Munduko batez bestekoa baino bi aldiz azkarrago berotu da Europa 2024an
Unai Lomana Uribezubia
www.argia.eus/albistea/premiazko-neurriak-hartu-behar-dira-bereziki-uholde-arriskuei-dagokienez
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Copernikusek eta Munduko Meteorologia Erakundeak urte hasierako ikerketak berretsi dituzte: Europak bero errekorra hautsi du. Gutxienez 413.000 kaltetu eta 335 hildako izan ziren iaz ekaitz eta uholdeengatik, Europan.
Corpenicusek eta Munduko Meteorologia Erakundeak (MME) urtero publikatzen duten Nola dagoen klima Europan txostenean adierazi bezala, 2024a inoizko urterik beroena izan zen; urte hasierako lehenengo txostenetan jasotakoa berretsita. Aldaketa klimatikoaren ondorioak argiak direla diote: « 1980az geroztik, Europa munduko batez bestekoa baino bi aldiz azkarrago berotu da, eta berotze azkarreko kontinentea bihurtu da », berotzea Artikoaren ondorioz dela diote, berotze azkarreko eskualdetzat jotzen baitute.
Muturreko fenomenoen ugaritasunaz ohartarazi dute: euriteek uholde « katastrofikoak » eragin dituzte, eta gutxienez 413.000 kaltetu eta 335 hildako izan dira horren ondorioz. Bero boladak gero eta sarriagoak eta gogorragoak dira, eta gutxienez 42.000 pertsona kaltetu zituzten suteek. Horrek guztiak energia kontsumoa igotzea ere eragin dute.
Alde nabarmena ekialde eta mendebaldearen artean
Ekialdeko eremuak, oro har, eguzkitsuak eta beroak izan ziren, eta mendebaldeko eremuak, berriz, lainotsuagoak eta hezeagoak.
Ikerketak erakutsi du Europa osoan tenperaturak gora egin baduela ere, Europa Ekialdeko baldintzek bultzatu dutela joera hori. Eremu horretan, bero tenperatura errekorrak eta Europako bataz bestekoa baino tenperatura altuagoak erregistratu baitziren.
Mendebaldean izandako urtea aldiz, 1950tik hamar urte hezeenetako bat da. Eragina nabaria izan zen ibaietan, udaberrian zein udazkenean ur emari handienak neurtu baitziren. Ekialdeak ostera, ibai emari txikiagoak erregistratu zituen.
Uholdeak eta bero boladak
Uholde arriskuak gehien handitu diren eskualdeen arten ageri da Europa. Ibaien %30ak uholde-atalase « altua » gainditu zuten eta %12ak uholde-atalase « larria ». Uholdeak izan zituzten ibaiak, kopuru aldetik, 2013tik handienak izan ziren, eta 32 urtetan bosgarren handienak.
Beroari dagokionez, « bero handiko estres » egunen eta gau tropikalen kopuruak hazi egin ziren iaz. Ekainaren 1etik Irailaren 5eraino dauden 95 egunetatik, 43tan bero boladan izan ziren Europan. Halaber, azken hamabi urteetako udarik lehorrena erregistratu zen « lehorte-indizearen » arabera.
Klima-adierazleen joerak
Itsasoko azaleko tenperaturak 80ko hamarkadaz geroztik hazkundea izan zuen: mundu osoko urak +0,6 ° C; Europako urak +1.0 °C eta Mediterraneoko itsasoak +1,3 ºC. Tenperaturari dagokionez, industria aurrearekin alderatuz izandako hazkundea ondokoa da: mundu mailan, 1,3 ºC Europan 2,4 ºC eta Artikoan 3,3 ºC.
Itsas mailak 1999 urteaz geroztik, hurrengoko hazkundea izan du: mundu mailan +3,7 mm eta Europan +2-4 mm. Glaziar kopurua 1976tik jaitsiera nabarmena izan du: mundu mailan -9200 km³ eta Europan -915 km³. Azkenik, 1970tik izotz azaleraren galera beste hau izan da: Groenlandian -6776 km3 eta Antartikan-5253 km3.
Agriculture et changement climatique : « Il faut planter dès maintenant de nouvelles cultures et prendre des risques »
Valérie Deymes
www.sudouest.fr/economie/agriculture/agriculture-et-changement-climatique-il-faut-planter-des-maintenant-de-nouvelles-cultures-et-prendre-des-risques-24040431.php
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Docteur en agroclimatologie et fondateur du site Agro Climat, Serge Zaka étudie la biogéographie des cultures, autrement dit les conséquences du changement climatique sur l’aire de répartition des cultures. Rencontre
Quels sont les éléments du changement climatique qui remontent du Sud et ont un impact sur les cultures du Sud-Ouest ?
L’augmentation de la température moyenne annuelle qui va permettre, par exemple, aux agrumes de pousser en Nouvelle-Aquitaine – c’est déjà le cas dans les Pyrénées-Atlantiques. L’augmentation des températures extrêmes : le maïs et les pommes vont souffrir au-delà de 35 °C, tandis que le sorgho et l’olivier résistent jusqu’à 42 °C. La baisse des gels intenses va être primordiale pour certaines cultures : les agrumes, par exemple, sont très sensibles aux températures en dessous de -5 °C, tandis que le kaki et le cassis peuvent supporter respectivement -15 et -35 °C. Enfin, le réchauffement va réduire les périodes de froid pourtant indispensables à la vernalisation pour certains arbustes. Les pommiers ont besoin de 1 000 heures de froid pour fleurir, le kaki seulement 400… En utilisant des données climatiques de long terme, je construis des modèles qui donnent des informations sur les futures aires de répartition des cultures.
On voit déjà des cultures remonter du sud vers le nord…
Oui, la patate douce du côté de Biarritz, Pau, Agen, intéressante dans des endroits irrigués ; l’orange, circonscrite pour le moment aux Pyrénées-Atlantiques car ailleurs le risque de gel tardif est trop important ; le kaki et la grenade, déjà présents et qui s’étendent ; l’abricot qui remonte la Garonne et qui pourrait détrôner la prune en Lot-et-Garonne d’ici à 2050 – quand cette dernière commence à conquérir l’Allier. Et la reine des nouvelles cultures pour la Nouvelle-Aquitaine, c’est l’olive, quand la culture souffre en Andalousie d’un climat désormais trop chaud et trop sec. Autant de changements dans l’aire de répartition qui vont avoir des impacts sur nos AOP, AOC et IGP.
La vigne est-elle condamnée dans la région, et plus particulièrement dans le Bordelais ?
Pas du tout. La vigne doit continuer d’être présente. Climatiquement parlant, elle sera encore plus adaptée au climat du Sud-Ouest qu’aujourd’hui, mais avec des cépages différents, genre châteauneuf-du-pape et des rouges corsés.
Et quid du maïs ?
Il va rester dans le Sud-Ouest mais, en 2050, les surfaces vont régresser car les rendements seront à leur apogée, il fera trop chaud. On a parlé de l’olivier et du sorgho qui, parallèlement, vont faire des poussées. Pour ce dernier, il est indispensable de consacrer des moyens à travailler la génétique afin d’augmenter sa productivité. La cacahuète et le pois chiche trouveront dans la région leur eldorado.
Il y a nécessité à anticiper cette nouvelle répartition géographique des cultures ?
Oui, absolument. Le danger serait de ne rien faire. Il faut planter dès maintenant et prendre des risques. Du risque à bon escient : il n’est pas question de changer toutes les cultures d’un coup, car on pourrait totalement déstabiliser l’économie agricole. C’est une question de jauge et de mesure. Et l’important est de commencer à développer des filières dédiées qui, à ce jour, n’existent pas. Il faut que les politiques s’emparent du sujet.
Les mères des quartiers populaires s’attaquent à la grande distribution
Louise Mohammedi
https://reporterre.net/Les-meres-des-quartiers-populaires-en-guerre-contre-le-thon-contamine
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Scandalisées par la contamination au mercure du thon en boîte, des mères de quartiers populaires ont fondé le collectif Mamans pour le climat. Elles exigent que ce poisson soit davantage contrôlé par la grande distribution.
« Tout a commencé dans cette pièce », se souvient Samira, sourire aux lèvres. C’est ici, à l’École populaire du climat de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), qu’elle a rencontré Samia, Fatima, Coumba, Soraya, et Maimouna. Ensemble, elles ont décidé de s’attaquer à la grande distribution.
Le déclic est survenu pour elles lors d’une intervention de Claire Nouvian, fondatrice et directrice générale de l’association Bloom, lors d’une formation dédiée aux mères à Banlieues Climat, en novembre 2024. Elle y dénonçait la présence alarmante de mercure dans le thon en conserve.
Dans un rapport sorti en octobre 2024, l’association a révélé la présence excessive dans ces conserves de mercure, métal considéré comme l’une des dix substances les plus préoccupantes au monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.
« On était loin de savoir que le poisson que l’on consommait le plus était aussi nocif pour notre santé, mais surtout pour celle de nos enfants », se souvient Coumba. Le soir-même, elle s’est filmée en train de jeter les sept conserves de thon présentes dans son placard. Le mouvement #BalanceTonThon était lancé. « Il ne fallait pas attendre, il fallait agir et écouter les scientifiques. Alors j’ai suivi Coumba et j’ai jeté les onze conserves de thon de mon placard. Mes enfants n’ont pas compris ce que je faisais », ajoute Maimouna d’un ton doux-amer.
Choquées mais déterminées, elles ont alors décidé de fonder toutes les six, accompagnées de deux autres mères absentes lors de notre rencontre à Saint-Ouen, le collectif Mamans pour le climat. Si certaines ne se connaissaient pas avant la formation, leur combat est le même : dénoncer le silence de la grande distribution, qui continue de vendre ces conserves sans alerter les consommateurs.
« On n’abandonnera pas »
Pour pouvoir agir, il a d’abord fallu discuter. Elles se sont ainsi retrouvé plusieurs soirs par semaine, après avoir couché leurs enfants — parfois pas avant 23 heures — pour élaborer un plan d’action et contacter Michel-Édouard Leclerc. En effet, le PDG de la chaîne de supermarchés du même nom s’était engagé en octobre, lors d’un entretien à « Télématin », à examiner de très près ces cas de contamination de conserves de thon. « Mais rien n’a été fait », signale Coumba. Alors les six femmes, soutenue par Banlieues Climat, lui ont écrit en mars une lettre lui demandant d’agir, d’échanger et de lutter ensemble contre le mercure. « Leclerc est la plus grande chaine de la grande distribution. Si le PDG agit, les autres suivront », espère-t-elle
Mais la discussion est restée fermée. Si Michel-Édouard Leclerc n’a pas répondu, il a transféré la lettre à la préfecture du Val-de-Marne pour les intimider. Un épisode marquant pour les Mamans. « Le préfet m’a téléphoné. Il avait la lettre que nous avions écrite et il voulait comprendre notre démarche. Je lui ai expliqué. Il m’a rappelée le lendemain pour me demander mon identité », dévoile Coumba, qui avait laissé son numéro sur la lettre pour être contactée par le PDG du groupe E.Leclerc.
« Même si on cherche à nous intimider, on n’abandonnera pas », lance Soraya en touchant l’épaule de son amie. « Nos voix de banlieues ne sont jamais portées, on ne s’arrêtera pas là », renchérit Samia, pour qui ce combat est très symbolique. Si elle a rejoint l’aventure, c’est grâce à Féris Barkat, cofondateur de Banlieues Climat — mais surtout fils de sa meilleure amie, disparue il y a bientôt deux ans. « Au début, j’étais dubitative, mais je suis très heureuse d’y participer aujourd’hui. J’ai trouvé une nouvelle famille et de nouveaux soutiens », confie-t-elle, la voix tremblante.
Sans réaction de la grande distribution, les mères ont elles-mêmes trouvé des alternatives au thon, afin de les partager. En effet, le thon est le poisson le plus consommé en France et « on le surconsomme pendant le Ramadan », signale Maimouna. Quelques plats végétariens, notamment des pastels — des beignets farcis — aux épinards et au fromage de chèvre ont ainsi fait leur apparition dans les cuisines. « En enlevant le thon de mes habitudes, j’ai cherché d’autres options et j’ai commencé à cuisiner des pastels sans viande. Tout le monde les a adorés », se remémore-t-elle.
« Il fallait donner des clés aux autres parents et les aider à comprendre le problème du thon. Au début, je ne me sentais pas très légitime, alors j’ai acheté et lu des livres sur le thon pour pouvoir m’armer, m’informer et donner de vraies réponses », explique fièrement Fatima, approuvée d’un hochement de tête par les autres, qui ont aussi pris l’habitude de s’informer sur le sujet.
Elles ont également alerté les maires des communes où elles résident — Cergy-Pontoise, Jouy-le-Moutier (Val-d’Oise), Les Mureaux (Yvelines) — afin que le thon en conserve soit retiré des cantines scolaires. À Cergy-Pontoise, les discussions sont en cours, tandis que le collectif espère encore une réponse de Michel-Édouard Leclerc.
Loin d’être le dernier combat
« On ne lâchera pas. On ne fait peut-être pas d’action frontale, mais on veut changer les choses et impacter les consciences », affirme Samia, applaudie par ses amies. « Bien que ce combat soit difficile, on veut une justice pour notre santé.
On propose de faire des choses réalisables, on demande le minimum : on veut que le thon soit réglementé comme les autres poissons », soutient Coumba, alors que le taux de mercure autorisé dans le thon est trois fois plus élevé.
« Le thon a été le premier combat d’une longue liste à venir », annonce Soraya en échangeant un sourire complice avec les autres mères présentes dans la pièce. Depuis quelques mois, les Mamans pour le climat préparent effectivement la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc 3) qui se tiendra à Nice, du 9 au 13 juin. Certaines mamans s’y rendront pour représenter le collectif et son combat. Elles le porteront même jusqu’à Belém (Brésil), où se tiendra la COP30 du 10 au 21 novembre
François, pape « écolo » et ardent défenseur de la « maison commune »
Maryline Baumard
www.lemonde.fr/planete/article/2025/04/21/francois-premier-pape-ecolo-et-ardent-defenseur-de-la-maison-commune.html
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En publiant en 2015 l’encyclique d’écologie intégrale « Laudato si’ », le pape François a placé la préservation de l’environnement au cœur de la doctrine de l’Eglise catholique.
Avec la disparition du pape François, lundi 21 avril, c’est un grand défenseur de l’écologie qui meurt. Jorge Mario Bergoglio, de son nom de naissance, a pavé son pontificat d’appels à l’urgente sauvegarde de la planète. Ce qui lui vaut aujourd’hui un hommage de plusieurs responsables politiques sur ce point. Tout juste réélue cheffe de file des Ecologistes, Marine Tondelier a affirmé sur X qu’il « avait mieux compris l’écologie et la génération climat que beaucoup de politiques », quand la maire de Paris, Anne Hidalgo (Parti socialiste), a rappelé pour sa part que François avait su placer « l’écologie au centre des préoccupations spirituelles et sociales ».
Au sein de l’Eglise française aussi, le regard que le souverain pontife portait sur la destruction de la planète et de sa biodiversité est souligné dans les hommages prononcés. Dans son communiqué, le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, rappelle que « face à la crise écologique, il a renouvelé la réflexion en invitant à soigner “la maison commune”, à louer le Créateur, à unir attention à l’environnement et attention aux personnes victimes des injustices sociales ».
Une encyclique entièrement consacrée à l’écologie
Cette écologie sociale, qu’il a incluse dans un pontificat globalement très social, aura été un marqueur de l’approche de la planète portée par ce jésuite sud-américain. Elu à la tête de l’Eglise catholique le 13 mars 2013, il prend le nom de François en mémoire de François d’Assise, le saint des pauvres et l’ami de toute la création, et marque une rupture dès 2015 en étant le premier souverain pontife à consacrer une encyclique entière à l’écologie.
En publiant Laudato si’ (« Loué sois-tu »), dont le titre complet est « Loué sois-tu : sur la sauvegarde de la maison commune », le 18 juin 2015, François marque une étape importante dans le lent processus d’appropriation de la question environnementale par l’Eglise. On est alors à quelques mois de la Conférence de Paris sur le climat (COP21 de décembre 2015) et son objectif est de sensibiliser l’opinion aux enjeux du dérèglement climatique causé par l’homme. Le chef religieux le fait en rappelant la relation entre Dieu, l’être humain et la Terre dans un texte qui surprend les catholiques eux-mêmes.
François commence son encyclique, dont le titre fait référence à des paroles de saint François d’Assise, en parlant de la Terre. Pour lui, « cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter », dénonce-t-il d’emblée.
Une vision de l’écologie intégrale
Les élus écologistes de l’époque s’en félicitent largement, à l’instar du président du groupe écologiste au Sénat, Jean-Vincent Placé, qui voit en François « un pape visionnaire et stratège ». Pour Nicolas Hulot, alors envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète, « l’encyclique est un renfort inespéré, un texte qui sacralise l’enjeu écologique et donne à l’écologie ses lettres de noblesse ».
Laudato si’, qui se concentre sur la protection de l’environnement, aborde aussi des questions plus larges. Dans ce texte très analytique, quasi philosophique, François développe une vision de l’écologie intégrale, reposant sur l’idée que « tout est lié » : les défis environnementaux, sociaux, économiques et spirituels.
Adressée à toute l’humanité avec la volonté d’interpeller chacun, cette encyclique se veut très politique et obtient en effet un écho très fort. « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons et ses racines humaines nous concernent et nous touchent tous », plaidait déjà le pape François, alors que le terme d’« adaptation » n’avait pas encore atteint le grand public…
Le religieux cingle aussi l’absence de réaction des leaders politiques mondiaux : « La faiblesse de la réaction politique internationale est frappante. La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des sommets mondiaux sur l’environnement. » En quelques mots, il a concentré là sa vision économique et sociale de la révolution à opérer. Un mouvement qui passe par une limitation de la consommation, un respect de la biodiversité et un meilleur partage des biens communs entre le Nord et le Sud.
« L’une des questions les plus urgentes de notre époque »
La même année, François lance le « temps pour la Création », une période spéciale pour l’Eglise catholique, qui depuis se déroule chaque année du 1er septembre au 4 octobre – le 1er septembre marquant la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création, à l’occasion de laquelle le pape adresse traditionnellement un message à l’Eglise et au monde. Aussi importante soit l’encyclique, le souverain pontife argentin ne s’en est pas tenu à ce texte, il a aussi favorisé sa mise en œuvre avec la création d’un dicastère. Un an plus tard, le 17 août 2016, il crée le dicastère pour le service du développement humain intégral. Cet organisme constitutif de la curie romaine, qui assiste le pape dans sa mission de pasteur suprême, a pour mission de promouvoir la personne humaine et sa dignité en s’intéressant particulièrement aux questions liées à l’économie, au travail, à la protection de la création et de la Terre comme « maison commune ». Une définition qui met, là encore, l’accent sur l’écologie, en accord avec l’encyclique Laudato si’ et le nouveau texte qu’il publie en 2023, le Laudate Deum (« Louez Dieu »).
Huit ans après le Laudato si’, le Laudate Deum ressemble à un appel permettant au pape de redire l’urgence de ce combat quand le texte de 2015 se voulait une analyse théologique. C’est un texte plus court, plus abordable et plus pédagogique, qui défend les mêmes idées et les mêmes valeurs. Au fil de ses douze années sur le trône de saint Pierre, le pape François n’aura eu de cesse d’envoyer des messages à l’occasion des conférences pour le climat. Comme en 2023, lors de la COP28 à Dubaï, ou pour la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan, en novembre 2024, où le souverain pontife a fait parvenir des messages forts aux dirigeants mondiaux. Il y soulignait à chaque fois l’urgence de la situation climatique, affirmant que « la sauvegarde de la création est l’une des questions les plus urgentes de notre époque ». A ces assemblées où se pressent les chefs d’Etat, le pape François ne manquait jamais de rappeler le lien entre la préservation de l’environnement et le maintien de la paix.
« L’éco-anxiété peut être une ressource politique pour agir collectivement »
Mickaël Correia
www.mediapart.fr/journal/ecologie/200425/l-eco-anxiete-peut-etre-une-ressource-politique-pour-agir-collectivement
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Face au chaos climatique, le psychosociologue Jean Le Goff propose dans un essai qui s’appuie sur des témoignages de militants écologistes d’appréhender l’éco-anxiété comme un sentiment politique à mettre au service des luttes.
Le 15 avril, l’Ademe – l’agence pour la transition écologique – a publié une étude qui estime que 4,2 millions de Français et de Françaises sont « fortement », voire « très fortement » touché·es par l’éco-anxiété, définie comme « une détresse mentale face aux enjeux environnementaux ». 420 000 de nos concitoyen·nes ont même un risque « sévère » de basculer vers une psychopathologie, telle que la dépression réactionnelle ou le trouble anxieux. Face à l’ampleur de ces chiffres, l’éco-anxiété doit être considérée comme « un enjeu de santé publique », assure l’Ademe, qui précise qu’aucune catégorie socio-démographique n’est épargnée par cette détresse. Docteur en sociologie et psychosociologue attaché au Centre Esta (Centre d’études psychosociologiques et travaux de recherche appliquée), Jean Le Goff a mené une enquête auprès de militant·es du mouvement climat afin d’interroger la dimension collective des sentiments d’anxiété, de colère ou de tristesse qui traversent ces activistes. Dans Politiser l’éco-anxiété, publié début avril aux éditions du Détour, il explore les différents pièges politiques de ce terme comme les potentialités d’organisation collective qui se nichent sous nos affects alors que le monde brûle.
Mediapart : Dès l’introduction de votre essai, vous avancez que la notion d’éco-anxiété peut s’inscrire dans le champ des écoféminismes – la militante et autrice Joanna Macy parle par exemple de « peine pour le monde » – ou dans toute une culture du soin, de plus en plus développée par exemple chez les Soulèvements de la Terre. L’éco-anxiété est-elle un sentiment politique ?
Jean Le Goff : Quand le terme d’éco-anxiété est apparu en France vers 2019, j’ai eu des hésitations. D’un côté, je me suis dit qu’il y avait un mot dont les gens pouvaient se saisir pour exprimer ce qui les traversait, là où, avant, tout ce qui était de l’ordre des sentiments était assez tabou dans les milieux militants, notamment écologistes.
Mais d’un autre côté, l’éco-anxiété induit aussi un cadrage qui est très centré sur l’individu et sur la manière dont on doit « gérer » ses émotions.
J’ai donc essayé de me décaler en prenant ce mot d’éco-anxiété comme une porte d’entrée pour aborder la question des vécus, de la subjectivité, des moyens de se protéger, etc. Et en ce sens, je rejoins les écoféminismes dans l’idée de faire place aux mondes internes, aux sentiments négatifs, ce qui a aussi pour effet de créer du lien social.
Cette introspection par l’éco-anxiété n’est-elle pas un luxe de classe ?
Cela peut l’être : pour donner un peu la couleur sociologique des personnes que j’ai interrogées, ce sont des militants plutôt issus des classes moyennes, des fils et filles de profs qui ont entre la vingtaine et la quarantaine, non racisés. Après, il est important de souligner que les personnes les plus précaires et les plus vulnérables sont celles qui sont les plus exposées à la crise écologique, et donc on peut penser que c’est aussi ces dernières qui, subjectivement, vivent le plus de détresse en lien avec leur exposition aux conséquences du changement climatique. Mais, effectivement, elles ne vont peut-être pas accoler à cette détresse-là le terme d’éco-anxiété. C’est une des limites de cette notion. Contre les angoisses liées à la crise écologique, la société se protège en demandant à la figure de l’écologiste de porter le sujet pour tout le monde. Sur l’idée même de se payer le luxe de l’introspection alors que nous sommes dans une urgence totale, c’est une critique entendable mais qui peut aussi masquer une forme de résistance à vouloir affronter notre intériorité, nos sentiments dépressifs, notre colère, notre culpabilité. Ce que je défends est que cette exploration de la subjectivité n’est pas un repli sur soi : cette éco-anxiété peut être une ressource politique pour agir collectivement.
Comment alors politiser l’éco-anxiété ? Est-ce qu’on peut la guérir par l’action politique ?
Pour les personnes qui se sentent très remuées par des sentiments complexes liés à l’état actuel du monde, cela veut dire : comment se mettre en action ? comment s’organiser ? Et pour ceux et celles qui se mobilisent déjà collectivement, que ce soit des militants ou des personnes qui travaillent sur le sujet ou qui y réfléchissent, qui écrivent là-dessus, c’est : comment faire place à ce qui nous traverse ? C’est affirmer qu’explorer ces sentiments est aussi un geste politique. Et qu’on peut socialiser à partir de ces ressentis.
Ma discipline est la psychosociologie : elle conjugue à la fois la subjectivité des affects et la compréhension des dynamiques sociales et politiques. L’idée de politiser l’éco-anxiété, c’est de tenir les deux.
Un des vecteurs de cette éco-anxiété est qu’on observe dans l’opinion publique ou politique beaucoup de déni ou de déresponsabilisation face à la crise écologique. Et dans un même mouvement, des militants écologistes sont parfois enfermés dans des postures moralisatrices…
Il y a un champ peu exploré par les sociologues qui est celui des projections sociales.
Contre les angoisses liées à la crise écologique et climatique, la société se protège collectivement en demandant à la figure de l’écologiste de porter le sujet pour tout le monde. Et en même temps, cette figure de l’écolo va être attaquée régulièrement. C’est une dynamique sociale classique qui permet de remettre sur l’autre ce qu’on ne veut pas voir en soi.
Cela se traduit par exemple quand une personne parle de prendre l’avion ou de manger de la viande : elle va souvent, face à celui qui est identifié comme écologiste, se justifier de facto alors que ce dernier n’a même pas formulé un seul reproche.
Ce qui m’intéresse dans la question de l’utopie concrète est de voir où et comment se conjuguent des idéaux et du collectif.
Mais la projection s’opère aussi de l’autre côté. J’ai recueilli par exemple un témoignage d’une militante écologiste qui fait porter à ceux qu’on identifie comme non écologistes tout ce qui est de l’ordre de l’insouciance, de la pulsion destructrice, de la satisfaction immédiate de ses envies.
Quant à la morale des écologistes, elle a effectivement mauvaise presse, et souvent à raison.
Mais attention à ce terme. Comme l’affirme l’universitaire américain C. Fred Alford, il faut distinguer une morale répressive, exigeante, d’une morale réparatrice, articulée à l’envie de préserver ce qu’on aime, ce à quoi on tient. Cette morale-là n’est pas un sentiment de culpabilité persécuteur mais plutôt un souci de l’autre.
Dans votre livre, on découvre aussi des militants écologistes qui identifient très bien la structure sociale, capitaliste, du chaos climatique, mais qui pourtant croient à une transformation sociale qui surgirait par la multiplicité des alternatives, sans l’établissement d’un rapport de force… Comment expliquez-vous ce clivage ?
Il y a une première explication avancée par les sociologues, notamment Jean-Baptiste Comby, qui souligne que si nous n’arrivons pas à penser l’action collective, si certains misent tout sur l’essaimage des alternatives, c’est parce que nous sommes pétris du discours dominant d’individualisation de la responsabilité dans la crise écologique.
Mais j’ai aussi trouvé dans mes entretiens autre chose. Je suis allé interroger notamment un militant que je trouvais dépolitisé. Durant les réunions d’activistes, il était souvent opposé aux actions conflictuelles, avançant que ce qui ferait basculer le système, c’est le déploiement d’alternatives qu’il idéalisait complètement.
Toutefois, en creusant au cours d’entretiens, ce militant identifiait aussi très bien un système capitaliste destructeur, qu’il associait à une masse terrifiante. En fait, ici, ce militant conflictualise tellement fort que ça en devient trop menaçant pour lui : il est obligé de déconflictualiser pour que politiquement cela devienne tenable. On pense souvent que des visions du monde très polarisées sont favorables à des engagements forts, mais ici, pour ce militant, cela devient au contraire écrasant, paralysant dans l’action.
Vous mobilisez dans votre livre Ernst Bloch, penseur néomarxiste allemand qui a conceptualisé l’expression d’« utopie concrète », à savoir, la possibilité de rêver tout étant conscient de la réalité des leviers de transformation sociale…
Ce qui m’intéresse dans la question de l’utopie concrète est de voir où et comment se conjuguent des idéaux et du collectif. Je mets par exemple en avant l’exemple d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, la chambre d’agriculture alternative du Pays basque, qui est une institution collective pour prendre en charge tout ce que certaines chambres d’agricultures conventionnelles rejettent, notamment les questions écologiques.
Cette structure montée par un syndicat basque membre de la Confédération paysanne s’est fait attaquer violemment en justice par l’État dès 2005, mais elle a gagné ses procès et continue aujourd’hui à être très active, à soutenir l’agriculture paysanne.
Ce que je trouve intéressant dans cette histoire est que l’action se joue aussi à l’échelle des instances intermédiaires, à un endroit situé entre l’individu et le système. C’est une institution alternative qui a construit sa légitimité en apportant des réponses collectives et concrètes aux problèmes de notre temps.
Pour dépasser l’éco-anxiété, ne faut-il pas être « écofurieux », comme l’avance Frédéric Lordon ?
Ce que je trouve important, c’est de ne pas mettre de normes sur la manière dont il faudrait vivre les choses ou pas. Durant mon terrain, entre autres pendant la COP21 de Paris fin 2015, une norme qui était très forte était qu’il fallait « être positif ». Nous allions mobiliser les gens par le positif, donc il fallait nous-mêmes incarner cette positivité.
Et en ce moment, la manière « normale » de vivre le monde serait d’être éco-anxieux.
Il faut essayer de mettre de côté ces normes-là pour se demander : qu’est-ce qui nous traverse vraiment ? Lordon valorise le fait d’être éco-furieux, je trouve ça très bien. Toutes les ressources qu’on peut trouver dans la colère sont très importantes. Mais il ne faudrait pas que ça devienne une nouvelle norme.
En fait, la vraie question est plutôt : comment repère-t-on, chacun, chacune, où sont nos ressources ? Pour certains, ça va être dans la colère, pour d’autres, ça va être dans la tristesse, par exemple.
À l’heure du retour de bâton écologique en France, au Parlement européen ou aux États-Unis, et de la montée de l’extrême droite, l’éco-anxiété peut-elle encore être une notion mobilisatrice ?
On observe une convergence des attaques de l’extrême droite, qui est à la fois climatosceptique, transphobe et antimigrants. Je trouve qu’une ressource possible qu’on peut trouver là-dedans, c’est que cela peut faire émerger des solidarités entre les différentes luttes climatiques, LGBT+ et de solidarité avec les exilés.
Ce que l’on vit aujourd’hui n’est plus forcément une angoisse diffuse mais quelque chose de beaucoup plus frontal et menaçant. Et, peut-être, le mot éco-anxiété ne suffira plus à décrire les sentiments que l’on ressent face aux folles déclarations de Donald Trump.