Non à la LGV, oui aux trains du quotidiens – Notre argumentaire

Le projet de Ligne à Grande Vitesse (LGV) du Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO), avec son tronçon prévu entre Bordeaux et l’Espagne est présenté comme un progrès nécessaire. A l’opposé, de plus en plus de citoyens voient dans le GPSO un projet délétère sur le plan financier, environnemental, économique, mais aussi sur l’aménagement des territoires et sur la réponse donnée aux besoins de mobilité au quotidien. 

Au Pays Basque nous nous battons depuis plus de 30 ans contre ce projet qui incarne un modèle de développement obsolète, injuste et destructeur pour les raisons suivantes :

1. Un désastre écologique et climatique aux conséquences irréversibles

Le projet de LGV est avant tout un saccage environnemental programmé.

• La construction va émettre plusieurs millions de tonnes de CO2 avant même la mise en service du premier train. Le bilan carbone du projet est très incertain, il faudra peut-être plusieurs décennies pour qu’il devienne positif. 

• Le report modal (utilisation du train au lieu de la voiture ou de l’avion), argument écologique majeur des promoteurs du projet, est surestimé et très incertain lui aussi.

• L’emprise totale du projet est immense : 6 300 hectares de terres seront sacrifiés. Cela inclut des espaces vitaux et emblématiques de notre territoire :

• 1 500 hectares de terres agricoles, essentielles pour notre souveraineté alimentaire et pour l’activité de 470 exploitations.

• 3 300 hectares de forêts  qui sont des puits de carbone naturels

• 370 hectares de zones humides et 90 plans d’eau

• Cette destruction massive va fragmenter les écosystèmes et fragiliser la biodiversité.

• On s’attend aussi à des perturbations de l’hydrographie, à l’imperméabilisation de certaines zones, ainsi qu’à la pollution des sols et des eaux.

• L’exploitation de nouvelles carrières et l’acheminement de millions de m3 de matériaux nécessaires à la construction de la ligne.

2. Un gouffre financier et une injustice économique

La LGV encourage une course au « toujours plus vite » extrêmement énergivore. Le GIEC recommande pourtant de stopper rapidement cette tendance. Ce modèle va à l’encontre d’une société sobre et respectueuse des limites planétaires, basée sur la relocalisation, à laquelle nous aspirons. La lutte contre la LGV s’inscrit dans le combat pour stopper l’artificialisation des terres, protéger les écosystèmes fragiles et diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

Le coût de ce projet est pharaonique : 14 milliards d’euros, un chiffre qui pourrait encore augmenter et qui est un « casse-tête en matière de financement ».

• La politique française du “tout LGV” est responsable de la dégradation du réseau ferré classique, vieillissant et à la limite du décrochage, ainsi que de l’endettement de la SNCF.

• 40% de ce coût sera financé par les collectivités locales, c’est-à-dire par les impôts locaux, via une taxe supplémentaire. Les personnes vivant à moins de 60 min d’une gare LGV paient déjà depuis 2 ans (et pour 40 ans) cette TSE avec la taxe foncière. Les collectivités locales se sont aussi engagées à compenser si l’Europe ne paie pas toute sa part (20%), à prendre en charge les évolutions du coût, et les frais de gestion. La phase Dax – Espagne n’est pas encore chiffrée et s’ajoute aux 14 milliards.

• Les territoires traversés par les lignes TGV en bénéficient peu mais ils en portent le coût financier ce qui est une injustice. 

• l’argent public mobilisé pourrait être utilisé pour des besoins bien plus essentiels et utiles à la population, comme le financement d’hôpitaux, d’écoles, ou de transports de proximité.

La LGV s’inscrit dans une logique de dépenses publiques considérables qui ne profitent qu’à une minorité d’usagers et au secteur du BTP qui tirera de gros profits de la construction, cela au détriment des besoins réels du territoire et de ses habitants.

3. Des conséquences sociales désastreuses, en particulier sur le logement

La LGV ne répond pas aux besoins de mobilité du quotidien de la majorité des habitants du Pays Basque : dans l’hexagone, 6% des usagers du train circulent sur des lignes à grande vitesse.

• Ce projet favorise les cadres et les habitants des grandes métropoles, ainsi que ceux qui ont les moyens d’acheter des billets de TGV coûteux. Le nombre d’arrêts est réduit au minimum pour réduire le temps de trajet ; les horaires sont optimisés pour les usagers des métropoles.

• La LGV risque d’accroître la métropolisation, en concentrant les emplois et activités dans les grandes villes bien desservies, et en désertifiant les territoires traversés qui profiteront surtou des nuisances. 

• Elle favorisera le déménagement de populations de la capitale et des métropoles vers les zones côtières attractives, sur un terrain préparé par la généralisation du télétravail post-covid.

• L’expérience à Bordeaux a montré que l’arrivée de la LGV a provoqué une forte hausse du coût des logements (+13% en 2018), rendant la vie impossible pour les classes populaires. Au Pays Basque, où la crise du logement est déjà très vive, avec une spéculation immobilière qui rend le logement inabordable pour beaucoup, ce projet risque d’accélérer la gentrification. Il menace directement la possibilité pour les habitants attachés à leur territoire de pouvoir y vivre.

• La construction va générer des centaines d’expropriations ce qui peut représenter de grandes souffrances dans le cas de maisons familiales. Elle va également engendrer des nuisances pour les riverains.

Le projet contribue à un modèle de société où les services et les richesses se concentrent dans les métropoles, reléguant les populations précaires en périphérie, exacerbant ainsi la fracture entre les territoires.

4. Un déni flagrant de démocratie locale

Le projet de LGV a été largement rejeté par les habitants et leurs représentants locaux.

• Les enquêtes publiques ont donné un avis défavorable à plus de 90%.

• Le projet est passé « en force » sous Déclaration d’Utilité Publique malgré de nombreux recours.

• La Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB), représentant 158 communes, s’est prononcée très majoritairement contre la LGV (80% contre en décembre 2021).

• Les trois députés des circonscriptions basques sont opposés au projet.

• Tous les élus départementaux ont voté en faveur de la modernisation des voies existantes.

•  Ce projet d’envergure hexagonale siphonnera les budgets des collectivités locales et 

• Un appel lancé par les maires de Bordeaux, Bayonne et Irun pour la modernisation des voies existantes a été signé par 634 élus.

• L’opposition populaire est forte, marquée par quatre grandes manifestations, dont deux de 15 000 personnes, et une pétition signée par plus de 23 600 personnes. Ignorer un tel niveau d’opposition, tant de la part de la population que des élus locaux, et ne pas écouter la « voix citoyenne », est un déni de la démocratie locale.

5. Une menace pour la dynamique culturelle et linguistique du Pays Basque

La LGV s’inscrit dans un « modèle caduc d’hypermobilité » et de développement basé sur la croissance et la métropolisation, qui est en contradiction fondamentale avec notre aspiration à construire un Pays Basque souverain, soutenable et solidaire, inclusif envers tous ceux et celles qui le désirent.

• Le projet renforce un modèle d’aménagement du territoire clivé, qui favorise les grandes métropoles au détriment des zones rurales et périphériques, menaçant ainsi l’équilibre et la vitalité de l’ensemble du Pays Basque.

• A l’image de la biodiversité, la diversité linguistique et culturelle est synonyme de richesse et de résilience, face à une uniformisation mondialisée de la culture. Le Pays Basque est un territoire ayant une culture vivante et forte et une langue, l’euskara, plus vieille langue parlée d’Europe riche de plus de 700 000 locuteurs. Selon la dernière enquête sociolinguistique, le nombre de locuteurs est stabilisé en Pays Basque nord mais la proportion diminue du fait de l’augmentation du nombre d’habitants. Or la LGV favorise l’arrivée d’une population aisée attirée par l’image carte postale du Pays Basque mais qui vivrait ou a vécu indifféremment dans n’importe quelle métropole, qui pratique le télétravail, contribue très peu à la vitalité du territoire et ne s’inscrit pas dans la dynamique culturelle et linguistique locale..

La LGV représente un modèle centralisé et extractiviste qui s’oppose à la relocalisation que nous prônons, une relocalisation basée sur la connaissance du territoire, la solidarité, le mouvement coopératif et les liens sociaux, culturels et linguistiques et la construction d’un modèle alternatif respectueux.

Une alternative réaliste et respectueuse existe

Contrairement aux arguments des promoteurs de la LGV, les lignes existantes ne sont pas saturées. Surtout, l’alternative de la modernisation des voies existantes est une solution viable et bien plus pertinente.

• Elle coûterait beaucoup moins cher.

• Elle réduirait presqu’autant le temps de trajet sur le tronçon Bordeaux – Bayonne : 1h19 contre 1h35 actuellement (et 1h15 pour la LGV). 

• Elle serait moins destructrice pour l’environnement et émettrait moins de CO2.

• Elle provoquerait beaucoup moins de nuisances.

• Elle est mieux adaptée aux besoins de transport du territoire, y compris le développement essentiel du fret ferroviaire qui est bien plus écologique que le transport routier.

• Elle améliorerait la qualité, la rapidité et la fluidité du service sur le réseau actuel.

• Elle augmenterait le nombre maximal de trains (TER, fret, TGV) pouvant circuler chaque jour sur la ligne.

Cette solution alternative s’aligne bien mieux avec la vision d’un développement soutenable et répond aux besoins quotidiens réels de mobilité des habitants du Pays Basque avec un meilleur maillage et un réseau mieux entretenu (plus fiable, plus performant, moins de retards), plutôt qu’à l’objectif de gagner « quelques minutes pour aller à Paris ».

Le projet de LGV est un projet du passé, imposé malgré une forte opposition locale, inutile pour les besoins quotidiens des habitants, économiquement insoutenable, écologiquement dévastateur, socialement injuste et menaçant pour la spécificité et l’identité de notre territoire.

L’argent public doit être réinvesti dans des alternatives soutenables, dans l’amélioration de nos transports de proximité, la rénovation de nos infrastructures existantes, la lutte contre la crise du logement, la préservation des terres agricoles et naturelles, et la construction d’un avenir basé sur la solidarité, la sobriété et la souveraineté locale.

La LGV passera sur les communes suivantes du Pays Basque nord :

  1. Lehuntze / Lahonce
  2. Mugerre / Mouguerre
  3. Hiriburu / Saint-Pierre-d’Irube
  4. Milafranga / Villefranque
  5. Basusarri / Bassussarry
  6. Ustaritze / Ustaritz
  7. Arrangoitze / Arcangues
  8. Arbona / Arbonne
  9. Ahetze
  10. Senpere / Saint-Pée-sur-Nivelle
  11. Donibane Lohizune / Saint-Jean-de-Luz
  12. Ziburu / Ciboure
  13. Azkaine / Ascain
  14. Urruña / Urrugne
  15. Biriatu / Biriatou

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