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Articles du Vendredi : Sélection du 25 mai 2018

Loi mobilité : les ONG réclament la mise en œuvre du Plan climat

Philippe Collet
www.actu-environnement.com/ae/news/projet-loi-mobilite-ong-31325.php4

Appel à accélérer la transition écologique sur nos territoires !

Alternatiba
https://alternatiba.eu/alternatives-territoriales

Changement climatique : comment limiter les dégâts pour l’économie mondiale ?

Gaël Giraud, Chef économiste, AFD (Agence française de développement), Florent Mc Isaac , Économiste-modélisateur, AFD (Agence française de développement)
http://theconversation.com/changement-climatique-comment-limiter-les-degats-pour-leconomie-mondiale-96240

Les morts-vivants de la dette et le méga krach à venir

Steve Keen professeur d’économie à la Kingston University, Dany Lang enseignant-chercheur à Paris-XIII et économiste atterré
www.liberation.fr/debats/2018/05/20/les-morts-vivants-de-la-dette-et-le-mega-krach-a-venir_1651464

“Politika, ekonomia eta kultura hegemonikoek gerra deklaratu diote bizitzari”

Yayo Herrero antropologo ekofeminista.
www.argia.eus/blogak/onintza-irureta/2017/10/25/politika-ekonomia-eta-kultura-hegemonikoek-gerra-deklaratu-diote-bizitzari/

Loi mobilité : les ONG réclament la mise en œuvre du Plan climat

Philippe Collet
www.actu-environnement.com/ae/news/projet-loi-mobilite-ong-31325.php4

Greenpeace, le RAC, le WWF, la FNH et la Fnaut veulent que la future loi sur la mobilité s’articule autour de la neutralité carbone. Les ONG attendent surtout des actes concrets, et notamment des financements pour le rail et le vélo.

Ce jeudi 23 mai, le collectif des ONG environnementales a présenté ses attentes concernant la future loi de mobilité que le gouvernement doit bientôt présenter. Le projet de loi de l’exécutif doit venir concrétiser les grandes orientations qu’il a retenues à l’issue des Assises de la mobilité qui se sont déroulées de mi-septembre à début décembre 2017. C’est « un dernier appel à l’exécutif », préviennent les ONG qui proposent leur propre projet de loi, articulé autour de 15 mesures phares. Les arbitrages sont imminents et le texte du gouvernement pourrait être présenté en conseil des ministres à partir de fin juin.

Réduire la place de la voiture

Le constat des associations est sans appel : la voiture monopolise les soutiens au détriment du rail. Depuis 1980, 276 milliards d’euros ont été investis dans la route, contre 78 milliards pour le train. Actuellement, les soutiens publics à la route sont de l’ordre de 400 millions d’euros par an, quand le train doit se contenter de 150 millions d’euros. Autre exemple qui irrite les ONG, le gouvernement défend « la chimère du véhicule autonome, faisant fi du coût environnemental des véhicules et des infrastructures », critique Audrey Pulvar. Et la présidente de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) de résumer l’enjeu : « le cœur du problème, qui n’est jamais évoqué par le gouvernement, est la réduction de la place de la voiture ». A ce stade, les ONG déplorent « le manque d’ambition de Matignon et de Bercy » et évoquent « un manque de confiance » dans les promesses gouvernementales.

Concrètement, elles souhaitent que la future loi de mobilité vienne concrétiser les engagements du Plan climat présenté par Nicolas Hulot en juillet 2017 et soit compatible avec l’Accord de Paris. Il s’agit d’en faire « la première brique » du Plan climat, explique Pascal Canfin, directeur général du WWF, qui précise que ce serait un « très grand recul » si la neutralité carbone n’était pas le fil rouge du texte. Mais les associations ne se contenteront pas de promesses. Elles réclament aussi des soutiens concrets : au moins 3 milliards d’euros par an pour la rénovation du réseau ferroviaire, un Plan vélo financé à hauteur de 200 millions d’euros par an et une réaffectation d’une partie des sommes allouées à la prime à la conversion. Ces trois attentes font figure de lignes rouges.

Un vrai droit à la mobilité

Pour les associations, placer l’environnement au cœur du projet de loi implique de promouvoir les nouvelles façons de se déplacer. Ainsi, la prime à la conversion, qui permet de bénéficier d’une aide pour la mise au rebut d’une voiture ancienne et l’achat d’une voiture moins polluante, pourrait être transformée en prime à la mobilité. L’aide financière associée à la mise à la casse d’une voiture polluante pourrait être utilisée pour d’autres dépenses de mobilité, plutôt que pour l’achat d’une voiture. Telle qu’elle fonctionne actuellement, la prime à la conversion « est un outil au service des industriels de l’automobile », critique Pascal Canfin.

Plus globalement, les ONG préfèreraient que le gouvernement promeuve « un vrai droit à la mobilité », explique Bruno Gazeau. Le président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) défend en particulier le maintien des « petites » lignes ferroviaires. « On a un certain nombre de garanties », explique-t-il, tout en affichant une certaine vigilance sur les moyens financiers que voudront, ou pourront, y consacrer les Régions. Dans le même esprit, les ONG attendent une meilleure intégration des réseaux ferroviaires et routiers. Pour y parvenir, elles plaident pour un rapprochement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et souhaitent qu’elles soient chargées de réaliser des plans de mobilité neutres en carbone.

Généraliser les zones à basses émissions

La réduction de la place des voitures thermiques en ville est aussi une attente forte des ONG. Elles défendent notamment un objectif contraignant de 100% de véhicules électriques pour les taxis et les VTC d’ici 2025, comme l’envisage la Mairie de Paris. La fin des véhicules thermiques planifiée pour 2040 est « trop tardive », estime Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace. Pour accélérer le pas et réduire la pollution en ville les ONG veulent généraliser, d’ici 2025, les zones de circulation restreinte (ZCR) (aussi appelées zones à basses émissions (ZBE), sur le modèle des low emissions zones (LEZ)). Pour l’instant, seules Paris et Grenoble (Isère) ont réellement mis en place de telles zones, explique Jean-François Julliard. « On a le sentiment que la lutte contre la pollution de l’air n’est pas encore une priorité », regrette-t-il, soulignant que certains pays comme la Suède ont expérimenté les premières ZBE dès 1996.

Enfin, les ONG réitèrent une nouvelle fois leur demande d’abandon des avantages fiscaux accordés aux modes de transports les plus polluants. Cela passe par la suppression d’ici 2022 du remboursement fiscal sur le gazole professionnel (TICPE), la mise en place d’une redevance kilométrique d’utilisation de l’infrastructure pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes et la suppression de la niche fiscale sur le kérosène dont bénéficie le transport aérien.

Appel à accélérer la transition écologique sur nos territoires !

Alternatiba
https://alternatiba.eu/alternatives-territoriales

À toutes les citoyennes et tous les citoyens : nous pouvons engager la transition écologique sur nos territoires !

Face à l’aggravation du dérèglement climatique, les engagements pris par les États du monde entier à la COP21 sont dramatiquement insuffisants. En nous promettant un réchauffement climatique supérieur à 3°C, ils nous conduisent vers une catastrophe planétaire dans les décennies qui viennent, et menacent d’ores et déjà les populations les plus vulnérables. L’espoir de voir la tendance s’inverser s’amenuise encore avec la décision de Donald Trump de sortir les États-Unis de l’Accord de Paris, et la COP 23 qui  révèle l’incapacité des États à revoir leurs engagements à la hausse rapidement.

Pourtant, tout n’est pas perdu ! Selon le dernier rapport du GIEC, 50 à 70 % des leviers d’action se situent au niveau local. Ainsi chaque élu-e local-e, chaque citoyenne et chaque citoyen, peut s’emparer de ce problème, apporter des solutions efficaces, réplicables et faciles à mettre en œuvre au niveau de son territoire.

De nombreuses solutions existent, elles doivent être mises en œuvre le plus rapidement possible et par le plus grand nombre : repas bio et/ou végétariens dans les cantines, pistes cyclables, économies d’énergie et approvisionnement en énergies 100 % renouvelables, relocalisation de l’économie via les monnaies locales, économie circulaire, etc.

Ces initiatives qui sont pour le moment des alternatives au système doivent devenir la norme. Elles permettent non seulement de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, mais également de créer de l’emploi [1] et de construire une société plus humaine, plus juste et plus solidaire.

Alternatiba, ANV-COP21 et le Réseau Action Climat appellent les citoyennes et les citoyens à se mobiliser pour faire passer ces alternatives à une autre échelle sur tous nos territoires.

Le Tour Alternatiba 2018, les Plans Climat Air Énergie Territoriaux (PCAET), les élections municipales de 2020… Les années qui viennent sont décisives pour l’avenir de nos enfants et pour les populations les plus vulnérables. Elles nous offrent de nombreuses occasions de nous mobiliser pour relever le défi climatique !

Je m’inscris pour faire bouger mon territoire

[1] Voir notamment la campagne “1 million d’emplois pour le climat” http://emplois-climat.fr/ ou le rapport du CIRED qui estime que la mise en œuvre du scénario négaWatt permettrait de créer 220 000 emplois nets en 2020 http://www2.centre-cired.fr/IMG/pdf/CIREDWP-201346.pdf

Changement climatique : comment limiter les dégâts pour l’économie mondiale ?

Gaël Giraud, Chef économiste, AFD (Agence française de développement), Florent Mc Isaac , Économiste-modélisateur, AFD (Agence française de développement)
http://theconversation.com/changement-climatique-comment-limiter-les-degats-pour-leconomie-mondiale-96240

L’ambition de la communauté internationale de lutter contre le réchauffement climatique a un coût : entre 50 000 et 90 000 milliards de dollars sur les 15 prochaines années, selon les estimations de l’économiste Adair Turner pour la fourchette basse et les économistes de la Commission sur l’économie et le climat « New Climate Economy » pour la fourchette haute. En comparaison, le PIB annuel mondial s’élève à près de 80 000 milliards de dollars. Le rapport de la « New Climate Economy » précise que 2 000 milliards de dollars au Nord et 4 000 milliards au Sud sont nécessaires chaque année pour financer les infrastructures vertes permettant d’approcher la neutralité carbone suffisamment tôt afin d’atteindre, d’ici la fin du siècle, l’objectif de limitation du réchauffement à +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Le secteur privé est-il en mesure de faire face à ces dépenses ?

Le bon rythme pour la transition énergétique

D’après la Banque mondiale, les dettes privées, hors institutions financières, culminent aujourd’hui à 110 000 milliards de dollars, soit 138 % du PIB mondial. Le total des dettes publiques, lui, avoisine 60 000 milliards de dollars, soit environ 75 % du PIB.

Or, comme le soulignait Marc Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, dans un discours de 2015 resté célèbre, une transition trop rapide vers une économie bas-carbone risque de mettre en péril la stabilité financière. Et un passage trop lent, au contraire, nous fait courir le risque de dépasser bientôt des seuils écologiques irréversibles (en particulier en matière d’érosion des sols).

À quelle vitesse le privé et le public doivent-ils dès lors avancer ?

Extrait du discours du gouverneur de la Banque d’Angleterre, Marc Carney, en 2015.

Dans un récent article, publié dans la revue Ecological Economics et consacré au modèle GEMMES (General Monetary and Multisectoral Macrodynamics for the Ecological Shift), nous apportons un éclairage inédit sur la nature des compromis nécessaires au respect de l’Accord de Paris.

Pour ce faire, le modèle GEMMES conjugue à l’échelle planétaire une dynamique financière, les projections du dérèglement climatique et le scénario démographique médian des Nations unies (9 milliards d’individus en 2050). Comme pour tout outil de modélisation prospective, les chiffres que nous avançons ne sont qu’indicatifs, en raison même de l’incertitude importante qui demeure quant à l’interaction entre l’environnement et l’économie.

Un risque d’effondrement économique existe

Dans le scénario du « laissez-faire » – celui où aucune politique publique additionnelle n’est mise en œuvre pour inciter le secteur productif à accélérer ses investissements dans les infrastructures vertes –, on observe un réchauffement climatique proche des +4 °C en 2100. Le seuil des +2 °C est franchi dès 2050 du fait de l’absence d’effort en matière de réduction des émissions.

Les dégâts alors induits par le réchauffement accélèrent la dépréciation du capital et ralentissent l’activité économique.

Selon le cabinet de conseil Carbone 4, 2017 détient déjà un record : les coûts des désastres météorologiques n’ont jamais été aussi élevés. Ils ont atteint plus de 400 milliards de dollars, pour ceux ayant pu être estimés. Les assureurs en ont supporté une part significative, avec 135 milliards de dollars pris en charge, selon le réassureur allemand Munich Re.

Nos simulations grâce au modèle GEMMES montrent que la réduction de l’activité économique liée au climat et à l’investissement dans les technologies d’atténuation se traduit par une croissance plus faible, moins d’emploi et une augmentation de l’endettement privé.

Compte-tenu des marges d’incertitude qui entourent la quantification de l’impact économique du réchauffement, nous avons testé plusieurs hypothèses concernant l’ampleur des dommages auxquels il faut s’attendre.

Si l’on retient les hypothèses les plus pessimistes – considérées en général comme les plus réalistes par les climatologues –, on constate même, en l’absence d’intervention publique volontariste, des scénarios d’effondrements économiques analogues à ceux que faisait émerger, pour des raisons indépendantes du réchauffement climatique, l’analyse prospective de l’équipe Meadows dans son rapport au club de Rome de 1972.

La tarification carbone ne pourra pas tout

Comment conjurer un tel scénario catastrophe ?

Une tarification carbone pourrait donner au secteur productif le signal-prix nécessaire pour investir dans la décarbonation de l’économie. Une chose apparaît à ce sujet comme presque certaine : à moins d’un déploiement industriel complémentaire de séquestration du carbone, une tarification carbone, quelle qu’en soit le niveau, ne permettra pas à la planète de rester en dessous du seuil des 2 °C.

Sans émissions négatives, c’est-à-dire sans déploiement industriel de techniques de capture et de stockage du carbone, il est probablement déjà trop tard pour respecter l’Accord de Paris, une opinion largement répandue dans la communauté des climatologues. En effet, réaliser cet objectif nécessiterait d’achever la transition énergétique autour de 2020 avec un prix du carbone de l’ordre de 540 dollars. Si la transition était entièrement financée par le secteur privé, elle provoquerait alors une récession économique de l’ordre de -5 % du PIB mondial – situation difficilement tenable sur le plan politique – accompagnée d’une augmentation importante du niveau des dettes privées de près de +130 points de PIB par rapport à 2016.

A contrario, une trajectoire de prix carbone plus lente à court terme, de l’ordre de 100 dollars en 2040 à 450 dollars au courant des années 2050, préserverait certes l’économie mondiale d’une décroissance forcée trop importante durant la transition, mais provoquerait un réchauffement climatique en fin de siècle de l’ordre de +3 °C, aux conséquences en partie incalculables.

Par ailleurs, elle ne s’affranchirait pas d’un niveau d’endettement privé encore important, plaidant pour la mise en œuvre de politiques publiques volontaristes complémentaires, telles que des subventions à l’investissement vert, comme préconisé par le rapport de la Commission Stern-Stiglitz sur le prix du carbone.

Choisir entre croissance du PIB et lutte contre le réchauffement

Cet arbitrage temporaire entre la croissance du PIB et la lutte contre le réchauffement climatique réapparaît dans tous les scénarios envisagés.  (…)  Quelle que soit la vitesse à laquelle nous transitons vers la neutralité carbone, ces graphiques illustrent un arbitrage entre croissance et dérèglement climatique durant la transition énergétique.

Notons toutefois que des gains de productivité, comme de nouveaux emplois dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’économie circulaire (recyclage, réparation, location), sont à attendre de cette transformation, et pourraient nuancer cet arbitrage.

Contrer la déflation, soutenir la dépense publique « verte »

Dans tous les cas étudiés, l’économie mondiale s’avère plus résiliente au réchauffement si elle exhibe moins de dette privée, moins de chômage et une part plus élevée des salaires dans le PIB.

Ce dernier résultat suggère que le débat sur la répartition de la valeur entre capital et travail n’est pas indépendant de la question climatique. À notre connaissance, le mécanisme sous-jacent à un tel résultat est nouveau. Le dérèglement climatique semble en effet conduire l’économie mondiale vers la déflation, selon un schéma macro-économique bien connu : la stagnation entraîne une baisse des prix et du PIB réel, qui conduit à une hausse du sous-emploi et des dettes, puis à une érosion de la part des salaires dans les revenus nationaux. Une politique de redistribution en faveur des revenus du travail apparaît, dans notre analyse, comme une réponse naturelle à cette spirale déflationniste et donc, à l’impact du réchauffement.

Dernier enseignement de nos simulations : si elle s’accompagne d’une prise en charge publique d’une partie des dépenses d’investissements verts, une tarification carbone dans l’esprit du rapport Stern-Stiglitz, avec un corridor de prix centré autour de 44 dollars par tonne en 2020, 140 en 2030 et 300 en 2040, permettrait de rester proche des +2,5 °C à la fin du siècle tout en évitant la pente déflationniste.

Sans dépense publique supplémentaire, en revanche, une telle trajectoire macro-climatique semble déjà hors d’atteinte : la tarification carbone fournit certes l’incitation au secteur privé pour financer les infrastructures vertes dont nous avons besoin, mais elle n’allège pas le poids de la dette privée correspondante. Bien sûr, une prise en charge, même partielle, de ce fardeau par l’État se fera aux dépens des finances publiques. Mais, on l’a vu, leur situation est actuellement moins dégradée que celle du secteur privé.

En outre, en cas de menace déflationniste, l’endettement public n’est pas nécessairement le problème mais peut constituer une partie de la solution. En luttant à la fois contre l’impact macro-financier du réchauffement et contre ses causes anthropiques, la contribution publique au financement de la transition ferait ainsi d’une pierre deux coups.

Les morts-vivants de la dette et le méga krach à venir

Steve Keen professeur d’économie à la Kingston University, Dany Lang enseignant-chercheur à Paris-XIII et économiste atterré
www.liberation.fr/debats/2018/05/20/les-morts-vivants-de-la-dette-et-le-mega-krach-a-venir_1651464

La dynamique de la dette privée joue un rôle central dans le déclenchement des crises économiques majeures, le crédit agissant comme un «zombificateur» de certaines économies. La situation actuelle laisse craindre un krach au cours des douze à trente-six mois à venir.

Le capitalisme est un système instable, avec une tendance naturelle aux cycles et aux crises. C’est le message central de l’économiste américain Hyman Minsky (1919-1996), souvent acclamé par les banquiers centraux et la presse depuis 2008 pour son analyse lucide des causes des crises et cycles. De fait, avec la financiarisation de l’économie au cours des trois dernières décennies, les crises violentes d’origine financière se sont multipliées et leur fréquence ne fait que s’accélérer.

Dès 1969, Minsky considérait que la force majeure du système capitaliste est aussi sa principale faiblesse : il encourage la prise de risque, qui permet l’innovation et la croissance. Ces dernières contribuent à accroître l’incertitude fondamentale : tous les projets économiques étant nouveaux, les entrepreneurs doivent prendre leurs décisions sans pouvoir affecter de probabilités aux événements futurs. Ainsi, ils ne peuvent que supposer que les tendances actuelles se poursuivront. Hyman Minsky soutient que ceci engendre des comportements d’investissement moutonniers : les agents ont tendance à agir conformément aux croyances du «reste du monde, qui est peut-être mieux informé». Tout cela a amené Minsky (1986) à formuler le «paradoxe de la tranquillité» : c’est durant les périodes de croissance, lorsque le souvenir des récessions passées s’estompe, que les capitalistes deviennent trop optimistes et investissent trop. Cette instabilité à la hausse conduit à des fluctuations cycliques récurrentes. Les dépressions majeures se produisent à cause de l’accumulation des dettes privées. La partie de l’investissement désiré supérieure à l’épargne privée étant nécessairement financée par l’emprunt bancaire, le crédit contribue à la création monétaire et à la demande globale. Pendant les périodes d’optimisme, les entreprises utilisent davantage l’endettement pour augmenter leur capacité d’investissement : c’est l’effet de levier. Cela contribue à la prospérité de l’économie, mais c’est là que la crise commence à couver.

Les banques partagent cet optimisme et commencent donc à accepter des structures d’endettement qu’elles n’auraient pas acceptées auparavant. De nombreuses entreprises s’endettent alors plus pour profiter de l’effet de levier accru et financer des projets nettement plus incertains en termes de rentabilité future. Et ce jusqu’au jour où beaucoup d’entre elles se retrouvent dans l’impossibilité de rembourser leurs dettes et font faillite. L’expansion fait aussi grimper le taux d’intérêt sur le marché monétaire, réduisant ainsi la viabilité des investissements. Hyman Minsky s’attendait aussi à ce que les participants au marché boursier vendent des titres en réaction à des évaluations d’actifs perçues comme excessives, déclenchant ainsi l’effondrement du marché.

A ces facteurs, il faut ajouter la dynamique de la répartition des revenus (omise par Minsky). Pendant les périodes d’expansion, le chômage baisse et la production de matières premières et d’énergie augmente, exerçant une pression à la hausse sur les prix des facteurs de production. Ces hausses, combinées au service de la dette, font qu’à un certain stade les profits ne sont plus conformes aux attentes. L’investissement chute et l’expansion devient contraction. Les taux d’intérêt réels (qui correspondent au taux bancaire moins le taux d’inflation) peuvent alors augmenter, même si les taux nominaux baissent ; la demande globale chute, entraînant une stagnation des salaires et une diminution des coûts des matières premières ; et une partie de la dette accumulée pendant la phase d’expansion est remboursée ou fait l’objet d’un défaut.

Le taux de profit revient alors à son niveau d’avant l’expansion et le même processus peut se répéter, mais ce cycle redémarre avec un résidu de dette privée impayée et une part des salaires plus faible. Un autre cycle s’amorce donc, et ainsi de suite, jusqu’au jour où les créances financières sur l’économie dépassent les dépenses. Le crédit, qui était positif et stimulait la demande, devient alors négatif : c’est ce qu’on appelle aujourd’hui un «moment Minsky». Une crise majeure s’ensuit.

La dynamique de la dette privée est donc la cause majeure des expansions et des récessions. C’est la raison pour laquelle la plupart des économistes mainstream, qui négligent le rôle joué par la dette privée, n’ont pu prédire la crise de 2008. Et pourquoi ils n’anticiperont pas plus la suivante.

Une fois qu’une économie atteint un niveau élevé d’endettement privé par rapport au PIB et que ce ratio croît plus vite que le PIB, même une stabilisation de ce ratio peut provoquer une grave récession. Le crédit est un «zombificateur» en série des économies : il les transforme en morts-vivants de la dette. Ces zombies ont trois caractéristiques principales : a) des niveaux de dette privée avant crise supérieurs à 150 % du PIB ; b) avant la crise, des niveaux élevés de demande alimentée par le crédit ; et c) un taux d’endettement encore élevé après la crise, mais une demande fondée sur le crédit faible ou négative.

Les économies déjà zombifiées (Japon, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Portugal, Espagne, Etats-Unis, Royaume-Uni) ne présentent aucun danger. Ce sont celles sur le point d’être zombifiées que nous devrions craindre. La croissance y est encore soutenue par le crédit et la dette privée y progresse plus vite que le PIB nominal. Il s’agit de l’Irlande (encore !), Hongkong et la Chine, l’Australie, la Belgique, le Canada, la Corée du Sud, la Norvège et la Suède. Les pays limites, c’est-à-dire ceux présentant l’une des deux caractéristiques, sont les Pays-Bas, la Suisse, la Finlande, la France, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande. Tous les zombies de la dette en devenir sont confrontés à un atroce dilemme : la seule façon d’éviter une chute de la demande globale et une récession en comptant uniquement sur le secteur privé est de laisser la dette privée continuer de croître plus vite que le PIB. Mais à un moment ou à un autre, le coût total du service de la dette dépassera le revenu disponible pour en assurer le paiement, ce qui entraînera un effondrement majeur.

Selon nous, la prochaine crise ne viendra ni des Etats-Unis ni de Chine. Aux Etats-Unis, le niveau de la dette privée est encore de 150 % du PIB. Mais le crédit, à 6 % du PIB, est faible par rapport aux niveaux d’avant la crise. On peut donc s’attendre à des périodes de stagnation récurrentes, à la japonaise après 1990. En Chine, en 2010, le gouvernement a ordonné aux banques de prêter massivement aux promoteurs immobiliers locaux, ce qui a engendré la plus grosse bulle de crédit de l’histoire. Elle ne peut qu’éclater, car l’endettement, qui représente plus de 200 % du PIB, est devenu insoutenable. Mais dans cette économie dirigée, le gouvernement sera en mesure d’intervenir et de dépenser.

Pouvons-nous prédire quand la prochaine crise majeure surviendra ? Pas vraiment, car les économies sont des systèmes complexes où, comme en météorologie, il est impossible de prévoir l’évolution très en amont. Néanmoins, étant donné le nombre élevé de zombies de la dette en l’état ou en devenir et l’aveuglement des gouvernements et de leurs conseillers économiques mainstream, l’inévitable krach qui se profile est susceptible de se produire au cours des douze à trente-six mois à venir. Il ne fait aucun doute que nous sommes dans une impasse au bout de laquelle se trouve un mur et qu’avec leurs politiques d’austérité, et leur libéralisation de produits financiers dangereux, la plupart des gouvernements s’obstinent à appuyer sur l’accélérateur.

Nous pourrions pourtant éviter la catastrophe. Une solution serait de mettre en place un «jubilé moderne de la dette», consistant à injecter directement de la monnaie créée par la Banque centrale sur les comptes bancaires des entreprises et des ménages et à exiger que ces injections soient utilisées prioritairement pour rembourser les dettes. Nous devrions aussi procéder à des réformes plus radicales du système financier afin d’éviter que les prêts bancaires ne provoquent des bulles d’actifs et de faire en sorte qu’il soit plus rentable pour les banques de se concentrer sur le prêt aux entrepreneurs. Cela implique d’imposer une séparation des banques d’investissement des banques de dépôt, similaire à la loi bancaire française de 1945.

Enfin, l’Etat devrait intervenir dans l’économie en augmentant les dépenses publiques ou en baissant les impôts payés par les classes pauvres et moyennes. Hélas ! Hormis leur idéologie néolibérale, les gouvernements européens doivent faire face à de multiples entraves enchâssées dans les traités, tels que le Semestre européen ou le Pacte budgétaire, qui les contraignent à rechercher l’équilibre budgétaire et donc à baisser les dépenses et augmenter les impôts de manière procyclique. Ceci est absurde, car pour éviter les fluctuations violentes, le déficit budgétaire devrait au contraire être contracyclique. Malheureusement, toutes ces solutions nécessiteraient des changements draconiens de politiques, fort improbables avant le prochain krach. Il reste à espérer que la prochaine catastrophe économique ramènera les décideurs européens à plus de pragmatisme.

Steve Keen est l’auteur de : Pouvons-nous éviter une autre crise financière ? éditions Les liens qui libèrent (LLL), 2017. 

“Politika, ekonomia eta kultura hegemonikoek gerra deklaratu diote bizitzari”

Yayo Herrero antropologo ekofeminista.
www.argia.eus/blogak/onintza-irureta/2017/10/25/politika-ekonomia-eta-kultura-hegemonikoek-gerra-deklaratu-diote-bizitzari/

Yayo Herreroren hitzak dira, Emunek antolatutako jardunaldietan eskainitako hitzaldian esanak. Berrikuntza sozialak zein gizartearen erronkei egin behar dien aurre azaldu du, batik bat, krisi ekologikoari eta zaintza krisiari. Ondoko lerroetan duzue hitzaldiaren laburpena:

Zein dira gizartearen erronkak? Zein arazo handi ditugu? Kooperatibetan eta ekonomia sozialean nola helduko diegu?

Probokatzailea izan nahi dut: politika, ekonomia eta kultura hegemonikoak gerra deklaratu dio bizitzari. Batik bat aberatsak, mendebaldeko herrialdeak, ekonomia ulertzeko garatzen ari garen modua bizitza sostengatzeko oinarrizkoa denarekin kontraposizioan dago.

Zer da oinarri hori? Ekodependenteak gara, ez ginateke bizirik egongo jakiak, ura, energia, lurretik aterako ez bagenitu. Naturarik gabe ez daukagu bizitzarik. Ezaugarri bat du naturak: muga dauka. Natur baliabide batzuk agortu egiten dira; beste batzuk birsortzen dira, baina ez nahi bezain azkar; eta beste batzuk estolda-zulo bihurtzen dira eta kutsadura sortzen dute.

Gaur egun muga fisikoak gaindituta daude. Giza espeziea naturak sortu dezakeena baino gehiago gastatzen ari da. Talka hori da krisi ekologikoa.

Krisi energetikoa: 2006an petrolioaren goia harrapatu genuen. Nahi ala ez nahi energia gutxiagorekin bizi beharko dugu. Energia sortzeko energia gastatu behar da eta petrolioaren intentsitate energetikoa ez dauka beste inolako energia iturrik. Esan daiteke gizarteak petrolioa jaten duela. Madrilen bizi naiz eta han ez da ezer sortzen, dena kanpotik ekarri behar da: janaria, arropa… urrutitik ekarri behar da dena. Eredu hori eramanezina da.

Materia krisia: Kobrea, litioa, galioa… Berebizikoak dira eguzki paneletarako, haize errotetarako, ekonomia digitalerako. Behar ditugu, baina ateratzeen goia ia jota dago.

Aldaketa klimatikoa: Ez naiz hasiko aldaketa klimatikoaz luzatzen. Bihotzean dago. Nekazaritza baldintzatzen du, biodibertsitatearen galera dakar. Emunen lana gustuko dut, ideo-dibertsitatea ere galtzen ari baita. Badirudi batera doazela hizkuntzen kontserbazioa eta naturaren kontserbazioa.

Garratza da kontatu dudana, baina ariketa egin behar da.

Bi oinarri ditugu hizketagai, aipatu dugun ekodependentzia eta interdependentzia. Bigarren horri buruz esan nahi dut bakarrik ez garela inor, ezinezkoa da bakarrik irautea. Bizitzan beste batzuen arreta behar dugu, gure gorputza zaintzeko adibidez, umeak behar du laguntza, zaharrek ere bai, aniztasun funtzionala duten pertsonek, gaixo gaudenean ere behar dugu laguntza. Gure erako gizarteetan gorputz horiez emakumeak arduratu dira. Ez horretarako gaitasun berezia dugulako, baizik eta gizartea patriarkala delako. Zaintza emakumeen esku. Hori ere marko ekonomiko eta politikotik kanpo geratzen da. Horregatik hasi gara hitz egiten kontziliazioaz enpresetan. Zaintza krisi galanta daukagu. Emakumeok iraultza egin dugu, lan merkatura atera gara, eta gizonek berriz ez dute egin alderantzizko bidea, etxerako bidea, alegia. Tentsioa sortu da, zaintza krisia, zaintzeko denbora gutxiago daukagu eta zaintzeko gero eta premia gehiago: gero eta zahar gehiago ditugu, hirietan bizi gara eta halako espazioetan zaintza are zailagoa da.

Nola konpondu dugu egoera? Batetik, “amona esklabo” deitutakoen lanaren bidez, alegia bilobak zaintzen jarriz. Bestetik, etxeko lanak egiteko eta zaharrak zaintzeko emakumeak kontratatuz. Gaizki baloratutako lanak dira. Espainiara zaintzaile lanak egitera datozen emakumeen jatorria eta guk kontsumitzen ditugun lehengaien jatorria bera da. Ekodependentzia eta interdependentzia, biak jatorri beretik.

Ez dago berrikuntza sozialik krisi ekologikoari eta zaintza krisiari erantzuten ez badie

Gure gizarteak krisi ekologiko eta erreprodukzio krisi sozial handia du. Ez dago berrikuntzarik erronka horiei erantzuten ez badie. Krisi ekologikoa eta zaintza krisia.

Krisi horiek desberdintasun ikaragarriak ezkutatzen dituzte, Ipar globala eta Hego globala. Begira diezaiogun aztarna ekologikoari. Besteak gu bezala biziko balira hiru planeta beharko genituzke. AEBetan bezala biziz gero bost planeta behar dira, Kuwaiten kasuan hamabi eta Norvegiaren kasuan lau. Erronka hauxe da: Bizitzea merezi duen bizimodua eraikitzen ikasi behar dugu, horretarako behar dena sortuz eta planetaren mugak kontuan hartuz.

Nolatan iritsi gara hona? Bizitzari gerra deklaratu diogu! Zergatik egin ditugu halako ereduak?

Mendebaldeko gizarteak badu ezaugarri bat: kultura bakarra gara horma sinbolikoa eraiki duena gizakiaren eta gainerako bizitzaren artean, bestearen beharrik gabe bizitzeko gaitasuna izango bagenu bezala. Biltegia, zabortegia, da guretzat planeta. Goazen Platon garaiko Atenasera. Zein zen eskubideak zituen herritarra? Lurrarekin loturarik ez zutenak ziren, beste batzuk ziren lurrari lotuta lanean ari zirenak, esklaboak eta emakumeak. Hortik edan dugu. Homo economicus, norberekoikeria elikatzen ari dena, ez dago subjektu interdependenterik. Batzuek esparru ekonomikotik at lana egin behar dute baina ez da lantzat hartzen. Zer da ekoiztea? Lan merkatuan egiten dena, diruari lotutakoa. Ekonomia sozialak ordea, beste errenta batzuez hitz egin du, ez diruaz soilik. Ekoiztea barreiatze bonbak egitea da, baina baita garia egitea ere, biei ekoizpena deitzen diegu. Batek bizitza izorra dezake eta besteak eraiki.

Berrikuntza sozialaz ari bagara, ekoizpena zer den aztertu behar dugu berriz, bizitza eraikitzeko izango den ekoizpenaz hitz egin behar dugu eta ez izorratzeko izango denaz.

Hara hiru galdera ikuspegi ekonomikotik: Zein behar bete behar dira? Zer ekoiztu behar da? Horretarako zein lan eta sektore behar dira?

Ekoizpenari nola emango diogu balioa? Urak zenbat balio du? Zaharra zaintzeak zenbat balio du? Paisaiaren edertasunak? Ekonomia horretan saiatzen da, denari prezioa jartzen. Ozono geruzari prezioa jartzen badiogu, eta izorratzen badugu zigorra ordain daiteke balio duen horren arabera. Baina horrek ez digu ezertarako balio, guk ozono geruza babestea nahi dugu zeren ezin da berreskuratu. Neurtzeko modu bakarra dirua izateak ez du balio. Beste adierazle batzuk erabili behar dira.

Kooperatibak berrikuntza sozialari heltzeko egoera pribilegiozkoan daude. Demokratizazio ekonomikoaren ezaugarri asko dituzte eta tokian-tokian daude. Protagorasen ipuina kontatuko dut: “Zeusek lurra sortu zuen, bizidunak ipintzen ari zen, animaliak eta landareak jarri zituen, eta laster konturatu zen animaliak babes gabe utzi zituela. Epimeteo hartu zuen eta bi zaku eman zizkion animaliei banatzeko, batzuentzat arantzak, besteentzat hortzak, hurrengoarentzat giharreak. Bi zakuak hustu eta espezie bat utzi zuen baliabiderik gabe, gizakia. ‘Ene, hauek ez dute iraungo!’ pentsatu zuen, oso zaurgarri geratu zirela uste baitzuen. Orduan, Hermesi bi gauza eman zizkion: besteen beharra dutenaren kontzientzia eta justizia”. Bi gauza horiek badauzkagu, kooperatibak ere bai, begirada guztiz desberdinak ere bai. Egoera onean gaude pentsatzeko zer den berrikuntza soziala bizitza sostengatu ahal izateko.