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Bilan du mandat 2020-2026. Partie 6/7  Agir pour une réduction des déchets et une économie circulaire

A quelques mois des élections municipales et communautaires, nous détaillons pour vous le bilan écologique du mandat qui s’achève. Pendant six ans, Bizi! a suivi et accompagné 56 communes et l’agglomération pour qu’elles réalisent le Pacte de métamorphose écologique du Pays Basque contenant 7 thématiques : mobilités, maitrise de l’énergie dans les bâtiments, production d’énergie renouvelable, agriculture et alimentation, monnaie locale, déchets et économie circulaire, mise en place du Plan Climat. L’heure est au bilan : où en est-on ?

Cette semaine, nous faisons sur la gestion des déchets, et la mise en place d’une économie circulaire : quelles sont les tendances ? quels sont les grands enjeux ? comment se situe le Pays Basque à l’issue de ce mandat 2020-2026 ? que doit-on arrêter et quels sont les exemples à généraliser ?

Le texte suivant est issu du rapport Des petits pas, loin des promesses et de l’urgence – État de la métamorphose écologique au Pays Basque, à retrouver en intégralité sur le site pacte2026.bizimugi.eu. Vous y trouverez également les résultats détaillés commune par commune.

Les tendances et objectifs hexagonaux

La production de déchets est devenue un problème structurel de notre économie et de notre mode de production. Depuis 2020, l’humanité a dépassé un seuil fortement symbolique : la masse de la production humaine dépasse celle du vivant. En d’autres termes, tout ce que les humains ont coulé, usiné, fabriqué, fondu, polymérisé, alésé, façonné pèse plus que l’ensemble des animaux, arbres, bactéries, champignons et autres créatures vivantes qui existent sur Terre.

L’évolution des modes de vie et de consommation a conduit à un doublement des volumes de déchets ménagers produits en quarante ans. La réduction de leur production ainsi que leur gestion efficiente constituent des leviers essentiels pour limiter la pollution de l’air, de l’eau et des sols, et représentent un enjeu central dans la métamorphose du territoire. 

Une économie véritablement circulaire

Même si les solutions de tri facilitant le recyclage s’améliorent et que la législation se renforce, la production de déchets est inhérente au choix de matériaux utilisés pour nos objets et activités. En effet, un cycle de vie n’est jamais totalement “bouclé” ou “étanche”. À chaque étape de traitement, il peut y avoir production de déchets, consommation d’énergie, consommation et pollution d’eau, etc.

Le recyclage vient souvent en premier à l’esprit quand on évoque les déchets et l’économie circulaire. Or, dans une politique conséquente de réduction des déchets, celui-ci n’intervient qu’en dernier ressort. Selon la méthode des 5R, il convient en premier lieu de refuser les consommations qui peuvent l’être, de réduire le gaspillage, de favoriser la réutilisation, le réemploi et la réparation, de composter les biodéchets puis de recycler.

La production de déchets ménagers et assimilés (DMA) – regroupant les déchets non dangereux issus des ménages mais aussi de secteurs tels que l’industrie, l’artisanat, le commerce, les écoles, les services publics, les hôpitaux ou encore le tertiaire, et collectés dans les mêmes conditions – a fluctué au cours des dernières années. En 2021, elle a atteint 615 kg par habitant, soit une progression de 4 % en dix ans. L’objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 n’a donc pas été respecté : il visait une baisse de 10 % d’ici 2020 par rapport à 2010, puis de 15 % d’ici 2030.

Les impacts de la mauvaise gestion des biodéchets

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, tous les ménages français doivent disposer d’une solution de tri à la source des biodéchets (déchets verts et alimentaires), proposée par leur commune ou intercommunalité. Ces solutions peuvent être, de manière complémentaire, le déploiement de la gestion de proximité des biodéchets, par le développement du compostage domestique (déploiement de composteurs individuels) ou du compostage partagé (déploiement de composteurs de pieds d’immeuble, de quartiers, ou encore en établissement), et le déploiement de la collecte séparée des biodéchets via une collecte supplémentaire à mettre en œuvre.

Pourtant, une grande partie des ménages ne dispose toujours pas de dispositif adapté. Six mois après l’entrée en vigueur de l’obligation, moins de 40 % des Français·es avaient accès à un service de tri des biodéchets, alors que les collectivités étaient informées de cette échéance depuis huit ans.

Cette situation a des conséquences importantes. Les biodéchets représentent toujours près d’un tiers des déchets non triés et leur gestion traditionnelle entraîne des impacts environnementaux majeurs : l’incinération consomme plus d’énergie qu’elle n’en produit et génère au moins une tonne de CO₂ par tonne traitée, tandis que l’enfouissement produit du méthane, un gaz à effet de serre 25 à 30 fois plus puissant que le CO₂ et favorise la formation de lixiviats pouvant contaminer les nappes phréatiques.

Des méthodes de valorisation existent, comme le Tri-Mécano-Biologique (TMB). L’objectif de cette technologie est de séparer les biodéchets après qu’ils aient été mélangés au reste des déchets, afin de les valoriser sous forme de compost ou de biogaz.

Cependant, la qualité du compost produit est très dégradée car il contient une quantité significative de microplastiques, résultant de son contact avec les déchets de la poubelle noire. La législation française autorise pourtant la vente de ce compost aux agriculteurs comme fertilisant, provoquant une pollution massive des sols et mettant directement en danger la santé humaine. Une étude de l’ADEME révèle que les microplastiques sont désormais omniprésents dans les sols français et ils ont également été détectés dans le sang, les poumons et divers organes. Leur accumulation est associée à un risque accru de pathologies cardiovasculaires, de troubles de la fertilité et de certains cancers.

De plus, la rentabilité des TMB est liée à la quantité de matière organique présente dans les ordures ménagères reçues, ce qui constitue une contre-incitation économique à développer le tri à la source. Celui-ci apparaît pourtant comme une solution clé : il permet de réduire les impacts environnementaux, de produire un compost organique de qualité, sans microplastiques, utilisable en agriculture ou pour l’entretien des espaces verts, et de générer du biogaz réutilisable localement ou injecté dans le réseau énergétique.

C’est pour ces raisons que la législation française a évolué pour mettre un coup de frein au déploiement de cette technologie en la classant comme non-pertinente et en interdisant d’ici 2027 l’utilisation du compost qui en est issu.

Au Pays Basque Nord, le syndicat Bil Ta Garbi, en charge du traitement des déchets, a privilégié le Tri-Mécano-Biologique pour gérer les biodéchets. Cette approche technologie induit les mêmes risques sanitaires qu’au niveau national et induit un retard dans le tri à la source des biodéchets localement.

L’absence d’objectif de réduction des GES pour le secteur déchets dans l’actuel Plan Climat Pays Basque interroge, d’autant qu’a contrario, une baisse importante est visée dans le projet de SNBC 3.

Bilan de mandat : Une réduction des déchets amorcée, à amplifier au Pays Basque

Les engagements du Pacte 2020

Agir pour une réduction des déchets et une économie circulaire

Définir une stratégie de prévention et de gestion des déchets en impliquant l’ensemble des habitants et acteurs du territoire. Trier les biodéchets à la source. Encourager la valorisation sur place avec le compostage individuel et collectif quand c’est possible. Sinon, mettre en place une collecte séparée des biodéchets de cuisine. Prendre des mesures pour améliorer la collecte du verre et aller vers la réutilisation grâce à des systèmes de consignes. Mettre en place une tarification incitative. Préférer promouvoir toute forme de réemploi grâce aux recycleries et aux lieux de réparation, plutôt que la recherche du 100 % recyclage.”

Au Pays Basque Nord, le traitement des déchets ménagers et assimilés est confié au syndicat mixte Bil Ta Garbi et la collecte des déchets à la CAPB. Pour autant, cela ne doit pas empêcher les communes de mener des actions pour impulser une dynamique zéro déchet auprès de leurs concitoyen·nes en lien avec l’agglomération et le syndicat ou via leur compétence propreté.

En 2023, la production de déchets par habitant·e du Pays Basque s’élève à 594 kg. Après avoir augmenté jusqu’à atteindre un pic en 2021, celle-ci a connu un salutaire retournement avec une baisse importante de 9 % en seulement deux ans ! Si cette tendance se poursuit, le territoire pourra rattraper son retard et atteindre l’objectif fixé par la loi AGEC : réduire de 15 % les déchets ménagers et assimilés par habitant·e d’ici 2030.

Plusieurs alternatives se développent au Pays Basque Nord comme les Carrioles Vertes, Resak, Oilategi, Les Retournées ou des Recycleries et Repair Cafés comme Aima, Lokala, Konpon Txoko, Errobil ou Recycl’Arte. Ces structures permettent d’éviter des tonnes de déchets grâce à la réparation et au réemploi et sont ouvertes à la collaboration avec les communes.

Au Pays Basque Nord, les communes accordent trop peu d’importance à la gestion des déchets, du fait de la délégation des compétences à la CAPB et au syndicat Bil Ta Garbi. En témoigne un score moyen de 0,4 sur 4 (seulement +0,1 depuis 2023), soit le plus faible score parmi l’ensemble des thématiques évaluées. Par ailleurs, la plupart des communes identifient encore à tort le recyclage comme principale action alors que, dans une approche 0 déchet, celui-ci n’intervient qu’après la prévention, la réduction du gaspillage, le réemploi et le retour à la terre.

L’obligation de proposer des solutions de tri à la source des biodéchets reste largement inappliquée : moins d’un tiers des foyers dispose actuellement d’une solution. Bil Ta Garbi a enfin adopté une stratégie générale de gestion des biodéchets d’après son rapport d’activité 2024, dont nous n’avons pas trouvé de publication en ligne. Le Programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA) 2024-2029 prévoit de Renforcer la pratique du compostage individuel et d’ Intensifier le déploiement du compostage collectif, en donnant la priorité à la gestion de proximité et au compostage sous toutes ses formes. Le comité Hitza Hitz salue l’augmentation des moyens humains pour accentuer la pratique du compostage (le passage de 1 à 3 maîtres composteurs et 18 guides composteurs), ainsi que les objectifs ambitieux de développement des composts collectifs pour rattraper le retard territorial sur les exigences légales, avec un objectif de 950 sites en pied d’immeuble en 2026 (contre 168 en 2024) et de 50 sites de compostage de quartier en 2026 (contre 21 en 2024). Cependant, il est étonnant que le dernier Rapport annuel 2023 du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimilés ne contienne aucun chiffre sur la situation des biodéchets et il est regrettable qu’aucun budget précis prévoyant un renforcement des moyens financiers ne soit communiqué. Par ailleurs, le PLPDMA fixe un objectif de réduction des biodéchets dans les ordures ménagères de 10 kg/hab. Or, selon le rapport d’activité 2024 de Bil Ta Garbi, “les restes de repas, épluchures et autres produits de cuisine représentent, en moyenne, encore 26 % de la poubelle noire sur le territoire, soit 60 kg/an/habitant”. Cela fixe donc un objectif de 50 kg/an/hab en 2029, très loin des recommandations de Zero Waste France et Zero Waste Europe qui préconisent un objectif de 25 kg / habitant / an de biodéchets restants parmi les ordures ménagères résiduelles en 2030.

Les ONG conseillent également de mobiliser une complémentarité de solutions et notamment la collecte séparée (notamment en porte-porte), qui permet de couvrir davantage de population et de sortir un maximum de biodéchets de la poubelle. La CAPB envisage d’en déployer une en 2025 dans les zones urbaines et à l’habitat collectif dense, où il sera compliqué d’installer des composteurs partagés, notamment pour les immeubles de plus de 45 logements. Une dizaine de communes et plus de 500 résidences (soit environ 73 000 habitants) pourraient être concernées. Pour y répondre, les collectivités doivent solliciter Bil ta Garbi pour mettre en place des solutions concrètes. 32 communes obtiennent un score de 0 sur cette action et 8 villes sur 15 affichent un score de 0 ou de -1, traduisant l’absence de tri à la source dans les services municipaux et/ou aucune demande faite à Bil Ta Garbi. Charge aux prochain·es élu·es de mettre en place des solutions pour réduire nos déchets en fertilisant les terres du Pays Basque.

Le soutien de la CAPB à l’association Les Retournées, qui œuvre pour le retour de la consigne des emballages en verre, est à saluer. L’association développe une nouvelle activité autour du réemploi des « pots et bocaux » et installe une unité de lavage au Centre européen de Frêt, dans un local de 250 m², mis à disposition par la Communauté d’Agglomération du Pays Basque avec un loyer réduit, pour aider à l’installation et au lancement de l’activité.

Il est incompréhensible que l’engagement du Pacte de métamorphose écologique à Mettre en place une tarification incitative n’ait absolument pas été respecté, alors qu’elle a pourtant été mise en place dans la Communauté de communes du Béarn des Gaves, adhérente au syndicat Bil Ta Garbi. La tarification incitative est un mode de facturation du service de gestion des déchets où le montant de la facture varie en fonction de la quantité de déchets produite par les ménages. Ce système repose sur l’introduction dans la facturation d’une part variable, dite “incitative”, car elle a pour objectif d’inciter les citoyen·nes à réduire leur production de déchets, et par conséquent, le montant de leur facturation. Il existe en France deux systèmes de facturation des déchets, qui peuvent tous les deux exister de façon incitative : la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), fondée sur la valeur foncière de l’habitat et la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), qui repose sur la facturation des coûts du service rendu.

Il est d’autant plus inexplicable que la CAPB ne l’ait pas mise en œuvre que, selon un bilan de l’Ademe, lors du passage en tarification incitative, les ordures ménagères résiduelles baissent de 30 % en moyenne sur les territoires la mettant en place. Ce passage a également un impact direct sur le tri, avec une augmentation des flux emballages/papier (+17 % après passage en TI) et verre (+10 %).