Articles du Vendredi : Sélection du 12 avril 2013

Ceci n’est pas une crise, mais un effondrement global

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http://biosphere.blog.lemonde.fr/2013/02/07/ceci-nest-pas-une-crise-mais-un-effondrement-global

NDDL: Ayrault doit revoir sa copie

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/nddl-ayrault-doit-revoir-sa-copie,34072?xtor=EPR-9

OffshoreLeaks : le vrai visage de l’évasion fiscale

Anne Michel
www.lemonde.fr/economie/article/2013/04/05/offshoreleaks-le-vrai-visage-de-l-evasion-fiscale_3154673_3234.html

Après Cahuzac : stoppez l’évasion fiscale !

Attac France, le 11 avril 2013
www.france.attac.org/dossiers/stoppez-levasion-fiscale

Sueur froide sur le refroidissement

SYLVESTRE HUET
www.liberation.fr/sciences/2013/04/04/sueur-froide-sur-lerefroidissement_893746

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Ceci n’est pas une crise, mais un effondrement global

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http://biosphere.blog.lemonde.fr/2013/02/07/ceci-nest-pas-une-crise-mais-un-effondrement-global

«Employer le terme de crise, c’est supposer que l’on sorte d’une normalité pendant une période transitoire, mais que l’on retrouvera ensuite cet état de normalité. La période que l’on vit aujourd’hui n’a rein à voir avec cela. Nous faisons face à une dégradation continue de la biosphère, un appauvrissement continu de ses ressources. L’ensemble des écosystèmes s’affaiblit. Nous entrons dans un goulot d’étranglement, sans aucun retour à la normale possible. Pour moi, il est clair que nous sommes dans une situation de pré-effondrement. Comme toute la base matérielle se dérobe sous nos pieds, c’est toute l’organisation sociale qui s’effondre. L’un des dangers majeurs qu’engendre le basculement des écosystèmes, c’est la chute des capacités de production alimentaire.

Tous nos modes de vie reposent sur des flux de matières et d’énergie sans cesse croissants. Sans décroissance de ces flux de matières et d’énergie, on ne s’en sortira pas. Mais il sera délicat de faire de la permaculture à côté des réacteurs nucléaires et nous n’avons pas conscience de la nécessité de la décroissance. Croire que les taux de croissance des Trente glorieuses peuvent réapparaître en Europe, c’est pathétique… le gouvernement socialiste en France est pathétique. Entre le temps nécessaire pour nous dé-formater et la rapidité des évènements, un clash et tout à fait possible. Il est donc probable qu’on se casse la gueule, il s’agit maintenant de penser la société de l’après-effondrement. On risque de vivre un mélange entre le délitement de Rome, qui a pris des décennies, et le XIVe siècle, quand ce sont déroulés à la fois la guerre de Cent Ans, le petit âge glaciaire et la peste noire. Un mélange de ce type nous pend au nez. Des scénarios de guerre sociale sont envisageables, avec un minimum de gens qui s’approprient la majorité des richesses.

Le développement durable a complètement échoué. Croire qu’on peut continuer indéfiniment comme avant, comme si on pouvait rendre compatible la raison économique qui est le règne de l’égoïsme de chacun, avec la préservation de l’environnement et le partage des biens communs, c’était totalement illusoire. Le développement durable a accompagné la vague néolibérale. Certains y ont cru, moi y compris. Je me suis trompé. Je suis le premier à le reconnaître. »

Résumé d’un texte de Dominique Bourg paru dans le mensuel La Décroissance (février 2013)

Dominique Bourg est un philosophe, professeur de l’université de Lausanne, présent dans les institutions gouvernementales, ex-pape du développement durable. Quelques-uns de ces livres  :

Les scénarios de l’écologie de Dominique BOURG (1996)

Le développement durable, maintenant ou jamais de Dominique BOURG et G.RAYSSAC (2006)

Crise écologique, crise des valeurs (Défis pour l’anthropologie et la spiritualité) sous la direction de Dominique Bourg et Philippe Roch (Labor et fides, 2010)

Vers une démocratie écologique (le citoyen, le savant et le politique) de Dominique Bourg et Kerry Whiteside (Seuil, 2010)

NDDL: Ayrault doit revoir sa copie

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/nddl-ayrault-doit-revoir-sa-copie,34072?xtor=EPR-9

La méthode de compensation et la consommation des terres doivent être revues

Dans son rapport remis ce 9 avril, la Commission de dialogue confirme l’utilité d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes mais recommande une série d’aménagements qui devraient reporter son démarrage de plusieurs mois.

L’affaire Cahuzac a créé des remous jusqu’à Notre-Dame-des-Landes. Au lieu d’être remis au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le rapport de la Commission de dialogue a atterri, ce 9 avril, sur le bureau du ministre des transports Frédéric Cuvillier.

Commandé le 30 novembre par le chef du gouvernement (voir JDLE) et piloté par Claude Chéreau, il ne remet pas en cause l’utilité du projet d’aéroport mais propose de revoir les mesures compensatoires et la consommation des surfaces.

Après avoir auditionné plus de 200 personnes entre le 21 décembre 2012 et le 15 mars 2013, la Commission de dialogue affirme avoir entendu autant de partisans que d’opposants au projet.

Dans ses conclusions, elle note que l’échelonnement très long de ce projet lancé dans les années 1960 s’est fait au détriment d’une bonne évaluation des espaces nécessaires à la compensation environnementale. Elle préconise «d’expertiser la nécessaire coordination entre les procédures d’utilité publique et celles relatives au Code de l’environnement, notamment liées à la loi sur l’eau et aux dérogations sur les espèces protégées».

Sur la question –très polémique- de l’évolution du trafic à l’actuel aéroport Nantes Atlantique, la commission ne tranche guère. Expliquant qu’elle «n’a pas qualité d’expert», elle affirme vaguement que «la saturation technique de Nantes Atlantique en l’état n’est effective qu’épisodiquement et n’est pas à très court terme un obstacle à son développement» mais que «cette saturation est néanmoins susceptible d’intervenir assez rapidement en fonction de l’évolution du trafic dans les prochaines années».

Les membres de la commission ont balayé la possibilité de son extension au nom des nuisances sonores. «Cette extension accroîtrait de manière importante les nuisances de bruit que supportent les habitants de Nantes, Rézé, Bouguenais et St-Aignan», écrivent-ils. Ils demandent quand même qu’une étude sérieuse examine les coûts de réaménagement de Nantes Atlantique, avec maintien de la piste actuelle, ou création d’une piste transversale, «de façon à mettre un terme à une polémique inutile».

Ils suggèrent par ailleurs d’élaborer un nouveau plan d’exposition au bruit (PEB) dont est actuellement dépourvu le projet de Notre-Dame-des-Landes.

Le rapport se fait plus critique sur la question, centrale, des mesures compensatoires. Il remet en cause aussi bien «la méthode» que «la pertinence des coefficients» mis en place dans le dispositif. Il renvoie aux deux autres rapports, sur le respect de la loi sur l’eau et sur les impacts sur l’agriculture (1),le soin de préciser les propositions sur le plan technique, tout en recommandant le renforcement de trois éléments formels: l’information et la concertation du public, la définition d’objectifs clairement exprimés, accompagnés d’engagements des maîtres d’ouvrage et de l’Etat, ainsi que les modalités de la participation du public.

La commission souhaite surtout de plus amples précisions sur la méthode de compensation, les conditions de mise en œuvre et de suivi de ces mesures pour les zones humides, les espèces protégées et les terres agricoles, l’identification précise des fonctionnalités des zones humides à compenser (la méthode de compensation fonctionnelle est toutefois préférée à la méthode de compensation surfacique), la définition des moyens de restauration des zones humides, la justification des équivalences, la garantie de durabilité des compensations, la clarification des moyens affectés, enfin le calendrier et les conditions de déplacement des espèces protégées.

La Commission de dialogue s’avère enfin critique sur la consommation des terres. Le rapport suggère de réduire rapidement les surfaces allouées au stationnement et de geler au moins 250 hectares de surfaces aménageables pour permettre de vérifier l’efficacité des mesures compensatoires, et de réduire à terme ces surfaces, sans préciser de chiffres.

Au final, ce rapport ne devrait guère changer la carte des oppositions. Jean-Marc Ayrault a déclaré que les conclusions seraient prises en compte, tout en réaffirmant son soutien au projet. «En aucun cas, ce rapport ne désarmera la mobilisation. C’est un projet inutile et qui n’a pas de sens, ni économique, ni financier, ni environnemental», a déclaré de son côté José Bové. L’eurodéputé attend impatiemment les résultats de la Commission des pétitions du Parlement européen, qui doit se prononcer en mai sur le respect des directives sur l’eau, Habitats et Oiseaux. En attendant les études complémentaires recommandées par la Commission Chéreau.

(1)Les rapports de la mission agricole et du comité d’expertise scientifique (voir JDLE) ont été remis ce 9 avril au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll et aux préfets des Pays-de-la-Loire et de Loire-Atlantique. Ils seront analysés dans l’édition du JDLE du 10 avril.

 

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OffshoreLeaks : le vrai visage de l’évasion fiscale

Anne Michel
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C’est l’une des grandes révélations de l’OffshoreLeaks. L’univers opaque des paradis fiscaux n’abrite pas seulement des multinationales, des milliardaires ou des oligarques russes, mais aussi de gros entrepreneurs et des hommes d’affaires, des notables de province et des professions libérales. Ceux-ci ont en commun un goût prononcé pour le secret et, très souvent, une profonde aversion à l’impôt…

 

Le « Rotary Club » aux îles Caïmans ? « C’est effectivement le vrai visage de l’évasion et de la fraude fiscale, celle, massive, à laquelle l’administration publique se trouve tous les jours confrontée, confirme un haut fonctionnaire. Les projecteurs se braquent sur des personnalités emblématiques. Mais chaque année, des patrons de grosses PME délocalisent des dizaines de millions d’euros dans des juridictions à la fiscalité faible ou nulle. »

DES DIRIGEANTS DE GROSSES ENTREPRISES

Parmi les noms français identifiés sur les fichiers du Consortium de journalistes d’investigation (ICIJ) figurent donc des dirigeants de grosses entreprises. C’est le cas de la famille Grosman, la 186e fortune de France selon le classement du magazine Challenges, qui possède notamment les magasins Celio et Jennyfer.

L’enquête conduite à partir des fichiers nous a conduits à une société créée en 2003, aux îles Vierges britanniques, Goldenstump Investments Limited, dont la Financière Namsorg, la holding familiale des Grosman, est actionnaire aux côtés de deux autres investisseurs.

L’un de ces investisseurs est domicilié en France (Samy Marciano, le patron du groupe Folia, spécialisé dans l’import-export de produits de maille, repreneur de Rodier) et l’autre, en Israël (Meier Abutbul, un homme d’affaires très présent dans l’immobilier).

Contactée, Antoinette Grosman, présidente de la Financière Namsorg, confirme les faits. Mais elle précise que la Goldenstump Limited a été spécialement créée pour piloter le rachat d’hôtels en Grande-Bretagne et ne conserve aujourd’hui « qu’un seul actif à Londres ». La société offshore aurait été localisée aux îles Vierges britanniques à la demande de son partenaire en Israël.

« UNE SOCIÉTÉ EN PERTES »

Récusant le fait d’avoir tiré un avantage fiscal lié à cette structure, Mme Grosman évoque « une société en pertes ». Avant de concéder être intervenue, en 2009, c’est-à-dire en pleine offensive des pays du G20 pour combattre l’opacité des paradis fiscaux, notamment les centres financiers les plus exotiques, afin de transférer la société des îles Vierges vers le Luxembourg, un autre paradis fiscal.

« Au moins, c’était en Europe, explique la présidente Financière Namsorg. Tout le monde sait très bien que tout l’immobilier européen est détenu via des sociétés au Luxembourg. » Pour le reste, la femme d’affaires rappelle que la Financière Namsorg est établie en France et y paie des impôts : « Nous ne nous sommes pas expatriés en Suisse« , conclut-elle.

En marge des entrepreneurs, les hommes d’affaires se laissent eux aussi souvent tenter par « l’aventure offshore ». Et quand ils sont « découverts » et acceptent de s’expliquer, ils renvoient eux aussi très souvent la responsabilité de leurs structures offshore à leurs partenaires en affaires… Tout en affirmant que leurs investissements sont légaux et déclarés.

Dans ce cadre, une histoire, complexe comme le sont ces associations d’entrepreneurs dans les paradis fiscaux, retient l’attention : celle de deux sociétés créées dans les Iles Cook, paradis fiscal de l’océan Pacifique, Dragon Age Investments Limited et V-Trac Holdings Limited, actives entre 1993 et 2006. Elle associe trois partenaires, dont deux sont Français, Stéphane de Montauzan et Alain Mallart, et le troisième, un Américain installé au Vietnam, tout à la fois banquier et homme d’affaires, Anthony D. Salzman, lié à l’entreprise américaine Caterpillar.

OPÉRATION EST SÉDUISANTE SUR LE PAPIER

M. Mallart est connu des milieux d’affaires français en tant qu’ancien patron des sociétés Novalliance et GFI, mais aussi comme l’homme accusé – à tort, apprendra-t-on finalement – d’être le délateur dans le fameux scandale financier Executive Life, qui a marqué les années 1990 (il portait sur le rachat dans des conditions controversées d’une compagnie d’assurance-vie californienne). Il réside aujourd’hui en Belgique où il dirige un holding d’investissement des jeunes pousses, Externalis.

L’association des trois hommes, aux intérêts très divers, visait, en substance, à profiter des opportunités commerciales d’un marché vietnamien que l’on disait en plein boom. M.Salzman devait permettre à Caterpillar de vendre ses machines au Vietnam. C’est lui qui, selon ses partenaires, pilote la création des sociétés offshore. L’opération est séduisante sur le papier. Elle s’avère être un flop.

Le marché n’a pas décollé. M. Mallart explique au Monde avoir mis fin à toute l’affaire, après s’être fâché avec M. Salzman et avoir perdu de l’argent. Il affirme que, le concernant, tout s’est fait dans la légalité, dans le cadre d’une participation dans Caterpillar. « En tant que Français, j’ai tout déclaré à l’administration fiscale de l’époque », précise-t-il.

Enfin, une autre histoire témoigne de ce recours bien plus fréquent qu’on ne le pense aux sociétés opaques créées à l’ombre des paradis fiscaux. Elle concerne le fondateur d’un cabinet de conseil en recrutement de hauts dirigeants, très en vue à Paris, Alexander Hughes.

Selon les données extraites des fichiers d’ICIJ, celui-ci est à l’origine de la création, en 2007, de trois sociétés dans les îles Vierges britanniques, Gerland Consulting Limited, Alizee Management et Arcadian Management. Ces sociétés ont été constituées avec l’aide d’un prestataire de services installé à Chypre. Il en est le bénéficiaire aux côtés de ses deux fils.

Sollicité, l’un d’eux confirme l’existence de ces sociétés et insiste sur la légalité des opérations. Tout en concluant son propos ainsi : « Mais le monde change et les paradis fiscaux ne sont plus opaques, si ? »

Après Cahuzac : stoppez l’évasion fiscale !

Attac France, le 11 avril 2013
www.france.attac.org/dossiers/stoppez-levasion-fiscale

Signez la pétition

Monsieur le président,

L’affaire Cahuzac révèle brutalement à tous les citoyens la négligence et même la complaisance de nos dirigeants vis-à-vis de l’évasion fiscale.

Pourquoi l’administration fiscale a-t-elle perdu 25 000 agents depuis 2002 ? Pourquoi le nombre de vérifications approfondies de situations personnelles a-t-il chuté de 12% entre 2006 et 2011 ? Pourquoi laisse-t-on chaque année 60 à 80 milliards d’euros échapper à l’impôt, tout en prétextant les déficits publics ainsi creusés pour sacrifier les retraites, les allocations sociales, les emplois publics, les investissements écologiques d’avenir ?

Votre gouvernement peut prendre sans tarder cinq mesures clés pour en finir avec la complaisance :
• embauchez sous 12 mois au moins 1 000 agents de contrôle fiscal pour renforcer les 5 000 vérificateurs actuellement en poste. Chacune des nouvelles recrues rapportera à l’État au moins 2,3 millions d’euros par an grâce aux redressements fiscaux opérés, soit 40 fois le montant de son traitement !
• exigez des banques la communication de l’identité de tous les ressortissants français détenteurs de comptes à l’étranger. La loi FATCA oblige depuis début 2013 tous les groupes bancaires opérant aux Etats Unis à communiquer sur demande du fisc américain les données concernant ses ressortissants: il suffit d’une volonté politique !

• établissez, en lien avec les associations spécialisées, une liste crédible des paradis fiscaux, ces trous noirs de la finance occulte et de la corruption

• donnez 12 mois aux banques opérant en France pour fermer leurs filiales dans ces territoires, sous menace de retrait de la licence bancaire. Les banques françaises ont 527 filiales dans les paradis fiscaux dont 360 pour la seule BNP Paribas !

• imposez le « reporting par pays » aux multinationales établies en France : cette transparence sur le chiffre d’affaires, les bénéfices et les impôts payés dans chaque pays permettra au fisc de déjouer les manipulations des prix de transfert entre filiales des multinationales et de pouvoir enfin imposer Total ou Google sur leurs bénéfices.

Le changement, c’est maintenant ou jamais !

Signez la pétition… : www.france.attac.org/dossiers/stoppez-levasion-fiscale

Attac France, le 5 avril 2013

Pour en savoir plus  :

http://blogs.mediapart.fr/blog/attac-france/050413/petition-francois-hollande-stoppez-levasion-fiscale
– Tribune de Dominique Plihon (porte-parole d’Attac) et Vincent Drezet (secrétaire général de Solidaires finances publiques) :http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/04/apres-l-affaire-cahuzac-agir-enfin-contre-l-evasion-fiscale_3154205_3232.html

Sueur froide sur le refroidissement

SYLVESTRE HUET
www.liberation.fr/sciences/2013/04/04/sueur-froide-sur-lerefroidissement_893746

Une étude souligne les dangers de la géo-ingénierie. Certaines manipulations du climat, soutenues par des milliardaires américains pour contrecarrer le réchauffement, s’avèrent très risquées.

 

Big Billou, le fondateur de Microsoft, passe du plantage informatique au plantage du climat. Riche à milliards, issus du racket de centaines de millions d’utilisateurs d’ordinateurs, Bill Gates fait partie des «philanthropes» ne sachant que faire de leur argent. Il vient d’en trouver un usage : subventionner des initiatives soutenant la «géo-ingénierie climatique». C’est ainsi que, dans quelques mois, un ballon installé dans la haute atmosphère au-dessus de Fort Sumner (Nouveau-Mexique, Etats-Unis), devrait y injecter des particules sulfurées censées réfléchir la lumière solaire et ainsi refroidir la Terre.

Bill Gates n’est pas seul dans cette aventure. D’autres richissimes autoproclamés «visionnaires» – présentés ainsi par nombre de gazettes – emboîtent le pas de la géo-ingénierie climatique. Sir Richard Branson est aussi de la partie. Logique : sa fortune repose sur le kérosène de l’avion low-cost. Il veut aussi envoyer des touristes très friqués faire un tour à 100 km d’altitude pour un petit frisson cosmonautique – loisir très polluant, très cher et sans intérêt technologique.

L’idée semble simple et bonne. La Terre se réchauffe ? Ce changement climatique est provoqué par nos émissions massives de gaz à effet de serre ? C’est un problème car nous ne voulons pas réduire notre usage massif du charbon, du pétrole et du gaz ? Refroidissons la Terre en rejetant les photons du Soleil vers l’espace. Comment ? Avec d’immenses miroirs spatiaux. En peignant en blanc tous les toits et les déserts. En envoyant des milliers de navires automatisés injecter dans l’air des aérosols d’origine marine… Ou en injectant des milliers de tonnes de particules réfléchissantes dans la stratosphère, comme le soutient Bill Gates.

Episodes dramatiques

Ces idées séduisent les partisans de l’action, persuadés qu’à tout problème posé par l’usage des techniques d’autres techniques opposeront une solution. Elle fait se dresser les cheveux sur la tête des climatologues. Car les méthodes proposées sont si simples et si brutales qu’elles pourraient bien se révéler remèdes pires que le mal. Elles reposent sur l’ignorance plus que sur le savoir. Et négligent de vérifier si ce qui est bon pour certains ne serait pas mauvais pour d’autres.

Prudents, bien plus que nos milliardaires mégalomanes, une équipe de climatologues britanniques écrit dans Nature Climate Change (1) qu’il faut de nombreuses études régionales pour «informer les décideurs politiques afin de développer une gouvernance mondiale consensuelle» avant toute action de géo-ingénierie climatique.

Ce propos vient en conclusion d’un article démontrant le risque de toute action irréfléchie sur le climat planétaire. Il porte sur l’histoire des sécheresses qui ont accablé le Sahel dans les années 70 et 80. Episodes dramatiques, avec 250 000 morts et 10 millions de réfugiés. L’agriculture sahélienne dépend en effet pour l’essentiel des pluies de la mousson, durant les mois d’été.

Eruptions d’El Chichon sur cinquante ans

Les mécanismes ayant provoqué ces sécheresses demeurent l’objet de recherches intenses. Ils pourraient être liés à des oscillations multidécennales des gradients de températures dans l’océan Atlantique, qui déterminent en partie la force de la mousson africaine. Mais, pour expliquer les sécheresses des années 70 et 80, les spécialistes font également appel à la pollution en aérosols industriels du ciel de l’hémisphère nord, singulièrement au-dessus de l’Europe. Cette hypothèse, plausible mais non démontrée, n’est pas alternative mais complémentaire des oscillations naturelles de l’Atlantique. L’affaire se corse avec la prise en compte de l’influence possible des oscillations du Pacifique, dites El Niño-La Niña.

L’équipe dirigée par Jim Haywood apporte un élément nouveau : les éruptions volcaniques. Trois des quatre années les plus sèches du siècle au Sahel, – 1913, 1983 et 1984 – suivent directement les éruptions du Katmai (Alaska, juin 1912) et d’El Chichon (Mexique, avril 1982) qui ont injecté d’énormes quantités d’aérosols dans la stratosphère de l’hémisphère nord. A l’inverse, Jim Haywood et ses collègues notent l’absence de sécheresse après l’éruption d’Agung (Bali, Indonésie) en 1963 dans l’hémisphère sud. Un fort El Niño en 1983, en même temps que l’éruption d’El Chichon, mais un Pacifique en position neutre lors de celle de Katmai. Et ajoutent que la méga-éruption du Pinatubo, en 1991, a injecté les aérosols dans toute la stratosphère, sud et nord.

Après avoir étudié par des simulations informatiques les conséquences de ces éruptions, les auteurs estiment donc qu’«une éruption volcanique survenant dans l’hémisphère nord, de la magnitude de celle d’El Chichon, peut provoquer une sécheresse au Sahel». Le lien avec la géo-ingénierie ? Les aérosols avec lesquels nos apprentis sorciers veulent contrecarrer le réchauffement climatique en réfléchissant les rayons solaires sont similaires à ceux émis par les volcans.

Aussi, l’équipe de Haywood s’est lancée dans des simulations du climat du XXIe siècle, dont certaines incluaient l’effet d’une injection massive d’aérosols artificiels – équivalant à la moitié de l’éruption d’El Chichon chaque année durant cinquante ans, entre 2020 et 2070 – soit dans la stratosphère sud, soit dans celle du nord. Le résultat est tout sauf encourageant.

Certes, les simulations montrent un effet refroidissant de 0,7 à 0,8°C durant cette période sur la température moyenne de la planète… qui vient en déduction du réchauffement provoqué par nos émissions de gaz à effet de serre. Mais si ces injections massives sont faites dans l’hémisphère nord, elles se traduisent par des sécheresses catastrophiques au Sahel. En revanche, réalisées dans l’hémisphère sud, elles boostent les moussons africaines et la production agricole de la région. Yaka le faire ? Oui, si l’on souhaite déclencher une guerre avec le Brésil, car cette injection au sud provoque un autre effet : des sécheresses non moins catastrophiques dans le Nordeste brésilien ! On comprend que la conclusion générale soit «on ne touche à rien tant qu’on n’y voit pas plus clair».

Pour Béatrice Marticorena du Laboratoire de météorologie dynamique (2), les scientifiques américains, «pragmatiques», voient dans cette mode de la géo-ingénierie «un moyen de faire financer des recherches sur le rôle climatique des aérosols». D’où parfois les soupçons ou les rumeurs de liens supposés de tel ou tel scientifique avec les groupes industriels, les milliardaires ou les idéologues à l’œuvre.

«A contre-courant des objectifs»

Pour la climatologue, les résultats actuels des simulations du climat montrent «l’extrême complexité des rétroactions climatiques dont les conséquences sont souvent contre-intuitives. Une même température moyenne, obtenue par des moyens artificiels, peut correspondre à un cycle hydrologique très différent de l’actuel». Elle souligne que la mousson africaine est l’un des phénomènes les moins bien compris. Les simulations du climat se contredisent, certaines prévoyant de meilleures moussons en climat réchauffé et d’autres de pires que maintenant.

Cette incertitude et ces contradictions interdisent de prendre pour définitif le résultat des simulations de l’équipe de Haywood. Toute action sur le climat risque donc d’avoir, outre le résultat direct recherché, «des conséquences inattendues ailleurs, allant à contre-courant des objectifs. Ce ne peut donc pas être un substitut à l’action politique volontaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre», souligne Béatrice Marticorena. Dans une revue détaillée des recherches conduites sur le sujet, Olivier Boucher, du Laboratoire de météorologie dynamique, notait aussi que les aérosols artificiels pouvaient diminuer «la couche d’ozone stratosphérique» et que leurs effets sur la photosynthèse des plantes demeuraient «incertains» (3).

S’il semble utile de maintenir un effort de recherches sur la géo-ingénierie climatique, elles doivent s’accompagner «d’une réflexion éthique», réclame-t-il. Big Billou sera-t-il sensible à cet appel ?

(1) Jim Haywood et al, «Nature climate change», publié online le 31 mars.

(2) LMD : CNRS, Ecole Polytechnique, ENS, université Pierre et Marie Curie.

(3) «La Météorologie n°78», août 2012.