Articles du Vendredi : Sélection du 30 mai 2025

Ipar globaleko konpainia gutxi batzuk dira baliabide naturalen erauzketarekin lotutako gatazken arduradun nagusiak
Elhuyar
www.argia.eus/albistea/ipar-globaleko-konpainia-gutxi-batzuk-dira-baliabide-naturalen-erauzketarekin-lotutako-gatazken-arduradun-nagusiak

Ehun konpainia multinazional baino ez daude baliabide naturalen erauzketarekin lotutako gatazka guztien % 20aren atzean, Bartzelonako Unibertsitate Autonomoak egin duen ikerketa baten arabera. Ikerketak agerian utzi du iparralde globaleko herrialdeetako konpainiak baliabideez eta onurez jabetzen direla, eta hegoalde globalak, berriz, inpaktu sozialak eta ekologikoak jasaten dituela. Global Environmental Change aldizkarian argitaratu dute ikerketa, irekian

Environmental Justice Atlas (EJAtlas) mapa interaktiboaren datuen azterketaren bidez lortu dituzte emaitzak. Mapa interaktibo horretan, erauzketekin lotutako mundu osoko 4.300 gatazka baino gehiago daude jasota, hala nola meatzeak, oliobideak edo presa hidroelektrikoak direla eta sortutako borrokak.

Ehun konpainia gatazkatsuenak –horien artean, Shell, Glencore, Repsol eta Bayer-Monsanto– atlasean dokumentatutako 5.500 enpresen % 2 baino ez dira, baina aztertutako gatazken % 20an parte hartzen dute. Konpainia horietako gehienak erraldoi transnazionalak dira, eta energiaren, meatzaritzaren eta hidroelektrizitatearen sektoreetan jarduten dute. Egoitza iparralde globalean duten arren, haien jarduerek ondorio larriak eragiten dituzte hegoalde globaleko komunitateetan.

Hain zuzen ere, ikerketaren arabera, iparralde globaleko konpainien erauzketa-proiektu gatazkatsuen ia erdia hegoalde globalean kokatzen dira. Gainera, herrialde pobretuetako gatazketan parte hartzen duten enpresen %50 AEBtik, Txinatik, Europatik edo halako lurralde ekonomiko garatuetatik datoz.

Konpainia transnazionalek balio handiko edo ingurumen-aztarna handiko produktuekin (artoa, kotoia, petrolioa, gasa edo mineral arraro eta preziatuak) lotutako gatazkekin dute zerikusia. Aldiz, balio txikiagoko baliabideekin erlazionatuta sortzen diren gatazketan (ikatza, hondakinak…), batez ere, konpainia nazionalek parte hartzen dute.

Ikerketak erakusten du, halaber, konpainia transnazionalek proiektu horietan parte hartzeak larriagotu egiten dituela tokiko biztanleentzako gizarte- eta ingurumen-ondorioak: lekualdatze behartuak, lurrak galtzea, bizibideen eta jakintza tradizionalen galera, baita emakumeen eta indigenen gaineko kalteak ere. Kasu askotan, gatazka horiek errepresioa eta ustelkeria eragiten dituzte, baita komunitateko liderren eta ingurumen-ekintzaileen hilketak ere.

Ikertzaileek salatu dutenez, konpainia horietako askok NBEren Mundu Hitzarmena eta antzeko ekimenetan parte hartzen duten arren, haien jardunbidean ez dituzte hitzartutako irizpideak betetzen. Horrez gain, azpimarratu dute kontrol-neurriak alferrikakoak direla, eta beharrezkoa dela sistema aldatzea. Europako Legebiltzarreko azken erabakiek, ordea, konpainiak arduragabetzeko asmoa dutela ohartarazi dute.

Stop aux sirènes de l’extrême droite
Lucie Delaporte et Amélie Poinssot
www.mediapart.fr

Une à une, les mailles du tricot se défont. Depuis le début de l’année, il ne se passe pas une semaine sans un vote ou une déclaration, chez nos élu·es comme au plus haut sommet de l’État, qui n’entaille le droit de l’environnement.

Que ce soit la loi « climat et résilience » — pourtant votée sous le premier quinquennat Macron, en 2021 – que ce soient les modestes avancées des précédentes législatures : l’heure est au backlash écologique, et à l’alignement sur les pires positions de l’extrême droite. De la Macronie au RN, une alliance dangereuse s’est formée sur tous les textes de loi en cours d’examen. Objectif ? Le moins-disant environnemental, dans une course à l’échalote en vue des élections à venir : municipales l’an prochain, présidentielle en 2027.

Il faut dire que l’année avait bien mal démarré. Dès janvier, François Bayrou, fraîchement nommé à Matignon, tapait fort et dénigrait, devant l’ensemble de la représentation nationale, la police environnementale en reprenant les éléments de langage des syndicats FNSEA et Coordination rurale.
Ont suivi une loi d’orientation agricole droitisée par le Sénat, des propositions de loi aussi venues de la chambre haute pour réintroduire des insecticides dévastateurs et enterrer les objectifs du « zéro artificialisation nette », un texte pour ré-autoriser l’épandage par drones de pesticides dans les bananeraies des Antilles et les vignes de l’Hexagone, une loi de simplification économique pour supprimer toute une série de garde-fous environnementaux…

Et le dernier épisode en date montre que ce pouvoir veut aller vite. Lundi soir, il n’était même plus question de suivre la procédure parlementaire et de donner la parole à l’opposition. Dans une manœuvre concertée entre Les Républicains (LR), le centre et la macronie, une disposition inédite a été actionnée afin de contourner l’Assemblée Nationale, avec le soutien unanime du Rassemblement National (RN).

Et c’est bien ce dernier qui tire son épingle du jeu. Car l’acétamipride, cet insecticide tueur d’abeilles qui revient avec le texte « Duplomb » ne lui est pas inconnu : il y a deux ans, une proposition de loi du RN demandait déjà son retour dans les champs…


Autoroute A69 : après l’autorisation de reprise du chantier, les partisans du projet « soulagés », les opposants « choqués »
Matthieu Goar et Audrey Sommazi
www.lemonde.fr/planete/article/2025/05/28/autoroute-a69-apres-l-autorisation-de-reprise-du-chantier-les-partisans-du-projet-soulages-les-opposants-choques_6609016_3244.html

La cour administrative d’appel de Toulouse se prononçait sur un recours en urgence déposé par l’Etat, visant à redémarrer ce chantier autoroutier de 53 kilomètres. Elle doit encore trancher sur le fond de ce dossier, d’ici à plusieurs mois.

Nouveau virage à 180 degrés pour le chantier contesté de l’A69, une autoroute de 53 kilomètres qui doit relier Castres et Toulouse. Mercredi 28 mai, la cour administrative d’appel de Toulouse a décidé que les travaux pourraient reprendre, sans doute d’ici mi-juin, le temps que le concessionnaire Atosca fasse revenir sur le site des centaines de salariés et de nombreux engins de chantier.

« La décision de reprise des travaux constitue un véritable soulagement », a réagi Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, à l’unisson d’une grande partie des élus locaux en faveur de cette infrastructure routière. « Ce nouveau souffle pour le chantier est une bouffée d’oxygène pour le Tarn et tous les grands projets d’avenir qui sont aujourd’hui menacés en France », a ainsi communiqué Christophe Ramond, président socialiste du département du Tarn.

Il y a trois mois, le 27 février, la cour administrative de Toulouse avait pourtant jugé illégale l’autorisation environnementale nécessaire à cette construction. Selon elle, ce projet ne réunit pas tous les critères, notamment celui d’une « raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) » qui justifierait de déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées. Ce jugement avait stoppé net le chantier, ce qui avait redonné de l’espoir aux multiples associations environnementales en lutte contre l’A69 depuis des années.

« Une procédure en urgence »

L’Etat avait dans la foulée fait appel sur le fond tout en demandant un sursis à l’exécution des jugements. Mercredi, les trois juges de la cour administrative d’appel se sont donc prononcés sur ce second point en estimant que le « moyen tenant à l’existence d’une raison impérative d’intérêt public était, en l’état de l’instruction, sérieux ».

« La décision est beaucoup moins motivée que celle du 27 février et s’appuie principalement sur l’existence d’une RIIPM, analyse Julien Bétaille, maître de conférences en droit de l’environnement à l’université Toulouse Capitole. Il s’agit d’une procédure en urgence qui est souvent moins argumentée qu’une procédure au fond mais cela reste une décision très importante car, avec la reprise des travaux, elle engage des millions d’euros et des dégâts sur l’environnement. »

Pour prendre sa décision, la cour administrative d’appel de Toulouse a suivi l’avis du rapporteur public​ Frédéric Diard. Au cours d’une audience fleuve de près de cinq heures, mercredi 21 mai, ce magistrat​ avait préconisé la poursuite du chantier. Pendant quarante-cinq minutes​, il avait écarté quelques arguments défendus par les partisans de l’A69, tels que l’amélioration de la sécurité routière, qui ne lui semblait pas « significative ». Mais il avait surtout conclu que « l’A69 renforcera ou développera le bassin pour des dizaines voire des centaines d’années à venir ».

MCarl Enckell, conseil d’Atosca, avait, lui, agité le « risque » d’une cessation de paiements. MThomas Garancher, avocat de Guintoli – filiale de NGE, le groupement constructeur de l’autoroute –, chargé des travaux de terrassement de l’A69, avait insisté sur les répercussions sociales, affirmant que la société avait procédé à 87 licenciements et mis fin à 125 contrats d’intérimaires.

Un gouffre entre partisans et opposants

Alice Terrasse, l’une des avocates de France Nature Environnement Midi-Pyrénées, association opposée à l’autoroute, avait tenté de convaincre la cour de l’absence d’une RIPPM. « On nous décrit un territoire fermé (…) mais on ne le prouve jamais, avait-elle lancé. On nous a fait croire que le territoire suinte la misère.

Ce n’est pas le cas. On veut une autoroute de confort pour des personnes qui ne vivent pas à Castres, pour des salariés de Pierre Fabre (premier employeur privé de Castres) qui demeurent à Toulouse et qui veulent aller plus vite. Cela ne fait pas une RIPPM. »

La décision de la reprise des travaux a une nouvelle fois mis en lumière le gouffre qui sépare les partisans et les opposants de l’A69. « Les chefs d’entreprise vont pouvoir remettre sur la table leur projet de développement mis en sommeil par le jugement en première instance », explique Guy Bousquet, président de Via 81, une association de chefs d’entreprise du sud du Tarn.

Alors qu’Atosca a promis de mettre en place rapidement un « plan de reprise d’activité progressive sur les différentes zones du chantier », les représentants des associations environnementales ont été sidérés par la décision judiciaire. « C’est effarant de voir l’absence d’argumentation des juges du sursis, à peine saisis depuis un mois et demi sur ce dossier, s’est ainsi étonné Gilles Garric, de La voie ​est libre, principal collectif d’opposants. En une phrase, ils ont balayé les motifs développés par les magistrates du tribunal administratif de Toulouse à l’issue d’une instruction de deux ans. »

Un appel à rassemblements

Dénonçant une décision « choquante et non motivée », marquant selon eux « un retour en arrière dramatique pour la protection de l’environnement », les opposants les plus déterminés ont appelé à des rassemblements, mercredi soir, à travers la France « devant les préfectures, les gares, les mairies… ».

Après s’être perché à plusieurs reprises dans les arbres et avoir fait une grève de la faim devant le ministère de la transition écologique en septembre 2023, Thomas Brail, figure des contestataires, a annoncé qu’il entamerait une grève de la soif, dès la reprise des travaux. Les Soulèvements de la Terre, un collectif écologiste aux méthodes parfois radicales, appellent pour leur part depuis plusieurs jours à une « grande convergence (…) quelque part sur le tracé de l’A69 », du 4 au 6 juillet. Le travail des juges se fait ainsi dans un contexte d’immenses tensions où les calendriers judiciaires et politiques se percutent.

Lundi 2 juin, l’Assemblée nationale doit en effet examiner une proposition de loi de validation du chantier, déjà largement adoptée par le Sénat. Si ce texte est voté et qu’il passe l’étape du Conseil constitutionnel, le gouvernement pourrait s’appuyer dessus pour demander à la cour administrative de prononcer un non-lieu à statuer. Sinon, les deux camps attendront la décision au fond de la cour administrative d’appel qui pourrait intervenir à la fin de l’année ou en début d’année prochaine. Le chantier étant déjà très avancé, il pourrait déjà être terminé à ce moment-là.

 



Défense d’afficher
Malika Peyraut
www.enbata.info/articles/defense-dafficher

Faut-il limiter l’affichage militant dans l’enceinte d’un événement pour éviter l’éparpillement et maîtriser la communication, ou au contraire laisser la possibilité, plus ou moins libre, aux autres organisations militantes d’afficher leurs messages ? Un dilemme organisationnel pas si anodin.

Dans plusieurs événements militants d’ampleur (Lurrama, EHZ,…), il n’est plus possible d’afficher au sein des espaces principaux des banderoles ou affiches militantes autres que celles des organisateurs. Pourtant, la culture de l’affichage de masse et la politisation des espaces festifs font partie des outils ayant permis la contre-hégémonie culturelle de la gauche abertzale.

Politique partout

À Altsasu (Nafarroa), 7 000 habitants, les murs parlent. Sur un pont, peints à la main, les territoires palestiniens occupés au cours du temps. Sur une façade, l’appel au retour des prisonniers. Pour l’oeil habitué, c’est peutêtre devenu un paysage de routine, au même titre que les vallons nuageux et les tâches blanches des moutons. On a vite fait d’oublier que dans beaucoup de villes de 7 000 habitants, le paysage du quotidien c’est plutôt panneaux Mac- Do et affiches électorales délavées. De l’extérieur, il y a justement quelque chose de singulier en Euskal Herri, et qui annonce la couleur : des grandes villes aux petits villages, on retrouve un peu partout des messages revendicatifs, internationalistes, progressistes, révolutionnaires, de la libération de la Palestine au féminisme en passant par le soutien aux Kurdes. La politisation de l’espace public n’est évidemment pas l’apanage du Pays Basque, mais ici plus qu’ailleurs, elle est particulièrement développée. Et n’est pas sans lien avec le niveau global de mobilisation.

« La culture de l’affichage de masse et la politisation des espaces festifs font partie des outils ayant permis la contre-hégémonie culturelle de la gauche abertzale. »

Bon exemple de ce contraste : le Forum social mondial (FSM) de mars 2013 à Tunis. Une bonne partie des Défense d’afficher Faut-il limiter l’affichage militant dans l’enceinte d’un événement pour éviter l’éparpillement et maîtriser la communication, ou au contraire laisser la possibilité, plus ou moins libre, aux autres organisations militantes d’afficher leurs messages ? Un dilemme organisationnel pas si anodin. militants venus du monde entier aurait été peut-être bien en peine de situer le Pays Basque sur une carte mais pourtant, ils savaient tous une chose : le premier village des alternatives Alternatiba s’y tiendrait les 5 et 6 octobre. Parce que chaque jour, consciencieusement, des portes des toilettes aux salles de conférences, les militants de Bizi! s’appliquaient à recouvrir intégralement le FSM de leurs affiches vertes ultra-visibles, permettant à la petite association locale de réussir le tour de force de s’affirmer dans l’agenda international de mobilisation en vue de la COP21. Pour les quelques affiches par-ci parlà, impossible de concurrencer avec une telle démonstration d’affichage de masse.

Indifférence nulle part

Dans son essai « La izquierda abertzale acertó » , l’allemand Raul Zelik observe avec fascination comment les fêtes de village, les repas populaires, les traditions culturelles ont été réappropriées pour en faire des outils quotidiens d’une « contre-hégémonie culturelle« .

« Où peut-on observer comment se développe une contre-hégémonie progressiste ? Selon moi, en Euskal Herri. […] Le fait que la vie quotidienne basque continue d’avoir autant d’aspects anti-mercantiles et revendicatifs est l’expression et le fruit d’innombrables luttes sociales. […] À la place des brasseries multinationales, des entreprises de spectacles ou des mairies, ce sont les associations de voisines et de voisins, les collectifs féministes, les organisations révolutionnaires et syndicales qui […] dominent l’ambiance festive. »

Et cette politisation passe notamment par le fait que, dans chaque événement, de la fête du quartier au concert de punk, on trouve des affiches militantes, revendiquant ici tel droit ou appelant à telle manifestation. Cette culture de la communication de masse est un acquis à défendre, et il vaut probablement mieux se retrouver avec trop de messages que pas de messages du tout.

Il est d’ailleurs assez probable que dans le monde qui s’annonce, où les réseaux sociaux permettent aux idées les plus réactionnaires de s’immiscer dans les cerveaux à la vitesse de l’éclair et sans avoir besoin de colle et de pinceaux, ce sera une nouvelle fois salvateur que les fêtes de village, les événements culturels, les festivals de musique soient l’occasion pour toutes les forces progressistes de continuer d’en faire des espaces de politisation, de résistance et de contre-culture.

 

 



Fini la voiture individuelle ! Ces habitants créent leur système d’autopartage
Lorène Lavocat
https://reporterre.net/Fini-la-voiture-individuelle-Ces-habitants-creent-leur-systeme-d-autopartage

D’un clic sur son smartphone, Hélène déverrouille les portes de la voiture, puis saisit la clé dans la boîte à gants. L’œil expert, elle fait lentement le tour du propriétaire. Sauf que la petite citadine blanche ne lui appartient pas vraiment. Elle la partage avec une trentaine d’autres Blésois, pour son plus grand bonheur : « Je ne voulais pas avoir la charge mentale et économique d’un véhicule, dit-elle, mais je ne pouvais pas complètement m’en passer non plus. »

Depuis dix mois, deux hybrides en autopartage arpentent ainsi les rues de la cité du Loir-et-Cher. Le principe est simple : les habitants se créent un compte en ligne d’où ils peuvent réserver l’une des autos. Dans le véhicule, un boîtier connecté enregistre les kilomètres parcourus et la durée, qui seront ensuite facturés. « C’est simple et fluide », sourit Hélène.

L’idée a germé lors de son emménagement à Blois, en 2022 : « J’arrivais de Bordeaux, où je n’avais pas de voiture, et je ne souhaitais pas en acheter une », raconte-t-elle. Pour autant, difficile de tout faire en vélo ou en train : « Pour certaines courses, certaines activités culturelles, il me fallait être motorisée. »

« On n’avait plus le choix, il fallait y aller ! »

Par chance, la métropole organisait alors des ateliers de réflexion sur la sobriété. Avec d’autres habitants, le projet d’autopartage a alors émergé. « On a organisé une première conférence sur le sujet, et on s’est retrouvé à une centaine de personnes, poursuit la quadragénaire, employée à la région Centre. On n’avait plus le choix, il fallait y aller ! »

Deux voitures en partage

Parmi la dizaine de motivés, Julie a rejoint le collectif pour « enfin se séparer de [sa] voiture ». Avec les autres, elle s’est ainsi penchée sur les solutions possibles. Fallait-il acheter des véhicules neufs ? Comment faire pour l’assurance ? Quid du partage des clés ? Très vite, le collectif s’est tourné vers Citiz, un réseau national regroupant des coopératives d’autopartage. « On voulait que ce soit facile d’accès et d’usage, explique Hélène. Là ils s’occupaient de tout : le contrat d’assurance, l’assistance, et l’entretien. »

Du côté de Citiz, l’énergie citoyenne les a convaincus de se lancer. « On est davantage habitués à s’implanter dans des villes de plus de 100 000 habitants, où la rentabilité est plus vite atteinte [1], explique Pierre Martin-Paquet, en charge du développement. S’il n’y avait pas eu cette volonté citoyenne, on y aurait réfléchi à deux fois. »

Les Blésois ont ainsi avancé l’argent pour la mise en place du service, et trouvé une première voiture — celle d’une des membres du collectif — à se partager. Et en juillet 2024, la Toyota estampillée Citiz déroulait ses premiers kilomètres sur les bords de Loire, avant l’arrivée, en février, d’un second tacot.

Éviter d’acheter de nouvelles voitures

Une petite réussite : depuis janvier, elles affichent en cumulé 6 630 km au compteur, et 74 réservations. Surtout, elles ont permis aux utilisateurs comme François-Joseph de « ne pas acquérir de nouvelle voiture ». Cet ancien conseiller en informatique, en cours de reconversion agricole, la prend trois fois par mois, notamment « pour se rendre sur des lieux de formation ». Pour d’autres, les Citiz ont remplacé la seconde voiture, bien souvent indispensable pour les familles blésoises.

Un constat corroboré par les chiffres : selon l’Ademe, « une voiture en autopartage remplace cinq à huit voitures personnelles, supprime entre 10 000 et 19 000 km en véhicules personnels par an et libère 0,9 à 3 places de stationnement en voirie ». Une opération bénéfique pour le climat, confirme Jean-François Virot-Daub, porte-parole de Citiz : « Une voiture partagée de notre réseau, c’est 10 tonnes de CO évitée chaque année », dit-il.

« Les gens qui s’y mettent réduisent de 45 % leurs trajets en voiture »

Car l’autopartage entraîne un changement des comportements, observent les experts. « Les gens qui s’y mettent réduisent de 45 % leurs trajets en voiture, au profit de la marche ou du vélo », précise le représentant. À l’inverse, « quand on a les clés de la voiture toujours chez soi, c’est vite une solution de facilité », abonde François-Joseph, qui reconnaît pédaler et marcher davantage depuis six mois.

Le bénéfice est aussi économique. Alors qu’une voiture individuelle coûte en moyenne près de 4 000 euros par an, l’autopartage revient entre 1 000 et 2 000 euros annuels, selon Citiz. À Blois, outre l’abonnement mensuel de 16 euros, il faut compter 0,42 euro par kilomètre et 3 euros de l’heure.

Un système efficace, qui gagne du terrain. Citiz compte aujourd’hui 100 000 conducteurs, dans 270 villes — autant d’antennes où les adhérents peuvent louer une auto. Une belle croissance, pour un projet né au tournant des années 2000 à Strasbourg. « Des parents d’élèves de la même école trouvaient stupide d’avoir chacun un véhicule dont ils se servaient trois fois par mois, raconte Jean-François Virot-Daub. Ils se sont mis à les partager, avec un carnet pour noter les kilomètres, un agenda papier et une armoire à clés. »

Face au succès de l’initiative, le collectif est devenu une Scic — Société coopérative d’intérêt collectif — en 2004, qui s’est ensuite agrégée à d’autres projets similaires ailleurs dans l’Hexagone. « Le modèle coopératif s’est vite imposé, indique le porte-parole. Ça permet de garder les utilisateurs au cœur du projet, mais aussi d’aller voir des banquiers pour investir dans une flotte de véhicules. En tant qu’entreprise, on est pris au sérieux. »

L’autopartage, pas assez rentable pour Renault et BMW

Malgré ses vertus, l’autopartage peine à décoller en France. En 2022, d’après l’Ademe, on comptait près de 300 000 conducteurs partageurs actifs. Une goutte d’eau dans l’océan du tout-bagnole. Et plusieurs gros acteurs de l’automobile — Renault, BMW et récemment Europcar — ont renoncé à investir dans ce secteur, pas assez rentable à leur goût.

« L’autopartage demande un changement de comportement, et ça se fait sur le temps long, remarque Jean-François Virot-Daub. Ce n’est pas une poule aux œufs d’or… C’est timide mais durable. » À Blois, l’enjeu est de « trouver un équilibre économique », explique Hélène. En clair : avoir suffisamment d’utilisateurs pour payer l’entretien et l’assurance des deux autos.

Rallier des professionnels — qui utilisent le service en journée, tandis que les particuliers y ont recours plutôt en soirée et le weekend — mais aussi les collectivités, qui peuvent abonner leurs agents au réseau, voire mettre leur flotte en autopartage. Autant de pistes pour pérenniser le réseau blésois, selon François-Joseph : « Le défi, c’est de toucher des personnes au-delà du cercle des convaincus, dit-il. Il faut leur faire sauter le pas, car essayer l’autopartage, c’est l’adopter ! »