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Articles du Vendredi : Sélection du 2 mai 2014 !

Le premier supermarché sans emballages est lancé à Berlin

Elodie (Melty Food)
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Climat: la COP de Paris ne sera pas ce que vous croyez

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/climat-la-cop-de-paris-ne-sera-pas-ce-que-vous-croyez,45628?xtor=EPR-9

Ségolène Royal : un démarrage tonitruant

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/segolene-royal-un-demarrage-tonitruant,45496?xtor=EPR-9

« Produire autrement et partager le travail pour en finir avec le chômage »

Barnabé Binctin (Entretien avec Dominique
www.reporterre.net/spip.php?article5792

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Le premier supermarché sans emballages est lancé à Berlin

Elodie (Melty Food)
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Deux jeunes Allemandes ont lancé à Berlin le premier supermarché anti-gaspillage en supprimant les emballages des produits.


On connaissait déjà l’insolite magasin qui vendait des denrées périmées pour faire face au gaspillage alimentaire. Deux jeunes Berlinoises vont plus loin et ont eu une idée originale et très écolo : un supermarché qui propose des produits sans emballages.

« Original Unverpackt » est un jeu de mots qu’on pourrait à la fois traduire par « sans emballage d’origine » et par « non emballé à l’origine ». Dans leur magasin, les jeunes femmes proposent des produits de la consommation courante et locale stockés dans de grands récipients et vendus au poids. Les clients pourront apporter leurs propres contenants, se les procurer sur place ou utiliser des sacs en papier recyclé.

Comme l’explique l’une d’elles, Milena Glimbovski au magazine Süddeutsche Zeitung, en montrant un concombre sur l’étalage d’un supermarché : « La nature a déjà emballé ce concombre. A quoi sert cet emballage supplémentaire dans du plastique ? C’est complètement idiot ». Les jeunes Allemandes veulent lutter contre le gaspillage alimentaire et la pollution.

Le magazine Süddeutsche Zeitung souligne la situation : « L’attrait de cette idée s’explique à l’aide de deux chiffres, qui explicitent le concept de société de gaspillage. Chiffre n°1 : chaque jour, huit millions de déchets – bidons, bouteilles en plastique, brosses à dents – atterrissent dans les mers de la planète, estime l’organisation de protection de l’environnement WWF. Chiffre n°2 : 1,3 milliard de tonnes de denrées alimentaires se perdent chaque année — ce qui correspondant à un tiers de la production mondiale ».

Climat: la COP de Paris ne sera pas ce que vous croyez

Valéry Laramée de Tannenberg
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Directeur de la recherche de CDC Climat, Benoît Leguet est un excellent observateur des négociations climatiques et de la finance carbone. Cet économiste de l’environnement ne croit pas à un grand soir climatique à l’issue de la conférence climat 21 (COP 21), qui se tiendra à Paris fin 2015. Voici pourquoi.

 

Le miracle de Paris n’aura donc pas lieu?

Effectivement, il ne faut pas trop attendre de la COP 21. Pour autant, cela ne signifie pas que nous courons à l’échec. Paris pourrait être un succès, mais il faut garder nos ambitions à un niveau raisonnable.

On parle pourtant d’un nouveau Kyoto…

Regardons les choses en face. Kyoto est un accident de l’histoire. Il n’y a aucune chance pour qu’en 2015 une large communauté d’états se fixent, à une échéance donnée, des engagements chiffrés de réduction absolue d’émission de gaz à effet de serre (GES), comme cela avait été le cas en 1997. Les contributions étatiques seront des engagements volontaires, qui ne seront pas nécessairement comparables les uns avec les autres, ni sur le plan des échéances, ni sur le plan de la nature des engagements. S’ils se mettent finalement d’accord entre eux sur le paquet Energie Climat 2030, les 28 de l’Union européenne proposeront de réduire de 40% leurs émissions entre 1990 et 2030, mais ils risquent d’être les seuls à proposer des réductions absolues d’émission.

Pour quelles raisons?

Les pays en développement, et notamment les émergents (Chine, Inde, Brésil ou Indonésie) ne s’engageront pas à une réelle réduction d’émission tant qu’ils n’auront pas atteint le niveau de développement souhaité par leur gouvernement. Or les 4 pays émergents que je viens de citer émettent déjà plus d’un tiers des GES anthropiques. Et, au vu de leurs croissances économique et démographique, cette part est appelée à augmenter. Cela n’empêchera pas ces pays de proposer d’autres formes de «contribution» à l’effort collectif: maîtrise des émissions par tête, par unité de PIB, sur un ou des secteurs donnés… la même remarque vaut pour nombre de pays développés, Etats-Unis en tête.

Qu’attendre de Paris 2015?

N’en doutons pas, un accord sera signé à Paris. Il comportera des généralités sur l’importance et l’urgence de lutter contre le changement climatique. Pour que Paris soit un succès, il faudra en revanche un peu plus de consistance. Et là, les paris sont ouverts.

Sur quoi misez-vous?

Le «but de guerre» de la conférence devrait se situer sur deux champs: la transparence et la construction de canaux de financement de la transition énergétique.

Des engagements sur la transparence?

Oui sur la mesure et la vérification. Selon le degré d’ambition, ils pourraient porter sur trois niveaux. Le plus facile: les 195 pays ayant ratifié la convention de l’ONU sur le changement climatique acceptent de mesurer leurs émissions selon des critères identiques, comme ils l’ont fait à Varsovie en 2013 pour la déforestation tropicale. Plus ambitieux: ces mêmes 195 pays s’engagent à mesurer et rendre compte, selon des critères normés, de leurs politiques nationales de lutte contre le changement climatique.

Encore plus ambitieux?

Un engagement universel à soumettre les politiques nationales à une évaluation internationale. Cette dernière option semble peu probable toutefois, car on s’approche là de questions de souveraineté.

Plus de transparence, ça ne réduit pas les émissions de GES…

Non, mais c’est fondamental pour débloquer le volet financier de la lutte contre le réchauffement.

En d’autres termes, comment faire payer le privé?

Oui et ça n’est pas nouveau. Pour stabiliser le réchauffement climatique à 2°C, la communauté internationale doit grosso modo réduire de moitié ses émissions de GES d’ici 2050. Cela impose de réaliser, en une quarantaine d’années, une transition écologique et énergétique; laquelle nécessitera d’orienter plus de capital et plus rapidement vers des investissements verts. Le secteur privé assure déjà 70% des financements climatiques. En réalité, la bonne question c’est comment orienter plus de capitaux privés vers le climat et maximiser l’effet de levier de la manne publique pour orienter ces flux vers du «bas carbone»?

Mais les états ont déjà pris des engagements en ce sens…

Effectivement, ils ont promis, à Copenhague, de consacrer 100 milliards de dollars additionnels par an (72 Md€) au changement climatique, à partir de 2020. Ce qui est beaucoup pour des finances publiques exsangues, mais pas grand-chose dans l’absolu. Car le montant des flux de capitaux à dévier vers du bas carbone serait plutôt un ordre de grandeur au-dessus. Souvenons-nous du rapport Stern qui estime entre 1 et 5% le prix de l’adaptation et de la réduction des émissions. L’an dernier, le PIB mondial était de 74.000 Md$[1] (53.367 Md€).

Comme s’interrogeait Lénine: que faire ?

Pour définir une bonne stratégie, un retour en arrière s’impose. Rappelons-nous l’élaboration du protocole de Kyoto en 1997. Les pays n’y ont pas décidé de canaliser 300 Md$ (216 Md€) pour financer 7.700 projets réducteurs d’émissions dans les pays du Sud. C’est pourtant le résultat obtenu en une quinzaine d’années par l’institution du mécanisme pour un développement propre (MDP). A Paris, en 2015, il faudra réinventer le principe d’un tel circuit incitatif de financement, capable de flécher du capital privé vers des investissements bas carbone. Les détails de fonctionnement du mécanisme pourraient être élaborés d’ici 2020, date d’entrée en vigueur de l’Accord.

En 20 ans, le MDP n’aura permis d’éviter l’émission que de 8 milliards de tonnes de GES: un an d’émissions chinoises…

Vrai. Cependant cet échec n’est pas imputable au dispositif proprement dit, mais au manque de demande des crédits carbone générés par les projets MDP. Et si le secteur privé international n’a pas eu besoin de ces crédits, c’est que les états n’ont pas imposé de contrainte carbone suffisante à leurs acteurs économiques.

Comment inciter les entreprises à financer la décarbonisation?

Première approche possible, on peut envisager d’améliorer le mécanisme pour un développement propre. Mais sans demande en crédits, de telles améliorations n’auront aucun impact. Deuxième approche possible: créer des dispositifs sectoriels.

Par exemple?

Lors de la conférence climatique de Varsovie, les états se sont accordés sur le système Redd+. Ce dispositif permet aux pays du Nord devant réduire leurs émissions de bénéficier de crédits d’émission en finançant la protection de la forêt tropicale, qui reste un puits de carbone. On peut imaginer des systèmes analogues dans des secteurs industriels très concentrés comme le secteur électrique, la sidérurgie ou le ciment. De tels dispositifs sont en discussion depuis plusieurs années, mais là également, on achoppe sur la question de la demande.

Point de salut donc, du côté de la demande?

Troisième possibilité, ouvrir des canaux favorisant l’offre de financement, en facilitant le refinancement des crédits aux investissements «bas carbone», afin d’engager des changements structurels dans des pans entiers de l’économie. Ces politiques climatiques peuvent être qualifiées de «non conventionnelles», au sens où elles reviennent in fine à créer de la monnaie pour faciliter le crédit aux investissements verts. CDC Climat est en train de recenser les différents systèmes possibles, qui ont été proposés au cours des dernières années par des économistes hétérodoxes ou des financiers alternatifs, mais également par des économistes du FMI.

Pourquoi les outils favorisant l’offre de financement sont-ils plus efficaces?

Au cours des dernières années, et en particulier au plus fort de la crise économique et financière, la plupart des zones monétaires (Etats-Unis, Chine, et même zone Euro) ont utilisé des politiques monétaires accommodantes, non conventionnelles, pour sauver leurs systèmes bancaires, essentiels au fonctionnement de leurs économies, et éviter un risque systémique. La transition énergétique et la lutte contre le changement climatique sont tout aussi essentielles au bon fonctionnement de nos économies. Si l’on a pu agir massivement et rapidement pour sauver le système bancaire, on peut également le faire pour le climat, le jeu en vaut tout autant la chandelle.

Ségolène Royal : un démarrage tonitruant

Valéry Laramée de Tannenberg
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Trois semaines après sa prise de fonction, la ministre de l’écologie tenait, ce vendredi 25 avril, sa première conférence de presse officielle. L’occasion de détailler sa feuille de route pour les prochaines années. Un programme chargé.

 

Accélération. A de nombreuses reprises, lors de sa première conférence de presse officielle, la nouvelle ministre de l’écologie a dégainé son mot d’ordre: «accélération». Une «consigne présidentielle» a précisé Ségolène Royal. Le coup d’accélérateur laissera sans doute sur place l’image de son prédécesseur. Mais là n’est pas l’essentiel.

La nouvelle locataire de l’hôtel de Roquelaure a tenu à montrer l’ampleur de la tâche qui l’attend. Tâche qu’elle entend prendre quasiment à la gorge. D’abord en accélérant, évidemment, le dénouement de dossiers bloqués depuis parfois des lustres.

 

Appels d’offres «renouvelables»

Dès la semaine prochaine, le(s) lauréat(s) du second appel d’offres éolien marin seront ainsi dévoilés. S’en suivra de peu le lancement de deux appels d’offres: l’un sur le photovoltaïque grande puissance, l’autre sur l’éolien offshore qui «concernera non seulement l’éolien posé, mais aussi l’éolien flottant», a promis la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes.

Energie toujours, alors que le projet de loi sur la transition énergétique devrait être présenté au Parlement dès le mois de juillet, la convention sur la formation des artisans de la rénovation énergétique devrait être signée la semaine prochaine. Bloquée depuis décembre, cette convention FEEBat permettra aux professionnels de voir leurs frais de formation remboursés. Pas de date précise, en revanche, de la présentation de la réforme de la fixation du tarif de l’électricité.

 

Le retour du marais poitevin

Toujours la semaine prochaine, la ministre présentera le dispositif qui succèdera à l’écotaxe poids lourds. Nul ne sait encore s’il intégrera ou non la société Ecomouv’. Locale de l’étape, la ministre n’a pas caché le plaisir qui sera le sien de signer, toujours la semaine prochaine, le décret «redonnant au marais poitevin» son rang de parc naturel régional (PNR). La plus grande zone humide de France avait perdu son label PNR (initialement obtenu en 1979) à la suite d’un piètre bilan et de l’incapacité des collectivités locales à s’entendre sur une nouvelle charte.

Dans les semaines qui viennent, Ségolène Royal veut terminer le processus visant à l’adoption de tous les plans de protection de l’atmosphère (PPA). Les 15 plus importants (couvrant 39% de la population) ont déjà été signés. 21 autres sont en cours de révision ou d’élaboration. A terme, ces plans concerneront 47% des Français.

 

Stratégies nationales

Le Code minier a bien été évoqué, sans précision calendaire. Tout le contraire des discussions portant sur le projet de règlement européen sur les organismes génétiquement modifiés. Dès juin, la France devrait présenter ses propositions, «de sorte que les Etats qui le veulent puissent interdire les OGM», a indiqué la ministre.

Les amateurs de stratégies nationales ne seront pas déçus. En attendant la publication d’un décret sur l’usage du BPA, une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens doit être publiée ces prochains jours. Elle précédera de quelques semaines la sortie de la stratégie nationale sur la gestion du risque inondation, qui elle-même précédera une stratégie nationale sur l’économie circulaire. A ce propos, le projet de loi sur la transition énergétique comportera un volet Economie circulaire. Traduction: le texte incitera les agriculteurs à mettre en service au moins une «mini-unité de méthanisation dans chaque canton rural».

 

 

Ségolène Royal a indiqué qu’elle ferait, dans quelques semaines, en binôme avec la ministre du logement Sylvia Pinel, des propositions pour prolonger le plan de rénovation énergétique de l’habitat, «qui n’a pas atteint ses objectifs». Cela pourrait passer par un élargissement du champ d’application des aides publiques et la création d’un statut du tiers financeur.

 

100.000 emplois

Parce qu’elle s’est fixé pour objectif que son action débouche sur la création de 100.000 emplois en trois ans, la ministre entend simplifier quelque peu le droit à l’environnement. Prochainement, les inspecteurs des installations classées recevront ainsi pour consigne d’accélérer le traitement des demandes d’autorisation.

 

Très attachée au terrain, l’ex-députée des Deux-Sèvres veut «mettre en mouvement» les entreprises et les territoires. Pour ce faire, elle entend «accélérer» la mise en œuvre des volets «mobilité» des contrats de plan état-régions. Le gouvernement Ayrault avait prévu leur signature avant l’été. L’administration Valls fera-t-elle mieux?

« Produire autrement et partager le travail pour en finir avec le chômage »

Barnabé Binctin (Entretien avec Dominique
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Le 1er mai était le jour de la fête du Travail, que Reporterre a célébré en se mettant en pause. On en a profité pour réfléchir sur ce que représente le travail aujourd’hui, lors d’une rencontre avec la philosophe et sociologue Dominique Méda, notamment auteure de Réinventer le travail.


 

Reporterre – La Fête du Travail a-t-elle encore un sens pour vous qui avez écrit en 1995 Le travail. Une valeur en voie de disparition ?

 

Dominique Méda – Dans cet ouvrage, je ne décrivais pas une situation objective. J’exprimais le souhait que le travail prenne moins de place dans nos vies et soit mieux réparti entre les membres de la société, pour que chacun assume ses rôles de travailleur, parent, citoyen, ami…

Continuer à faire du partage du travail une cause commune aux travailleurs de tous les pays – puisque je rappelle qu’il s’agit d’une Fête internationale des travailleurs ! – et conserver un jour férié pour formuler des propositions destinées à améliorer leur situation me paraît non seulement une excellente chose, mais aussi une absolue nécessité.

 

Les chiffres du chômage sont parus la semaine dernière : 3 349 300 demandeurs d’emploi. De quoi le marché du travail souffre-t-il aujourd’hui ?

On peut aussi évoquer trois autres chiffres : plus de six millions de personnes sont désormais, en France, inscrites à Pôle emploi dans l’une des cinq catégories ; plus de 42 % des demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C sont inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an ; moins de 50 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés.

Les causes du chômage tiennent à la conjugaison de trois éléments : un étouffement de l’activité par les politiques d’austérité et plus généralement par le détournement des financements vers l’économie spéculative, une compétition intra-européenne et internationale non régulée dont la principale variable d’ajustement est le travail, et une réduction du temps de travail non proportionnelle aux gains de productivité réalisés durant le dernier quart de siècle.

Les diagnostics qui mettent en avant les prétendues rigidités et le coût du travail français sont partiels car ils se focalisent sur un élément unique alors que l’on pourrait tout autant incriminer la faiblesse de la recherche française, les erreurs de management, les stratégies à courte vue, l’insuffisante qualité des produits français, etc.

 

Quelles solutions l’écologie apporte-t-elle pour sortir de ces impasses ?

D’abord, un message crucial : non, la croissance ne constitue pas la réponse au chômage. Cela fait trente ans qu’on entend cette idée que le retour de la croissance va nous sauver. Or, non seulement la croissance ne revient pas, non seulement elle risque de ne pas revenir, mais surtout, il n’est pas souhaitable qu’elle revienne aux rythmes antérieurs.

Car il est désormais clair qu’elle s’accompagne de maux, de dégâts, de dégradations inestimables sur le patrimoine naturel et sur la cohésion sociale. L’écologie est donc porteuse de cette prise de conscience qu’il nous faut inventer autre chose, c’est-à-dire un modèle de développement capable de répondre à la diversité des besoins sociaux tout en respectant des normes strictes, sur les plans social et environnemental.

Ma thèse est que nous pouvons sortir par le haut de la grave crise écologique à laquelle nous sommes confrontés en mettant la résolution de celle-ci au service de l’emploi et du travail.

 

 

Comment ?

Par un changement de la production. Produire autrement, enserrer la production dans des contraintes sociales et environnementales peut nous permettre à la fois de mieux partager l’emploi et de changer le travail. Jean Gadrey a montré dans ses travaux qu’une production plus propre, écologiquement et socialement, exige plus de travail. Cette plus grande quantité de travail, il nous faut la répartir autrement sur l’ensemble de la population active.

 

Cela passe-t-il également par une réduction légale du temps de travail ? Quid des fameuses « 32 heures » que les écologistes évoquent parfois ?

Les 32 heures ne sont pas la seule manière d’y arriver. L’enjeu me semble plutôt être de partager autrement le travail. Car cela passe, certes, pour les uns par une réduction, et pour d’autres – tous ceux qui sont à temps partiel subi notamment – par une augmentation du temps de travail. Il faut substituer au partage actuel du travail, sauvage, un partage civilisé.

Ce partage devrait surtout selon moi s’accompagner d’une désintensification du travail, avec de nouveaux rythmes. Et ce d’autant plus qu’il nous faut désormais rechercher, dans un grand nombre de secteurs, des gains de qualité et de durabilité plutôt que des gains de productivité.

 

Vous expliquez dans vos recherches que les problèmes de l’emploi sont aussi liés à la façon que l’on a de mesurer les richesses économiques aujourd’hui. Que pensez-vous de la proposition de loi portée par la députée écologiste Eva Sas sur de nouveaux indicateurs de richesse ?

Le plus grand bien ! L’association que je copréside avec Florence Jany-Catrice et Célina Whitaker, le Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR), va d’ailleurs exprimer officiellement son soutien.

Cela fait plus de dix ans que nous prônons la prise en compte, à côté du PIB, d’autres indicateurs capables de mettre en évidence les évolutions des patrimoines et des collectifs qui nous importent : patrimoine naturel, santé sociale. C’est exactement cela que propose Eva Sas puisqu’il s’agit d’adopter quatre indicateurs, l’empreinte écologique, l’empreinte carbone, l’espérance de vie en bonne santé et l’indice de santé sociale, et de consacrer à l’analyse de leur évolution un temps déterminé de débat parlementaire.

C’est non seulement un excellent projet mais aussi la première étape, indispensable, d’un changement de modèle.

 

Le revenu minimum ou revenu inconditionnel d’existence peut-il être un outil dans la redéfinition de la valeur travail ?

Je mesure les avantages attachés à un tel revenu, notamment dans ce qu’il permet aux individus de refuser les travaux ou les conditions de travail indécentes, ce qui est essentiel. Il est aussi la marque du caractère collectif de la production.

Enfin, quand on sait à quels tourments bureaucratiques sont soumis les demandeurs du RSA (Revenu de solidarité active), on a évidemment envie de plaider pour le caractère inconditionnel d’un tel revenu.

Pourtant, je n’arrive pas à être convaincue que c’est « LA » solution. D’abord je pense que notre société n’est pas prête à délier à ce point travail et revenu, et surtout à abandonner à ce point le mythe de l’incitation individuelle au travail. Je crains aussi que cette solution ne soit l’occasion de se donner bonne conscience : on donnerait un tout petit revenu à un ensemble de personnes exclues du système productif, devenu de plus en plus sélectif, et tout serait réglé.

Je préfère de loin une solution qui me paraît plus exigeante et qui conjuguerait le partage du travail, un revenu maximum empêchant un petit groupe d’accaparer et de privatiser des ressources collectives, et une protection sociale généreuse, qui serait largement déconnectée du travail et détachée du mythe de la productivité individuelle du travail.

 

 

 

 

De manière générale, tout ce que vous défendez constituerait une véritable révolution pour nos sociétés. Pensez-vous qu’elles soient prêtes ?

Nos sociétés sont tellement tétanisées et désorientées qu’elles sont certainement prêtes à des changements. Pas nécessairement ceux que je propose, mais je crois que nos concitoyens sont désormais en attente de solutions radicales, tant on leur a raconté d’histoires.

La gauche s’est particulièrement décrédibilisée en mettant très peu en œuvre les propositions qu’elle soutenait lorsqu’elle était dans l’opposition, et ce depuis le début des années 1980. Un discours « écologiste-de-gauche » est de ce fait difficilement audible : comment parler de décroissance ou de sobriété heureuse à ceux qui gagnent moins de mille euros par mois ?

Les écologistes sont considérés comme des bobos et des gens dont les préoccupations sont beaucoup trop de long terme. Pour concilier justice sociale et efficacité écologique, la voie est étroite et nouvelle : il faut en effet tout changer, engager une bifurcation radicale.

Cela nécessite de remettre en cause les situations établies, les intérêts des lobbies, sans savoir très bien ce qu’il y aura au bout du chemin et sans avoir réellement trouvé le bon argumentaire. Il faut réussir à montrer quels peuvent être les enchaînements vertueux, qui va y gagner, comment on va procéder, etc.

Et puis, il y a évidemment la question centrale de savoir qui va commencer et avec qui nous allons nous engager dans cette voie. Une telle révolution dans un seul pays est inenvisageable. Cela ne peut se faire qu’au niveau européen, et il faut donc parvenir à constituer des coalitions, des alliances susceptibles de promouvoir cette nouvelle configuration.

 

Pendant ce temps, on relance le débat sur le travail dominical…

J’ai été choquée de lire que l’un de nos ministres [Laurent Fabius, ndlr] avait expliqué qu’il fallait absolument se saisir de la « manne » représentée par le tourisme et par conséquent autoriser largement le travail du dimanche.

On nous dit que les salariés sont pour… Mais dans une société malade du chômage, il faudrait être un fou ou un saint pour ne pas prendre ce qui se présente ! Est-ce une raison pour faire l’apologie pêle-mêle du travail du dimanche, des emplois payés sous le Smic, de la suppression de toutes les prétendues entraves à la liberté du travail ?

« Le travail libre », c’est ce qui était en vigueur dans la première moitié du 19ème siècle… Il faut des moments collectifs, quels qu’ils soient, réservés à autre chose qu’au travail, à la production, à la consommation.