Le GIEC publie son cinquième rapport d’évaluation
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/le-giec-publie-son-cinquieme-rapport-d-evaluation,37030?xtor=EPR-9
Faire de la lutte contre le dérèglement climatique un élan pour l’avenir
Rédaction
www.bastamag.net/article3341.html – 27 septembre 2013
Tchat avec le Climatologue Hervé Le Treut
Audrey Garric
Le Monde 27.09.2013
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Le GIEC publie son cinquième rapport d’évaluation
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/le-giec-publie-son-cinquieme-rapport-d-evaluation,37030?xtor=EPR-9
Confirmant l’essentiel des projections des précédents rapports, le premier tome du nouveau rapport du Giec nous renvoie à notre incapacité d’alléger l’empreinte carbone de nos activités.
Ce vendredi 27 septembre, le Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) publie, à Copenhague, deux documents d’importance. D’abord, le très attendu premier tome de son cinquième rapport d’évaluation. Comme pour les précédentes éditions, ce très gros livre (2.000 pages et 1.250 illustrations) synthétise l’état de la connaissance scientifique sur le climat. Les trois autres tomes seront consacrés aux impacts, à la vulnérabilité et à l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’aux moyens d’atténuer le phénomène. Leur publication est attendue, respectivement, au 31 mars et au 11 avril 2014. Elles seront suivies, le 31 octobre 2014, par la sortie du rapport de synthèse. Vendredi, le Giec accouchera, au terme d’un long et douloureux exercice de rédaction collectif, du «rapport aux décideurs». Cette super-synthèse (une vingtaine de pages) sera la Bible des négociateurs pour préparer les prochains sommets climatiques, et notamment celui du Bourget, au cours duquel doit, en principe, être conclu le prochain accord mondial encadrant la lutte contre le changement climatique.
Que nous dit ce premier tome?
Il confirme, pour l’essentiel, les grands messages des moutures publiées en 1990,1995, 2001 et 2007. A savoir: le climat mondial s’échauffe (de 0,8°C en moyenne entre 1901 et 2010). La période 1981-2010 est probablement la plus chaude observée depuis 1.300 ans. Ce réchauffement est, sans le moindre doute possible, très majoritairement provoqué par une hausse des concentrations de gaz à effet de serre (GES), fruits des activités humaines. Les teneurs dans l’atmosphère de gaz carbonique (CO2), méthane (CH4) et leur taux d’accroissement sont les plus importants depuis, respectivement, 800.000 et 20.000 ans. Depuis 1958, année où l’observatoire américain de Mauna Loa (Hawaï) a commencé à mesurer en continu la concentration en CO2, celle-ci a progressé de 24%.
Un océan plus acide?
Ce réchauffement commence à produire ses effets. A terre, le nombre de nuits et de jours froids a décru quand, parallèlement, augmentait le nombre de nuits et de jours chauds. En mer, la température moyenne des 75 premiers mètres d’eau augmente de 0,1°C par décennie. Et la température monte très doucement, mais sûrement, aux plus grandes profondeurs (jusqu’à 4.000 mètres). La salinité de certaines régions océaniques se modifie. En absorbant le quart du CO2 relâché par les activités anthropiques, l’océan voit son stock de carbone augmenter significativement et avec lui son acidité. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, le pH de l’eau marine est passé, en moyenne de 8,2 à 8,1. Infime, en apparence, cela correspond à une augmentation de 26% des ions hydrogène et donc à une acidification significative des océans. De même, le niveau moyen des mers s’est élevé de 3,7 millimètres par an depuis 1993 (contre 2 mm/an durant le XXe siècle). Quasiment partout, les glaces fondent. Depuis 10 ans, les glaciers telluriques perdraient de 371 à 210 milliards de tonnes de glace, chaque année. Aux pôles, la fonte des glaces du Groenland, de l’Arctique et de l’Antarctique s’accélère. Cet afflux d’eau douce contribue, avec la dilatation thermique, à l’élévation du niveau de la mer.
Quelles évolutions?
Au cours des 20 prochaines années, les tendances de ces dernières décennies se poursuivront, quoi qu’on fasse. La température moyenne globale pourrait grimper de 0,4°C à 1°C. Une majorité de climatologues penchent toutefois pour le bas de la fourchette. Les régions les plus humides devraient l’être davantage sous l’effet d’un accroissement des précipitations. A contrario, il pleuvra moins sur les zones les plus sèches. Le nombre de jours et de nuit chauds progressera, comme diminueront les soirées et les journées fraiches. Les océans continueront leur réchauffement et les glaces leur retrait. C’est à plus long terme que les jeux sont plus ouverts.
Selon que nous réduirons ou non nos émissions de GES, le mercure du thermomètre mondial n’atteindra pas les mêmes sommets. Si nous parvenons à stabiliser les concentrations de GES à 490 parties pour million avant 2100 (en gros que ces teneurs ne progressent que de 10% par rapport à leur niveau actuel), le scénario RCP 2,6 annonce une hausse moyenne des températures de 1°C (par rapport à la fin du XXe siècle).
Un crédit déjà entamé
Si nous continuons sur notre lancée actuelle, l’atmosphère comptera 660 ppm de GES et la hausse du thermomètre sera d’environ 1,8°C (RCP 4,5). Le scénario le plus débridé (RCP 8,5) promet une hausse des températures de 3,7°C à l’horizon 2100 et de 8,7°C deux siècles plus tard. Il en ira de l’élévation du niveau de la mer comme des températures, nous avons toutes les cartes en main. Ne rien faire ferait grimper, à la fin du siècle, le niveau des océans de 64 centimètres (scénario RCP 8,5), contre 42 centimètres pour le scénario le plus favorable (RCP 2,6). A noter toutefois que le scénario médian (RCP 4,5) fait tout de même monter les flots de 1 à 3 mètres à l’horizon 2300. En résumé, si nous voulons limiter les dégâts, nous devrions (tenter de) limiter le réchauffement à 2°C par rapport au début de l’ère pré-industrielle. Ce qui nous place entre les deux scénarios les plus raisonnables.
Pour rester dans ces clous, nous disposons, pour tout le XXIe siècle, d’un capital de carbone disponible estimé entre 1.000 et 1.300 milliards de tonnes. Un capital déjà bien entamé. Durant les 11 premières années du siècle, nous en avons déjà consommé plus de 500 milliards.
Faire de la lutte contre le dérèglement climatique un élan pour l’avenir
Rédaction
www.bastamag.net/article3341.html – 27 septembre 2013
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Rien n’a changé depuis le célèbre constat de Jacques Chirac, alors Président. Un nouveau signal d’alarme est tiré par 24 personnalités issues du monde associatif, syndical et universitaire. Alors que l’urgence climatique semble avoir disparu de l’agenda, elles appellent à participer massivement à Alternatiba, le 6 octobre, dans le centre de Bayonne. Ce véritable village des alternatives, dont Basta ! est partenaire, amorce une dynamique de mobilisations et de pression populaires qui vont s’amplifier jusqu’au sommet sur le climat à Paris fin 2015.
Pour sauver le climat, « il est minuit moins cinq » affirmait récemment le Président du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Plus personne, hélas, ne peut douter de la gravité du dérèglement en cours : « cyclones, tornades, inondations, tempêtes et sécheresses… Entre 1980 et 2011, les catastrophes climatiques ont coûté la vie à quelque 30 000 personnes et occasionné plus de mille milliards de dollars de dégâts sur le continent nordaméricain, indiquait une étude du réassureur allemand Munich Re, publiée en octobre 2012. En trente ans, le nombre de catastrophes climatiques a presque quintuplé en Amérique du Nord alors qu’il a été multiplié par 4 en Asie, par 2,5 en Afrique et qu’il a doublé en Europe ».
Et ce que nous vivons aujourd’hui est bien peu de choses par rapport à ce que subiront nos enfants si nous ne sommes pas capables de relever très vite le défi climatique : le franchissement possible du seuil des +2°C (hausse de température moyenne du globe terrestre à partir de laquelle l’impact sur les écosystèmes est de grande ampleur) n’était décrit qu’à l’horizon 2100 il y a quelques années à peine. Mais un communiqué publié en juin 2013 par le CNRS informe que ce seuil pourrait être franchi entre 2035 et 2045 pour le scénario le plus sévère qui est, hélas, celui que suit la courbe actuelle de nos émissions de gaz à effet de serre. Nous voyons – quasiment en direct – la situation s’aggraver de manière terrible et les échéances se rapprocher dangereusement. Rien n’a changé depuis le célèbre constat « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Pire, depuis l’échec du Sommet de Copenhague en 2009 et l’éclatement de la crise financière, l’urgence climatique semble avoir disparu de l’agenda des décideurs.
Relancer une mobilisation citoyenne avec Alternatiba
Le projet Alternatiba est né dans ce contexte. Il veut contribuer à relancer une mobilisation citoyenne, au niveau européen, dans la perspective d’un sommet décisif pour les négociations internationales sur le climat qui se tiendra fin 2015 à Paris. Le dimanche 6 octobre, à Bayonne, nous serons des milliers à nous retrouver pour débattre des questions climatiques.
L’objectif d’Alternatiba est de montrer toutes les solutions possibles pour s’attaquer aux causes du changement climatique, au niveau local comme au niveau global. Prendre l’angle des alternatives concrètes permet de rompre avec le sentiment d’impuissance face à ce défi sans précédent pour l’humanité. Il s’agit également d’expliquer que la lutte contre le changement climatique concerne la plupart des aspects de notre vie et de notre société : politiques énergétiques bien sûr, mais également aménagement du territoire, modèle d’agriculture, partage du travail et des richesses, modes de consommation ou de transports etc.
Lutter contre le dérèglement climatique n’est pas forcément une contrainte mais plutôt un élan formidable sur lequel l’avenir peut se construire. Cette approche a également l’avantage de montrer que les solutions ne viendront pas seulement « d’en haut » mais qu’elles peuvent aussi être mises en œuvre au quotidien, à un niveau local ou régional, individuel et collectif.
Avec Alternatiba, il s’agit de marquer les esprits par une journée dont l’écho portera loin, par le biais des médias, des réseaux associatifs et des grandes organisations environnementales ou sociales. Cet événement fondateur (qui sera précédé le samedi 5 octobre par un Forum sur le changement climatique) n’est pas une fin en soi mais un commencement : une rampe de lancement pour une dynamique de mobilisations et de pression populaires qui vont s’amplifier jusqu’au sommet de Paris fin 2015.
Le climat, une question vitale pour notre avenir
Si nous ne voulons pas revivre un sommet pour rien comme à Copenhague en 2009, il faut que l’Europe prouve d’ici 2 ans qu’il est possible d’agir efficacement pour réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre avec des solutions justes, démocratiques et solidaires.
Un premier pari est d’ores et déjà gagné : un très grand nombre d’ ONG et de réseaux travaillant sur les thématiques environnementales ou sociales, de sensibilités et pratiques très diverses soutiennent ou participent à Alternatiba. Cette journée constituera une mobilisation citoyenne pour le climat sans précédent en Europe depuis le sommet de Copenhague en 2009. Le 6 octobre, plus de 150 associations viendront exposer des solutions concrètes, plus de 100 conférenciers participeront aux débats et au total près de 1000 volontaires sont mobilisés pour accueillir les milliers de personnes attendues.
La question du climat est vitale pour notre avenir. Nous appelons tous ceux et celles qui le peuvent à répondre à l’Appel d’Alternatiba, à être présents à Bayonne le dimanche 6 octobre pour lancer une mobilisation à la hauteur du défi sans précédent que constitue cette question pour l’humanité toute entière.
Mme Christiane Hessel et les personnalités suivantes :
Genevieve Azam, économiste, porte-parole d’Attac France
Michel Berhocoirigoin, ancien secrétaire général de la Confédération Paysanne,
président d’EHLG
Annick Coupé, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires
Susan George, écrivain
Yayo Herrero, Coordinatrice Confédérale d’Ecologistas en Acción
Nicolas Hulot, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France
Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre-France
Pierre Larrouturou, économiste, Collectif Roosevelt
Juan Lopez de Uralde, ancien directeur de Greenpeace Espagne, arrêté au dîner de gala des chefs d’Etat lors du Sommet de Copenhague
Edmond Maire, ancien secrétaire général de la CFDT
Edgar Morin, philosophe
Adolfo Muñoz, secrétaire général d’ELA, confédération syndicale majoritaire en Pays Basque
Paul Nicholson, syndicat Paysan EHNE Bizkaia, co-fondateur de Via Campesina
Cécile Ostria, directrice générale de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
Emmanuel Poilane, directeur général de la fondation Danielle Mitterrand France Libertés
Pierre Rabhi, agroécologiste, philosophe
Marie-Monique Robin, réalisatrice et journaliste (Prix Albert Londres)
Michel Rocard, ancien premier ministre,
Germain Sarhy, fondateur du Village Emmaus Lescar-Pau
Liliane Spendeler, directrice des Amis de la Terre-Espagne
Jacques Testart, président d’Honneur de la Fondation Sciences Citoyennes
Patrick Viveret, philosophe
Tchat avec le Climatologue Hervé Le Treut
Audrey Garric
Le Monde 27.09.2013
Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a adopté, vendredi 27 septembre, le premier volet de son cinquième rapport, un texte plus alarmant que sa précédente version de 2007, le climatologue Hervé Le Treut juge ses conclusions « les plus factuelles possibles ».
« Il est très important que la communauté scientifique joue son rôle de référent et de référence. Elle est en devoir de dire les choses, d’alerter, mais certainement pas de préconiser des décisions », prévient le directeur de l’Institut Pierre Simon Laplace, a répondu aux questions des internautes sur Le Monde.fr
Lire notre compte-rendu du rapport : Réchauffement climatique : les experts du GIEC durcissent leur diagnostic
Marianne : Quelles sont les principales conclusions du nouveau rapport du GIEC ?
Hervé Le Treut : Le rapport du GIEC confirme les conclusions des rapports précédents et les renforce. A la fois concernant le réchauffement actuel, dont il estime qu’une moitié au moins est de manière quasi certaine liée aux activités humaines ; et concernant les perspectives de réchauffement futur, qui nous font envisager un horizon de plusieurs degrés de réchauffement si nous émettons trop de gaz à effet de serre.
Le réchauffement s’accompagnera aussi d’un relèvement du niveau de la mer qui, selon les émissions de gaz à effet de serre, peut se situer dans une fourchette de 25 cm à 1 mètre en fin de siècle.
Dufour : Quels sont les risques les plus importants du réchauffement climatique en Europe au cours de ce siècle ?
Le risque le plus certain, c’est celui de vagues de chaleur qui pourront être importantes, et, associés à ce réchauffement, des reculs de glaciers, des modifications de l’enneigement en montagne. Par ailleurs, les zones littorales seront sensibles au relèvement du niveau de la mer.
Mais on a aussi beaucoup d’autres conséquences qui sont plus difficiles à déterminer, qui vont des changements hydriques aux impacts sur la végétation ou l’agriculture, ou encore sur la santé. Il y a une part de risques qui sont plus difficiles à préciser à l’échelle régionale, mais qui appellent malgré tout des politiques préventives dès maintenant.
Aurele : Le rapport prévoit-il une fonte totale de la banquise, si oui à quel horizon ?
Les glaces de l’océan Arctique ont déjà commencé à fondre. A la fin de l’été, leur étendue est actuellement de l’ordre de 30 % plus faible que juste après la deuxième guerre mondiale. Cette fonte est appelée à se poursuivre, et selon les scénarios, on peut s’attendre à voir disparaître presque complètement la glace de mer en été d’ici à la fin du siècle.
alcede : Le risque d’emballement du réchauffement lié au relâchement de méthane par le permafrost est-il pris en compte dans le rapport ?
Il s’agit d’un sujet où les évaluations sont encore difficiles. Le méthane reste un sujet dont le caractère important et sensible a été renforcé par l’arrivée des gaz de schiste.
Marie-Jeanne : Quelle importance donnez-vous aux modifications à venir des courants marins ? Quelles conséquences sont les plus à craindre ?
Pour répondre de manière générale, l’océan est en quelque sorte le métronome du système climatique, qui stocke la plus grande part de l’énergie reçue du soleil, et les fluctuations du comportement de l’océan ont toujours un impact très fort. Ces fluctuations ont une importance d’autant plus grande que l’océan est aussi une réserve de biodiversité, de sources alimentaires, et donc c’est un milieu qui est vraiment important pour nous et qu’il faut protéger.
Ousseni : Le phénomène du changement climatique touche-t-il toutes régions du globe de la même manière ?
Le réchauffement touche toutes les régions du globe, mais ses conséquences sont très différenciées selon les régimes climatiques. Elles peuvent être beaucoup plus graves dans la zone intertropicale, en particulier dans les zones où il n’y a qu’une saison des pluies – si la pluie disparaît, les choses deviennent vite dramatiques. Elles sont aussi très fortes dans les régions de montagne, dans les régions polaires et les régions littorales.
Ces différences de sensibilité au climat peuvent affecter les processus de décision politique. Mais toutes les régions du monde sont quand même sensibles au changement climatique, car c’est une perturbation globale de notre économie.
Visiteur : La géo-ingénierie introduite dans le rapport ne risque-t-elle pas de trouver rapidement le soutien aveugle des lobbies de l’industrie et des secteurs émetteurs de gaz à effet de serre ?
C’est un risque à prendre, mais la communauté scientifique dans son ensemble a estimé qu’il était préférable de se confronter de manière précise et de développer un argumentaire tout aussi précis par rapport à des idées qui circulaient sans être sustentées par des faits. La communauté scientifique a repris à son compte l’examen des techniques de géo-ingénierie [dispositifs de manipulation du climat] pour précisément permettre une mise à plat des limites possibles de toutes ses préconisations.
ggbal : Hormis tous les problèmes (encore non résolus) d’extraction du gaz de schiste, cette énergie est-elle sans risque pour l’effet de serre ou au contraire doit on la considérer comme les autres énergies fossiles ?
Le gaz de schiste est le même gaz que le gaz naturel, c’est du méthane, et sa combustion produit du CO2. Simplement, elle en produit un petit peu moins que le charbon et le pétrole. Par contre, un des risques importants associés au gaz de schiste – du point de vue des gaz à effet de serre – est le risque de rejet direct de méthane dans l’atmosphère, le méthane étant un gaz à effet de serre très puissant.
Lire le reportage Pour sa survie, le Vanuatu apprend à s’adapter au changement climatique
JPE : On observe un ralentissement de la hausse de la température moyenne lors de la dernière décennie que les modèles n’avaient pas prévue. Comment interprète-t-on ce phénomène et que prévoit le rapport concernant son évolution ?
On sait que le réchauffement climatique lié aux activités humaines s’accompagne d’un phénomène de variabilité naturelle du climat qui a toujours existé et qui n’est pas supprimé par le réchauffement. Donc il est normal que le réchauffement soit plus ou moins rapide selon les décennies.
La phase actuelle de réchauffement moins rapide semble due à des phénomènes de fluctuation des températures du Pacifique, qui seront peut-être prévisibles, mais ces prévisions sont pour le moment prématurées dans l’état de la science. Et le rapport n’en fait donc pas état.
Brice : Pensez-vous que ce nouveau rapport va faire changer autant les consciences que les politiques des Etats sur le changement climatique ?
Si on regarde depuis une vingtaine d’années, on peut penser que les rapports ont toujours fait progresser les états d’esprit par rapport à ce problème, et j’espère que ce sera le cas pour celui-ci, car c’est une manière de rafraîchir de façon très approfondie le diagnostic sur les évolutions du climat. Maintenant, la prise de décision se heurte à des difficultés qui vont au-delà des problèmes climatiques eux-mêmes.
Régis : Sait-on déjà ce que pensent du rapport les dix principaux pays émetteurs (Etats-Unis, Chine, Russie, Allemagne, etc) ?
Ce sont des pays où il y a beaucoup de gens, qui ne pensent pas tous la même chose… On a une certaine idée de ce que pensent les gouvernements actuels. En tant que climatologue, j’ai des collègues dans presque tous ces pays, et la communauté scientifique a une position qui transcende les problèmes de frontières.
Lire le décryptage Les climato-sceptiques toujours en embuscade
Faustine : Le rapport du GIEC préconise-t-il des mesures à prendre ou tout du moins des directives sur les différents facteurs anthropiques qui perturbent le climat ?
Il ne s’agit que du rapport du groupe 1 du GIEC qui concerne les aspects physiques du changement climatique. Les aspects d’adaptation au changement climatique ou de réduction des gaz à effet de serre seront traités dans les rapports des groupes 2 et 3 au printemps 2014.
Yves : En tant que citoyen et scientifique, que voyez-vous comme vraies mesures possibles, à part les taxes sur les carburants fossiles ?
Il y a beaucoup de mesures possibles. Certaines concernent le choix des filières énergétiques, d’autres qui sont directement en amont du problème de diminution des gaz à effet de serre. Il y a tout ce qui concerne nos infrastructures de transport ; tout ce qui concerne aussi l’habitat. Une partie des changements inévitables est le problème de l’adaptation à des climats plus chauds, et implique toute une série de mesures sur le type de développement urbain ou agricole le plus compatible avec le réchauffement.
Daniel : Je fais partie de ceux qui estiment qu’il faut agir au quotidien. Dès lors, je réduis ma vitesse en voiture et suis rigoureux sur le chauffage de l’habitation, avec des résultats tangibles. C’est dur en famille de faire passer le message, encore pire hors de la cellule familiale. Avez-vous des conseils à ce sujet ?
Visiteur : Le GIEC produit un rapport pour les politiques. Mais à notre échelle que pouvons-nous faire pour qu’il ait une plus grand prise de conscience du danger du réchauffement climatique ?
Je pense qu’il y a effectivement une très longue distance entre l’échelle individuelle et celle des grandes négociations politiques et que probablement un des lieux d’action qui peut être plus près des gens, c’est le contexte municipal, régional, où il y a de nombreuses actions qui peuvent être prises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre ou s’adapter au réchauffement. Donc je conseille de s’intéresser à ces lieux d’élaboration politique.
Lire les réactions Appels au sursaut et à des actions immédiates à la suite du rapport du GIEC
Marie-Jeanne : Au délà de votre travail de scientifique, vous êtes amené à intervenir dans la presse pour présenter le résultat de vos recherches. Etes-vous parfois tenté d’adopter un langage plus militant face à l’urgence du défi climatique et face à l’apparente indifférence quasi-générale ?
Je crois que face à ce problème il est très important que la communauté scientifique joue son rôle de référent et de référence. Elle est en devoir de dire les choses, d’alerter, mais certainement pas de préconiser des décisions. Cela relève de débats démocratiques, et je pense qu’il faut faire attention à maintenir une séparation entre le diagnostic et la prise de décision citoyenne, militante ou politique, qui doit prendre en compte d’autres facteurs.
Mimi : Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de catastrophisme ?
On a essayé justement d’être le plus factuel possible pour éviter ce reproche. Je pense que le document du GIEC n’est pas non plus catastrophiste. Les conclusions sont les plus factuelles possibles, elles peuvent être au contraire jugées comme trop techniques, mais c’est justement pour essayer de jouer un rôle de référence.
Cinetielle : Sur les réseaux sociaux, bon nombre de citoyens ne croient pas en la qualité scientifique des rapports du GIEC (n’ayant probablement jamais ouvert une page de ces rapports). Les rapports se succédant et se confirmant, quelles seraient les pistes pour rendre cette science et ses résultats compréhensibles et facilement accessibles pour tous ?
Je pense que c’est un travail de fond. Nous sommes nombreux à avoir essayé d’écrire des livres, de faire des conférences. Je crois que cela peut se faire dans le domaine de l’éducation publique. En France, il y a effectivement un problème de formation scientifique qui ne prend pas tellement en compte l’étude de la planète dans le cursus scolaire.
Giuseppe : Pourquoi avoir peur d’une hausse des températures ? La terre n’a-t-elle pas déjà connu des périodes bien plus chaudes que celles actuelles ? N’est-ce pas un mouvement naturel de réchauffement et de refroidissement ?
Je ne souhaite pas propager le mot « peur », mais plutôt celui d’anticipation et de meilleure gestion des ressources de la planète. Il s’agit d’avoir une attitude réaliste et constructive. Je pense effectivement que ce n’est pas la peur qui nous fera avancer dans ce dossier.
Raymond : Croyez-vous à la proximité d’une prochaine glaciation au regard des cycles naturels de la planète (tout les 11 000 ans environ)
En fait, les cyclicités sont plus compliquées que cela. On est dans un interglaciaire assez long. Les calculs déjà réalisés n’envisagent pas de glaciation avant quelques milliers d’années.
Cinetielle : La concentration en CO2 augmente, ce qui favorise l’effet de serre. Mais cela favorise également la croissance des organismes phototrophes, la base de notre alimentation. Les rétroactions négatives et positives du changement climatique peuvent-elles être modélisées par les travaux du GIEC ?
Oui, les études de bilan du carbone dans l’atmosphère prennent en compte ces différents effets, et en particulier la capacité des espèces végétales sur le continent à reprendre une partie du CO2 émis dans l’atmosphère.
Raymond : Que peut avoir de bénéfique le changement climatique ?
Il y a, comme dans toute situation de changement, y compris les guerres et les épidémies, des gens qui en bénéficieront certainement. Mais en même temps, je pense que le plus important, c’est que ces changements soient maîtrisés, et ne soient pas porteurs d’injustices graves.