Climat : 2015 nouveau record de chaleur planétaire
Sylvestre Huet, Journaliste à Libération
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2016/01/climat-2015-nouveau-record-de-chaleur-plan%C3%A9taire.html
« La nature offre plus d’avantages qu’un aéroport ou une zone commerciale »
Entretien avec Sandrine Bélier
www.reporterre.net/La-nature-offre-plus-d-avantages-qu-un-aeroport-ou-une-zone-commerciale
« L’écologie doit venir avant la politique »
Entretien avec Haïdar El Ali
www.reporterre.net/L-ecologie-doit-venir-avant-la-politique
Munduan 62 pertsonak jabetzan 3.600.000.000k adina daukate
Asier Arrate Iruskieta
www.argia.eus/albistea/munduko-biztanleen-erdiak-baino-diru-gehiago-dute-62-pertsona-aberatsenek
Climat : 2015 nouveau record de chaleur planétaire
Sylvestre Huet, Journaliste à Libération
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2016/01/climat-2015-nouveau-record-de-chaleur-plan%C3%A9taire.html
Les scientifiques qui prennent la température de la Terre viennent de livrer celle du mois de décembre 2015 et donc de l’année dernière.
Avec un écart à la moyenne calculée sur 1951/1980 de plus 1,12°C (selon l’analyse de l’équipe Nasa/Université Columbia de New York), le mois de décembre affiche le troisième mois consécutif à plus de 1°C au dessus de sa moyenne climatologique. C’est également le mois qui affiche le plus fort écart à la moyenne de son mois de l’année jamais enregistré depuis le début des analyses de ce type.
La moyenne annuelle de 2015 se situe à 0,87°C au dessus de la période de référence, soit à près d’1°C au dessus de la période pré-industrielle. Un nouveau record annuel, qui vient battre celui de 2014 qui était à 0,74°C au dessus de la référence climatologique. Leur verdict vient confirmer le diagnostic du Giec d’un réchauffement climatique majeur, provoqué par les émissions massives de gaz à effet de serre par l’usage des combustibles fossiles, la fabrication du ciment et la transformation des sols pour l’agriculture.
L’année 2015 se termine donc avec une série spectaculaire de mois beaucoup plus chauds que la moyenne. Les raisons de ces températures sont bien sûr à rechercher d’abord dans la tendance au réchauffement, mesurée depuis plus de 50 ans. Mais elles s’expliquent aussi par un phénomène climatique conjoncturel, l’oscillation ENSO, dans l’océan Pacifique. Or, le Niño de cette année est presque aussi puissant que celui de 1997, le plus intense jamais enregistré.
Ce phénomène va continuer à booster la température planétaire durant quelques mois, probablement jusqu’à l’été prochain. Ensuite, une phase froide pourrait faire retomber un peu cet indicateur du changement climatique durant un an ou deux, comme cela a déjà été observé.
En décembre, outre la marque d’El Niño, le planisphère des températures montre des écarts à la moyenne allant jusqu’à 9,6°C dans certaines régions, au Canada, en Europe et en Russie.
Ce que l’on ne voit pas sur ces cartes, ce sont d’autres signes majeurs du changement climatique en cours. Ainsi, un article paru le 18 janvier dans Nature climate change montre que les océans se réchauffent de plus en plus vite en profondeur, au delà même de 700 mètres.
« La nature offre plus d’avantages qu’un aéroport ou une zone commerciale »
Entretien avec Sandrine Bélier
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À l’occasion de la discussion au Sénat du projet de loi sur la protection de la biodiversité, Sandrine Bélier explique pourquoi nos politiques publiques ont jusqu’ici échoué à les protéger. Et décortique le projet de loi, qui ne semble pas en mesure d’inverser la destruction en cours de la nature. Sandrine Bélier est juriste de l’environnement et membre d’Europe Écologie-Les Verts. Députée européenne entre 2009 et 2014, elle coordonnait le groupe de travail biodiversité des Verts européens. Elle a publié La Biodiversité, une chance, nous avons un Plan B avec Gilles Luneau, aux éditions Actes Sud, en 2013.
Reporterre – Cette loi a déjà plus de deux ans de retard sur son calendrier initial, et les citoyens paraissent peu intéressés par le sujet de la biodiversité. Comment leur expliquer son importance ?
Sandrine Bélier – Pendant la campagne des régionales, notamment, j’ai pu constater une prise de conscience : les gens se rendent compte qu’ils ne voient plus tel papillon, tel oiseau, qu’il y a des problèmes de pollution de l’eau, etc. Cependant, dans ce contexte de crise, la protection de la nature est pour eux un enjeu important mais pas prioritaire.
L’être humain est un être vivant, il appartient à la biodiversité et l’accélération de la perte de celle-ci met en danger nos conditions de vie. Donc, il faut expliquer que défendre la biodiversité, c’est préserver les enjeux essentiels de la vie. La biodiversité, c’est la question de la diversité des espèces cultivées pour l’alimentation. Mais aussi une question de santé publique à travers les pesticides, la pollution. Les gens commencent à comprendre que, si les abeilles disparaissent, c’est que notre environnement se dégrade et que cela peut avoir des impacts sur notre santé.
La biodiversité concerne la vie quotidienne. Par exemple, on s’habille avec des matières végétales, nos médicaments sont encore majoritairement issus de la nature, nos cosmétiques aussi. Et, enfin, se pose la question du beau, des loisirs et de ces services rendus gratuitement par la nature. Par exemple, la zone humide de Notre-Dame-des-Landes permet d’avoir une eau de qualité. Si on la supprime, il faudra trouver des moyens technologiques pour filtrer l’eau. En conséquence, son prix augmentera.
En France, comment aborde-t-on la question de la biodiversité dans les politiques publiques ?
De façon sectorisée. En 1976, deux grandes lois ont fondé la politique en matière d’environnement. D’un côté, la loi sur les installations classées régule les activités humaines. De l’autre, la loi sur la protection de la nature s’intéresse aux espaces naturels.
Quarante ans après le vote de ces lois, on se rend compte que leurs domaines d’application sont liés, qu’en matière d’environnement, climat, pollutions, biodiversité… tout est lié. On ne peut plus se contenter de n’avoir que des espaces protégés. La protection de la nature suppose de prendre en considération – et de modifier – nos modèles agricole et énergétique, l’utilisation des ressources naturelles et donc notre modèle de développement.
Y a-t-il consensus sur cette approche de la biodiversité ?
Aujourd’hui, tout le monde conçoit le terme biodiversité de la même manière. Les divergences viennent plutôt sur la question des moyens d’enrayer sa perte.
Donc le débat porte sur la question de savoir comment protéger la biodiversité ?
Oui, c’est cela. Jusqu’à il y a peu dominait une logique de conservation : on définissait des zones à protéger et, sur le reste du territoire, il fallait faire un peu attention. En réalité, rien ne se faisait véritablement. Puis, on a constaté l’accélération de la perte de la biodiversité, on a admis que l’on va vers une sixième extinction des espèces. On a fait le lien entre le dérèglement climatique, les pollutions diffuses et la perte de la biodiversité. Et donc reconnu que la politique de pure conservation ne suffisait pas. Au niveau européen, en 1992, la directive Natura 2000 a pris en compte les habitats naturels, les écosystèmes complexes. Elle parle de la nécessité de les protéger pour préserver les espèces qui y vivent. Surtout, cette directive dit que cela ne suffit pas, qu’il faut concilier activités humaines et biodiversité.
Au niveau international, en 2010, les Nations unies ont défini les objectifs d’Aichi. L’idée est que la biodiversité doit être prise en compte dans toutes les politiques sectorielles.
Le projet de loi sur la biodiversité, actuellement en discussion au Sénat, prend-il en compte ces nouvelles orientations ?
C’est dans l’esprit de la loi. Elle exprime le principe de « solidarité écologique », qui postule que la nature ne doit pas être considérée comme un élément à part, mais comme un enjeu transversal de protection de l’environnement. La création de l’Agence pour la biodiversité va dans le même sens. On se donne une institution qui aura une vision plus globale, la possibilité d’avoir une action plus cohérente et efficace. Reste à voir quels moyens elle aura…
Ce projet de loi cherche à encadrer ce que l’on appelle la « compensation écologique ». C’est-à-dire que, quand on détruit un espace naturel (par exemple en construisant un aéroport), on se doit de favoriser la biodiversité ailleurs. Qu’en pensez-vous ?
Il faudrait revenir à l’esprit de la loi de 1976, qui était « empêcher, réduire, compenser ». Empêcher, c’est se demander si le projet est vraiment nécessaire. On devrait pouvoir y renoncer quand il a trop d’impact. En réalité, jamais on n’a abandonné un projet pour ces raisons.
Réduire, c’est se demander comment on peut limiter les conséquences sur la biodiversité, étudier si c’est possible de faire le projet ailleurs, dans un lieu où il aurait moins d’impact, par exemple.
Enfin, quand vraiment on ne peut pas faire autrement, on en arrive à compenser : là encore, on s’est rendu compte que ce principe n’est jamais vraiment mis en œuvre.
Donc, on a l’impression que la compensation est aujourd’hui la solution choisie dans la plupart des cas. Et qu’elle est en fait très mal encadrée…
Comme il n’y a pas de contrôle, tout repose sur la bonne volonté du maître d’ouvrage. La plupart du temps, les mesures de compensation sont mal, sous voire pas évaluées et donc les maîtres d’ouvrage ne les réalisent pas.
Mais cette loi va-t-elle permettre d’appliquer le principe « éviter, réduire, compenser » ?
Non. À la lecture de la loi, je ne vois pas de quelle manière on permettrait sa mise en œuvre effective. Je ne vois pas en quoi les autorités ont davantage les moyens de refuser un projet parce qu’il n’est pas possible de réduire ou de compenser les impacts.
Je ne vois pas non plus de régime de sanctions qui aurait un impact incitatif. Cela voudrait dire prévoir un certain nombre de délits et de sanctions pour destruction de la nature alors qu’on aurait pu l’éviter ou quand on ne met pas en œuvre les compensations prévues dans un projet.
Une disposition inquiète en particulier dans ce dossier de la compensation, c’est la création de « réserves d’actifs naturels ». Des entités privées pourraient gérer des espaces naturels et les promoteurs de projets immobiliers pourraient les payer pour compenser la destruction d’autres espaces. On y dénonce une financiarisation de la nature. Qu’en pensez-vous ?
Sur le fond, je suis contre la monétarisation de la nature : on peut évaluer le coût de sa perte, mais on ne peut pas lui donner de prix.
Mais le texte du projet de loi ne l’évoque pas directement. Je ne pense pas qu’elle soit tombée dans la financiarisation. En revanche, le fait de parler de ces réserves d’actifs, c’est renforcer le principe de compensation alors qu’il vaudrait mieux mettre en avant les volets « empêcher » et « réduire ».
Aujourd’hui, les projets ne sont jamais refusés. On devrait aller dans le sens d’une logique inversée, une logique de prévention. Le projet qui risque de porter atteinte à la biodiversité doit démontrer soit que ses impacts sont très limités, soit qu’ils peuvent être compensés. Sinon, il doit être refusé.
Mais les associations qui dénoncent ces réserves d’actifs et le principe de compensation soulignent l’impossibilité de compenser à 100 %.
C’est pour cela qu’il faut poursuivre les expérimentations. On se rendra compte que, dans de nombreux cas, la compensation est impossible.
Lors du Grenelle de l’environnement, l’un des premiers dossiers envisagés pour la compensation écologique était le contournement ouest de Strasbourg. Ce projet d’autoroute détruisait l’habitat du grand hamster, une espèce protégée. On en est arrivés à la conclusion qu’on ne pouvait pas refaire son habitat ailleurs, donc qu’on ne pouvait pas compenser.
Il y a encore un travail de méthode à faire sur la compensation, car il y a des cas où ce sera possible, d’autres non. Et quand ce ne sera pas possible, le projet devra être refusé.
La clé est d’arriver à admettre qu’il faut revisiter notre modèle de développement et que la préservation de la nature et de la biodiversité n’est pas seulement une contrainte, mais qu’elle est un indicateur de richesse et de développement d’un pays et d’une société. Que la nature offre plus d’avantages qu’un projet d’aéroport, un projet routier ou un projet de zone commerciale. C’est penser nos conditions de vie sur le long terme.
« L’écologie doit venir avant la politique »
Entretien avec Haïdar El Ali
www.reporterre.net/L-ecologie-doit-venir-avant-la-politique
L’ancien ministre de l’Environnement et de la Pêche sénégalais, militant écologiste de longue date, partage son expérience de terrain et ses réflexions sur les meilleurs moyens d’agir en faveur de l’environnement. Dont la validation « par le bas ». Haïdar El Ali, 62 ans, a traversé trente ans d’action écologiste au Sénégal. D’abord au sein de l’Océanium de Dakar, association de connaissance et de protection de l’environnement marin. Puis comme animateur de la Fédération démocratique des écologistes sénégalais, formation politique qui l’a porté à des responsabilités ministérielles. Retour sur un parcours, entre méthode de connaissance et bilan d’action.
La COP 21 s’est tenue en décembre 2015 à Paris. Quel bilan en tirez-vous ?
Encore une fois le monde politique international, rassemblé autour de l’intérêt collectif, s’est défaussé. Et l’Afrique n’a cessé de parler de son absence de responsabilité dans le réchauffement climatique, en vue de négocier des financements qu’elle n’arrivera pas à débloquer. D’une façon générale, je ne crois pas en ces grands rassemblements. Les principaux décideurs, responsables des pays les plus riches et les plus pollueurs, ont pris l’essentiel des décisions annoncées à la COP 21 mais ils ne vont pas les appliquer. Parce qu’ils n’en ont pas les moyens : ils sont sous la domination du monde de la finance qui contrôle la planète. Pour réellement changer la donne sur le climat, il faut une inversion des valeurs : il faut non pas que la finance soit au centre, mais que la planète soit au centre. Ma conviction, après quatre décennies d’écologie et associative et politique, est que cela n’arrivera qu’après une grande catastrophe.
Comment êtes-vous entré en écologie ?
Comme tous les Sénégalais d’origine libanaise, j’étais familialement voué au commerce mais mon amour de la nature m’a rattrapé. À 15 ans, j’ai pris mon vélo un jour de vacances et je suis parti en brousse. En pleine nature, j’étais absorbé, je n’avais plus la sensation du temps : quand je suis rentré au bout de deux mois, ma famille était en train de préparer mes obsèques ! Jeune adulte, j’ai erré pendant deux ans : j’étais profondément attiré par la mer. J’ai fait toutes sortes de travaux liés à l’océan jusqu’à ma rencontre dans les années 1980 avec Jean-Michel Comprost, océanologue français et fondateur à Dakar de l’Océanium, association de connaissance et de protection de l’environnement marin. Avec lui et quelques amis, j’ai commencé à filmer, à documenter l’océan. Nous avons réussi à sensibiliser aux dangers de la pêche à l’explosif, par exemple, en filmant les hécatombes que cette méthode infligeait à la mer et en les montrant aux pêcheurs.
Dans les années 1990, nous avons fait du documentaire pendant dix ans pour prendre connaissance de l’océan. Et quand on le connaît, on l’aime beaucoup. Un promeneur qui porte son regard sur l’océan peut éprouver un sentiment de puissance, de grandeur, d’éternité. Il peut croire l’océan indestructible. Mais l’océan est un être qui vit, qui peut être blessé, qui peut mourir. Très exactement comme la forêt tropicale du Sahara s’est muée en steppe avant de devenir le vaste désert qu’elle est aujourd’hui. Et les gens, quand ils voient les images de la dégradation de la mer, ils la vivent, ils la ressentent, et donc ils peuvent avoir envie d’agir.
Quelles actions de l’Océanium vous semblent les plus significatives ?
Je citerai trois grands projets. En 1992, nos activités documentaires nous ont montré que 100 % des femelles du cymbium, coquillage prisé au Sénégal et en Asie pour ses qualités alimentaires, portaient des naissains en février, mois crucial de la reproduction. Nous avons filmé les femelles éventrées, les milliers de naissains relâchés sur le sable. Nous avons récupéré ces naissains et les avons placés dans des piscines d’incubation avant de les rejeter en mer au bout de quelques mois, afin qu’ils puissent y vivre. Nous avons sensibilisé les pêcheurs et mobilisé les pouvoirs publics. Finalement, nous avons obtenu l’interdiction de la pêche du cymbium en février. D’une façon générale nous avons ainsi passé beaucoup de temps, au début des années 1990, à dire ce qu’il ne fallait pas faire.
Puis nous nous sommes demandé ce qu’il fallait faire. En 1995, nous avons eu l’idée de créer au Sénégal une aire marine protégée (AMP) [1]. Nous avons sillonné pendant trois ans les deltas de Casamance et du Saloum pour trouver un endroit qui présente à la fois un écosystème protégé où les poissons jeunes et la biomasse se trouvent en abondance, une beauté paysagère certaine et une capacité d’engagement citoyen des habitants. Ibrahima Diamé nous a accompagnés dans plusieurs villages sur la rive sud du Saloum près de l’océan. Nous avons délimité ensemble une aire de sept mille hectares à protéger. La Communauté rurale [2] de Toubacouta a fait un délibéré pour créer l’AMP de Bamboung avec nous. Nous avons obtenu une aide du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) pour créer l’aire, puis nous avons commandé à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) un état de référence sur les espèces présentes, leurs tailles, la biomasse, etc. La même étude a été réalisée chaque année pendant six ans. Au bout de trois ans, peu de choses avaient changé dans l’AMP. Les années quatre et cinq, une légère augmentation quantitative se faisait sentir. La sixième année, on assistait à une véritable explosion de vie : une trentaine de nouvelles espèces avaient fait leur apparition dans le delta, la taille des poissons avait augmenté au point qu’ils pouvaient sortir du delta et recommencer leur cycle de vie dans l’océan… Surtout, le campement écotouristique avait fait la preuve de sa durabilité économique : ses revenus finançaient la protection de l’aire, jusqu’aux salaires des villageois qui exerçaient la fonction d’écogardes pour empêcher les comportements frauduleux. En 2003, un décret présidentiel a classé officiellement cet espace comme aire marine protégée.
Trois ans plus tard, avec six cents jeunes du village de Tobor, nous avons entrepris le reboisement de la mangrove de Casamance. En une trentaine d’années, celle-ci s’était dégradée au point de perdre 40 % de sa surface du fait de trois facteurs principaux : les sécheresses importantes des années 1970, la construction de pistes de production coupant le flux et le reflux de l’eau dans les années 1980, les coupes de bois massives pour la construction des maisons ou les usages culinaires. Or dans la mangrove, il y a un enchevêtrement total entre la forêt, les champs et l’eau. Quand les arbres disparaissent, les champs de riz sont noyés dans l’eau salée et meurent… Les villageois paysans ont donc vu notre projet d’un bon œil. Sa réalisation était pourtant compliquée : il fallait aller chercher en pirogue des semences de mangrove dans des endroits sains pour ensuite les replanter dans des endroits dégradés. Au bout de deux ans, ce sont quinze villages qui nous ont accompagnés sur ce projet, et nous avons replanté avec eux 700.000 arbres. Ce reboisement a fait florès : en 2008, la fondation Yves Rocher nous a aidés à planter 6 millions d’arbres dans 156 villages ; en 2009, Danone et Voyageurs du monde ont financé la plantation par nos soins de 36 millions d’arbres pour compenser leurs émissions de CO2. En 2010, nous avons planté 52 millions d’arbres grâce à la mobilisation de 110.000 personnes dans 428 villages.
L’immense succès et la durabilité de ces trois projets m’amènent à une conclusion fondamentale : pour qu’une action marche, sa gestion doit être participative. Les solutions doivent venir par le bas et être reproductibles, sinon elles n’ont pas de sens. Quand les habitants de la région n’ont pas compris la nécessité pour eux de limiter la pêche ou de planter des arbres, vous n’obtenez aucun résultat. J’ai pu constater, à de très nombreuses reprises, la rapidité avec laquelle des AMP décidées par une institution nationale ou internationale s’effondraient dès lors que le bailleur initial arrêtait son investissement. À Bamboung, à Tobor, ce n’est pas le cas : nos projets sont autonomes, nos projets sont vivants.
Si vous croyez tant en la validation « par le bas », pourquoi vous êtes-vous engagé en politique ?
Parce qu’à un certain moment, il faut que des autorités puissent garantir la durabilité des vos actions. Prenons l’exemple du bois : nous suivons avec attention la situation aux abords de Fafacourou, tout près de la frontière gambienne aux sources du fleuve Casamance. Là, des hommes de sociétés chinoises situées en Gambie promettent aux jeunes Sénégalais de leur offrir une moto s’ils leur apportent trente troncs de teck. Chaque nuit, des jeunes traversent la frontière avec une charrette pour leur porter deux ou trois troncs, et à force ils gagnent leurs motos. 3.800 containers de teck ont ainsi déjà été exportés de Gambie vers la Chine en toute illégalité, puisque les multinationales qui assurent ce transport comme les autorités gambiennes savent très bien que les forêts de teck sont situées au Sénégal.
Si à un moment vous n’avez pas des élus locaux écologistes à Fafacourou qui alertent sur cette pratique, qui ont noué des relations avec le préfet, les députés dont on peut espérer qu’ils soient aussi de sensibilité écologiste, que va-t-il se passer ? Vous pourrez continuer à planter des arbres à Fafacourou : ils auront disparu dès le lendemain, à un rythme qui désormais nous dépasse. Alors, des élus écologistes font ce travail. Face à des trafiquants de bois mafieux, ils risquent même leur vie pour ça.
C’est pourquoi, dès le début des années 2000, nous avons commencé à infiltrer le monde politique. En 2003, nous avons fondé la Fédération démocratique des écologistes du Sénégal (Fedes). Nous nous sommes présentés aux élections locales, nous avons obtenu une centaine d’élus sur tout le territoire. J’ai même pu être ministre de l’Environnement puis de la Pêche entre 2012 à 2014. Nous visons à présent les législatives en 2017. Nous nous battons donc sur les deux fronts : l’écologie et la politique. Tout en gardant une idée claire en tête : l’écologie doit venir avant la politique. Si tu ne l’as pas compris, tu perds ton temps, parce que les partis politiques qui t’ont précédé font de la politique mieux que toi. Et ça, c’est le grand problème des partis écologistes au Sénégal comme dans le reste du monde : ils font trop de politique et pas assez d’écologie, il faut qu’ils inversent cette tendance.
Votre expérience de ministre a été assez courte, à peine deux ans. Êtes-vous bien sûr d’avoir fait assez de politique ?
Mais je me fous de ne plus être ministre. Être ministre donne bien sûr des leviers d’action que l’on n’a pas autrement. Mais depuis que je ne suis plus ministre, mon action écologique a repris d’une autre façon. À vrai dire, le monde crève de ces politiques qui veulent rester ministres, qui veulent se faire réélire… Ces gens-là, très nombreux, se mettent immédiatement à la portée des innombrables corrupteurs qui veulent s’accaparer les ressources naturelles africaines. Sur la base de mon expérience ministérielle, je pourrais d’ailleurs écrire un roman rempli d’anecdotes rocambolesques sur le pillage des ressources sénégalaises (grumes, or, poisson…) liées à la corruption de personnalités politiques ou de fonctionnaires. Le problème est que la situation est grave : notre pays vit toujours d’une économie de prélèvement, il ne transforme pas ses ressources. Or celles-ci se font de plus en plus rares, dans de nombreux domaines le pillage s’accélère et on est proche de l’épuisement. Nous sommes à vrai dire en situation de survie. Et les Africains et leurs dirigeants n’ont toujours pas compris la nécessité d’une gestion rigoureuse de leurs ressources…
En tant que ministre, j’ai pu effectivement limiter ce pillage. Mais les lobbies de la finance, de l’administration, de la communication et des marabouts sont puissants au Sénégal, ils ont eu raison de moi. D’autant que je n’ai pas toujours su mettre beaucoup d’eau dans mon vin : j’attendais cette responsabilité politique depuis longtemps, je me sentais dans une urgence d’agir. Et au plus haut niveau de l’État, il n’y a pas toujours la force ni la technicité pour combattre les lobbies efficacement. À la lumière de cette expérience, je pense toutefois que le politique a les moyens d’agir, s’il a une vision, s’il a le courage de mener sa vision à terme, s’il a des valeurs, s’il est engagé. Comment penser autrement d’ailleurs ? Le peuple des arbres a tant besoin de nous.
Propos recueillis par Benjamin Bibas
[1] L’Union internationale de la conservation de la nature (UICN) définit une aire protégée comme « un espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques et valeurs culturelles qui y sont associés ».
[2] Équivalent d’une commune regroupant plusieurs villages au Sénégal.
Munduan 62 pertsonak jabetzan 3.600.000.000k adina daukate
Asier Arrate Iruskieta
www.argia.eus/albistea/munduko-biztanleen-erdiak-baino-diru-gehiago-dute-62-pertsona-aberatsenek
Ondasunak gero eta gutxiagoren esku daude: munduko %1a gainontzeko %99a bezain aberatsa da Oxfam Gobernuz Kanpoko Erakundeak kaleratutako azken txostenean arabera.
Munduko biztanleen erdiaren aberastasuna %41 jaitsi dela 2010etik 2015era, nahiz eta azken bost urteetan 400 milioitan igo den munduko populazioa.
Oxfamen datuen arabera munduko biztanleen erdia –3,6 mila milioi pertsona– baino aberatsagoak dira 62 herritar dirutsuenak. Oxfamek aurreikusitako joera urte bete lehenago bete da: 2010ean 388 pertsona aberatsenek zuten munduko biztanleen erdiak beste diru, 2014ean 80 ziren eta egun 62.
GKEko arduradunek azaldu dute munduko biztanleen erdiaren aberastasuna %41 jaitsi dela 2010etik 2015era, nahiz eta azken bost urteetan 400 milioitan igo den munduko populazioa. Denbora tarte berean, munduko 62 pertsona aberatsenen ondasunak 500 mila milioi dolarretik 1,73 bilioi dolarrera igo dira.
“Munduko liderrek” aberatsen eta txiroen arteko desberdintasunaren aurka egin behar dela aldarrikatzen badute ere, Erresuma Batuko Oxfameko buru Mark Goldringek salatu du “ezer gutxi” egin dutela egoerari buelta emateko.
Hiru fronteko erantzuna
Oxfamen ustetan soldaten aldeari aurre egiteko ezinbestekoa da hiru arlotan ekitea: soldata baxuenak igotzea, zerga-saihesteari ateak ixtea eta inbertsio handiagoak egitea zerbitzu publikoetan. Azaldu dutenez, gobernuen lehentasuna izan beharko luke paradisu fiskalak ixtea, horien bidez saihesten baitute aberatsenek zergak ordaintzea. Horrek gobernuak bitarteko gutxiagorekin uzten ditu pobrezia eta desberdintasun sozialei aurre egiteko.
Oxfamek argitaratutako datuen arabera, norbanakoek paradisu fiskaletako kontu korronteetan 7,6 bilioi dolar paratu dituzte. Diru horri zegokion zerga kopurua ordainduko balute, gobernuek 190 mila miloi dolar gehiago izango lituzkete urtero eskura. Azpimarratu dituzten datuen artean, aipatzekoa da Afrikako finantza aberastasunen %30 inguru paradisu fiskaletan dagoela. Ondorioz, 14 mila milioiko galera izan dute aurrekontuetan Afrikako herrialdeek.