Articles du Vendredi : Sélection du 14 mars 2025

Impacts du réchauffement : « La France n’est pas prête », met en garde le Haut Conseil pour le climat
Audrey Garric
www.lemonde.fr/planete/article/2025/03/13/impacts-du-rechauffement-la-france-n-est-pas-prete-met-en-garde-le-haut-conseil-pour-le-climat_6579946_3244.html

Jean-François Soussana, le président de l’instance consultative indépendante, estime, dans un entretien au « Monde », que le plan, présenté lundi 10 mars par le gouvernement, ne propose pas assez d’adaptations de grande ampleur et que les financements restent très insuffisants.

Comment adapter la France à un réchauffement climatique pouvant atteindre 4 °C à la fin du siècle ? Lundi 10 mars, la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a présenté la version finale du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), un document de 52 mesures. Parmi elles, l’adaptation des logements au risque de fortes chaleurs ou l’amélioration de la résilience des exploitations agricoles, des infrastructures et des transports. Dans un avis, publié jeudi 13 mars, le Haut Conseil pour le climat, instance consultative indépendante, évalue ce plan et formule 24 recommandations pour la réussite de celui-ci. Le président du haut conseil, Jean-François Soussana, revient sur les détails du Pnacc, déplorant que les financements annoncés soient « très insuffisant[s] ».

Avec ce plan, la France est-elle prête à faire face aux impacts de la crise climatique ?

Le Pnacc constitue une première étape importante, qui va dans le bon sens, mais la France n’est pas encore prête à faire face aux conséquences du changement climatique. Ce plan propose des adaptations incrémentales, c’est-à-dire des ajustements de pratiques, qui se heurtent à des limites. Or, nous avons besoin de transformations des systèmes. Il s’agirait, par exemple, de changer les systèmes de culture plutôt que les dates de semis, de développer les solutions fondées sur la nature et le retrait des activités face aux risques de submersions marines, plutôt que construire des digues. Le Pnacc n’arbitre pas assez entre ce que l’on veut protéger à tout prix et ce que l’on peut perdre. Quels bâtiments pourront, par exemple, être submergés ? Il faut y réfléchir.

Le Pnacc n’est donc pas suffisant pour protéger la population. Il faut aller nettement plus loin, d’autant que les aléas climatiques s’intensifient plus rapidement que les moyens mis en œuvre pour limiter les impacts. L’Europe est le continent qui se réchauffe le plus vite, et la France est très exposée : le réchauffement a atteint 2,2 °C sur les dix dernières années.

Le Pnacc doit être doté de 590 millions d’euros en 2025, auxquels s’ajoute près de 1 milliard d’euros mobilisé par les agences de l’eau entre 2025 et 2030. Votre avis souligne la faiblesse de ce financement…

La somme annoncée, si elle est réellement atteinte, constitue un progrès, mais reste très insuffisante. Il faudrait avoir un plan pluriannuel de financement. Actuellement, très peu de mesures font l’objet de moyens associés. Plusieurs actions dépendent du fonds vert, qui a récemment été réduit de 1,35 milliard d’euros, du fonds Barnier, qui a été augmenté mais de manière limitée (de 75 millions d’euros). Il faut aussi accroître les financements privés et mettre en place des aides publiques conditionnées à l’adaptation. Par exemple, est-ce qu’on introduit le confort d’été dans le dispositif MaPrimeRénov’ ?

Comment réformer le système assurantiel ?

On touche d’ores et déjà les limites de l’assurabilité pour certaines collectivités, entreprises ou citoyens. Il faudrait introduire une modulation des primes d’assurance en fonction des mesures d’adaptation. Par exemple, les agriculteurs qui renforcent la santé des sols pourraient bénéficier de primes plus faibles. Il faut aussi définir de nouveaux équilibres pour savoir qui doit payer face aux coûts grandissants liés au réchauffement, entre les assurances, l’Etat et les particuliers. La prévention des risques coûte beaucoup moins cher que la réparation des dommages.

Vous notez que le Pnacc ne prend pas suffisamment en compte les vulnérabilités sociales. Que faudrait-il faire ?

Le changement climatique augmente les risques de maladie chronique, d’accident du travail ou d’absence de personnel, ce que le Pnacc anticipe peu. Il faut réfléchir à fixer des seuils de températures maximums d’activité, pour protéger les travailleurs, comme le recommande l’Organisation internationale du travail, et comme cela a été fait en Grèce et en Espagne, et à utiliser l’indice Wet Bulb Globe Temperature [température au thermomètre-globe mouillé] qui considère aussi l’humidité. Le Pnacc ne prend en compte que les vagues de chaleur et non d’autres risques qui modifient aussi les conditions de travail, comme les inondations ou les incendies. Et il n’aborde que le BTP et certaines industries, alors que de nombreux métiers sont affectés, agriculture, santé, etc.. Enfin, le Pnacc ne répond pas suffisamment aux besoins des catégories vulnérables − ménages modestes, personnes âgées, handicapées, enfants −, qui n’ont pas les moyens de s’adapter au réchauffement.

Vous appelez à donner une valeur juridique plus forte au Pnacc. Comment ?

Aujourd’hui, le Pnacc est seulement un texte de planification. Il serait important qu’il soit inscrit dans le code de l’environnement et mis en œuvre par décrets et arrêtés. Il faudrait aussi l’inscrire dans la stratégie européenne d’adaptation au changement climatique, qui prévoit des stress tests pour certaines infrastructures ou une lutte contre la maladaptation, que l’on n’a pas retrouvés dans le Pnacc. Tous les ministères doivent s’emparer des enjeux d’adaptation. Nous appelons à une gouvernance du Pnacc sous l’égide du premier ministre et du secrétariat général à la planification écologique pour faire les arbitrages. Enfin, la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique [le + 4 °C] doit être inscrite dans la loi.

La ministre de la transition écologique a dit : « Face au défi d’une France à 4 °C, une seule réponse : s’adapter. » Qu’en pensez-vous ?

C’est juste, mais, bien sûr, il y a une autre réponse qui est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de renforcer nos puits de carbone et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Le réchauffement est inéluctable pendant les vingt prochaines années, mais, après, nous pouvons le contrôler en réduisant les émissions et les dommages climatiques.

Comment évaluez-vous l’action et les prises de position de François Bayrou sur le climat depuis sa nomination ?

Nous nous inquiétons d’un risque de fragilisation de l’action climatique de la France, notamment en raison de la réduction des financements. La baisse des aides pour la rénovation énergétique dans le budget 2025, par exemple, pourrait ralentir les progrès constatés sur la réduction des émissions. Il serait souhaitable que le premier ministre rende des arbitrages pour consolider l’action climatique. La reprise des conseils de planification écologique, dont le dernier date de 2023, pourrait permettre de relancer la réflexion. Nous avons sollicité un rendez-vous avec le premier ministre, que nous n’avons pas encore eu, mais nous avons rencontré son cabinet.

Éditorialistes, élus, influenceurs… 4 profils d’éco-complotistes
Christelle Gilabert
www.socialter.fr/article/desinformation-complotisme-changement-climatique-praud-raptor-zemmour-allegre

Influenceurs, éditorialistes, élus ou scientifiques égarés : leur verbiage postillonnant tourne en boucle sur les réseaux. Apprenez à les reconnaître!

Le scientifique en mal de notoriété

Son modèle Claude Allègre / Son outil le livre racoleur

Aaaah, notre voix de la sagesse scientifique ! Contrairement aux «scientifiques activistes», lui est là pour faire de la vraie science. Celle qui doute, qui questionne et qui refuse de se soumettre à la pensée unique du Giec.

Ce «cartel de chercheurs» (Benoît Rittaud, le 9 novembre 2023) sous emprise politique, qui prend en otage la question du climat. D’ailleurs, il ne manque jamais de le rappeler : il n’y a PAS DE CONSENSUS SCIENTIFIQUE sur le changement climatique.

Pour lui, pas de raison de s’inquiéter. Sa rationalité scientifique infaillible lui permet d’explorer les réalités climatiques avec nuance et ne pas céder aux sirènes alarmistes. Et pour nous donner les clés de son précieux savoir, il publie des livres qu’il espère feront l’effet de pavés dans la mare ! Des centaines de pages pour décrypter «limposture climatique», déconstruire les «mythes et légendes écologistes» ou encore mettre en garde contre «le déraisonnement climatique».

Non content de venir se présenter sur les plateaux télé, le scientifique climatosceptique se veut rassuriste. S’il y a bien des changements, il n’y a en revanche aucune urgence. S’il y a des catastrophes naturelles, ce n’est pas forcément dû au réchauffement climatique. Si on émet beaucoup de CO2, c’est aussi une bonne chose ! Car c’est le premier nutriment des plantes et cela favorise la couverture végétale. En voilà des bonnes nouvelles !

Autant d’arguments implacables qui cherchent à mettre à mal la machination climatique menée de concert par les politiques et les scientifiques. Et parce que plus on est de fous, plus on rit, quoi de mieux que de se rassembler au sein d’une association ? Bienvenue chez les «climato-réalistes» ! Le seul espace qui offre «un débat ouvert et libre sur l’évolution du climat». Tout un programme.

L’éditorialiste réac’

Son modèle Pascal Praud / Son outil la vocifération

«Il est là le réchauffement climatique! Moins 3 degrés ce matin dans les Yvelines. Attention, sujet sensible, on ne rigole pas avec le réchauffement climatique!» (Pascal Praud, 6 mai 2019). Des petits tacles ironiques glissés en pleine émission aux chroniques enflammées, il ne rate pas une opportunité de décrédibiliser la gravité du changement climatique et d’attaquer ses défenseurs qu’il juge excessifs. Tantôt trop dictateurs, tantôt trop pleurnicheurs. Dans les médias détenus par ses amis milliardaires, tout aussi complot-réac que lui, il mène une véritable croisade contre « l’hystérie climatique».

Qu’à cela ne tienne, pas touche à sa sacro-sainte liberté d’expression. Sur son plateau défile tout le gratin anti-écolo en lutte contre le catastrophisme. Scientifiques ou non. Spécialistes ou non. Entre débats orientés et interviews complaisantes, les théories éco-complotistes ont tout le loisir de prospérer. Comme celle de l’essayiste Christian Gerondeau, passé de spécialiste de la «sécurité routière » à détracteur du Giec le temps d’une retraite, qui estime que vouloir arrêter d’émettre du CO2 ne servirait à rien !

Car ce qui les inquiète, ce ne sont ni les sécheresses, ni les inondations et encore moins l’extinction des écosystèmes. Non, ce qui est insoutenable, ce sont ces méchants « khmers verts», «toutes ces associations écologistes, minoritaires, comme WWF, qui en permanence pointent du doigt ce monde agricole, veulent nous faire manger de l’herbe, du tofu et du quinoa, qui refusent tout» (Pascal Praud, 23 janvier 2024). L’écologie est devenue «une religion planétaire» portée par des «peine à jouir» (Elisabeth Lévy, octobre 2022). Autrement dit, une boussole morale insupportable. Effrayé qu’on lui coupe les vivres, est-ce qu’on ne lui couperait pas plutôt son micro ?

L’influenceur (mascu) anti-système

Son modèle Le Raptor / Son outil la punchline

Après la secte des « covidistes », il s’attaque à celle des « réchauffistes ». Sur son compte YouTube, X ou TikTok, il est celui que la foule d’internautes attendait pour éclairer sa lanterne et être délivrée de l’emprise « escrologique ». Un vaillant combattant prêt à travailler sans relâche pour décrypter la grande arnaque du climat. À lui seul, il est capable de produire un savoir plus fiable que celui de milliers de scientifiques réunis depuis des décennies.

Et pour cause, le Giec n’est à ses yeux qu’un instrument de propagande politique qui n’a plus rien à voir avec la science. Une institution élaborée pour dicter des solutions destructrices de l’économie et des libertés fondamentales.

Plus fallacieux encore, l’augmentation des émissions de CO2 est un faux danger qui ne sert qu’à masquer les véritables problèmes écologiques comme la pollution plastique ou l’extinction des animaux.

Outre ses réalités physiques, encore contestables d’après lui, le changement climatique est surtout devenu une religion pour endoctriner et terroriser les populations afin de les rendre fragiles. D’ailleurs ses défenseurs «éco-anxieux pathologiques » ne sont rien que «des meufs à problèmes familiaux sous anxiolytiques» (Le Raptor, 8 septembre 2024) ou des «hommes sojas vasectomisés» (Idriss Aberkane, 17 septembre 2024). Les pro-climats ne sont qu’un lobby de plus de l’entreprise wokiste dont il veut nous sauver. D’ailleurs, n’oubliez pas que si les feux de Los Angeles ont décimé les quartiers, c’est avant tout car les pompiers sont dirigés par «des femmes lesbiennes en surpoids» (Le Raptor, 14 janvier 2025).

En vrai antisystème, il aborde tous les grands phénomènes qui nous dupent car aucun sujet ne lui échappe : la pandémie, la guerre en Ukraine, le féminisme, les LGBTQIA+. À visage découvert ou sous un compte anonyme, au pays de l’influ-complotiste, seule la parole à contre-courant compte !

L’élue d’extrême droite en roue libre

Son modèle Éric Zemmour / Son outil la frontière

«Je trouve toujours curieux que des scientifiques nous expliquent quune augmentation de température de 1,5°C provoque des catastrophes absolument apocalyptiques et incalculables, et que lHomme ne sadaptera jamais à ça, alors que lHomme est justement depuis des millions dannées la seule espèce qui sadapte à toutes les températures.» Si Éric Zemmour le dit. Pourquoi s’en faire ? Le vrai problème n’est pas le « grand réchauffement », mais bien le « grand remplacement ».

En bon révolutionnaire réactionnaire, ce cher représentant de la nation multiplie les sorties pour fustiger les écologistes et leur « totalitarisme vert». Il accuse cette bande de «prophètes de malheur» et autres «propagandistes du Giec » de vouloir détruire la civilisation occidentale à coups de repas végétariens, de champs d’éoliennes ou de transports en commun. Pire, d’être prêts à sacrifier l’humanité au nom de la planète : «Bientôt ils suggéreront lextermination de lespèce humaine, au motif quelle constituerait une catastrophe pour le climat et la biodiversité» (Hervé de Lépinau, député RN, 13 décembre 2023). C’est donc ça !

Et parce que s’attaquer aux «écologistes extrémistes» ne suffit pas, autant se faire le nouveau porte-voix des théories climatosceptiques. «Rien ne prouve leffet de serre du CO2» (Guillaume Bigot, juin 2019), «les scientifiques du Giec ont tendance à exagérer » (Thomas Ménagé, le 21 août 2023), «rappelons quand même que la Terre se réchauffe delle-même naturellement!» (Estelle Chevallier, 2 juillet 2024). Ou carrément inventer un complot encore plus farfelu : «Le vert des Verts correspond, comme par hasard, au vert de lIslam!» (Éric Zemmour, 29 juin 2020).

Rien n’est trop faux/gros pour pouvoir discréditer cette propagande aux fondements nullement scientifiques mais 100 % idéologiques qui s’attaquent sans scrupules aux traditions et au terroir français. Pour eux, le véritable danger de la vie sur Terre, ce n’est ni le changement climatique ni la crise écologique, mais « l’écologie punitive» des islamo-gauchistes ! Si écologie il doit y avoir, ce doit être uniquement celle du «bon sens». Ce qui dans le langage de l’extrême droite signifie tout ce qui peut servir à leur obsession identitaire et à la protection des frontières.

Vélo, renouvelables, bâtiment… où sont les emplois de demain ?
Raphaëlle Vivent
https://vert.eco/articles/velo-renouvelables-batiment-ou-sont-les-emplois-de-demain

Futur au scope. La transition écologique va bouleverser le monde du travail : certains secteurs connaîtront un essor spectaculaire, tandis que d’autres subiront des pertes majeures. Énergies renouvelables, rénovation du bâtiment, mobilités douces… tour d’horizon des projections pour 2050.

À quoi ressemblera le monde du travail dans 25 ans, si la France atteint la neutralité carbone comme elle s’y est engagée en signant l’Accord de Paris sur le climat en 2015 ? «Il y aura probablement quelques nouveaux métiers, mais surtout des postes et des secteurs qui auront évolué», répond Yannick Saleman, chef de projet Emploi et Politiques industrielles au laboratoire d’idées The Shift project. Dans son Plan de transformation de l’économie française (PTEF), le «think tank de la transition carbone» a réalisé de nombreuses projections sur les emplois en 2050, tout comme l’Ademe (Agence de la transition écologique) dans son rapport Transition 2050, qui dévoile quatre trajectoires types pour atteindre la neutralité carbone à cet horizon, ou encore l’association Négawatt, qui regroupe des professionnel·les de l’énergie et des citoyen·nes. «Bien sûr, nous ne disons pas que c’est ce qui va se passer, seulement ce qui pourrait arriver si l’on suit nos recommandations», précise Yannick Saleman.

La transition devrait créer des emplois

Première conclusion, à rebours de certaines idées reçues : la transition écologique devrait entraîner une augmentation nette du nombre d’emplois en France. Dans son scénario 2022-2050, Négawatt table sur la création de 613 000 postes en équivalent temps plein (ETP). Et le Shift project prévoit 1,1 million de créations d’emplois et 800 000 destructions.

Selon l’Ademe, tout dépend du scénario. Seul celui qu’elle appelle S1, dit «Génération frugale», qui mise sur une baisse importante de la consommation, entraînerait une baisse de 1,5 million d’emplois en 2050. Pour les trois autres, les créations de postes s’élèveraient entre 180 000 et 700 000. Un effet globalement positif sur le marché du travail, même si tous les secteurs ne seront pas affectés de la même manière.

Boom des renouvelables, chute du thermique

L’énergie renouvelable est l’un des grands secteurs d’avenir. Selon le site Comprendre 2050, qui analyse les différents scénarios de transition, on recrutera deux fois plus dans l’éolien terrestre et 3,5 fois plus dans le photovoltaïque en 2050. On assistera surtout à une explosion dans l’éolien en mer, avec un nombre d’emplois multiplié par plus de dix en 2050.

Les emplois dans le nucléaire dépendront de la part de cette énergie dans le mix électrique visé par chaque scénario. Plusieurs projections envisagent des baisses, en raison notamment de la mise à l’arrêt prévue de plusieurs réacteurs. Le Shift project estime que les emplois dans la production nucléaire d’électricité baisseront de 17%, soit une perte de 25 400 emplois.

Enfin, les postes dans les centrales thermiques alimentées par l’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon) devraient connaître une chute libre, en raison de la décarbonation de l’énergie opérée en 2050 si les engagements sont respectés. Entre 2017 et 2050, le Shift project prévoit une baisse de 94% des emplois dans les centrales thermiques à flamme (centrale à charbon, centrale biomasse, turbines à combustion…) pour la production d’électricité fossile. Même constat pour les emplois du secteur pétrolier et ses produits dérivés, qui déclineront fortement dans les prochaines décennies, quel que soit le scénario considéré.

Le bâtiment porté par la rénovation énergétique

Le bâtiment et la construction connaîtront des changements significatifs. Comme l’écrit le Shift project dans l’un de ses décryptages«tous les scénarios imaginent une baisse de l’emploi pour les métiers du gros œuvre du fait d’une diminution des actes de construction neuve qui sont leur principale activité. Les métiers du second œuvre [tous les travaux réalisés à la suite des gros ouvrages, NDLR] seront également affectés, mais plus facilement reconvertibles.»

Dans le détail, le laboratoire d’idées prévoit la création de 100 000 ETP dans la rénovation énergétique, pour respecter l’engagement de la France de disposer en 2050 d’un parc immobilier entièrement conforme aux normes «bâtiment basse consommation» (BBC). 190 000 emplois dans la construction neuve devraient disparaître, soit une balance globale négative avec 90 000 postes en moins.

A contrario, l’Ademe table sur une augmentation des emplois dans le secteur de près de 200 000 en 2050. Idem pour l’association Négawatt, qui estime qu’un programme ambitieux de rénovation énergétique «créerait plusieurs centaines de milliers d’emplois».

L’enjeu du secteur du BTP sera de réussir à attirer des travailleur·ses pour subvenir aux besoins futurs, sachant que le secteur souffre déjà d’une forte pénurie main d’œuvre.

Des pertes dans l’automobile, compensées en partie par le vélo

L’industrie automobile devrait être l’une des plus bouleversées dans les prochaines décennies, en raison de la loi européenne sur la fin des moteurs thermiques en 2035. Pour le Shift project, 373 000 emplois seront supprimés dans les 25 prochaines années. D’abord parce que la production de véhicules électriques nécessite moins de main-d’œuvre que celle de voitures thermiques, en raison d’un nombre de composants moins élevé. Ensuite car l’usage de la voiture devrait reculer, grâce à un report vers des modes moins carbonés (vélo, transports en commun…), selon un décryptage du Shift project sur l’industrie automobile.

Fabrication, vente et réparation : The Shift project évalue à 232 000 les créations d’emplois dans le secteur du vélo. «En complément des voitures particulières, seront non seulement produits sur le territoire, mais commercialisés et entretenus un volume important de cycles, deux roues électriques et micro-voitures […]. Ces nouveaux marchés auront permis à la filière automobile (amont et aval) de compenser la perte d’activité et d’emplois», écrit le think tank, qui considère que les proximités techniques entre ces deux secteurs pourraient permettre des reconversions.

Toujours selon l’association, le transport aérien risque de connaître une baisse de 38 000 emplois, compensée par le développement du ferroviaire longue distance (+37 000).

Agriculture, la grande inconnue

Dans le secteur de l’agriculture, les projections diffèrent à cause de nombreuses inconnues, «en particulier sur la relocalisation des productions agricoles, le niveau de développement des pratiques agroécologiques et la part des protéines d’origine animale dans notre alimentation», écrit le site Comprendre 2050.

Dans ses scénarios «Génération frugale» et «Coopérations territoriales», l’Ademe prévoit que le déclin du nombre d’agriculteur·ices se poursuivra, avec -100 000 postes en 2050 par rapport à aujourd’hui – le ministère de l’agriculture dénombrait 680 170 ETP dans les exploitations agricoles en 2022. Les deux autres scénarios envisagent une stabilité ou une légère hausse.

Après avoir prédit dans le PTEF une forte hausse de 500 000 postes dans la production agricole, les experts du Shift project sont revenus sur leurs projections. «Nous avions estimé ce qui se passerait si l’on adoptait un modèle agroécologique massif, qui nécessite beaucoup plus de main d’œuvre que l’agriculture conventionnelle. Mais les chiffres étaient un peu surestimés. Désormais, on projette plutôt une stabilisation des emplois agricoles, et non pas la poursuite de la baisse actuelle, grâce au passage à un modèle agroécologique partout où c’est possible», détaille Yannick Saleman.

Anticiper, notamment grâce à la formation

Quelles que soient les méthodes de calcul et les scénarios envisagés, les différents rapports de prospection pointent tous la responsabilité des pouvoirs publics pour accompagner au mieux ces transformations de l’emploi. «Le plus important, c’est la planification, et surtout que celle-ci soit cohérente. Par exemple, si l’on dit que nous devons relancer le bois de chauffage dans les logements, mais aussi utiliser cette ressource dans le bâtiment pour stocker du carbone, et dans l’industrie, alors il n’y aura pas assez de bois pour tout le monde. Il faut donc planifier secteur par secteur, mais aussi de manière intersectorielle», explique Yannick Saleman.

Pour le chef de projet Emploi et Politique industrielle, l’anticipation passera avant tout par la formation. «Il y aura des besoins d’évolution de compétences. Par exemple, pour atteindre la neutralité carbone demain, il faudra réaliser des isolations globales des bâtiments – et non plus des isolations partielles comme on le fait aujourd’hui. Donc les employés devront être formés à de nouvelles compétences, de manière initiale ou continue. Là encore, cela demandera de la coordination entre les entreprises, qui auront des besoins, et les organismes de formation.» The Shift project propose par exemple de lever les freins à la formation en facilitant les démarches, en mutualisant les moyens et en aidant les TPE-PME.

Le think tank insiste sur la nécessité d’améliorer l’attractivité de certains métiers (conditions salariales, pénibilité et reconnaissance sociale) pour encourager les reconversions futures. Reste à voir si ces recommandations seront suivies, alors que l’écologie semble s’éloigner des priorités du gouvernement.

“Oparotasuna zer den birdefinituta, ulertuko dugu zer dugun irabazteko”
Urko Apaolaza Avila
www.argia.eus/argia-astekaria/2907/fernando-valladares

Biologian doktorea, CESIC Zientzia Ikerketen Kontseilu Nagusiko ikerlaria eta Madrilgo Rey Juan Carlos unibertsitateko irakaslea, Fernando Valladares (Mar del Plata, 1965) klima aldaketa eta ingurumen gaietan Espainiako Estatuko ahots kritiko ezagunenetako bat da. Urteak daramatza dibulgazio lanetan, eta La Recivilización (Planeta, 2023) liburua argitaratu du. Euskal Herrira bisita egin duela aprobetxatuta, Antzuolan elkartu gara berarekin, Pikunieta baserriko sukaldean.

Zientzialariok urte asko daramazue klimarekin arazo handi bat dugula esaten, baina berdin jarraitzen dugu. Zerk egiten du huts?

Gauza askok egin dute huts eta ez dakit zeinek duen pisu gehiago. Kasu batzuetan, gainera, nahitasun bat dago huts egin dezaten, interesak daudelako eta botere faktikoei ez zaielako batere ongi etortzen. Adibidez, Retardismoa negazionismo moduko bat da, ez du aldaketa klimatikoa ukatzen baina esaten du badaudela gauza garrantzitsuagoak. Elon Musk edo Donald Trump denbora askoan sortzen joan garen erupzio bat dira. Gainera, enfasia jarri dugu apokalipsian, kolapsoan, eta dena pikutara doan ideian, eta horrek ere ez du lagundu. Horrela botatzen baduzu, anestesiarik gabe, jende askok ez du asimilatzen.

1,5 graduak gainditu ditugula, itsasoa inoiz baino beroago dagoela… Hainbeste daturen erdian, jendea ohitu egiten da akaso?

“Neke efektua” deitzen zaio horri. Bizitza poliedrikoa da eta iristen da momentu bat arazo askori egin behar diozula aurre, fakturak ordaindu behar dituzula, eta orduan “nahikoa da” esaten duzu. Horregatik saiatu behar gara baikortasuna sortzen eta pentsatzen zenbat irabaz dezakegun. Neke efektuaz hitz egiten dugun gisan, motibazioaz ere hitz egin behar dugu: zergatik jarraitu behar luke ARGIA aldizkariak klima aldaketaz argitaratzen? Komunikazioan ere kreatiboak izan behar dugu.

Rebelión Científica taldean parte hartu duzu. Zein izan behar luke zientziaren funtzioa honetan guztian?

Lehenik eta behin, gora aniztasuna, ororen gainetik. Behar ditugu euren bolizko dorrean jarraitzen duten zientzialariak, baina baita konfort gunetik lubakietara aterako direnak ere. Guri gustatzen zaigu ikerketak kongresuetan aurkeztea eta kito, baina hortik ere atera behar dugu. Bestela, zer egiten du ni bezalako biologo batek ekonomiaz hitz egiten? Zientzialariak espezializatuak izateko entrenatu gaituzte, eta horrek aurrera egiten laguntzen gaitu, bai, baina horrelako katastrofe baten aurrean gaudenean… Soluzioa ez dute espezialista batek edo bik ekarriko, gaixo dauden gauza guztien konbinazio bat delako. Hemen, Antzuolan, galdetzen zidaten, ze pauso eman behar da lehenengo? Ahoan bilorik gabe hitz egiten hastea da lehenengo pausoa.

La Recivilización liburuan hiru agertoki aurreikusten dituzu desazkundearen aurrean: extintzioa, gobernantza autoritarioa edo eraldaketa.

Hiru jarri ditut sinplifikatzearren, eta noski, irakurlea hirugarrenera eraman nahi dut.

Baina extintzioari larritasuna kentzen diozu, beste espezie asko bezala Homo sapiens-a ere desagertu egingo dela esaten duzu.

Eta hala da. Antzuolako eskolan mamuten argazkiak erakutsi dizkiet gaztetxoei, eta esan diet espezie batentzat normalena desagertzea dela… baina ez dezagun presarik izan! Ematen baitu gizakia desiratzen dagoela desagertzeko. Homo erectus-ek,  denetan tuntunena zela uste genuen horrek, bi milioi urte iraun zuen; gure espezieak aldiz 300.000 urte baino ez ditu eta ez dakit zenbat geratzen zaigun. Brometan ari naiz, baina ironia eta norbere buruaz barre egitea uste baino inteligenteagoa da, gauzak azaltzerakoan onberagoak izateko.

Gai serioagoetara itzulita, kolapsoaz hitz egitean mundua amaituko den eguna imajinatzen dugu, baina jadanik kolapso txikiak ikusten ari gara. Agian horietatik lezioak atera daitezke?

Gehienez ere lortu dezakeguna da kolapso diferitu bat, derrepentean eta mundu osoan izan beharrean, pixkanaka hedatzen doan kolapso bat; horri esker gauzak zuzentzen eta egokitzen joan ahal izango genuke gizartean eta jardueretan. Erresuma Batukoa, adibidez, kolapso bat izan da, Brexit-arekin: globalizazioaren garaian horrelako herrialde batek “paso” esatea, esperimentu ikaragarria da. Krisi ekonomiko handietan holakoak ikusi ditugu.

Desazkundearekin posible izango da oparotasunean bizitzea?

Lehenenik kolektiboki definitu beharko genuke zer den oparotasuna. Jarraitzen badugu pentsatzen oparotasuna dirua dela, gaizki goaz. Zenbat energia behar dugun, haur batek egin dezakeen galdera den arren, erantzuna zaila dauka. Horri buruz artikulu bat aurkitu nuen, [Robert B.] Jackson eta haren kolaboratzaile batzuek sinatua: bederatzi ongizate eta osasun adierazle kontuan hartuta, esaten du Espainia bezalako herrialde batean erdia kontsumituta nahikoa dela osasuntsu eta pozik bizitzeko. Baina proposatzen zaiguna ez da hori, baizik eta oraingo energia bost aldiz biderkatzea, hori bai, dena oso berriztagarria eta garbia.

Ordezkatzeaz hitz egiten da, baina ez hainbeste gutxitzeaz…

Noski, eta energia berriztagarrietara pasatzeak bere horretan ez digu arazoa konponduko, lortuko duguna da muturrekoa atzeratzea. Efizientziarekin edo ekonomia zirkularrarekin antzera gertatzen da, ez dira inolaz ere irtenbide bat, baina arazoa atzeratzen dute. Zuk lehen ogia zeneukan bi egunetarako, eta efizienteagoa zarenez orain lau egunetarako izango duzu, baina azkenean ogia amaitu egingo da.

Aldiz, oparotasuna zer den birdefinitzen badugu, ulertuko dugu zer daukagun irabazteko. Badago kontzeptu bat oso boltxebikea dena, aberastasunaren banaketa. Lehenengo mailako termodinamikarekin ikasten da hori: aberastasuna banatzea baliabideak efizientziaz erabiltzeko modu bat da, eta benetan osasuntsuagoak eta zoriontsuagoak izango gara, baita gehien dutenak ere. Horregatik ikusten dut krisi ekosoziala aukera bat bezala.

Nabari da saiatzen zarela gauzak ikuspegi baikorrez azaltzen.

Ez dakit, behintzat bakoitzak eraman dezala mezu horren zatitxo bat etxera. Zeini esango diozu ezin duela Karibera hegazkinez joan, txartela ordaindu badezake? Debekatuta Karibera bidaiatzea! Zer lortuko duzu? Debekatu beharrean, kontatzen badiozu energia aurreztuko dugula, hobeto biziko garela…

Naturarekin “harreman toxiko” bat daukagu eredu kapitalistaren ondorioz, diozu. Zer behar da eredu hori aldatzeko?

Niri asko gustatzen zait “aldaketarako matematiken” gaia ateratzea. Matematika horiek ez dute gehiengoez hitz egiten, ez duzu gehiengorik behar, erabaki bat hartzen saiatzeko oso modu baldarra iruditzen zait niri gehiengoarena. Aldaketarako matematikek diote, modeloen arabera, biztanleriaren %12-13tik %18-19ra bitartean nahikoa dela dena aldatzeko. Matematikak gauza zehatza dira, baina zorionez gizateria ez da soilik zenbaki kontu bat eta beste osagai batzuk ere badaude, posible egiten dutena oso zaila iruditzen zaiguna aldatzea. Entzungo zenuen zerbait inflexio-puntu klimatikoei buruz… ba inflexio-puntu humanoak ere badaude.

Baina horretarako lehenik aldaketan sinetsi eta konfiantza eduki behar da, ezta?

Aurrekoan irakurri nuen, baliabideak eta azken petrolio tanta ustiatzen jarraitu ahal izateko, sistemak beharrezkoa duela demokrazia hondatzea. Eta nola egiten du hori? Historian askotan egin izan duen bezala, desinformazioarekin. Azkenerako ez duzu ezer sinesten eta benetako gaitasuna duten lider naturalekiko konfiantza ere galtzen duzu.

Klima larrialdia zientziaren eta datu hutsen bidez aztertu ohi da. Baina jendearen emozioak eta erreakzioak ulertzeko beste begirada bat behar da?

Humanitatearen kontu batez ari bagara, erreprimituriko jendea ere inplikatu behar da elkarrizketa horretan. “Jakintsuen” komiteak ikusten badituzu, gehienak gizonezkoak, zuriak eta 50 urtetik gorako fisikariak edo ingeniariak dira. Non daude inoiz ez daudenak? Non daude antropologoak eta soziologoak? Klimari buruzko dekalogoak idazterakoan jabetu gara komunikazioaren arloan ez garela jendearengana iristen ari. Eta emozioekin ere badago eztabaida, zientzialariok “pasioz” idatzi behar ote dugun edo militanteak izan gaitezkeen… Nola ez gara izango! Inoiz baino gehiago behar dugu hori orain. Nik desobedientzia zibileko ekintzak egin izan ditut, jasotako sariez disfrutatzen egon beharrean.

Mehatxuak ere jaso dituzu Valentziako DANAren harira egindako adierazpenengatik.

Eta beldurra pasa dut, baina ondorengo babesak erakutsi dit jendeari ez zaiola gustatzen gorroto giro hori. Hala ere, iruditzen zait gizartea lozorroan dagoela duela hamarkada askotik hona. Pentsatu izan dugu gerra aspaldiko kontua dela, gazta onik ez zaigula faltako… eta egia deserosoen aurrean begiak itxi ditugu. Injustizia sozialen, giza eskubide urraketen eta ingurumen lege kaltegarrien aurrean ez nabarmentzea hautatu dugu.

Nabarmendu?

Bai. Nik ez diot inori exijituko aktibista izatea, baina bai gorrotoaren aurrean nabarmentzea. Are gehiago Trumpekin eta antzekoekin gainera datorkiguna ikusita. Nahikoa da sare sozialetan like sakatzea, edo ile-apaindegian astakeriak botatzen ari denari “uste dut ezetz” esatea. Ultraeskuina kutsu oso biolentoa ari da hartzen, eta jendea isilik geratzen bada, azkenean zer jan edo edan behar dugun ere esango digute. Eta matxismoa, pederastia edo nazismoa marra gorriak diren moduan, klima aldaketa ere bada, milioika lagun hiltzen dituelako.

Azaroan Kolonbian egin zen COP16an, bioaniztasun galeraren arazoa CO2 isurien mailan jarri zen lehen aldiz. Zergatik ez zaio orain arte halako garrantzirik eman?

Planetak dituen mugen artean, bioaniztasun galerarena da gehien gainditu duguna, askogatik. Klima aldaketarekin baino egoera arriskutsuagoan gaude bioaniztasun galerarekin, baina herrialde kapitalistetan aspalditik datorren kosmobisio arazo bat dago atzean: gizakia “espezie aukeratua” dela pentsatu izan da, dena dagoela bere zerbitzura.

Lehen motibazioez hitz egin duzu, zein nabarmenduko zenuke elkarrizketa amaitzeko?

Gogoratu dezagun zenbat irabazi dezakegun gauzak beste modu batera eginda, ez dezagun sakrifizio bezala hartu. Beldurra, adibidez, ez da motibazio nahikoa. Badaude gauza batzuk ez direnak batere ziurrak eta zoriaren esku daudenak. Everestera oxigenorik gabe igotzea teknikoki ezinezkoa omen zen, baina  eskalatzaileek ez zuten serio hartu eta esan zuten, banoa! Ziurra ez dena posible egite hori oso humanoa da, eta esperantza sortzen du.