Bizi !

Articles du Vendredi : Sélection du 18 mars 2022


Jean Jouzel : « Imaginer que les solutions technologiques nous sauveront du désastre est d’un extrême égoïsme »
Nolwenn Weiler
https://basta.media/Ecologie-Climat-Giec-interview-Jean-Jouzel-rechauffement-geo-ingenierie-silence-des-elites

Le nouveau rapport du Groupe international d’experts sur le climat (Giec) alerte avec force sur les conséquences du dérèglement climatique si rien n’est fait. Le silence des élites inquiète le climatologue français Jean Jouzel. Entretien.

asta! : Le nouveau rapport du Giec, rendu public fin février, n’a pas suscité beaucoup de réactions. Comment expliquez-vous le silence qui entoure ces alertes sur le dérèglement climatique, qui concerne pourtant chacun.e d’entre nous ?

Jean Jouzel : J’espérais, compte tenu de l’échéance de l’élection présidentielle, que le sujet serait cette fois plus audible. Mais, hélas, la situation très critique en Ukraine a pris tout le devant de la scène médiatique. En même temps, c’est toujours un peu le problème avec cette question du dérèglement climatique. C’est une priorité mais qui passe toujours derrière d’autres priorités. La difficulté, c’est que, même si les conséquences se font déjà sentir, c’est un problème à long terme. Et nos politiques, comme nos médias, ont tendance à s’intéresser plutôt aux problèmes à court terme. Je comprends bien sûr les problèmes urgents que pose la guerre en Ukraine. Mais n’oublions pas qu’elle a une composante énergétique indéniable, et donc une certaine composante climatique dans la mesure où les combustibles fossiles sont les premiers contributeurs à l’effet de serre. La guerre nous rappelle l’urgence de la question de l’indépendance énergétique.

Le gouvernement ne peut pas tout. Les échelles locale et régionale sont évidemment très importantes car c’est là que se fera l’essentiel de l’adaptation. Se loger, se nourrir, se déplacer : c’est au niveau local que cela se passe car les réalités ne sont pas les mêmes en bord de mer ou dans les Alpes pour ne citer que ces exemples.

Quant aux solutions technologiques, je n’y suis pas favorable. D’abord parce qu’elles nous font perdre un temps précieux en se plaçant dans cette logique qui prétend que quand le problème sera là, on trouvera une solution. C’est dangereux et c’est faux. Personne n’arrêtera l’augmentation du niveau de la mer, ni l’acidification des océans. Il faut arrêter d’imaginer que l’on va, sans cesse, dominer la nature, et s’en faire plutôt une alliée.

La géo-ingénierie est identifiée comme « à risque » dans le dernier rapport du Giec. Pensons par exemple au « management » du rayonnement solaire, que l’on pourrait atténuer par l’envoi d’aérosols dans la stratosphère. Si pour une raison quelconque, comme une guerre par exemple, on devait stopper l’envoie d’aérosols, le réchauffement repartirait immédiatement à la hausse, avec des conséquences terribles. C’est vraiment mettre une épée de Damoclès au-dessus de la tête des jeunes. C’est d’un extrême égoïsme de la part de nos générations que d’imaginer que ces solutions technologiques nous sauveront du désastre.

On ne peut pas imaginer un monde dans lequel l’effet de serre continuerait à augmenter indéfiniment. La seule solution c’est d’atteindre la neutralité carbone. Et ce n’est pas dans 30 ans qu’il faudra s’y mettre. C’est tout de suite. C’est très clair. On parle quand même de la moitié de la population mondiale, c’est à dire 3 milliards d’habitants qui sont à risque à cause des évènements climatiques, dont 1 milliard dans les régions côtières à cause de l’élévation du niveau de la mer.

« Quand on sera sortis de l’énergie fossile, la conflictualité sociale n’aura pas disparu »
Pablo Maillé
https://usbeketrica.com/fr/article/quand-on-sera-sortis-de-l-energie-fossile-la-conflictualite-sociale-n-aura-pas-disparu

Entretien avec le philosophe Pierre Charbonnier, qui appelle dans son dernier livre à la constitution d’une « culture écologique » qui devrait, selon lui, « prendre une importance et une centralité au moins égales à celles de la culture civique ordinaire  ».

L’écologie, grande absente des disputes présidentielles du moment ? « Nous constatons avec inquiétude l’absence de débat démocratique dans la campagne présidentielle sur les graves bouleversements en cours et à venir, qu’ils concernent le climat, l’océan, la biodiversité ou les pollutions », s’alarmaient en tout cas quelque 1 400 scientifiques le 1er février dernier, dans une tribune publiée sur le site de France Info. Cette apathie serait-elle un signe (parmi d’autres) de l’absence d’une « culture écologique » dans nos sociétés ? Comment faire advenir, le cas échéant, un tel projet ?

À l’occasion de la parution de l’ouvrage Culture écologique (Presses de Sciences Po, 2022), nous nous sommes entretenus avec son auteur, le philosophe Pierre Charbonnier, chargé de recherche CNRS à Sciences Po au sein du Centre d’études européennes et de politique comparée, déjà auteur en 2020 d’Abondance et Liberté (La Découverte).

Usbek & Rica : Vous défendez dans votre nouveau livre l’idée que « la culture écologique, en un sens très large, doit prendre une importance et une centralité au moins égales à celles de la culture civique ordinaire, dans un contexte de crise majeure et en partie irréversible qui affecte nos relations au monde ». Qu’entendez-vous par « culture écologique », l’expression qui donne à ce livre son titre?

Pierre Charbonnier : Il y a un lien profond entre la structuration politique des sociétés et le type de savoir qui s’y répand. Ceci étant admis, on peut aujourd’hui constater un écart assez important entre l’énorme déferlante d’informations et d’angoisses véhiculées par la crise écologique, et la difficulté pour la plupart d’entre nous à se représenter correctement la nature de cette crise – c’est-à-dire par quels moyens elle dispense ses effets sur l’organisation sociale, les formes de pouvoir ou encore les structures économiques.

Nous faisons face à une injonction morale, essentiellement catastrophiste, à admettre la crise planétaire. Pourtant nous n’avons pas beaucoup de moyens issus de notre éducation ou des savoirs couramment diffusés dans la société pour appréhender réellement à la fois les origines historiques de cette crise et ses conséquences immédiates sur nos vies, mais aussi ses conséquences plus générales sur l’organisation, le gouvernement, le type de cap historique que l’on se donne pour y répondre. Cet écart-là est massif. Modestement, ce livre essaye de contribuer à le résorber.

Dans le cadre de cette réflexion, vous employez la métaphore de la lecture afin de défendre une « alphabétisation écologique », en soulignant notamment l’absence de culture écologique au sein des élites actuelles. Mais cette « alphabétisation  » devrait-elle uniquement être impulsée par le haut, par des élites « éduquées »? Ne pourrait-elle pas également sinspirer des réflexions en cours du côté de l’écologie populaire?

Le biais qui est le mien est celui de quelqu’un qui enseigne dans les études supérieures. Ce livre trouve d’ailleurs son origine dans des cours donnés à des étudiants en Master, ayant un niveau d’éducation assez avancé. En écrivant, j’avais en tête le problème que pose la formation des élites dirigeantes – que ce soit dans le public ou dans le privé. Il s’agit donc de faire reposer autant que possible la légitimité sociale de ces personnes sur une responsabilité à l’égard de la crise écologique. Dans la mesure où la crise écologique est le résultat d’une faillite massive des élites dirigeantes et où j’ai sous la main une partie de ces élites-là, j’essaye de leur dire : « Il faut que votre pouvoir soit entièrement gagé sur votre capacité à traduire politiquement cette expérience. À l’inverse, si vous êtes là pour faire fonctionner les institutions politiques comme elles ont toujours fonctionné, non seulement vous ne servez à rien mais en plus vous êtes nocifs historiquement! »

Ceci étant dit, on ne peut évidemment pas envisager seulement les choses ainsi. Sinon, on ne touche que quelques « pour cent » de la population – même si les élites jouent toujours un rôle particulier dans la société. J’aimerais donc que ce livre prenne aussi racine auprès des enseignants du secondaire, des militants, des gens qui essayent d’œuvrer pour diffuser plus largement dans la société les savoirs et les formes de mobilisation propres à la question écologique. J’espère que cela peut fonctionner, mais il faut reconnaître qu’il doit exister des formats d’écriture et de diffusion plus appropriés pour ce type de public.

Plus largement, la question que vous posez est liée aux rapports entre savoir et pouvoir. La caractéristique fondamentale des formes de gouvernement moderne est qu’elles sont toujours très proches du savoir – et en l’occurrence des savoirs sociaux, pas uniquement des mathématiques et des sciences de l’ingénieur, mais aussi du droit, de l’économie. Les entreprises de planification, par exemple, sont des moments au cours desquels l’investissement politique du savoir est très intense, et s’il s’avère que la transition doit être planifiée, alors on va retrouver cette intrication entre savoirs et pouvoirs.

Essayer de réorienter les structures épistémologiques de l’économie et du droit à la lumière de l’épreuve écologique est fondamental, car on équipe alors la gouvernementalité autrement qu’elle ne l’est au départ. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille pour autant négliger l’autre mouvement, qui consiste à équiper directement la société civile de nouvelles grilles de lecture de ses expériences de domination et de mobilisation – par exemple pour les aider à mieux lier la question sociale et la question environnementale.

Je vois bien l’écueil que peut faire apparaître la métaphore de l’alphabétisation, mais dans les « sociétés organiques » dont parle le sociologue Émile Durkheim, il y a toujours une partie de la société qui en éduque une autre. On peut le voir comme un problème, comme quelque chose de paternaliste… mais aussi comme une expression de solidarité sociale ! En revanche, je me garderais bien d’endosser un rôle d’avant-gardiste éclairant la société, car je suis moi-même le produit de processus de transmission du savoir.

Dans le livre, j’essaye d’ailleurs d’accorder la plus grande part possible aux savoirs construits à partir d’expériences subalternes. Plusieurs chapitres sont consacrés à ce que l’économiste Joan Martinez Alier appelle « l’écologisme des pauvres » ou encore à l’écologisme indien.

Le problème, selon vous, est que « l’environnementalisme prend forme à l’époque même où les forces matérielles de l’Anthropocène sont décuplées et qu’il n’y change rien, en tout cas rien de suffisamment notable pour que ce processus [que certains historiens appellent “la grande accélération”] soit freiné ou inversé  »…

De fait, ceux qui réfléchissent aux structures de la finance, du droit ou des formes administratives de l’État sont de moins en moins réticents à intégrer la dimension climatique à leurs réflexions pré-existantes. L’imprégnation des sciences de gouvernement par la question environnementale connaît, ces dernières années, une accélération assez spectaculaire. Dans les milieux universitaires, on voit plein de gens dont ce n’était pas le domaine de spécialité au départ s’en emparer. Ils ont entièrement raison de le faire, car l’écologie est une coordonnée empirique que personne ne peut laisser de côté.

Mais ce que je voulais surtout dire dans ce passage, c’est qu’il existe un paradoxe énorme dans la soi-disant « prise de conscience » graduelle du problème environnemental : celle-ci coïncide avec une aggravation – elle aussi graduelle – du problème. Des améliorations sur le plan environnemental existent. Par exemple, les rivières des pays d’Europe occidentale sont aujourd’hui moins polluées qu’au XIXe siècle… mais c’est simplement parce qu’on pollue autrement et ailleurs ! On peut donc se poser la question suivante, sur un mode quasi-complotiste : quel est donc ce mouvement social qui n’a aucun effet sur ce qu’il essaie de prendre pour cible ? Cette question, il faut à mon avis l’adresser directement aux écologistes : qu’avez-vous fait ? Quel bilan peut-on tirer de votre histoire ? Et puisque ce bilan paraît si négatif, que cela veut-il dire pour vous politiquement ?

La réponse que l’on donne généralement à cette question est : « Le socle intellectuel est le bon, c’est le rapport de force avec l’opposition qui est trop défavorable. » Mais je ne pense pas que cette réponse-là soit entièrement satisfaisante. Effectivement, le rapport de force est défavorable, mais c’est en partie à mettre au discrédit de la construction politique et militante de l’écologisme lui-même. Je pense par exemple à sa complaisance avec un certain universalisme humanitaire, qui consisterait à croire que l’on pourrait tout résoudre grâce à des faits scientifiques, au-delà de toute conflictualité sociale classique. Ou encore à la complaisance d’un certain environnementalisme à l’égard des sphères pro-business du capitalisme vert. Je pense donc qu’il ne faut pas raconter l’histoire de l’écologie politique comme une histoire progressive de la « prise de conscience ». Ce n’est pas du tout cela qui se passe.

Il existe, par ailleurs, un porte-à-faux spectaculaire entre le mouvement environnementaliste occidental, des pays riches, et la structure globale du problème environnemental, qui trouve une partie de ses racines dans l’histoire impériale et coloniale. Dans les pays comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, le problème est perçu de façon très différente par rapport à la France par exemple. Dans toutes ces régions du Sud global, il s’agit de se développer… en même temps que de prendre en compte le problème des limites planétaires, de la pollution et du climat. Le développement doit coïncider avec ce qu’on appelle ici « la transition ». C’est pour cette raison que le mouvement environnemental du Nord a beaucoup plus à apprendre du Sud que l’inverse. Quand on lit les penseurs de l’environnementalisme indien, on se rend compte que ce mouvement était, depuis le début, indissociable du mouvement social.

Restons sur l’enjeu de la temporalité. Vous vous intéressez aux différentes « matrices de modernisation » de ces derniers siècles, notamment la matrice temporelle, en arguant que cette matrice a consisté en « un schéma parfois prophétique qui a tendu à présenter l’avenir comme une succession linéaire de problèmes résolus ». C’est-à-dire? Et en quoi cette matrice est-elle aujourdhui bouleversée par lurgence écologique?

Très souvent, quand on s’intéresse à l’histoire des idées politiques, on a tendance à essayer de suivre les clivages idéologiques : on distingue le corpus libéral, le corpus socialiste et le corpus réactionnaire. On essaye de suivre l’évolution des conflits entre ces différentes matrices. Or, si on a pour fil directeur une anthropologie historique de la nature – en gros, comment est organisé notre rapport au monde extérieur -, les choses prennent un visage légèrement différent. Les idéologies continuent d’exister mais on trouve par exemple un point d’accord fondamental entre socialisme et libéralisme dans leurs attitudes respectives à l’égard du temps.

Ces deux systèmes de pensée politique sont d’accord sur l’idée de progressisme : selon eux, le temps suivrait une flèche linéaire allant d’un état moindre d’accomplissement historique vers un état plus prospère, plus développé. Le chemin pour y parvenir est différent, mais la théodicée historique est la même. De ce point de vue, il n’y a pas beaucoup de différence entre Adam Smith et Karl Marx dans la façon dont ils conçoivent leurs matrices temporelles.

L’historien marxiste Eric Hobsbawm le dit très bien dans ses livres : le socialisme et le libéralisme sont deux conséquences cousines d’une même idéologie politique. Face à eux, les réactionnaires introduisent un vrai clivage parce qu’ils refusent la représentation progressive de l’expérience de l’histoire du temps.

Maintenant, face à cette panne assez ancienne du progressisme, se pose la question de la place de l’écologie. Est-elle du côté des idéologies réactionnaires ? Si elle ne l’est pas ou ne veut pas l’être, comment réinventer le progressisme sans admettre que celui-ci est entièrement inféodé à l’idée de croissance ?

Comment vous situez-vous, justement, par rapport à ces questions? Où l’écologie devrait-elle situer ses propres « coordonnées temporelles », selon vous?

Prenons un exemple. La notion de « nature » telle qu’elle est souvent invoquée par les mouvements écologistes témoigne de la difficulté pour eux de forger à la fois une historiographie ou une philosophie de l’histoire conséquente. Ce concept a très souvent servi à verrouiller la représentation de l’histoire dans un espèce de fixisme, sur le mode : « Il y a un état naturel des choses, il faut s’y conformer ». Ceci alimente les tendances réactionnaires d’une certaine écologie politique.

En même temps, la réinvention d’un progressisme politique pose d’autres problèmes. Certains considèrent par exemple que la réponse à l’impératif climatique passe par un investissement massif dans de nouvelles formes de production et d’organisation du travail, ainsi que dans la rénovation totale des infrastructures d’énergie. C’est tout le projet du Green New Deal. L’idée est non seulement de faire de la croissance verte, mais aussi de la traduire en justice sociale parce qu’elle serait plus inclusive socialement, qu’elle permettrait d’augmenter les salaires et de construire des filières de formation plus intéressantes pour les classes populaires. Je suis totalement favorable à tout cela.

Le problème est qu’une fois qu’on aura réinventé ce système productif avec du keynésianisme vert et social, viendra inévitablement le temps où il faudra quand même « freiner » et abandonner l’idée d’une flèche du temps dont le moteur est la productivité. Quand on aura des transports publics gratuits et qu’on sera sortis du fossile, la conflictualité sociale n’aura pas disparu. Et le problème de la décroissance va se poser, à travers la question des limites des ressources, des stocks et des flux.

À propos du paradigme universaliste qui a sous-tendu ce projet de modernisation, vous écrivez que « la création, en 1992, d’une Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est un héritage de ce paradigme universaliste, à la fois incontournable et largement impuissant  ». Êtes-vous d’accord avec le chercheur François Gemenne quand il dit que « nous essayons de gouverner l’Anthropocène avec des instruments et des institutions qui datent de l’Holocène »?

Selon moi, le problème ne se situe pas vraiment au niveau des schémas de l’Anthropocène ou de l’Holocène. C’est un problème interne à la construction philosophique de la modernité. On peut dresser un parallèle entre l’Accord de Paris de 2015 et la Déclaration universelle des droits de l’homme signée après la Seconde guerre mondiale dans le cadre de l’ONU. Face à un traumatisme international majeur, la communauté internationale cherche à cette époque à se protéger de la possibilité de l’autodestruction. Se créent alors des institutions à visée universelle. Ensuite, on transpose cette matrice-là sur les enjeux environnementaux – d’abord en 1972 à Stockholm, puis à Rio en 1992. L’ONU propose de surmonter la conflictualité et l’émergence d’une nouvelle forme de mal absolu, de menace existentielle, en élaborant des proclamations à visée universelle.

Le problème, c’est que la déclaration universelle des droits de l’homme n’a jamais été suivie d’une protection effective des droits sur cette planète. Et pour cause : les proclamations universelles servent surtout à créer une tension entre les principes et les faits. Elles servent à mesurer l’écart entre ce que l’on veut pour nous-mêmes et ce que l’on a en réalité. Aujourd’hui, on constate que l’écart est important. Et on peut le déplorer, mais on n’a pas le chemin clé en main entre le principe et les faits. C’est vrai pour les droits de l’homme, mais aussi pour les droits de l’environnement. Il n’a jamais été question pour les COP d’avoir un pouvoir contraignant, elles ont été construites comme quelque chose de non-contraignant. Donc je ne rejetterai pas totalement les COP et les institutions internationales, précisément car elles permettent de constater cet écart, mais les moyens à créer pour combler cet écart sont à mon avis entièrement extérieurs au cadre créé par l’ONU. Cet écart est dépendant des politiques industrielles construites au niveau des États ou des coalitions internes au capitalisme globalisé. Le problème se pose à ce niveau-là.

Que voulez-vous dire quand vous écrivez que « l’humanisme universaliste et l’idéal de coopération scientifique d’après-guerre sont le terreau d’un environnementalisme dont le rôle historique est trop souvent négligé au profit de la constitution ultérieure d’un écologisme militant et contre-culturel »?

Prenons un exemple qui résonne avec l’actualité, celui du lien entre environnementalisme et pacifisme. Les mouvements écologistes ont fait très tôt la critique du nucléaire civil engagé pour la production d’électricité, et du nucléaire militaire engagé dans le cadre de la Guerre froide.

Dans ces mouvements, il existait alors un lien entre critique du consumérisme, critique de la surabondance énergétique et critique des politiques de pouvoir à l’échelle internationale adossées à la domestication des technologies nucléaires.

Cette ligne de construction idéologique a été très pertinente à son époque. Le problème est qu’elle n’avait pas vraiment de mordant géopolitique à l’époque de la Guerre froide, en particulier parce qu’on était dans un régime économique néo-fordiste où la plus grande partie de la population trouvait une réponse à ces demandes de justice sociale dans la croissance via l’augmentation des salaires et l’accès à de nouvelles formes de consommation. Et le dispositif de la dissuasion nucléaire, au bout du compte, semblait produire ses effets protecteurs.

Est-ce que, aujourd’hui, certains aspects de ce militantisme qui pouvaient avoir l’air un peu naïf à l’époque pourraient être réactivés dans une perspective plus réaliste, avec plus de mordant géopolitique ? Peut-être.

La ré-émergence d’un impératif à la fois pacifiste, critique vis-à-vis de la consommation et critique de la structuration géopolitique des rapports de force entre les grandes puissances pourrait être réactivé, mais dans le cadre d’un imaginaire politique assez différent. Certains, comme Yannick Jadot ces dernières semaines, essaient de le faire en avançant l’idée que l’indépendance énergétique n’est pas qu’une question climatique mais aussi une question d’indépendance vis-à-vis de régimes autoritaires. Sur le temps long de l’histoire, ce constat est juste, mais je ne suis pas sûr qu’à court terme cela suffise à construire un succès électoral.

D’autant qu’il y a un prix à payer associé à cette proposition : elle suppose qu’on accepte de retraduire la sobriété énergétique sous la forme d’une sanction économique infligée à un rival géostratégique. Pourquoi pas, mais cela confirmerait la transformation tendancielle, ces dernières années, de la question climatique en impératif de sécurité militaire internationale. Sur le papier, l’écologie politique peut tout à fait se prévaloir de cette nouvelle arme – la sobriété et les énergies renouvelables – pour mordre sur les conflits géopolitiques. Mais en même temps cela implique d’accepter que cette lutte politique prenne la forme d’une guerre économique. Et cela peut avoir des conséquences assez lourdes, à la fois car les enjeux sociaux sont mis au second plan, et car cela ouvre la voie à des sanctions futures pour faire plier des partenaires diplomatiques faibles à qui on dirait « Vous n’êtes pas assez forts sur la décarbonation, donc on vous inflige telle sanction ». Un peu comme le faisait le FMI [Fonds monétaire international, ndlr] pour faire « rentrer dans le rang » du néolibéralisme certains pays, il y a quelques années. Ce serait une sorte d’écologie punitive à l’échelle internationale, façon centre-droit. Beaucoup de collègues politistes ou économistes s’inquiètent de voir cet « ordolibéralisme vert » gagner du terrain.

Pour finir, revenons à une question d’actualité. Vous vous penchez brièvement dans le livre sur la question nucléaire, et plus spécifiquement sur le projet nucléaire tel qu’il a été défendu et porté au XXe siècle. « L’atome concentre ainsi les contradictions les plus frappantes de la modernité, à la fois promesse de sécurité et menace militaire stratégiquement adossées l’une à l’autre dans un gigantesque pari sur l’avenir  », écrivez-vous. Quel regard portez-vous sur le retour par la grande porte des débats autour du nucléaire dans le cadre de l’actuelle campagne présidentielle?

Le discours qu’a fait Macron il y a quelques semaines à Belfort sur les stratégies industrielle et énergétique de la France était important, mais cela n’a pas été relevé. La portée historique de cette prise de parole n’est pas négligeable. Elle revient à dire que le dispositif technopolitique des années 1950 reste valable en 2022. Selon lui, on pourrait construire l’avenir de l’État français sur la perpétuation d’un écosystème d’ingénieurs, de scientifiques et d’investissements budgétaires dans l’atome.

Le problème est toujours le même : cet investissement dans le nucléaire sert-il à maintenir le cordon sanitaire par rapport aux énergies fossiles, ou est-ce que cela va freiner le développement des énergies renouvelables en France ? Force est de constater que pour l’instant le nucléaire a fait les deux en même temps : il nous protège en partie du charbon, du pétrole et du gaz, mais il ralentit aussi de façon non négligeable l’investissement public dans les renouvelables. C’est un problème à la fois technique, social et de légitimité politique.

Je ne suis pas un anti-nucléaire par principe. Je ne pense pas que cette énergie constitue en soi une atteinte métaphysique à la nature. En revanche, il faut être très clair sur le fait qu’elle crée inévitablement des irréversibilités sociales pas entièrement bénéfiques, du fait des nombreux risques et nombreuses incertitudes qu’elle implique. Bien sûr, à court terme, la conjoncture fait qu’il semble impossible de désinvestir trop vite dans le nucléaire, sous peine d’être très limité en approvisionnement énergétique – et encore plus s’il s’avère qu’il faut complètement couper les ponts avec les énergies fossiles russes.

Bref, le retour du nucléaire en France doit se comprendre comme un pis-aller : on n’a pas mieux à proposer, donc on fait du neuf avec du vieux. C’est mieux que d’ouvrir des centrales à charbon, c’est sûr, mais c’est quand même faire du neuf avec du vieux.

Euskaraz Bizin
Elise Dilet
www.enbata.info/articles/euskaraz-bizin

Bizi ! a publié un guide pour intégrer l’usage de l’euskara dans son fonctionnement malgré une prédominance du français. Explication théorique et pratique à l’usage d’autres associations ancrées dans le territoire.

Non mais le basque c’est une langue morte, ce n’est que pour faire joli sur les panneaux…” Cette réponse apportée à des touristes curieux par un pseudo connaisseur du pays est caricaturale mais, sans aller aussi loin, nous connaissons tous des personnes natives du Pays Basque et qui y ont vécu toute leur vie, qui n’ont aucune idée de la vitalité et de l’importance de l’euskara.

Elles sont pour moi comme une huile incapable de se mélanger à l’eau qui la porte, vivant en deux dimensions dans un monde qui en compte trois…

Je ne vais pas leur jeter la pierre, ayant échappé à ce sort de justesse, mais cela montre pour moi l’importance de créer des passerelles, d’ouvrir des perspectives à ces personnes habitant notre territoire pour qu’elles dépassent le réflexe du : “ça c’est un truc de Basques, c’est pas pour moi”.

Percevoir que la langue basque est la clé pour être davantage en adéquation avec le pays où elles vivent, pour devenir partie prenante de sa grande richesse humaine et culturelle, c’est déjà faire un pas vers son apprentissage.

Un jour, elles découvriront qu’être basque, c’est surtout parler basque, et qu’elles peuvent faire le choix d’intégrer cette communauté dont elles se sentaient exclues…

Par la composition de ses adhérents (20 % environ d’adhérents bascophones, mélange de locaux et de nouveaux arrivants), son positionnement et ses choix d’action militante, Bizi a tenu de manière naturelle ce rôle de passerelle depuis sa création. C’est pour moi un élément fort de son identité et de sa force.

Les paroles de Catherine l’illustrent bien : “En adhérant à Bizi, je ne venais pas pour ça mais je me suis vite aperçue que l’euskara me manquait pour communiquer avec les autres adhérent-es : sur les stands que nous tenons régulièrement, mais aussi dans les échanges du quotidien. Alors, depuis octobre, je suis des cours à AEK. Cela fait 20 ans que j’habite en Iparralde et cette année j’ai vraiment découvert un autre Pays Basque à ma grande surprise. C’est en parlant l’euskara que l’on peut vraiment comprendre ce pays et surtout ceux qui l’habitent…

Les statuts de l’association placent la pratique de l’euskara comme un fondement de son fonctionnement mais avec la sortie du guide Euskaraz Bizin, Bizi a été plus loin, en prenant le temps de réfléchir aux liens unissant le mouvement et la langue basque, leurs apports mutuels.

Biodiversité linguistique

Bizi qui s’occupe de sociolinguistique… Voilà qui semble bien loin de son champ d’action ! Qu’est ce que la pratique d’une langue a à voir avec l’écologie et la lutte contre le changement climatique ?

Beaucoup, parce que comprendre l’importance de la biodiversité permet de percevoir celle de la diversité linguistique : les deux multiplient la créativité, les forces et les moyens de résilience. L’équilibre est le garant de cette diversité, quand une espèce est invasive, c’est d’autres qui disparaissent, quand une langue domine, les autres sont en danger.

D’autre part, l’utilisation de l’euskara est le signe de l’enracinement de notre action militante dans le territoire. Or, comme nous l’avons développé dans le document Euskal Herria Burujabe, l’échelle du territoire est la plus pertinente dans la lutte contre le changement climatique.

Notre monde meurt de vivre hors-sol, asphyxié par une culture mondialisée. Défendre le monde, c’est défendre chaque territoire du monde, chaque communauté, chaque langue, chaque culture, garants de la diversité et de la résilience de l’humanité…

Tout cela est bien beau mais en pratique ? Sachant que la thématique qui rassemble les membres de Bizi est l’écologie et que la langue commune est le français, comment être efficace en donnant à la langue basque la place qui lui revient tout en prenant en compte les non-bascophones ?

Depuis son origine, Bizi expérimente, tâtonne, galère… et progresse.

Le livret Euskaraz Bizin marque un point d’étape dans cette avancée et, au-delà des aspects théoriques, liste les différents moyens utilisés au sein de l’association pour donner de la place à l’euskara. Il montre aussi que si le travail de Bizi a sûrement contribué à la vitalité de la langue basque, l’inverse est également vrai : ce qui pourrait être perçu parfois comme une contrainte se révèle être une richesse.

Sans prétention, nous pensons que cette réflexion pourrait inspirer d’autres structures qui à leur tour partageraient leurs pratiques. C’est la vitalité de l’euskara qui en sera renforcée, de même que les liens entre les habitantes et habitants de notre territoire.

Trantsizio ekologikoa geopolitikoa dela erakusten digu Ukrainako gerrak
Jenofa Berhokoirigoin
www.argia.eus/argia-astekaria/2771/trantsizio-ekologikoa-geopolitikoa-dela-erakusten-digu-ukrainako-gerrak

Petrolio ala gas, ohituak gara baliabide natural horiek kausitzea gatazken osagaien artean. Europak Errusiarekiko daukan energia dependentziaz anitz hitz egin da azken egunetan. Baina horrez gain, Green Deal edo Itun Berdearen gauzapenerako, nahi edo ez, Ukraina zein Errusiarekin harremanak beharrezkoak ditu Europak: hidrogenoarentzat Ukrainarekin eta trantsizio ekologikorako makinerietan kausitu metal eta mineralentzat, berriz, Errusiarekin.    

Beste behin ikusten ari gara baliabide naturalak kontuan hartu beharrekoak ditugula herrien arteko gataztak aztertzerakoan. Horren erakusle dugu otsailaren 24az geroztik Errusiaren tropei aurre egiten dabilen Ukraina.

Europar Batasunarekin eta Errusiarekin dauzkan harremanei begiratzeko orduan, kontuan hartu beharreko osagaia dugu energiaren arloa –izan petrolioa, gasa, hidrogenoa, berriztagarria zein nuklearra–. 2770. alean argitaraturiko Reporterre komunikabidearen zuzendari Hervé Kempfen “Ohar ekologistak Ukrainako gerraz” artikuluak ontsa azaltzen digu nola daukan Europak Errusia “bazkide konplikatu baina nahitaezkoa”, energiaren arloan daukan dependentziagatik.

Klima larrialdiaren testuinguruak bultzatu trantsizio fasea ere dugu kontuan hartu beharrekoa eta ezin uka gerora geopolitika eta klimaren arteko lotura azkartuz joanen zaigula. Errusiaren eta Ukrainaren arteko gerrak demagun, zalantzan jartzen du Europar Batasunak 2019an marrazturiko Green Deal edo Itun Berdearen egingarritasuna –eta 2050erako helburutzat jarritako karbono neutraltasuna–. Vladimir Putinek Donetskeko eta Luhanskeko herri errepubliken independentzia aitortzeagatik jasotako lehen zigorren artean izan zen Nord Stream 2 gasbidearen izoztearena. Errusia eta Alemania arteko 1.230 kilometroko gasbidea dugu NS2, Errusiaren gas esportazioak bikoizteko bideratua; irailean bukaturikoa, baina, azken tramiteak direla eta oraindik martxan jarri gabekoa. NS2 izoztu badute ere, norabide beretik doan Nord Stream 1-ak segitzen du irekita –honek ere 55.000 milioi metro kubo gas garraiatzen ditu urtero–. Hots, Errusiak ere baluke hobia itxiz Europar Batasuna zigortzeko bidea, Errusiako gasarekiko dependentzia handia daukalako: inportaturiko gasaren %43 Errusiatik du eta 2019an gasbide ezberdinei esker 199.000 milioi metro kubo esportatu zizkion Europari Gazprom errusiar konpainiak. Baina gerra garaian ere ez direnez beti nahi diren eraso guztiak bideratzen, erreportaje hau idazterako unean halako erabakirik ez du hartua Moskuk. Europak NS1 hetsi ezin duen gisara, Errusiari ere zaila zaio: petrolio eta gasaren diru-sarrerak aurrekontu federalaren %40 dira eta Europarako esportazioen ia erdia dira gasa eta petrolioarenak. Oroit gara nola Errusiak “garaipen” bezala kokatu zuen NS2-ren obren bukaera. Ukrainak “proiektu politiko errusiar honen kontra borrokatzen segituko” zuela ihardetsi zuen berehala. AEBak aliatu zituen Kievek gatazka ekonomiko horretan, eta Donald Trumpek zigorrak bideraturik zituen eraikuntzan zebiltzan enpresen aurka –NS2 abiarazteak AEBen esportazioak ere ttipituko lituzkeelako–. Joe Biden presidente berriak, ordea, akordioa adostu zuen Alemaniarekin, Ukraina eta Europa ekialdeko herrietako kexuak baretzeko berme batzuk adosturik.

Ukraina hidrogeno iturri nahi luke europar batasunak

Akordio horri begiratzeak merezi du ulertzeko klima larrialdia eta trantsizio ekologikoa geopolitikoak –eta beraz gatazka iturri potentzial– bihurtzen ari zaizkigula. US-Germany Climate and Energy Partnership [Klima eta energiari buruzko AEB-Alemania partaidetza] izena jarri zioten iazko uztailaren 15ean izenpetu akordioari. Ez zituen erabat asebete Ukrainako eta Europa ekialdeko herriak eta elkarrizketa eza deitoratu zuten: “Aldebiko negoziaketetan AEBek eta Alemaniak beren interesei dagozkien arazo guztiak konpon ditzakete. Baina beste nazio batzuen interesak direnean, ezer ez dezakegu erabaki” Ukrainako presidente Volodimir Zelenskiren aholkulariaren hitzetan. Le Grand Continent komunikabidearen Nord Stream 2, la méthode Biden plus productive que celle de Trump (“Nord Stream 2, Bidenen metodoa, Trumpena baino emankorragoa”) artikulua interesgarria da nondik norakoen ulertzeko. Partaidetza horri dagokionez, Green Fund edo Fondo Berdea sortzeko konpromisoa hartu zuen Alemaniak, Ukrainako “energia-trantsizioa, energia-eraginkortasuna eta energia-segurtasuna” sostengatzeko. Gutxienez 1.000 milioi dolar dituzte bideratzekoak, kapital publiko eta pribatuak uztartuz –150 milioi euroko hasierako dohaintza egiteko konpromisoa hartu zuen Alemaniak–. “Hidrogenoa Ukrainaren sektore giltzarrietako bat da, hidrogeno berdea ekoizteko potentzial handia duelako, eta horrek aukera handia ematen dio Europar Batasunari, hidrogenoa inportatu beharko baitu. Hidrogeno berdea ekoitzi eta esportatzeak aukera emango lioke Ukrainari bere gasbide-sare garrantzitsuaren erabilera berritzeko; Errusiak bere gas naturaletik sor lezakeen hidrogeno urdina baino ekologikoagoa eta beraz erakargarriagoa litzatekeen hidrogenoa eskainiz”, irakurri dezakegu artikuluan. Argi da bere interesei segi ari dela Europa: 2050 urterako finkatua daukan karbono neutraltasuna lortzeko helburua erraztuko lioke hidrogeno berdeak. Eta nola ez, Errusiako gas eta petrolioarekiko dependentzia ttipitzeko aukera ere litzateke. 2030erako 2×40 GW hidrogeno berde lortzeko helburua du Europak –40 GW Europatik eta beste 40 GW Ukraina eta Afrika iparraldetik inportatuz–. Postura berean dago Kiev ere: “Ukrainak bere klima-politika Europaren Itun Berdearekin lerrokatu nahian dabil” zioen Ukrainako presidenteak, 2019ko Climate Ambition Summit edo Klima Anbiziorako Gailurraren kari. NS2 abiarazteak ekarriko dizkion diru-galtzeak konpentsatzeko bidea luke gainera – 2.460 milioi euro jaso zituen 2019an, Ukraina zeharkatuz Gazprom errusiar konpainiak ordaindu igarotze gastuei esker–. Ukrainako gas sareak, Eustream eslovakiarrak, NET4GAS txekiarrak eta OGE alemaniarrak batu berri dira Ukraina eta Alemania lotuko dituen Central European Hydrogen Corridor korridorea eraikitzeko. Hala ere, esportatzeko azpiegitura errazki eskura baldin badute, sektorea ia zerotik garatu beharra daukate ukrainarrek. Gerrak xehaturiko herriak, bestelako lehentasunak ukanen ditu seguruenik ondoko urteetan, hori horrela, Europak jarritako lehentasunak zalantzan daude orain.

Errusia beharrezkoa, baita energia berdeentzat ere

Novethic-en Métaux stratégiques: la guerre en Ukraine pourrait freiner la transition écologique de l´Union Européenne (“Metal estrategikoak: Ukrainako gerrak frenatu dezake Europar Batasunaren trantsizio ekologikoa”) artikuluak kontuan hartu beharreko bigarren elementu bat aipatzen digu: Europar Batasunak marrazturiko trantsizio ekologikoarentzat beharrezko dituen metalez aberats direla Errusiako lurrak. Adibidez, auto elektrikoentzat behar den paladioaren %40 Errusian kausitzen da. Nikelarentzat berdin, Filipinak eta Indonesiaren ondotik hau dugu ekoizle nagusia eta badakigu haize-errota eta baterientzat ezinbestekoa dugula metal hori. Beste informazio bat, Donbassi buruzkoa, 2014an hasitako gerraren osagai ere izan daitekeena: litio asko bada bertako lurretan eta guztiak dira horri begira: Errusia, Ukraina bera, baita Europar Batasuna ere. “Klima aldaketak eta gatazkek sustrai bera dute: erregai fosilak ». IPCC Klima Aldaketari Buruzko Gobernu Arteko Taldeko Svitlana Romanko ukraindarraren hitzak dira. Seguru asko, gerora energia berdeak ere kausituko ditugu gatazken oinarrian.