Articles du Vendredi : Sélection du 20 septembre 2013 !

Le réchauffement climatique en marche au Pays Basque

Carole SUHAS
www.lejpb.com/paperezkoa/20130918/422927/fr/Le-rechauffement-climatique-marche-au-Pays-Basque

Réchauffement climatique en Aquitaine : “Un risque que l’on ne peut ignorer”

Philippe Belhache
www.sudouest.fr/2013/09/17/rechauffement-climatique-en-aquitaine-un-risque-que-l-on-ne-peut-ignorer-1171727-706.php

Ras le bol du “ras-le-bol fiscal” !

Louis Maurin (Directeur de l’Observatoire des inégalités)
Le Monde du 20.09.2013

François Hollande, saison 2

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/francois-hollande-saison-2,36784?xtor=EPR-9

Rendre la transition écologique économiquement attractive

Agnès Sinaï
www.actu-environnement.com

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Le réchauffement climatique en marche au Pays Basque

Carole SUHAS
www.lejpb.com/paperezkoa/20130918/422927/fr/Le-rechauffement-climatique-marche-au-Pays-Basque

Entre 2 et 5 degrés de plus selon les scénarios. Le réchauffement climatique pourrait être particulièrement marqué en Aquitaine. “C’est ici que les changements risquent d’être les plus radicaux car nous sommes dans des limites géologiques pour le vivant”, précise Iker Castège, océanographe au Centre de la mer de Biarritz. Il fait partie de l’équipe de 150 scientifiques qui a édité un rapport sur le réchauffement climatique au niveau aquitain, rendu public au début du mois.

“Nous nous sommes concentrés sur deux interrogations : observe-t-on nous aussi le réchauffement climatique et à quels impacts doit-on s’attendre ?” La réponse à la première question est un oui. “Les changements ont bien lieu et on les observe déjà aujourd’hui”, explique celui qui s’est penché dans ce pavé de 365 pages sur la modification du climat et sur ses impacts sur la biodiversité en milieu marin. “Nous sommes dans une limite biogéographique, c’est-à-dire dans un endroit où les espèces d’eaux chaudes rencontrent celles d’eaux froides”, avance Iker Castège. Aussi, les scientifiques s’attendaient-ils à constater des transformations notables dans le golfe de Gascogne.

Arrivée en masse du maquereau

Les derniers relevés en mer du Centre de la mer ont confirmé les théories scientifiques. “Il y a une très forte baisse, dans une échelle de temps assez réduite, d’un certain nombre d’espèces comme le petit pingouin, autrement appelé le pingouin torda, qui fréquentait abondamment le secteur et dont les effectifs sont maintenant très faibles.” L’océanographe biarrot a une explication simple au phénomène. “Le réchauffement des eaux pousse l’espèce à migrer vers les eaux plus froides du nord. A contrario, des espèces plutôt méridionales ont pris leurs marques sur nos côtes comme la daurade coryphène qui a débarqué à Ciboure.” Sans occulter les effets non négligeables de la surpêche sur ces changements, Iker Castège affirme que les conditions climatiques “agissent sur des stocks déjà stressés”.

Et quand on touche à un maillon, on touche à toute la chaîne alimentaire. “Par exemple, la population de maquereaux est en augmentation, or c’est ce dont se nourrissent les dauphins dont le nombre devrait aussi croître dans les années à venir.” Face à ces évolutions, l’océanographe met aussi en garde contre ce qui pourrait devenir un risque pour “l’architecture de la nature”. “Des espèces d’eau chaude introduites, qui ne prenaient pas jusque-là, se retrouvent maintenant dans de bonnes conditions, ce qui amène à la modification des écosystèmes.”

Pour Iker Castège, le changement climatique aurait une influence sur la phénologie, ces phénomènes du vivant que sont la reproduction, la migration ou la pondaison. “On peut progressivement avoir un déphasage entre proies et prédateurs qui ne se retrouvent plus au même endroit au même moment.” Ce phénomène, plus subtil, “pourrait entraîner des changements brutaux” aussi bien environnementaux qu’économiques et sociaux.

Incidence sur l’action politique

Le rapport, qui s’intitule “Prévoir pour agir”, commandé par la région Aquitaine, devrait également avoir des conséquences politiques. C’est du moins ce qu’espèrent les scientifiques qui se sont penchés sur des problématiques de tourisme, d’agriculture ou d’exploitation forestière. Parmi les changements physiques, il faudra notamment compter sur l’élévation du niveau de la mer ainsi que sur des phénomènes d’érosion et de submersion. La tendance à la “littoralisation” et à l’élargissement des centres urbains sur la côte inquiète les scientifiques. “C’est particulièrement vrai sur la côte basque où l’on s’attend à une hausse du niveau de la mer allant de 50 centimètres à un mètre”, met en garde Iker Castège. “Cela implique un choix du politique qui, partout où c’est possible, peut déjà commencer à envisager le recul des constructions.”

Partout, d’autres solutions devront donc être trouvées “face à quelque chose d’inexorable”, prévient l’océanographe qui résume ainsi le travail mené depuis trois ans : “On peut être sûrs que le monde va changer, on ne peut pas arrêter le changement climatique au niveau local, mais on peut faire en sorte de s’y adapter pour qu’il soit moins douloureux pour l’homme comme pour l’environnement.”

Des études climatologiques à approfondir

Les différentes études ou rapports sur le changement climatique sont souvent sources de désaccords, ou au moins de débats, sur la méthodologie à employer. Pour celle dont il est question ici, Iker Castège tient à préciser que les tendances ont été analysées sur des données climatologiques et non pas météorologiques. Explications pour les néophytes.

À en croire Iker Castège, la météorologie ne permet pas d’établir une tendance générale, tout simplement parce son échelle de mesure n’est pas assez longue dans le temps, “ce qui est un problème car le phénomène de changement climatique n’est pas linéaire”, précise le scientifique qui prend pour exemple les abondantes chutes de neige de l’hiver dernier qui ne seraient “absolument pas représentatives de l’évolution climatique”.

L’échelle de mesure atmosphérique est bien plus large. Pour les études sur la biodiversité marine dont il s’est chargé plus personnellement, Iker Castège raconte avoir “pris en compte les données atmosphériques relevées à Biarritz, c’est-à-dire, les températures, le vent, la pression atmosphérique, ainsi que les données océaniques relevées à Socoa, autrement dit l’agitation de la mer et la température de l’eau”. C’est dans ces variables que se sont dessinées des tendances : “Dans les années 1970, la température était plutôt basse et l’insolation faible, et aujourd’hui, les températures sont plus élevées tout comme l’insolation est plus forte”, avance Iker Castège.

Ces tendances ne sont évidemment pas à l’abri de “surprises ou de changements brutaux”, précise Iker Castège. Ce qui incite le Giec aquitain à réclamer une “veille scientifique pérenne”. “Cet ouvrage n’est pas un point final, mais plutôt le départ de la constitution de cette veille”, précise l’expert. La vieille formule “penser global, agir local” pourrait résumer les intentions des 150 scientifiques à l’origine du rapport mis en ligne (pour les plus courageux), sur le site de la région Aquitaine.

L’Aquitaine particulièrement réchauffée

Depuis le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sorti en 2007, les estimations des scientifiques quant au réchauffement planétaire ont été regonflées.

Pour les 150 scientifiques aquitains, sous la houlette du climatologue Hervé Le Treut, “il est nécessaire d’envisager les conséquences d’une élévation de la température moyenne globale de l’ordre de 4 ou 5 degrés” à horizon 2100. Un autre scénario, jugé moins plausible par les experts, table plutôt une hausse de 2 degrés.

Les variations de quelques dizaines de centimètres de hausse pour le niveau des océans sont remises en cause par la fonte plus rapide que prévue de l’Antarctique et du Groënland. “Prévoir un relèvement d’un mètre ou plus en fin de siècle relève d’une précaution nécessaire”, stipule le rapport dans sa conclusion.

Plus localement, les modèles de Météo-France ou de l’Institut Pierre-Simon-Laplace simulent en Aquitaine des élévations de températures pouvant atteindre 10 degrés en moyenne estivale. “Le réchauffement global pourrait aussi s’accompagner d’une forte diminution estivale des précipitations en Aquitaine”, souligne Iker Castège. De manière générale, les ressources en eau douce seront en diminution et obligeront les agriculteurs comme les professionnels du tourisme, pour ne citer qu’eux, à repenser leurs modèles d’exploitation. Le prochain rapport du Giec, découpé en deux étapes, doit paraître en septembre 2013 puis en 2014.

Réchauffement climatique en Aquitaine : “Un risque que l’on ne peut ignorer”

Philippe Belhache
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Le climatologue Hervé Le Treut, qui coordonnait l’ouvrage “Les Impacts du changement climatique en Aquitaine”, précise la méthodologie de son équipe

 

“Nous ne sommes pas des devins.” En quelques mots, le climatologue Hervé Le Treut, professeur à l’université Paris VI, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace et expert auprès du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), précise l’esprit qui a présidé à l’élaboration de l’ouvrage dont il a coordonné la rédaction, “Les Impacts du changement climatique en Aquitaine”.

Une somme dont la parution, aux Presses universitaires de Bordeaux, est censée offrir au grand public un regard éclairé sur les changements induits par le réchauffement.

 

La publication, sur notre site, d’exemples concrets d’impacts sur notre environnement direct a suscité un nombre important de commentaires d’internautes. Hervé Le Treut se réjouit d’avoir ainsi ouvert le débat. Tout en se désolant de la tournure qu’il prend le plus souvent.

 

SudOuest.fr. Quelle ligne directrice avez-vous adoptée pour cet ouvrage ?

Hervé Le Treut. Nous avons choisi de focaliser notre document sur les problèmes d’adaptation au changement climatique. Il y a eu des gens déçus, lors de notre présentation à la Région (l’ouvrage est le fruit d’une mission de deux ans initiée par la Région Aquitaine, NDLR), de ne pas entendre parler de catastrophe ou des dangers de l’effet de serre.

Notre souhait était d’élaborer un ouvrage factuel et technique sur un sujet précis. L’enjeu était d’anticiper les évolutions climatiques en Aquitaine, évolutions auxquelles il faudra très certainement s’adapter, et savoir ce qu’en dit la science aujourd’hui.

Le nombre de réactions ne vous surprend pas ?

Non. L’ouvrage a toujours été vu comme une première brique destinée à susciter des réactions, en particulier des ONG, dont on s’est volontairement privé du travail dans le cadre de l’élaboration de l’ouvrage.

Il nous faut maintenant confronter notre travail à un public plus large : les ONG, mais aussi des citoyens, des décideurs… C’est pour cela qu’il a été décidé de le publier sous une forme accessible à tous.

Certains de nos lecteurs remettent en question, parfois de manière virulente, les modèles d’évolution du climat retenus pour l’étude…

Il s’agit d’une recommandation générale qui a été donnée aux contributeurs. Nous avons en effet voulu éviter que le propos se disperse. Nous avons donc considéré, pour chacun des thèmes, le lien avec l’éventualité d’un changement climatique et le regard qu’on peut poser dessus. Nous avons procédé ainsi pour les forêts, la montagne, les estuaires…

Nous avons choisi deux références en termes de changements futurs, considérant que si cela ne change pas, cela n’entre pas dans le cadre de l’étude. Il s’agit de deux scénarios du GIEC : l’hypothèse d’un réchauffement en fin de siècle qu’on espère maintenu en dessous des 2 degrés au prix d’efforts très importants – c’est modéré avec déjà des conséquences -, et l’hypothèse, aujourd’hui plus probable, d’un réchauffement excédant ces 2 degrés.

On ne décide pas, ce faisant, de ce que sera le futur. Mais le réchauffement est un risque que l’on ne peut ignorer. Cela peut impliquer en Aquitaine des variations vraiment importantes. Par exemple l’été un écart de température de 5 à 10 °C, ce qui est vraiment significatif.

Nous considérons cela comme une échelle de risques. Nous fixons une hypothèse de réchauffement et regardons en quoi les différents milieux sont sensibles à cet écart.

Car cela a un impact sur la manière d’aménager le territoire, à l’échelle de trente, quarante, cinquante ans. Il est évident que ce regard-là est utile pour un aménagement du territoire qui soit optimal par rapport à ce qu’on sait.

Que pensez-vous des attaques déjà menées sur ces travaux ?

Il n’y a jamais une vérité absolue. C’est la vérité d’un moment. Maintenant, beaucoup de réactions ont été faites sans avoir lu le document. Nous n’avons ni l’intérêt ni l’envie de jouer les devins. Ce qui a été fait est un véritable travail de fond effectué dans des laboratoires aquitains.

Nous avons réuni les contributions de plus de 160 chercheurs. Notre but est que cette recherche effectuée en laboratoire puisse être amenée au niveau de la décision publique. Il est ennuyeux de penser qu’il y a en laboratoire une telle richesse de discussions et qu’elles alimentent aussi faiblement la discussion publique.

Le ton de tout cela est assez mesuré. Certaines réactions ont montré que ce ton mesuré lui-même pouvait énerver.

Pensez-vous que ces éléments seront pris en compte dans la décision publique ?

Ce que je sais, c’est qu’à la Région, il y a des gens qui prennent ça au sérieux, qui ont envie d’organiser des débats sur différents aspects du document dans différentes villes d’Aquitaine sous forme de débats publics.

L’Aquitaine a l’intention de pérenniser un groupe de travail sur ce problème. Et de pérenniser des mesures pour des indicateurs qui servent de référence dans la durée.

Le scientifique n’est pas un expert qui choisit à la place des citoyens et des pouvoirs démocratiques. Il y a des tas d’enjeux : justice sociale, arbitrages politiques, impératifs économiques… Ils sont du ressort du politique.

Nous sommes là pour leur donner une information la plus exacte possible. Avec pour objectif d’anticiper un certain nombre de décisions d’aménagements dans certaines filières. Tout cela n’a pas besoin de se faire du jour au lendemain. Mais il faut d’ores et déjà y réfléchir.

L’interprétation des données publiées semble cependant alimenter une véritable guerre idéologique…

On est habitué à cela. Honnêtement ce débat entre “climatosceptiques” et “réchauffistes” est un petit peu une catastrophe. À certains égards, il est normal d’être sceptique, nous le sommes également, c’est la nature même du scientifique que d’aller au-delà des diagnostics qui lui sont proposés.

Je suis cependant stupéfait que voir ce débat tourner autour d’oppositions très éloignées du véritable débat scientifique. Ce sont des débats inventés, profondément ridicules dans leurs objets. Essayer d’opposer les tenants du soleil aux tenants du CO2, d’opposer les tenants du CO2 à ceux de la vapeur d’eau ou à ceux de l’effet de serre… c’est profondément absurde.

Alors qu’il y a de vrais débats scientifiques à tenir : nous n’avons pas de certitude aujourd’hui sur l’ampleur des réchauffements climatiques, leur localisation, leurs impacts…

Ras le bol du “ras-le-bol fiscal” !

Louis Maurin (Directeur de l’Observatoire des inégalités)
Le Monde du 20.09.2013

L’opération “ras-le-bol fiscal” a marché. Le président de la République a décrété une pause fiscale et se réjouit de trancher dans les dépenses publiques. Les couches populaires et moyennes vont donc payer une partie de l’addition des baisses d’impôts consenties dans les années 2000 aux plus aisés.

En effet, entre 2000 et 2010, les baisses d’impôts ont atteint 120 milliards d’euros, selon Gilles Carrez, député UMP. Elles n’ont eu aucun effet sur la croissance et ont mis à terre les finances publiques. La majorité précédente a attendu 2011 pour changer de cap, supprimer le bouclier fiscal et élever les impôts. La gauche au pouvoir n’a fait que poursuivre le mouvement. En 2012 et 2013, les augmentations de prélèvements ont atteint 50 milliards, dont 30 milliards pour le budget de l’Etat.

C’en était déjà trop. A la fin de l’été, la réception des feuilles d’impôt sur le revenu a servi de support à la construction de l’opération “ras-le-bol fiscal”, lancée par le ministre de l’économie Pierre Moscovici. Il aurait passé ses vacances à entendre ses proches se plaindre. Il a provoqué un concert médiatique anti-impôts.

L’arme utilisée par les détracteurs de l’impôt est le taux de prélèvements obligatoires rapporté à la richesse nationale, l’un des plus élevés au monde. Un chiffre sans valeur, car il compare des services qui n’ont rien à voir. Nos voisins britanniques savent qu’il n’est pas plus favorable de payer un service privé de garderie ou un fonds de pension pour sa retraite que des impôts. Le niveau total des prélèvements est utilisé pour dénoncer le poids de l’impôt sur le revenu. Ce dernier est moins élevé en France (7,3 % du PIB) qu’en Allemagne (8,8 %) ou au Royaume-Uni (10 %). Il est vrai que les dernières données sérieuses disponibles datent de 2010 : les hausses récentes ont probablement remis la France au niveau moyen de l’Organisation de coopération et de développement économiques…

Qui en a ras le bol ? A la question “voulez-vous payer moins d’impôts ?” dans un sondage, vous obtiendrez toujours une large majorité de oui. L’opération “ras-le-bol” est d’abord un mouvement des catégories aisées pour éviter de participer au redressement des finances du pays. L’ampleur de la récession et l’alternance politique les avaient mis en sourdine, elles reprennent de la voix.

Refuser cette démagogie n’empêche pas de chercher à comprendre ceux qui peuvent avoir le sentiment de ne pas en avoir pour leur argent. Notamment les jeunes célibataires, qui ont oublié leur scolarité quasi gratuite, profitent peu du système de protection sociale parce qu’ils n’ont pas encore d’enfants, tombent rarement malades, se situent au-dessus des conditions de ressources des allocations logement et voient l’horizon de leur retraite s’éloigner. Ils paient un impôt sur le revenu important rapporté à leurs ressources (un ou deux mois de salaire), comparé aux familles aisées qui profitent du quotient familial, du rabais pour l’emploi d’une femme de ménage ou d’autres niches fiscales. On a là une source à creuser, souvent négligée.

Au-delà des jeunes, les catégories moyennes ont peu bénéficié des politiques sociales et fiscales au cours des dernières années. Il ne s’agit pas des couches aisées déguisées en moyennes (pour cela on utilise le terme “moyennes supérieures”) par les médias, mais des catégories au milieu de la distribution des revenus, autour de 1 600 euros par mois pour l’équivalent d’une personne seule ou 2 500 pour un couple (après impôts et prestations sociales). D’un côté, ces couches moyennes ont vu se développer les politiques sous conditions de ressources pour les catégories populaires, dont elles sont écartées. De l’autre, elles n’ont pas profité des cadeaux fiscaux effectués entre 2000 et 2010. Notre pays a besoin d’aller au rebours des logiques de “ciblage” actuelles sur les plus pauvres pour redonner de l’universalisme à l’action publique.

Il ne reste donc plus qu’à sabrer dans les dépenses publiques. Bien sûr qu’il faut faire des économies, et elles peuvent être importantes, comme l’a rappelé en juin la Cour des comptes. Mais, en face, de la santé à l’école en passant par le logement, la sécurité ou la dépendance, les dépenses urgentes reconnues de tous sont au moins aussi importantes.

A terme, la démagogie fiscale ne paie pas. L’importance du rôle du sondeur fini par tuer la popularité d’un exécutif qui semble sans valeurs, lancé dans sa course sans fin à l’opinion. Il y a fort à parier que l’annonce, dès 2012, d’un discours de rigueur sur la nécessité d’un large effort collectif assorti d’économies nécessaires pour répondre aux besoins nouveaux aurait été économiquement plus efficace et politiquement plus porteur que le brouhaha actuel.

C’est à peu de chose près le nouveau discours de Jean-Marc Ayrault, qui contredit le président de la République et son ministre des finances : “Nous demandons un effort aux Français, notamment mais pas seulement, j’en ai conscience, à ceux qui ont des revenus plus élevés. Mais ceci, nous le faisons pour préserver notre modèle de solidarité.” Hélas, depuis des mois, les Français ont entendu l’inverse…

François Hollande, saison 2

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/francois-hollande-saison-2,36784?xtor=EPR-9

C’est par un long discours que le président de la République a ouvert, ce matin, la seconde Conférence environnementale. L’occasion de replacer la transition énergétique au cœur des débats.

Ce matin 20 septembre, le cœur vert de la France battait au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese). L’auguste hémicycle de béton était empli d’une foule de politiques, d’associatifs, d’entrepreneurs et de syndicalistes, conviés à cette nouvelle session de la Conférence environnementale.

Comme l’an passé, cette première journée a débuté par un long discours du président de la République. L’occasion pour François Hollande de réaffirmer certains buts de sa politique. L’occasion aussi de rassurer les partenaires verts de sa majorité. L’occasion, encore, de faire quelques annonces. Et enfin, de faire du neuf avec du vieux.

La solution

Œuvre centrale du quinquennat, la transition énergétique n’est «pas un choix de circonstances […], ce n’est pas un problème, c’est la solution». Solution au changement climatique qui, «si nous n’agissons pas», nous mènera «avant la fin du siècle à un réchauffement climatique supérieur à 3°C, voire 4°C, avec les dérèglements en chaine qui s’en suivront». Solution à une facture énergétique dont le montant est appelé à progresser d’année en année; diminuant par voie de conséquence la compétitivité de nos entreprises. Elle est aussi un outil de lutte contre la précarité énergétique. Formules connues.

 

Des premières et du recyclage

Le fameux outil s’esquisse plus qu’il ne se dessine. Sur sa palette, François Hollande place quelques objectifs à long terme, comme la réduction de moitié de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 (une première!); la diminution de 30% de la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030; le sempiternel lancement d’un programme de réhabilitation de l’habitat ancien (avec toujours un objectif de 500.000 logements par an à l’horizon 2017); l’équipement des 35 millions de foyers de compteurs d’électricité et de gaz communicants (une demande européenne de longue date); la limitation de l’étalement urbain (l’un des objectifs du projet de loi Alur actuellement défendu par la ministre Cécile Duflot); le relance du fret ferroviaire (vieille antienne); la seconde nouvelle relance en une semaine du véhicule décarboné et des agrocarburants des deuxième et troisième générations. Sans oublier le développement… des énergies renouvelables. Objectif présidentiel: elles «doivent représenter plus du quart de la consommation d’énergie à l’horizon 2020». Ce qui est précisément ce qu’impose à la France le paquet Energie-climat de 2008.

 

Rendez-vous fin 2014

Concrètement, les rouages de cette transition devraient être forgés lors du vote de la «loi de programme sur la transition énergétique» qui n’est pas attendu avant la fin de l’année… 2014. Ce texte, a indiqué le président de la République, «posera le principe d’un plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire». «Ce qui est une vraie nouveauté», estime Bernard Laponche, expert en politiques publiques d’énergie. Pour y parvenir, l’Etat entend devenir «le garant de la mise en œuvre de la stratégie énergétique de notre pays». En clair, il pourrait, aux côtés de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), imposer à EDF la fermeture de centrales nucléaires. «Les 40 ans de durée de vie des réacteurs ne seront pas systématiques», résume-t-on dans l’entourage du président. La future loi Martin devrait aussi rénover les modes de financement des énergies renouvelables électriques; sujet sur lequel planchent déjà Bercy, la Direction générale de l’énergie et du climat ainsi que les professionnels.

Sujet très attendu: la taxe carbone. Comme déjà annoncé par le ministre de l’écologie, son faire-part de naissance sera inclus dans le projet de loi de finances 2014. Sans qu’aucun rendement n’ait été annoncé, elle frappera les carburants et combustibles, en fonction de leur contenu carbone. Si la montée en charge sera (très?) progressive, ses recettes «contribueront à financer la transition énergétique» et seront «compensées par des baisses de prélèvement». Si le Parlement et le Conseil constitutionnel le veulent bien.

Rendre la transition écologique économiquement attractive

Agnès Sinaï
www.actu-environnement.com

Le Cese propose de stimuler la prise en compte de la dimension environnementale dans les choix d’investissements par des instruments financiers au service du bien commun, afin de créer les conditions d’une nouvelle prospérité.

Le paradoxe de la transition énergétique et écologique réside dans le fait qu’elle incarne un nouveau modèle de société, mais voit ses modes de financement demeurer encore quasi inexistants. C’est ce que souligne, dans un avis présenté le 10 septembre, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui présente des pistes pour la financer. Démarche concrète visant à promouvoir le passage d’une société fondée sur la consommation abondante d’énergies fossiles à une société plus sobre en énergie tout en réduisant la précarité, la transition écologique a été officialisée lors de la Conférence environnementale de septembre 2012 par le président de la République.

A quoi devraient servir les investissements dans la transition écologique ? A financer, d’abord, la formation et l’accompagnement au changement, afin de permettre la diffusion de la compréhension des enjeux environnementaux et de favoriser l’émergence de nouveaux métiers et savoir-faire. Par la formation continue, il s’agira aussi d’accompagner les salariés dans les entreprises, et de stimuler la mise en mouvement des acteurs dans les territoires. Ensuite, l’investissement, selon le Cese, doit servir à faire émerger de nouvelles solutions technologiques : production d’énergie, infrastructures de transport, réseaux intelligents, stockage de l’énergie, bâtiments et objets efficaces et sobres, nouveaux processus… Enfin, l’investissement devra servir à entretenir les infrastructures existantes : bâtiments, réseaux, mais aussi infrastructures de biodiversité.

Le choix de financer la transition écologique mobilise une conviction, fondée sur une vision anticipatrice : l’inaction sera plus coûteuse que le pari de la transition. Nicholas Stern, dans un rapport qui a fait date, n’a-t-il pas estimé que l’action contre le changement climatique coûterait 1% du PIB mondial, alors que ses conséquences en cas d’inaction baisseraient d’environ 5% ce PIB ? Pour la biodiversité, ces coûts seraient encore plus élevés, comme l’a montré l’étude TEEB conduite par Pavan Sukhdev sous l’égide des Nations unies. Les dégâts sur les biodiversité sont évalués, pour la planète entière, entre 1.300 et 3.000 milliards de dollars par an. A l’échelle globale, il faudrait environ 300 milliards de dollars par an pour maintenir l’ensemble des écosystèmes : un chiffre modeste en regard du PIB mondial.

Mieux cerner les coûts de la transition

Combien coûterait la transition écologique ? Pour l’Union européenne, certains experts avancent l’estimation de 350 à 400 milliards d’euros (Md€) par an sur dix ans, soit 3% du PIB européen, la moitié de ce montant étant consacré à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En France, les besoins annuels de financements additionnels pour protéger la biodiversité ont été évalués à 0,7 Md€ a minima par le groupe de travail « biodiversité » du Grenelle de l’environnement, en 2007. Pour la protection des milieux marins, le financement nécessaire est estimé à 495 millions d’euros en 2010, contre 37 millions actuellement, selon les chiffres du CGEDD cités par l’avis du Cese. En ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, elle ne passe pas seulement par des leviers financiers, mais par le choix de mesures sans regret, ou par la conditionnalité des investissements.

La rénovation de 500.000 logements par an préconisée lors de la Conférence environnementale de septembre 2012 nécessite la mobilisation de 800 à 1.000 Md€ pour l’ensemble des bâtiments, mais ces chiffres sont à nuancer du fait que l’intégration de la qualité environnementale ne comptera que pour une part mineure dans le total des dépenses de rénovation à effectuer de toute manière. Pour autant, la connaissance des besoins de financement de la transition écologique reste parcellaire. Le Cese recommande de mieux les cerner.

Vers une nouvelle étape du Grand emprunt ?

Avant de mobiliser un ensemble de financements, la transition écologique nécessite l’affirmation d’une vision, d’un cap politique commun, souligne Gaël Virlouvet, rédacteur de l’avis du Cese : “Le modèle de croissance est en fléchissement continu depuis des décennies. Faut-il relancer la croissance à tout prix ou inventer un nouveau modèle ?“. Les panels de citoyens sollicités au cours du débat sur la transition énergétique estiment dans leur grande majorité que ce nouveau cap serait une chance pour leur pays, gage d’une nouvelle prospérité. D’autant que ce nouvel horizon politique serait créateur d’emplois grâce à un plus grand appel aux services et à la reterritorialisation des activités.

Comment rendre “économiquement attractive” la transition écologique ? Le Cese propose plusieurs voies complémentaires : jouer sur le prix des ressources à préserver et taxer les activités polluantes par la fiscalité écologique, appuyer par des aides dédiées les investissements d’intérêt commun, faciliter l’accès au crédit pour les investissements en faveur de la transition écologique, consolider et harmoniser les critères extra-financiers. Le Cese recommande d’investir pour l’avenir grâce à une nouvelle étape du Grand emprunt, de mobiliser la Banque publique d’investissement, de continuer à explorer le tiers investissement qui permet aux prêteurs de se rembourser avec les économies réalisées sur les factures d’énergie, de mobiliser plus clairement l’épargne issue du Livret de développement durable sous l’égide de la Caisse des dépôts, de soumettre les gestionnaires d’assurance-vie et de fonds de retraite à l’obligation de clarifier annuellement leurs engagements vis-à-vis de la transition écologique. Le Cese invite à poursuivre la montée en puissance d’un système de financement qui vise à la cohérence entre les prélèvements écologiques et les aides à la transition écologique, pour financer les avancées des territoires. Le Cese propose enfin de mobiliser la création monétaire à l’échelle nationale et européenne.