Une crise, quelle surprise !
Nous vivons actuellement une crise sanitaire majeure qui déstabilise totalement des modes de vie supposés si pérennes… Cette pandémie et la panique qui en résulte, loin d’être une fatalité tombée du ciel, sont les conséquences directes des politiques néo-libérales et de la mondialisation : émergence de maladies liée à la pression des activités humaines sur les écosystèmes, diffusion accélérée du virus par le transport excessif des marchandises et des personnes, systèmes de recherche et de santé dégradés après des années de saignée austéritaire et de mauvais choix budgétaires. Cette crise révèle la faible capacité de résilience de notre société au niveau macro-économique : les milieux financiers paniquent, le système de production s’enraye.
Les plus précaires en première ligne
Les mesures de confinement, palliatif d’un manque dramatique de matériel sanitaire, sont insuffisantes pour stopper l’épidémie. Elles laissent en première ligne les plus précaires (dont une majorité sont des femmes) et compliquent la vie déjà difficile des mères isolées et des personnes assujetties aux minima sociaux. Les inégalités sociales s’exacerbent. Les cadres font du télétravail sur leur terrasse, pendant que les plus modestes s’entassent dans des appartements exigus ou sortent travailler au péril de leur santé. Le petit commerce, l’artisanat et l’auto-entreprenariat vont énormément souffrir quand les grosses entreprises de vente par Internet voient leurs chiffres enfler.
Bonne nouvelle pour les écolos ?
Il est difficile de prédire les conséquences aux niveaux économique, écologique ou démocratique. On peut déjà tirer quelques constats : la baisse de l’activité a entraîné une diminution massive de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. Si l’on ne peut que s’en réjouir, il ne faut pas oublier que c’est le fruit d’une décroissance imposée et temporaire. Ce qui signifie qu’en soi, rien n’empêche un retour à la « normalité » des activités polluantes. De plus, le coût humain est lourd, deuil des familles de personnes décédées, traumatismes liés au confinement (notamment en cas de violences familiales), stress lié à l’incertitude professionnelle… Au niveau de la gouvernance, on note qu’en cas de nécessité, pour le bien des personnes et en s’appuyant sur les rapports des scientifiques, les gouvernements sont capables de prendre des mesures drastiques. Ces mesures sont globalement bien acceptées par une population qui en comprend la légitimité parce que temporaires et perçues comme une réponse à un risque direct. Pour les militant·e·s qui demandent depuis des années des mesures fortes contre le changement climatique, ce pourrait être la preuve que ce qu’ils·elles appellent de leurs vœux est à portée de main. Sauf que le changement climatique demande d’autres types de mesures. Gare au repli nationaliste et autoritaire : couvre-feux, fermeture des frontières, suspension des acquis sociaux… certaines décisions prises au nom du coronavirus porteraient de vraies atteintes à la liberté et aux droits humains si elles venaient à être pérennisées. Elles seraient également contre-productives en nous enfermant dans la division. La pandémie nous montre que nous sommes des vies interdépendantes. Ma santé et mes ressources de base dépendent de la santé et des ressources collectives, contribuer à ce que que la collectivité soit en bonne santé, correctement logée et nourrie sera également à mon bénéfice.
Des pistes d’espoir
En ce sens, cette crise est porteuse d’espoir, y compris par rapport à la crise climatique. Les appels à repenser le monde se multiplient. État providence, service public de santé, solidarité citoyenne… ce que les pouvoirs en place cherchent à ringardiser depuis des années se retrouve au centre des préoccupations en tant que fondamentaux de notre société.
La situation révèle également la créativité des populations et des formes de résilience au niveau local : fabrication de masques maisons, diffusion sur internet des codes pour imprimer en 3D des ventilateurs, initiatives pour mettre en contact producteur·trice·s et consommateur·trice·s, réseaux d’aide aux personnes fragiles.…
Crise sanitaire, crise écologique, même combat
Si crise sanitaire et crise écologique sont de nature différente, beaucoup de réponses sont communes car il s’agit de remettre la vie au cœur du système, vies humaines, biodiversité, et non plus les profits d’une minorité. La délocalisation des outils de production et la politique des flux tendus, si nocifs pour le climat, ont montré leurs limites. Le mythe d’un progrès croissant avec la mondialisation se fracasse sur la réalité d’un virus.
Cette crise pourrait être le point de bascule vers la construction d’un autre système qui replace la vie au centre et construit une résilience face aux diverses crises à venir. Bizi y réfléchit depuis deux ans en définissant les axes d’un projet de société souverain, soutenable et solidaire intitulé Euskal Herria Burujabe. Pour redevenir acteurs et actrices de notre propre développement, reprendre en main les conditions de nos vies, nous devons nous émanciper du mode de production capitaliste qui a réussi à coloniser nos esprits et à nous persuader que la consommation effrénée nécessaire à sa propre survie répondait à nos besoins. Relocaliser l’économie n’est pas suffisant si nous continuons d’en être les esclaves, si nous ne parvenons pas à prendre le contrôle de la finalité de l’activité économique : profit d’une minorité ou bien défense des conditions de nos vies ? La période actuelle nous offre une opportunité inédite de choisir l’option que nous préférons, à nous de nous en emparer !
A lire aussi
Texte de positionnement de Bizi en période de COVID-19 et Document 40 actions à faire depuis chez soi sur https://bizimugi.eu/
Euskal Herria Burujabe https://bizimugi.eu/burujabe-reprendre-possession-de-nos-vies