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Bilan du mandat 2020-2026. Partie 5/7 Agir pour une économie locale par le développement de l’eusko

A quelques mois des élections municipales et communautaires, nous détaillons pour vous le bilan écologique du mandat qui s’achève. Pendant six ans, Bizi! a suivi et accompagné 56 communes et l’agglomération pour qu’elles réalisent le Pacte de métamorphose écologique du Pays Basque contenant 7 thématiques : mobilités, maitrise de l’énergie dans les bâtiments, production d’énergie renouvelable, agriculture et alimentation, monnaie locale, déchets et économie circulaire, mise en place du Plan Climat. L’heure est au bilan : où en est-on ?

Cette semaine, nous faisons le point sur l’économie locale par le développement de l’eusko : quelles sont les tendances ? quels sont les grands enjeux ? comment se situe le Pays Basque à l’issue de ce mandat 2020-2026 ? que doit-on arrêter et quels sont les exemples à généraliser ?

Le texte suivant est issu du rapport Des petits pas, loin des promesses et de l’urgence – État de la métamorphose écologique au Pays Basque, à retrouver en intégralité sur le site pacte2026.bizimugi.eu. Vous y trouverez également les résultats détaillés commune par commune.

La finance, levier stratégique de la métamorphose écologique

D’après le seizième rapport Banking on climate chaos (en français : Capitaliser sur le chaos climatique), les soixante-cinq premières banques mondiales ont assuré 869 milliards de dollars de financements aux producteurs de charbon, de pétrole et de gaz en 2024, soit 23 % de plus que l’année précédente. Près de la moitié de ces financements – 429 milliards de dollars (368 milliards d’euros) – sont même allés à des entreprises qui continuent de lancer de nouveaux projets d’exploitation des énergies fossiles.

En 2024, les établissements bancaires français se positionnent au deuxième rang européen en matière de financements accordés aux énergies fossiles, derrière le Royaume-Uni et nettement devant l’Espagne, ainsi que l’Allemagne. La BNP Paribas demeure l’acteur principal à l’échelle hexagonale, avec un volume de financements estimé à 14,1 milliards de dollars, la plaçant au 24ᵉ rang mondial. Le Crédit Agricole et la Société Générale suivent, occupant respectivement les 27ᵉ et 39ᵉ places du classement international. À contre-courant de cette tendance, la Banque Postale s’illustre par une politique d’exclusion des énergies fossiles parmi les plus strictes en Europe : aucun financement n’a été consenti en 2024 à des entreprises directement productrices de pétrole, de gaz ou de charbon. Néanmoins, 36,9 millions de dollars ont été alloués à trois sociétés intervenant dans des activités connexes, telles que le raffinage, la production d’électricité fossile ou la logistique des combustibles. Enfin, le groupe BPCE se distingue comme la seule banque française ayant accru ses engagements dans le développement des énergies fossiles par rapport à 2021, pour un montant de 4,2 milliards de dollars.

Ainsi, malgré l’adoption de politiques de “neutralité carbone” et divers engagements climatiques formulés au cours des années précédentes, les grandes banques mondiales sont revenues sur une partie de leurs promesses et ont sensiblement accru leurs financements en direction des énergies fossiles, soutenant même l’expansion de ce secteur.

Or, dans son rapport pour atteindre la neutralité carbone67, l’Agence Internationale de l’Énergie est formelle : en conséquence directe des trajectoires énergétiques impliquées par le scénario “zéro émission nette”, les États et les entreprises doivent immédiatement cesser de procéder au développement de nouveaux gisements d’énergies fossiles et, au contraire, se reporter massivement sur les énergies bas-carbone.

Des financements à contre-courant en France

Alors qu’ils devraient fortement diminuer, les investissements fossiles connaissent une légère croissance depuis 2022. A l’inverse, la nécessité de réorienter les financements vers des solutions bas-carbone se heurte pourtant à un ralentissement des investissements pour le climat. Selon l’Institut d’économie pour le climat, après une progression soutenue entre 2021 et 2023, ils se sont établis à 102 milliards d’euros, soit une baisse de 5 % par rapport à l’année précédente. Cette diminution concerne particulièrement la construction performante, la rénovation énergétique et certaines filières renouvelables, telles que l’éolien en mer et le biométhane. Les premières estimations pour 2025 confirment cette tendance, avec un niveau quasi stable à 103 milliards d’euros.

Ce repli s’explique à la fois par un contexte économique défavorable mais aussi par une réduction des dépenses publiques en faveur du climat, notamment des reculs dans le soutien de l’État à la rénovation énergétique, l’acquisition de véhicules électriques ou encore pour les infrastructures de transport en commun. Bien qu’ils ne représentent que 16 % du total des investissements climat, ces soutiens publics sont essentiels pour garantir la rentabilité des projets et compenser les limites financières des ménages et des entreprises. Les besoins de financement restent donc importants : pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, il faudrait augmenter les dépenses publiques d’investissements de 52 milliards d’euros d’ici 2030, par rapport à 2024. Montant qui pourrait être réduit à 18 milliards grâce à une réglementation renforcée, une réforme fiscale et un recentrage des aides mais qui pourraient accentuer les inégalités face au coût de la transition.

Le GIEC confirme le déséquilibre majeur en constatant que “les flux financiers privés et publics vers les énergies fossiles sont toujours plus importants que ceux pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique”69. Mais alors, comment permettre une nouvelle circulation monétaire qui n’alimente pas ces organisations qui nous mènent droit dans le mur ?

Les Monnaies Locales Complémentaires

En France, les Monnaies Locales Complémentaires (MLC) se développent depuis 2010 et disposent d’une base juridique depuis 2014, avec l’adoption de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. On en dénombre aujourd’hui 82, ce qui couvre environ 37,5 % des communes du pays. Une unité de monnaie locale a la même valeur comptable et fiscale qu’un euro (1 eusko = 1 euro). Il s’agit d’un dispositif monétaire qui ne peut être utilisé que sur un secteur restreint, une commune ou une communauté de communes, et destiné à circuler dans une économie marchande locale. En effet, l’impossibilité pour la monnaie d’être épargnée ou de quitter le territoire nous oblige à la faire circuler localement. Les monnaies locales sont des moyens utiles pour relocaliser l’économie et accélérer la métamorphose écologique. À la différence d’un euro, qui va rapidement quitter le territoire et peut finir sur les marchés financiers, la monnaie locale va circuler uniquement au sein de l’économie réelle du territoire et soutenir l’emploi local.

Les bénéfices observés de l’eusko

1ʳᵉ monnaie locale d’Europe par la taille de réseau et le volume des transactions (plus de 4,4 millions d’eusko en circulation), l’Eusko développe ainsi les circuits courts de proximité et sa charte exclut les pratiques écologiquement non responsables. De plus, les euros convertis en eusko sont placés dans un fonds de garantie au sein de banques éthiques ou solidaires – le Crédit Coopératif et la Nef – qui financent des projets à forte plus-value sociale ou écologique. Euskal Moneta – association gérante de l’eusko – est en train de développer un projet avec des partenaires bancaires susceptibles de garantir qu’une partie du fonds puisse être mobilisée pour des investissements locaux. Les trois domaines prioritaires d’intervention seraient le logement social, les énergies renouvelables et le foncier agricole.

La charte d’adhésion de l’eusko assure que les entreprises adhérentes respectent les valeurs de l’économie locale, écologique, socialement responsable et de promotion de la langue basque. Ainsi, une communauté monétaire prend forme : les entreprises ont acquis, en moyenne, 4 nouveaux fournisseurs depuis leur adhésion à Euskal Moneta et 80 % d’entre elles déclarent utiliser l’annuaire des entreprises adhérentes. 1400 entreprises du Pays Basque emploient l’eusko. La monnaie produit un effet de signal, de labellisation, témoignant de valeurs communes, qui oriente les consommateurs et les entreprises. De plus, le mécanisme d’étanchéité monétaire pousse à aller chercher de nouveaux acteurs qui acceptent l’eusko.

L’effet multiplicateur est le facteur par lequel une dépense initiale est multipliée pour trouver l’ensemble des revenus qu’elle génère. Le cas de l’eusko a été étudié dans la thèse d’Oriane Lafuente-Sampietro, révélant des résultats impressionnants. Lorsqu’un euro est échangé en eusko, il génère 3 eusko de recettes pour les membres du réseau. Ainsi, en 2018, “les 546 555 euros échangés en eusko et dépensés en 2018 auront procuré 1 470 233 eusko de recettes aux membres de son réseau.”

De plus, 74 % des utilisateurs·rices déclarent orienter leur consommation en fonction de la possibilité de payer en eusko. Les effets se mesurent concrètement dans les comptes des entreprises. Etre membre d’une MLC depuis moins d’un an semble augmenter le chiffre d’affaires des entreprises de 8% en moyenne, alors qu’avoir adhéré à une MLC depuis plus de deux ans l’augmente en moyenne de 16%75. Ainsi, la “communauté de l’eusko” s’en trouve renforcée pour participer à la métamorphose écologique du Pays Basque.
L’eusko est également une monnaie solidaire, grâce au mécanisme du Don 3 % qui est un mécanisme de redistribution aux associations. Ce dispositif soutient des initiatives dans des domaines variés tels que l’environnement, la solidarité, l’éducation, la langue basque, l’agriculture paysanne, la culture ou le sport. À ce jour, plus de 390 000 eusko ont déjà été versés à 70 associations, sans coût pour les utilisateurs.

Bilan de mandat : Un soutien de l’eusko à renforcer

Les engagements du Pacte 2020

Agir pour une économie locale par le développement de l’Eusko : “Adhérer à l’Eusko dès 2020 puis, conformément aux possibilités offertes par le cadre légal actuel, autoriser le règlement en eusko des services publics locaux (cantines, piscines, centres de loisirs, CCAS…) et informer élus, agents, associations et entreprises de la volonté de la mairie de les régler en eusko.”

Aujourd’hui, 38 communes ainsi que la Communauté d’Agglomération Pays Basque sont adhérentes à l’eusko, soit près du double par rapport au début du mandat : Ahetze, Aincille, Ainhoa, Anhaux, Ascain, Ayherre, Bayonne, Biarritz, Bidart, Bidarray, Biriatou, Ciboure, Espelette, Gabat, Gamarthe, Itxassou, Hasparren, Hendaye, Lahonce, Macaye, Mauléon-Licharre, Mendionde, Ossas-Suhare, Ossès, Ostabat-Asme, Sare, Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Etienne-de-Baïgorry, Saint-Martin-d’Arrossa, Saint-Michel, Saint-Palais, Saint-Pée-sur-Nivelle, Saint-Pierre-d’Irube, Urcuit, Urepel, Urrugne, Ustaritz et Villefranque. Parmi les 19 communes ayant rejoint Euskal Moneta depuis 2020, 17 sont signataires du Pacte. Pour autant, 15 communes signataires n’ont pas respecté cet engagement : Aïcirits-Camou-Suhast, Aldudes, Ascarat, Banca, Béhasque-Lapiste, Caro, Estérençuby, Irouléguy, Jatxou, Laguinge-Restoue, Musculdy, Pagolle, Saint-Jean-le-Vieux, ainsi que Cambo-les-Bains et Mouguerre qui sont les 2 seules villes à ne pas avoir tenu parole.

L’utilisation réelle doit être renforcée au-delà de l’adhésion. Sur les 32 communes suivies adhérentes, seules 15 autorisent le règlement en eusko dans leurs services publics locaux, soit une augmentation de seulement 3 communes depuis 2023 (Ascain, Bayonne, Biarritz, Bidart, Biriatou, Ciboure, Hasparren, Hendaye, Itxassou, Sare, Saint-Étienne-de-Baïgorry, Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Palais, Saint-Pierre-d’Irube, Urrugne). Félicitations à Ascain qui, pour ce mandat, détient de loin le record d’eusko réglés en régie municipale : autour de 41 000 eusko! À Hendaye, plusieurs élu·es et/ou agent·es perçoivent une partie de leur indemnité en eusko. À Saint-Pierre-d’Irube, en plus de ces indemnités, deux associations reçoivent une subvention en monnaie locale. Quant à Ustaritz, où tou·tes les élu·es sont indemnisé·es en eusko, la commune accorde un supplément en eusko pour son aide à l’achat de vélos électriques.

Les mesures du Pacte 2026 pour le climat et les habitant·es du Pays Basque


RELOCALISER L’ÉCONOMIE

  1. Généraliser l’utilisation de la monnaie locale.
  2. Développer une économie circulaire, par la réparation, le réemploi et la réduction des déchets, au service de l’emploi local.
  3. Protéger la population de la publicité extérieure.

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