Articles du Vendredi : Sélection du 09 juin 2023

Arctique : des étés sans glace de mer probables dès 2030
Bon Pote
https://bonpote.com/arctique-des-etes-sans-glace-de-mer-probables-des-2030

Après des décennies à alerter, une équipe de scientifiques vient d’estimer que l’Arctique pourrait être privé de glace de mer (banquise) en été dès les années 2030. “C’est environ une décennie plus tôt que les récentes projections du Giec”, souligne Seung-Ki Min, co-auteur de l’article. Cela serait même le cas dans un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre.

Que dit cette nouvelle étude sur l’Arctique ?

Nous savons que la superficie de la glace de mer arctique diminue depuis des décennies, avec un déclin plus marqué depuis 2000. En revanche, avec des données d’observation sur la période 1979-2019 pour effectuer de nouvelles simulations, l’équipe de scientifiques indique que le premier mois de septembre sans glace de mer interviendra dès les années 2030-2050, quels que soient les scénarios d’émissions.

Fait important, et qui ne fera pas plaisir aux climatosceptiques déchainés sur les réseaux sociaux depuis l’annonce : ce sont bel et bien les activités humaines et les gaz à effet de serre qui sont très majoritairement responsables. Les aérosols, les activités solaire et volcanique ont une contribution bien plus marginale.

Pourquoi septembre est-il un mois référence ? La glace de mer arctique atteint sa superficie minimum annuelle à la fin de l’été, en septembre, comme le montrait le rapport du GIEC en 2021. Par ailleurs, en 2021 (donc après la parution du 1er volet du dernier rapport du GIEC), la glace de mer en Arctique était à son deuxième niveau le plus bas jamais enregistré.

10 ans plus tôt que prévu

Le sixième rapport d’évaluation du GIEC a estimé que l’Arctique devrait être en moyenne pratiquement libre de glace en septembre (moins de 1 million de km² de banquise) vers le milieu du siècle dans le cadre de scénarios d’émissions de gaz à effet de serre intermédiaires et élevés, mais pas dans le cadre de scénarios d’émissions faibles. C’est ici la grande différence et nouveauté annoncée par cette étude.

“C’est environ une décennie plus tôt que les récentes projections du Giec”, le groupe d’experts du climat mandaté par l’ONU, souligne Seung-Ki Min, des universités sud-coréennes de Pohang et Yonsei, co-auteur de l’article.

Il est important de comprendre que “la première année sans glace de mer ne sera pas forcément un point de non-retour”, souligne l’océanographe et climatologue Jean-Baptiste Sallée, co-auteur du dernier rapport du GIEC, dans le Figaro. : « Il faut bien faire la distinction entre un évènement ponctuel et un été sans glace qui se répèterait sur plusieurs années et serait considéré comme une réponse au changement climatique”. Quand des étés sans glace seront la norme, alors nous aurons atteint un point de non-retour, ou presque, la seule façon de revenir en arrière étant de réduire la température globale”.

La glace de mer en Arctique est-elle un point de bascule ?

Il est possible que la communication soit un peu confuse sur le terme de “point de bascule”, ou tipping point en anglais. Certaines personnes ont communiqué sur le fait que ce soit un tipping point, d’autres non, et il est important de bien définir le terme.

Qu’est-ce qu’un point de bascule ?

Bien que le principe soit connu depuis plusieurs décennies par les scientifiques, ce n’est que récemment que le point de bascule est explicitement utilisé. Le GIEC y fait référence dans son 4e rapport pour la première fois, puis y fait désormais référence dans chaque rapport (et rapports spéciaux). Dans son rapport spécial 1.5, voici la définition donnée au point de bascule :

Degré de changement des propriétés d’un système au-delà duquel le système en question se réorganise, souvent de façon abrupte, et ne retrouve pas son état initial même si les facteurs du changement sont éliminés. En ce qui concerne le système climatique, le point de bascule fait référence à un seuil critique au-delà duquel le climat mondial ou un climat régional passe d’un état stable à un autre état stable.

La deuxième notion très importante, est l‘irréversibilité : “terme qualifiant l’état perturbé d’un système dynamique à une échelle temporelle donnée, quand le temps nécessaire à la restauration du système par les processus naturels est nettement plus long que le temps nécessaire à l’atteinte de cet état perturbé”.

Notons que ces points de bascule peuvent être soit provoqués par des fluctuations naturelles du climat, soit par un forçage externe, tel que le réchauffement climatique. Ces points de bascule, dont l’avènement est plausible dans les un à deux siècles à venir (voire avant) avec les émissions anthropiques, sont susceptibles d’entrainer une trajectoire irréversible. Il faudrait alors des siècles, voire des millénaires, pour revenir à la situation initiale.

Quels sont les différents points de bascule ?

Ces points de bascule sont nombreux et variés : on retrouve bien sûr la forêt amazonienne, mais aussi la fonte de la banquise arctique, la fonte partielle (Antarctique) ou totale (Groenland) des calottes glaciaires, les changements de la circulation thermohaline, la transformation de la forêt amazonienne en savane, l’affaiblissement de la mousson estivale indienne, le dégel du pergélisol (qui libèrerait des gaz à effet de serre), etc.

En 2018, Steffen & al. publiait une carte qui résume les principaux points de bascule théoriques à partir d’un certain degré de réchauffement moyen global, où la glace de mer en été en Arctique était présente :

Peut-on affirmer que la glace de mer en Arctique est un point de bascule ?

Dirk Notz, co-auteur de l’étude, a déclaré que “ce sera le premier composant majeur de notre système climatique que nous perdons à cause de nos émissions de gaz à effet de serre”.

Mais le GIEC indique dans son dernier rapport que la perte de la glace de mer en Arctique en été n’est pas un point de bascule (confiance haute, page 5 du chap 9). C’est également ce qu’avait retenu McKay & al. dans leur étude publiée en septembre 2022, où le point de bascule de la glace de mer en Arctique avait été écarté.

C’est également ce que confirme Jean-Baptiste Sallée : avec la définition du GIEC, ce n’est pas un point de bascule puisque si nous réduisons le réchauffement, la glace revient. Sur le plan physique, c’est très clair. Si certaines personnes considèrent que c’est un point de bascule, c’est probablement parce que le réchauffement climatique n’est pas prêt de s’arrêter et que les promesses des gouvernements nous emmènent vers un monde à bien plus de +2°C de réchauffement mondial (potentiellement +4°C en France) et comme les promesses n’engagent que celles et ceux qui les croient…

NB : il est aussi très important de comprendre que ces points de bascule sont difficiles à définir précisément, et une fois déclenchés, ils ne mènent pas forcément à un changement abrupt et immédiat du climat : le changement est bel et bien acté une fois le « seuil » passé, mais les conséquences peuvent s’étaler sur des siècles voire des millénaires, comme dans le cas de la hausse du niveau marin.

Quelles conséquences possibles avec des étés sans glace de mer en Arctique ?

Sans aucune hésitation, la conséquence la plus importante sera l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes que nous connaissons actuellement, tels que les vagues de chaleur, les incendies de forêt et les inondations, a déclaré Seung-Ki Min, qui a dirigé l’étude. “Nous devons réduire les émissions de CO2 de manière plus ambitieuse et nous préparer à nous adapter à ce réchauffement plus rapide de l’Arctique et à ses répercussions sur la société humaine et les écosystèmes“.

Le phénomène va également accélérer le réchauffement arctique, ce qui peut “augmenter les événements météorologiques extrêmes aux latitudes moyennes, comme les canicules et les feux de forêts. Cela peut aussi accélérer le réchauffement mondial, en faisant dégeler le permafrost, ainsi que la montée du niveau des océans en faisant fondre la calotte glaciaire du Groenland”

Les conséquences vont bien au-delà de l’Arctique

Dans le Figaro, Jean-Baptiste Sallée rappelle que “la banquise réfléchit les rayons du soleil. Sa disparition accentuera le réchauffement, avec le risque d’enclencher un cercle vicieux » qui pourrait par exemple impacter la calotte glaciaire du Groenland”. Cette calotte glaciaire contient assez de glace pour augmenter le niveau des océans de six à sept mètres, précise Heïdi Sevestre, glaciologue, pour Bon Pote.

Et parmi les autres conséquences nous pourrions également citer :

Enfin, l’auteur principal de l’étude rappelle en outre que la banquise « est un moteur de la circulation océanique globale » : sa disparition l’espace d’un ou plusieurs mois pourrait aussi avoir des conséquences aujourd’hui difficiles à évaluer.

Il est trop tard pour sauver la glace de mer d’été en Arctique

“Il est trop tard pour sauver la glace de mer d’été en Arctique”. Cette déclaration fait froid dans le dos et devrait faire la une de tous les journaux. Si le catastrophisme est à combattre parce qu’il peut mener à l’inaction, cette nouvelle étude devrait être l’évènement le plus médiatisé de l’année, compte tenu des conséquences gravissimes que cela aura pour l’humanité. Notons au passage que l’Arctique n’est pas le seul à souffrir, puisque l’Antarctique est également en très mauvaise posture.

“Les scientifiques ont alerté sur cette disparition pendant des décennies et c’est triste de voir que ces mises en garde n’ont pour l’essentiel pas été écoutées”, regrette l’auteur principal de l’étude. Voilà ce que tout le monde devrait retenir. Les scientifiques ne sont pas écoutés, voire délibérément ignorés.

Aucun gouvernement dans le monde n’a un plan pour respecter l’Accord de Paris et nous avons même Emmanuel Macron qui se permet des déclarations comme qui aurait pu prédire la crise climatique“. Si le GIEC rappelle que nous avons notre avenir climatique entre nos mains, il est urgent que nos dirigeants prennent leurs responsabilités et organisent une baisse drastique et rapide de la consommation d’énergies fossiles.

C’est une question de vie ou de mort pour des millions de personnes à court terme et les promesses n’ont aucun effet sur le réchauffement climatique : seuls les actes comptent.

Pour décarboner l’Europe, la sobriété au centre d’un nouveau scénario de transition énergétique
Perrine Mouterde
www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/05/pour-decarboner-l-europe-la-sobriete-au-centre-d-un-nouveau-scenario-de-transition-energetique_6176293_3244.html

L’association française négaWatt et plus d’une vingtaine de partenaires européens appellent à miser sur la baisse de la demande d’énergie, l’efficacité et les renouvelables.

Inverser la tendance pour faire en sorte que la sobriété soit le point de départ, et non la variable d’ajustement, des politiques climatiques. Tel est l’objectif de l’association française négaWatt et de ses partenaires, qui ont présenté, lundi 5 juin depuis Bruxelles, un nouveau scénario de transition énergétique européen. Grâce à la sobriété, mais aussi à l’efficacité et aux renouvelables, cette trajectoire, baptisée Clever (« A Collaborative Low Energy Vision for the European Region »), entend proposer une voie pour décarboner l’Europe tout en répondant aux exigences en matière de sécurité d’approvisionnement et de soutenabilité du système (consommation des ressources, protection de la biodiversité…).

Pour y parvenir, négaWatt et ses vingt-six partenaires (universités, think tanks, centres de recherche, ONG…) de vingt et un pays européens placent au centre de leur modélisation la question de la demande. « Historiquement, les politiques pour le climat se sont concentrées sur l’offre, rappelle Stephane Bourgeois, responsable des politiques européennes à négaWatt. Peu à peu, on a essayé de pousser pour que l’efficacité énergétique soit prise en compte. Aujourd’hui, pour que l’Union européenne [UE] atteigne ses objectifs, il est temps d’ajouter un levier et que la sobriété passe au premier plan. »

Jusqu’à présent, les progrès en matière d’efficacité ont été en grande partie annulés par l’absence d’efforts de sobriété : les voitures consomment par exemple moins de carburant, mais sont aussi toujours plus grosses, plus lourdes et parcourent plus de kilomètres. Or, au cours des vingt prochaines années, l’UE va devoir faire deux fois plus pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre que ce qu’elle a réalisé lors des trente dernières années. La crise énergétique inédite de l’hiver a aussi mis au centre de l’attention le sujet de la sobriété, faisant chuter la consommation de gaz (– 17,7 % entre août 2022 et mars 2023, selon Eurostat) et d’électricité au sein de l’UE.

Baisse de la consommation de 55 %

Après quatre années de travaux et en se fondant sur une trentaine de scénarios nationaux, les auteurs du rapport publié lundi estiment possible de viser une baisse de la consommation d’énergie finale de l’UE de 50 % à 55 % en 2050, par rapport à 2019 – en France, la stratégie nationale bas carbone prévoit déjà une diminution de 40 % de la consommation d’énergie en trente ans. Les efforts de sobriété contribueraient à hauteur de 20 % à 30 % à cette baisse, le reste étant lié à l’efficacité. Les secteurs du bâtiment, des transports et de l’industrie seraient les principaux concernés.

« Pour nous, la sobriété ne consiste pas à demander aux citoyens de modifier leurs comportements, mais bien à mettre en place les politiques et les infrastructures pour que les consommateurs puissent changer leurs pratiques, insiste Stephane Bourgeois. Quand on interroge les cyclistes à Copenhague, au Danemark, la majorité disent prendre leur vélo parce que c’est plus facile et plus rapide, pas pour des raisons écologiques. »

Une fois les besoins définis, les organisations du réseau Clever se sont penchées sur les moyens de production nécessaires. Elles estiment qu’un mix 100 % renouvelables pourra permettre de répondre à la demande à l’horizon 2050, en s’appuyant en premier lieu sur l’éolien terrestre et en mer, puis principalement sur le solaire photovoltaïque et la biomasse. « Les cibles à 2030 en matière de renouvelables sont déjà très ambitieuses et n’ont pas besoin d’être rehaussées, mais elles doivent être mises en œuvre à l’échelle nationale », expliquent les auteurs du scénario.

Peser sur les politiques européennes

Concernant les bioénergies, la trajectoire prévoit essentiellement une hausse de la production de biogaz à partir de déchets et de résidus de culture, sans terres arables dédiées. La biomasse extraite des forêts demeure constante.

Alors que plusieurs pays européens ont annoncé leur intention de se tourner vers le nucléaire pour décarboner leur économie, les membres de Clever notent que les projets de nouvelles centrales ne pourront contribuer à réduire les émissions avant 2040.

Leur trajectoire permettrait de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de l’Europe de 90 % d’ici à 2040, tout en limitant les objectifs d’absorption du carbone par les forêts, leur rôle en tant que puits de carbone étant fragilisé par les effets du dérèglement climatique. Ce scénario, s’il était appliqué, serait également compatible avec l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris pour le climat, qui vise à limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Avec cette proposition, ce réseau d’organisations entend peser sur les politiques énergétiques et climatiques européennes qui seront décidées au cours des prochaines années. Alors que l’adoption du plan « Fit for 55 », visant à atteindre une baisse de 55 % des émissions en 2030, est en train d’être finalisée – différents textes sont encore en cours de négociation –, l’UE va devoir s’atteler rapidement à de nouvelles cibles pour l’horizon 2040. « L’Europe a besoin de lancer un nouveau cycle, la Commission a lancé des consultations sur 2040… Ce scénario arrive à un moment intéressant et apporte une vision claire sur ce qu’il faudrait faire à cet horizon, en adoptant une approche systémique », insiste Stephane Bourgeois.

 

 

 

 

Contre le greenwashing et les mensonges, un réseau pour protéger les lanceurs d’alerte climatique
Rachel Knaebel
https://basta.media/contre-le-greenwashing-un-reseau-pour-proteger-les-lanceurs-d-alerte-changement-climatique

Elles et ils prennent des risques pour dénoncer comment entreprises et gouvernements bafouent leurs obligations climatiques. Une plateforme vient de se créer pour soutenir ces lanceuses et lanceurs d’alerte de plus en plus indispensables.

Justin Williams était manager dans une entreprise australienne de charbon quand il a révélé en 2020 que son employeur falsifiait les certificats de qualité du combustible destiné à l’export. Il avait d’abord signalé ce problème à ses supérieurs, avant d’être licencié.

Comme les salariés de la finance qui ont révélé les pratiques systématiques d’optimisation fiscale de grandes banques européennes, le cadre australien est un lanceur d’alerte. Les informations qu’il a rendues publiques ne concernent pas la fraude fiscale, mais les mensonges d’une entreprise qui a des effets directs sur le climat.

« Beaucoup d’associations environnementales se posent aujourd’hui la question de comment protéger d’éventuels lanceurs d’alerte climatique, pointe Gabriel Bourdon Fattal. L’homme anime déjà la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (Pplaaf), créée en 2017 à l’initiative d’avocats de plusieurs pays.

Accompagnement psychologique et gestion des risques

La Pplaaf a aidé de nombreuses personnes qui ont dénoncé des affaires de corruption et de fraudes dans divers pays d’Afrique. Elle leur a apporté une aide juridique et les a parfois même aidées à quitter leur pays face aux menaces pour leur sécurité.

Ce faisant, l’équipe de la plateforme a « réalisé qu’il y avait une lacune sur la protection des lanceurs d’alerte environnementale et climatique, pas seulement en Afrique, mais dans le monde entier, précise Gabriel Bourdon Fattal. Alors que la corruption et les énergies fossiles vont, par exemple, souvent main dans la main. »

Pour pallier ce manque, la Pplaaf et un groupe d’ONG et de scientifiques ont lancé lundi 5 juin un nouveau réseau, « Climate Whistleblowers »(CW), dédié à la protection des individus qui dénoncent les méfaits climatiques des entreprises et des administrations. « S’il y a une protection, il y aura plus de lanceurs d’alerte environnementale », espère Gabriel Bourdon Fattal.

Parmi les partenaires et soutiens de CW figurent des ONG telles que Notre affaire à tous, les Amis de la Terre et The Signals Network, et des collectifs internationaux de journalisme d’investigation comme la plateforme Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

« Pour aider des lanceurs d’alerte, il y a tout un volet d’accompagnement psychologique, d’aide à mesurer les risques, à gérer la communication, s’assurer que la personne puisse y avoir un appui légal », souligne Cécile Marchand, chargée des énergies fossiles à l’ONG ARIA, qui travaille avec des médias et des organisations de la société civile pour enquêter sur les abus dans le domaine de l’environnement.

« Desazkunde » kontzeptuak zergatik du oraindik hain onarpen guti?
Nicolas Goñi
www.argia.eus/argia-astekaria/2828/desazkunde-kontzeptuak-zergatik-du-oraindik-hain-onarpen-guti

Maiatzaren 15, 16 eta 17an, Europako Legebiltzarrean “Hazkundetik haratago” izeneko konferentzia batek hazkundearen garrantzia eta esangura zalantzan jartzen zituen, Barne Produktu Gordina bezalako adierazleak desegokitzat joz. Halere, gure erakundeetan aintzat hartzetik urrun dago desazkundea, eta mende erdiko ibilbidean kontzeptu honek emaitza guti lortu du. Zer beharko lukete desazkundearen aldekoek hori aldatzeko?

Mundu mugatu batean ezin da hazkunde mugagaberik izan », hori da desazkundearen mezu nagusia, 1970eko hamarkadan modu egituratuagoan teorizatu zenetik. Gure ekoizpen sistema eta bizimoduak iraunkorrak izan daitezen, baliabide naturalen ustiapena eta ingurumenari egindako kalteak murriztu behar dira, jasangarritasun mailara itzuli arte. Desazkundeak bi iturri nagusi ditu: modelizatzaileak eta ekologia politikoaren teorialariak. Lehen multzoan sar genitzake Nicholas Georgescu-Roegen, 1971n argitaratu duen The Entropy Law and the Economic Process (« Entropiaren Legea eta Prozesu Ekonomikoa ») lanarekin, edota Erromako Klubak 1972an bultzaturiko « Hazkundearen Mugak » txostenaren egile nagusia den Dennis Meadows. Ildo honetakoek muga fisikoak dituzte irizpide, eta hortik ondorioztatzen dituzte maila globalean egin beharreko hautuak ekoizpen moduei dagokienez, arlo soziala asko landu gabe.

Ekologia politikoaren multzoa, berriz, anitzagoa da, eta arazoa kuantitatiboki aztertzeaz haratago politikoki aztertzen du. Simone Weil, Hannah Arendt eta Günther Anders filosofoek gaia jorratu zuten, desazkundea bera aipatzen ez bazuten ere: industriaren garapena azkartzearen testuinguruan, lanaren eta ekoizpenaren esanahia zalantzan jartzen zuten, ingurumenean ez bakarrik baita gizakian eta gizartean ere zituzten albo kalteak analisatuz. Horiez gain, desazkundearen bigarren ildo honen izen aipatuenen artean daude André Gorz, Jacques Ellul, Ivan Illich edota Tim Jackson. Pentsamendu ezberdinak garatu arren, neurritasuna ardatz izanen duen gizartea helburu amankomuntzat dute. Gizakiaren duintasuna eta askatasuna aberastasunean baino beharrak zehazteko eta beharrei erantzuteko autonomian dautzala diote.

Gure askatasunak balio du kontuan hartzen baditu planetaren muga fisikoak, ekosistemen konplexutasuna, gizakien hauskortasun osagarria eta kooperazioaren eskakizunak

Desazkundea tabu, baina hazkunde berdea posible?

Desazkundea 1970eko hamarkadan modu sakonagoan teorizatzen hasi ziren, eta mende erdi geroago argi dago ez duela arrakasta handirik izan. Antonio Turielek ARGIAren 2825. alean eskainitako elkarrizketan dioen gisara, hitza bera oraindik tabua da. « Hazkundearen Mugak » txostena atera ondoren, egileei malthusianistak omen zirela leporatu zitzaien, hots populazioa murriztearen aldekoak. Kritika hori fede txarrekoa bazen ere  –populazioak murrizketa bortitzik ez pairatzeko aholkuak ematen zituztelako–, aitortu behar zaio muga bat: kontsumo mailaren aldakortasuna ez zen kontuan hartzen beren modelizazioetan; horregatik aberastasun arrakalaren eragina ez zen agertzen baliabideen agortzean; eta berdin kutsadura pairatzeari dagokionez, ez ziren ageri aberastasun asimetriak. Bertze hitzetan erranda, dimentsio soziala eskas zen lan hartan.

Halere, dimentsio soziala erdian jartzen zuten desazkundearen pentsalariak bazterrekoak izan dira beti, eredu ekonomiko nagusiaren ikuspegitik serioski ez hartzeko utopistak. Desazkundea tabu izatearen arrazoi nagusi bat izan daitezke zorra eta interesak, hazkundera behartzen dutenak, horren ezean krisi ekonomikoak sortzen baitira. Horrek bertze arazo handi bat sortzen du: mundu mailan Barne Produktu Gordina (BPG) praktikan oso lotua zaiola erregai fosilen erabilpenari. Beraz hazkundeak klima aldaketa larritzen du.

Azken hiru hamarkadetan, « garapen iraunkorra » aldarrikatzen da NBEko hainbat ekitalditan, eta azken urteotan « hazkunde berdea » aipatzen da BPGa erregai fosilen erabileratik deslotzeari dagokionez. Deslotze hori sektore zehatz batzutan lortzen bada ere, Carbone 4 kontsultaren arabera, klima larrialdiari erantzuteko bortz arau bete behar ditu: izan behar da « absolutua » –BPG eta ingurumenari eragindako albo-kalteak kontrako norabideetara joan behar dira –, « totala » – berotegi efektuko gas isurketa guzietatik deslotu behar da BPGa–, « mundu mailakoa », « iraunkorra » eta « azkarra » –kalte batzuk ez baitute atzera biderik, bi graduko beroketa maila bezala–. Betebehar horiek guziak betetzeko hipotesien egiantzekotasuna oso zalantzazkoa da Carbone 4ren arabera. Ez da beraz hain argi zein den utopikoena: desazkundea ala hazkunde berdea.

Gizakiaren duintasuna eta askatasuna, aberastasunean baino beharrak zehazteko eta beharrei erantzuteko autonomian datzala diote desazkundearen teorialari nagusiek

Eredu ekonomikoak aldatu, berreskuratzeak saihestu

Karbono kontuez gain, estatu baten BPGa erabiltzen da ere zerga mailak ezartzeko eta estatuaren aurrekontu ezberdinak (hezkuntza, osasuna, kultura…) zehazteko. Gaur arte ez da bertze modurik aurkitu, nahiz eta proposamen egituratuak egon. Tim Jacksonek 2007an argitaratu Prosperity Without Growth: Economics for a Finite Planet (“Hazkunderik Gabeko Oparotasuna: Planeta Mugatu baterako Ekononia”) liburuan aurkezten du bere « makroekonomia ekologikoaren » proposamena. Azken horrek hiru ardatz nagusi ditu: enpresaren helburuak aldatu, etekinak maximizatzetik gizartearen « ongi bizitzeko gaitasunerako » erabilgarriak diren zerbitzuetara; inbertsioaren berritzea etorkizuneko oparotasunera bideratua izan dadin; eta gizarteak behar dituen inbertsioak ahalbideratzeko, diru-sorkuntza burujabetza aldatu, banku pribatuen esku bakarrik izan ez dadin.

Fede txarreko kritikak, eredu ekonomiko hegemonikoa eta balizko hazkunde berdeaz gain, desazkundeak badu orain bertze etsai bat: eskuin muturrak berreskuratzeko arriskua. Deigarria da Alain De Benoist Frantziako eskuin muturreko teorialariak 2007an desazkundeari buruzko liburu bat idatzi zuela. Ez da gertakari bakana, egituratzen ari den mugimendu baten oinarrietariko bat baizik Antoine Dubiau ikertzailearen arabera (ikus Faxismoa berdetu eta ekologia ikuspegi faxistarekin aztertzen duen gaitza da ekofaxismoa, ARGIA 2783).

Ekofaxismoari aurre egiteko, Dubiauren iritziz, desazkundearen ikuspegi sozialista batera itzuli behar da. Geneviève Azam ikertzaileak azpimarratzen du natura aipatzea ez dela darwinismo sozialaren alde aritzea, baizik eta gure askatasunak balio duela baldin eta kontuan hartzen baditu planetaren muga fisikoak, gizarteak bermatzen dituzten ekosistemen konplexutasuna, gizakien hauskortasun osagarria eta kooperazioaren eskakizunak.