Le report modal de l’avion vers le train, notamment pour les destinations européennes, est un des leviers pertinents pour réduire les émissions du secteur aérien. Un trajet Paris-Barcelone a un impact sur le climat 55 fois supérieur en avion qu’en TGV. Pourtant, sur cette liaison comme sur beaucoup d’autres, les billets de train sont plus chers que les billets d’avion.

Le nouveau rapport du Réseau Action Climat cherche à objectiver ce constat, à en comprendre les ressorts et à lister des recommandations pour que le prix du train soit plus compétitif que celui de l’avion.

En France, le train moins cher…quand il existe une liaison directe

Dans un rapport sorti hier également, l’UFC-Que Choisir a comparé le prix le plus bas en avion et en train sur les 48 liaisons aériennes hexagonales ayant transporté plus de 50 000 passagers en 2023. Résultat : lorsqu’il existe une alternative ferroviaire directe, le prix d’entrée du train est nettement moins cher (-40 %).

En revanche, quand une correspondance est nécessaire, le prix des billets de train double presque (113€ contre 64 € pour un train direct), et le train devient alors plus cher que l’avion (+10 %).

Ce constat démontre que le manque de liaisons ferroviaires directes entre les régions françaises est corrélé à une augmentation du prix des billets de train. La ligne entre Nantes et Marseille en est un bon exemple. Depuis le Covid, la SNCF a supprimé le TGV direct sur cette liaison.

Corrélation étrange, le trafic aérien a augmenté entre 2019 et 2024 sur cette même ligne Marseille-Nantes (+11 %), à rebours de la tendance globale sur les vols internes (-25 %). C’est aujourd’hui la principale liaison aérienne transversale en France (ça n’était que la cinquième en 2019), avec plus de 400 000 passagers aériens en 2024

Sur les liaisons européennes, le train est en moyenne 2.5 fois plus cher que l’avion

Dans un rapport dont les premiers résultats ont été publiés hier, Greenpeace Central and Eastern Europe a comparé le prix d’entrée des billets d’avion et de train sur 21 liaisons entre la France et l’Europe. En pondérant par le nombre de passagers aériens, le train est en moyenne 2,5 fois plus cher que l’avion.

Par exemple : sur la liaison entre Paris et Rome, qui transporte plus de 2 millions de passagers aériens chaque année, le billet d’avion le plus bas se trouve autour de 70 € en moyenne, contre 210 € pour un billet de train.

Outre la question de la connectivité (Paris-Rome nécessite un changement à Turin ou Milan) la situation s’explique par le prix extrêmement bas de certains billets d’avion, ainsi que la rareté des billets de train bon marché sur les liaisons internationales. La conjugaison de ces deux facteurs peut donner des différences de prix considérables : il n’est pas rare de trouver pour un même jour, comme l’a relevé Greenpeace entre Marseille et Londres, un billet d’avion à 15 € quand le billet de train le moins cher coûtait 188 €.

Cet écart de prix sur les liaisons européennes est d’autant plus préjudiciable que les vols européens sont plus émetteurs que les vols internes.

La compétitivité du train bridée par les niches fiscales aériennes et les péages ferroviaires 

Le prix des billets payé par les voyageurs est à différencier du coût pour les compagnies (aériennes ou ferroviaires). Le prix d’un billet peut ainsi être inférieur ou supérieur au coût pour transporter un passager, selon la stratégie tarifaire de l’entreprise.

Le cabinet d’étude Carbone 4 s’est justement intéressé à ce qu’une compagnie doit dépenser pour transporter un passager entre Paris et Barcelone, pour mieux comprendre ces écarts de prix de vente des billets.

L’analyse de coûts a permis de dégager deux facteurs explicatifs :

  • Les exonérations fiscales aériennes (aucune taxe sur le kérosène, et TVA à 0 % sur les vols internationaux et 10% sur les vols internes hors correspondance). Sur un vol entre Paris et Barcelone, ces exonérations représentent entre 30 et 40 € par passager selon les compagnies, selon les estimations de Carbone 4. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que le transport automobile est lui bien soumis à une taxe sur le carburant, et que le transport ferroviaire paye une TVA sur certains trajets internationaux (ex : près de 10 % sur un Perpignan-Madrid).
  • Le poids des péages ferroviaires (ou redevances), qui représentent plus de la moitié des coûts pour la SNCF sur un trajet Paris-Barcelone selon Carbone 4. A noter que pour les autres liaisons ce chiffre se situe plutôt entre 30 et 40 %. Ce surcoût s’explique par la présence du tunnel du Perthus sous les Pyrénées qui non seulement est payant à l’usage (6 € par passager environ), et surtout ne permet pas le passage de TGV à double rame, dont les péages par passager sont moins élevés sur le réseau ferré français.

Il est intéressant de noter également sur ce graphique la capacité des compagnies aériennes low cost à réduire leurs “autres coûts” (amortissement de l’appareil et personnel de bord, principalement). Cela passe notamment par une rotation intensive des aéronefs, et des conditions de travail moins-disantes par rapport aux compagnies traditionnelles comme Air France (heures de vol plus importantes, moins de formations internes, etc.).

Enfin notons que la SNCF n’offre aujourd’hui que 1 000 sièges à la vente sur la liaison Paris-Barcelone (2 rames simples par jour), contre près de 8 000 pour les compagnies aériennes. Associé à la tarification dynamique, ce manque d’offre conduit à faire grimper le prix des billets de train entre Paris et Barcelone.

Comment inverser la situation et encourager financièrement les Français à prendre le train ?

Fort de cette analyse, le Réseau Action Climat recommande la fin des niches fiscales aériennes (hors Outre-mer). Sur les lignes intérieures (hors Outre-mer), cela passe par l’instauration d’une TICPE sur le kérosène (au même niveau que le diesel, soit environ 0,6 € / litre) et d’une TVA à 20 % (contre 10 % aujourd’hui)

Sur les liaisons européennes, régies par différents traités internationaux, la fin de ces exonérations passerait par l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion à un niveau qui permette de compenser les exonérations fiscales aériennes (soit environ 30 € par passager sur un vol européen en classe éco). Le barème suivant, largement inspiré de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, permettrait de se rapprocher de cet objectif:

Cette proposition permettrait de financer 3 mesures en faveur du ferroviaire :

  • Relancer (vraiment) le train de nuit, en priorité les lignes entre les régions (ex : Marseille-Nantes, Lyon-Bordeaux) et vers l’international (ex : Paris-Barcelone). Cette mesure a un coût très modeste (de l’ordre de 60 millions d’euros par an à partir de 2030).
  • Offrir un billet de train à tarif réduit à tous les Français. Il s’agit de revaloriser le “billet de congés annuel” créé par le Front Populaire en 1936, en proposant une fois par an un aller-retour en train à 29 €. Avec les hypothèses retenues, cela coûterait 1,6 milliard d’euros par an à l’Etat
  • Financer la rénovation d’un réseau ferré vieillissant, puis baisser les péages ferroviaires du TGV, à commencer par les liaisons internationales et transversales (région-région).

Autrement dit, l’écart de prix entre les billets d’avion et de train n’est pas une fatalité qui viendrait de traités internationaux ou d’une différence structurelle de coût entre les modes de transports. Il s’agit d’abord de résultats de décisions politiques (le maintien des niches fiscales en faveur de l’aérien, l’absence de subvention pour le TGV en France) qui peuvent être modifiées par… d’autres décisions politiques plus favorables au climat.

Références
↑1 CITEPA, Données par secteur, Rapport Secten édition 2024. Le secteur aérien a émis 20,8 Mt CO2e en 2023 en France, contre 146,5 Mt CO2e pour l’ensemble du secteur des transports (avec soutes internationales). Selon l’ADEME, les effets « hors CO2 » sont équivalents, en ordre de grandeur, à ceux liés aux émissions de CO2. En appliquant ce facteur 2, l’empreinte climatique totale du secteur aérien est de 25 % de celles transports en 2023 (20,8*2 / (146,5 + 20,8)). La SNBC fixe un objectif de 22,8 Mt CO2e au secteur aérien d’ici 2030. La cible pour le secteur des transports dans son ensemble (avec soutes internationales) est de 113 Mt CO2e. Source : SGPE, Revue d’avancement de la planification écologique dans les transports, avril 2025.

Philippe Bihouix : « Le monde d’après sera celui de la sobriété systémique »
Hervé Kempf
https://reporterre.net/Philippe-Bihouix-Le-monde-d-apres-sera-celui-de-la-sobriete-systemique

Alors que les ressources se raréfient et que le monde s’automatise toujours plus, l’ingénieur pionnier des low-tech Philippe Bihouix prône dans cet entretien une « sobriété systémique » organisée par l’État.

Philippe Bihouix est ingénieur. Après avoir été l’un des premiers à alerter sur la pénurie à venir des métaux, il a été un pionnier en France de la low-tech. Il a publié, avec Vincent Perrot, la BD Ressources (éd. Casterman). Cet entretien de notre série Le Monde d’après a été enregistré au Musée des arts et métiers, en partenariat avec celui-ci.

Reporterre — Vous êtes ingénieur et avez été l’un des premiers à alerter sur la pénurie prochaine des matières premières. Comment imaginez-vous le monde d’après le capitalisme ?

Philippe Bihouix — C’est un monde où l’on est réconciliés avec le vivant, mais aussi où l’on a réussi à s’organiser collectivement autour d’une sobriété systémique. Je ne parle pas ici d’un retour à l’âge de pierre — l’image est convoquée chaque fois que l’on évoque une trajectoire autre que l’astrocapitalisme promu par Elon Musk [le patron, notamment, de Tesla] ou Jeff Bezos [le patron, notamment, d’Amazon] —, mais d’un monde où l’on a fait évoluer nos valeurs et, d’une certaine manière, nos rêves.

Les vieux rêves de l’humanité ont peut-être toujours été les mêmes : l’immortalité, l’abondance, la capacité à avoir des esclaves qui nous servent. Dans l’Antiquité, il y avait des esclaves humains, puis il y a eu des esclaves machines, qui désormais ne suffisent plus. On nous promet donc à présent des esclaves robots, avec cette idée que l’on va tous avoir des assistants personnels.

Je pense donc que, dans le monde d’après, il y aura à la fois des enjeux techniques et technologiques autour de la préservation des ressources et de la réduction de l’extractivisme, et surtout un enjeu d’affirmation de valeurs et de rêves. Au fond, il est important d’avoir un récit — c’est par exemple le cas de Donald Trump : on peut lui reprocher mille choses, mais il embarque des gens avec lui. Il faut que l’on trouve des contre-récits : voilà l’enjeu de ce monde d’après.
Qu’est-ce que la sobriété systémique ?

Le mot sobriété s’est invité dans le débat public avec l’explosion des prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine. Et ce terme, comme d’autres qui l’ont précédé — par exemple « développement durable » —, est polysémique. L’acception qu’en a le gouvernement renvoie à la notion d’efficacité, en particulier industrielle, avec l’idée qu’en électrifiant certains process qui fonctionnent aujourd’hui avec des énergies primaires (le gaz, le charbon, le fioul), nous allons pouvoir consommer moins.

Ce mot peut aussi renvoyer à la sobriété individuelle, avec l’idée, par exemple, de baisser le chauffage chez soi. Cela a une efficacité technique indéniable… mais c’est problématique pour les personnes souffrant déjà de précarité énergétique. La sobriété individuelle demande des efforts substantiels.

La sobriété systémique, elle, renvoie à quelque chose de différent : elle ne repose pas sur une somme de gestes individuels et sur l’idée qu’au fond, tout serait toujours un peu de notre faute. La sobriété systémique, c’est quelque chose qui est organisé, favorisé, influencé voire imposé par la puissance publique via des décisions réglementaires et fiscales.
Pouvez-vous donner un exemple ?

Imaginons que l’on veuille aller vers un monde où les voitures seraient de petite taille. En tant qu’ingénieur, il est évident que pour réduire les émissions de CO2, il faudrait déjà que les véhicules soient moins lourds, moins puissants, moins rapides. La puissance publique pourrait donc réfléchir à une fiscalité sur les gros véhicules, à certaines obligations réglementaires, à des aides fléchées de telle ou telle manière…

Mais aujourd’hui, les entreprises ne peuvent pas se permettre que leurs produits ne se vendent pas. Cela a pour conséquence de créer de l’inflation technologique entre concurrents : si telle entreprise propose tel service pour sa voiture, l’autre doit aussi le faire — ce qui entraîne une utilisation plus importante de ressources. Il y a donc aussi cet aspect culturel à déconstruire.

De façon générale, avec l’arrivée de l’automatisation, de la robotisation et à présent de l’intelligence artificielle — en bref, avec le remplacement des humains par des machines —, nous consommons davantage de ressources. Le problème est que toutes les organisations — entreprises et administrations — sont incitées à fonctionner de cette manière : c’est meilleur pour le résultat net, cela augmente la qualité des produits et, en plus, une machine ne fait pas grève.

Dans le même temps, cela crée des externalités environnementales négatives et entraîne un pillage des ressources. D’autant plus qu’on ne met personne au travail pour réparer tout ce que l’on abîme.
C’est un problème : nous abîmons de plus en plus d’endroits.

Bien sûr. Au-delà du réchauffement climatique, l’époque de l’Anthropocène se caractérise par les milliards de tonnes de ressources extraites par les humains, et par la création de déchets. À un moment donné, il sera nécessaire que davantage de personnes travaillent dans des secteurs ayant pour but de réparer ces dommages. Cela dit, il y a déjà des activités professionnelles qui promeuvent des promesses technoréparatrices de la planète : la géo-ingénierie, la capture et le stockage de carbone…
Mais ces innovations peuvent servir de justification à la continuation des destructions en cours, non ? Tout comme les plans d’adaptation au changement climatique, comme celui lancé par le gouvernement français en mars 2025.

Il y a des gens de bonne foi, des jeunes ingénieurs, qui ont envie de faire des choses allant dans le bon sens. Mais je ne sais pas si, en effet, ces innovations permettent de justifier le maintien de notre trajectoire actuelle.

Dans les années 2010, il y a d’ailleurs eu un débat assez aigu autour de la question de l’atténuation ou de l’adaptation au changement climatique. Durant ces années-là, la plupart des gens qui travaillent sur le climat, les écologistes, ne voulaient pas entendre parler d’adaptation en ce qu’elle était un renoncement à la trajectoire de décroissance qu’ils appelaient de leurs vœux.

C’est seulement à partir de 2020 que finalement, les émissions continuant à croître chaque année, il a été question de mettre les deux fers au feu : à la fois l’atténuation mais aussi l’adaptation.

Au fond, cette situation relève de choix politiques. Par exemple, la non-rénovation énergétique des bâtiments en France est le fruit d’un choix politique de l’État.

Ce n’est en effet pas une fatalité. Mais en l’occurrence, si l’on prend l’exemple du secteur de la ville et du bâtiment, il se caractérise par sa grande inertie. Pour transformer l’ensemble des bâtiments, il faudrait multiplier par vingt la vitesse à laquelle nous allons aujourd’hui, dégager des moyens financiers, impliquer des filières industrielles… Ce n’est pas si évident que cela.

En revanche, il existe déjà des solutions low tech. Elles ne sont pas basées sur l’adaptation du bâti en tant que tel, qui est une chose complexe à mettre en œuvre, mais sur l’adaptation comportementale ou organisationnelle.

On pourrait par exemple s’inspirer de ce qui se passe en Espagne. Que font les Espagnols en cas de forte chaleur ? Ils ne vont pas à l’école aux mêmes heures que d’habitude et ils font la sieste. Il s’agit là d’une adaptation organisationnelle, d’une adaptation des rythmes de vie, d’une adaptation culturelle.

Il y a plein de choses à inventer. Par exemple, concernant l’utilisation de l’énergie en période de pénurie, on pourrait imaginer dans un futur proche de flécher prioritairement celle-ci vers les services essentiels, comme les hôpitaux et les transports. Et que, par exemple, pendant deux jours à la maison, je m’enveloppe dans une couette plutôt que de mettre le chauffage.

« On pourrait imaginer dans un futur proche de flécher prioritairement l’énergie vers les services essentiels »

En fait, aujourd’hui, nous sommes très capricieux en tant que citoyens-consommateurs, alors que la plupart des services auxquels nous avons accès fonctionnent au cordeau. Prenons l’exemple du train : quand je prends un TGV roulant à 300 km/h et qu’il s’arrête en pleine voie, si, dans les deux minutes, je n’ai pas d’explications de pourquoi le train est arrêté, je vais twitter rageusement et dire que les employés de la SNCF sont des feignasses. Je simplifie bien sûr en disant cela, mais je pense que nous sommes vraiment devenus très exigeants en tant que consommateurs [Philippe Bihouix est ingénieur à la SNCF].

Peut-être que demain nous reviendrons à des logiques où l’on acceptera des dégradations de performance, lesquelles auront été décidées de manière plus démocratique que technocratique.
Ce monde où tout marche parfaitement ne marche pas si parfaitement que ça. Par exemple, le tissu ferroviaire a disparu, et les gens sont obligés de prendre leur voiture parce qu’il n’y a plus de services publics à proximité.

Il est certain qu’il faut remettre la priorité sur les trains du quotidien. Cela dit, il faut toujours faire attention aux comparaisons avec le passé. La situation du ferroviaire a beaucoup évolué : le nombre de trains qui circulent a énormément augmenté, mais le réseau est quasiment resté le même. Le nombre de trains du quotidien est tellement énorme aujourd’hui que toute perturbation génère des problèmes en cascade. La situation est donc compliquée.

Quoi qu’il en soit, il est évident que des choix politiques et financiers sont faits aujourd’hui, et que certains secteurs sont laissés pour compte. Je pense notamment à la justice ou à l’hôpital public. Que se passe-t-il à l’hôpital ? À l’image de ce qui se passe dans le monde agricole, on assiste à une inflation technologique. Le problème est que les machines et leur maintenance coûtent extrêmement cher. Cela fait que de plus en plus d’argent est investi dans les machines au détriment des humains.

Voilà pourquoi le discernement technologique est important : les machines permettent un certain nombre de choses souhaitables et bénéfiques — en permettant aux humains de s’éviter certains actes professionnels pénibles — mais, dans le même temps, il y a une course en avant stupide qui crée des besoins artificiels et, par ricochet, de la production qui permet de les assouvir. L’idée serait de trouver une espèce de juste mesure entre les deux.
Les « low-tech » sont-elles la technologie du monde d’après ?

Les low-tech, au départ, renvoient à la question des ressources. Je suis passionné par les notions de ressource non renouvelables et d’inéluctabilité de la consommation des ressources. Lorsqu’il est en fin de vie, le recyclage est en effet beaucoup plus complexe et donc impraticable malgré ce que l’on nous dit. Or l’un des paramètres de cette question du recyclage est l’inflation technologique : les objets qui nous entourent contiennent de plus en plus de choses bizarres. Des circuits intégrés miniaturisés, des écrans, des afficheurs… Cette course extractiviste nous éloigne d’une possible logique de circularité. L’idée est donc de ne pas produire des objets se caractérisant par leur haute technologie, mais plutôt par leur basse technologie.

Cela renvoie à un monde de sobriété, d’économie de ressources et de durabilité. À l’heure où la question des ressources vient heurter celle des limites planétaires, et alors que l’on assiste à une raréfaction des ressources, il faudrait faire de la sobriété tout court, en renonçant à des choses dont nous n’avons pas besoin. Ensuite, nous pourrions faire de la sobriété de dimensionnement, d’usage, de fonctionnement, par exemple en partageant des voitures, des bâtiments, des objets…

Par ailleurs, nous pourrions aller vers un monde avec beaucoup plus de réparation, de maintenance et d’entretien des objets. Cela demanderait évidemment des évolutions réglementaires et fiscales. Mais, au fond, si nous avons tendance à acheter du neuf, c’est tout simplement parce que c’est moins cher. Nous pourrions donc bricoler un peu plus — de quoi sauver un peu la planète mais aussi nous rendre plus résilients et souverains par rapport à des chaînes de valeur mondiales très complexes, dont nous ne savons pas si elles survivront à des chocs géopolitiques.

Et puis, cela permettrait la mise en œuvre d’activités sociales intéressantes, de choses à faire ensemble, de savoirs à se transmettre. Auparavant, il y avait la fierté ouvrière et artisanale. Dans le futur, nous pourrions très bien développer une fierté autour de notre capacité à savoir maintenir des objets.