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Articles du Vendredi : Sélection du 18 mars 2011

Hervé Kempf : « Il est vital pour l’oligarchie de maintenir la fiction d’une démocratie »

Linda Maziz
www.bastamag.net/article1450.html le 10.03.2011

Le séisme au Japon peut-il ébranler l’industrie nucléaire ?

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr 14.03.2011


Dix poncifs sur la richesse


Patrick Viveret. Ecrivain, philosophe, auteur du rapport ministériel « Reconsidérer la richesse »

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Hervé Kempf : « Il est vital pour l’oligarchie de maintenir la fiction d’une démocratie »

Linda Maziz
www.bastamag.net/article1450.html le 10.03.2011

Les puissances d’argent ont acquis une influence démesurée, les grands médias sont contrôlés par les intérêts capitalistes, les lobbies décident des lois en coulisses, les libertés sont jour après jour entravées. Pour Hervé Kempf, journaliste et essayiste, si nous voulons répondre aux défis du 21e siècle, il est impératif de revenir en démocratie. Et mettre fin à l’oligarchie, régime actuel qui maintient les privilèges des riches au mépris des urgences sociales et écologiques.
Basta ! : Pourquoi affirmez-vous que nous ne sommes plus en démocratie, et pas encore en dictature, mais dans une « oligarchie » ?
Hervé Kempf : Dans les pays occidentaux, l’évolution du capitalisme ces 30 dernières années a provoqué une considérable augmentation des inégalités. Elle a conduit à détacher encore plus le groupe des très riches du reste de la société. Ce groupe a acquis un pouvoir énorme, qui lui permet de contrôler les grands choix collectifs. Derrière l’apparence d’une démocratie représentative, le destin de la collectivité est déterminé par un petit groupe de gens, la classe oligarchique.
Le régime oligarchique actuel se caractérise par une extension du pouvoir des acteurs économiques, bancaires et financiers. Et par un affaiblissement du pouvoir relatif de l’État. L’histoire récente l’illustre clairement, avec les exemples de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande : ce sont désormais les spéculateurs, les banques, les fonds de pension qui décident des politiques économiques de ces pays. Le dénouement de la crise financière montre également la disproportion entre le pouvoir des États et celui des agents privés. Le système financier est sauvé fin 2008 par l’engagement des crédits et de l’épargne publics. Éviter l’effondrement du système était nécessaire. Mais on est en droit d’attendre que la puissance publique reprenne le contrôle des agents financiers qui avaient conduit à la crise par leur comportement irresponsable. Cela n’a absolument pas été le cas. L’autonomie de décision du secteur bancaire a été largement préservée. Les tentatives de régulation ne corrigent qu’à la marge les dysfonctionnements et les comportements spéculatifs.
L’oligarchie désigne à la fois une réalité sociologique et un système politique. Comment fonctionne cette élite puissante et fortunée ?
Une des caractéristiques du régime oligarchique est l’imbrication étroite entre les cercles dirigeants politiques et économiques. Alors que l’un des principes fondamental de la démocratie est la séparation : d’un côté les élus, les hauts-fonctionnaires, les membres des cabinets ministériels et de l’autre les dirigeants des banques et des grandes entreprises. Ils ne doivent pas être adversaires, au contraire, c’est important qu’une société démocratique ait une activité économique prospère. Mais en démocratie, les affaires privées relèvent d’une autre logique que les affaires publiques. Or on observe aujourd’hui une fusion des deux systèmes de gestion. Ceux qui sont en charge des affaires publiques ont beaucoup moins le souci de l’intérêt public. Ou plutôt, ils ont le souci que la gestion des intérêts publics n’entre pas en contradiction avec la préservation des grands intérêts privés. On observe aussi un constant va-et-vient, du point de vue des acteurs, entre les milieux de la haute décision publique et ceux des grandes entreprises ou de la banque.
Le glissement de la démocratie vers l’oligarchie ne s’est pas fait brutalement, mais plutôt de manière insidieuse…
Cela s’est opéré avec le creusement progressif des inégalités – dont on a véritablement pris la mesure ces dernières années. Tout le discours de l’oligarchie consiste à préserver la fiction de la démocratie. Il est vital pour le maintien d’un système inégalitaire que le peuple continue à croire qu’il est en démocratie, que c’est lui qui décide. Aujourd’hui, une partie de la classe dirigeante est cependant en train d’abandonner l’idéal démocratique et aspire plus ou moins ouvertement à un régime totalitaire. Il n’y a qu’à voir le nombre de capitalistes en admiration devant le régime chinois, parce qu’il atteint des taux de croissance économique records grâce à un gouvernement autoritaire.
L’oligarchie témoigne d’une conscience de classe aiguisée, d’une communauté sociologique solidaire. Mais, face à l’oligarchie, pourquoi une telle passivité, une telle apathie collective ? Pourquoi ne se rebelle-t-on pas ?

L’évolution du capitalisme s’est accompagnée d’une transformation majeure de la culture collective. L’individualisme s’est exacerbé à un point sans doute jamais vu. Il forme aujourd’hui le fond de notre culture, de notre conscience collective, de notre façon d’être. C’est ce qui cause notre faiblesse et notre incapacité à nous rebeller. L’individualisme fragmente la société. Il nous paralyse et nous handicape face à des gens qui, même s’ils sont peu nombreux, « jouent collectif » et sont très cohérents.
Pour dépasser cela, il faut nous affranchir d’un conditionnement extrêmement fort des médias, et particulièrement de la télévision. Elle est devenue si quotidienne et banale, on ne se rend même plus compte à quel point elle modèle et diffuse la culture collective. Le système de valeurs qu’elle projette, avec la publicité, est individualiste, axé sur la consommation, et n’invite pas à intervenir dans la sphère publique.
Sommes-nous indifférents à ce qui est en train de se passer ?
Il y a, dans une large part des classes moyennes, un conservatisme fondé sur la crainte. Elles savent que les mécanismes de la démocratie sont très affaiblis, que la situation générale se délite, que les institutions de solidarité collective sont mises à mal. Mais elles estiment que le capitalisme finissant et l’oligarchie leur garantissent une certaine sécurité face à l’ébranlement du monde. Après tout, cet ordre existant, bien que très critiquable, nous assure un confort qui pourrait être perdu en cas de changement majeur. Mais la situation ne peut pas rester stable. La sécurité actuelle est une fausse sécurité. Si l’on n’agit pas, si le sentiment d’indignation exprimé par les lecteurs de Stéphane Hessel ne se transforme pas en engagement, les oligarques, face à la montée de la crise sociale et écologique, nous entraîneront dans un régime de plus en plus autoritaire. Un régime qui affaiblira le confort, mais aussi la liberté et la dignité de chacun.
L’enjeu politique le plus immédiat est-il de « dé-financiariser » l’économie et de reprendre le contrôle du système bancaire ?
Oui. L’un des leviers essentiels pour revenir en démocratie – et pour donner des capacités d’action au politique – est d’affaiblir cette puissance financière. Il faut reprendre le contrôle, par des règles que les spécialistes de la finance connaissent bien : séparation des activités spéculatives et des activités de dépôt, gestion collective du crédit, taux de réserve obligatoire pour les banques… On peut aussi envisager la socialisation d’une partie du secteur bancaire.
Autre enjeu crucial : réduire drastiquement les inégalités. Cela est indispensable pour que notre société ait les moyens de se transformer, de s’orienter vers une politique écologique de la ville, de l’énergie, des transports. Il faut développer des activités moins destructrices de l’environnement, et moins tournées vers la production matérielle, comme l’éducation, la santé, la culture. Des activités qui ont un impact écologique plus faible, mais qui sont beaucoup plus riches en termes de lien social et de création d’emplois. Et la démocratie est fondée sur un principe d’égalité. Or aujourd’hui, certains sont dans une telle position de richesse qu’ils peuvent influencer très largement la décision collective. Par des activités de lobbying, par le financement des campagnes des candidats, par le contrôle des médias, autant d’actions qui conditionnent les esprits.
Comment réagit l’oligarchie face à la crise écologique ?

La crise écologique crée une contrainte historique tout à fait nouvelle et impose une véritable transformation de nos sociétés occidentales, de nos modes de vies. Notre économie repose sur un accroissement continu de la consommation, et nous savons pertinemment que cette course à l’enrichissement matériel ne peut se poursuivre indéfiniment. En termes de prélèvement des matières premières ou de recyclage, nous avons atteint les limites de la biosphère. Et les pays émergents revendiquent légitimement d’être traités sur un pied d’égalité avec les pays occidentaux, en terme d’accès aux ressources et de consommation. Historiquement, nous allons vers une convergence des niveaux de vie. La situation écologique ne permet pas que cette convergence se fasse par un alignement sur le niveau de vie occidental. Celui-ci doit changer, ce qui se traduira par une baisse du niveau de vie matériel. C’est le défi majeur de nos sociétés. L’oligarchie ne peut pas le relever.
Pourquoi en est-elle incapable ?
Pour l’oligarchie, il est vital que croissance économique et promesse d’augmentation de la consommation matérielle soient considérées comme un objectif absolu. C’est la condition pour que les inégalités actuelles restent acceptables : la croissance du PIB est censée permettre l’élévation du niveau de vie de tous. La question écologique est donc toujours minorée et la critique de la croissance considérée comme absurde. Il est essentiel que la délibération collective porte sur ces questions, qui sont la clé d’un avenir pacifique. La démocratie est le seul moyen de parvenir à cette transition, qui doit être réfléchie et choisie collectivement, dans une logique de réduction des inégalités.

Le séisme au Japon peut-il ébranler l’industrie nucléaire ?

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr 14.03.2011

Au début de l’année, les révolutions arabes ont donné un nouveau souffle à l’énergie nucléaire, en pointant l’urgence de s’affranchir de notre dépendance au pétrole. Bruxelles, poussé par Paris, a même ajouté le nucléaire à la liste des énergies faiblement carbonées soutenues dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, au même titre que l’hydraulique, le solaire ou l’éolien. Mais le séisme qui a dévasté le Japon, vendredi, endommageant durement les centrales et faisant planer le spectre d’un accident nucléaire majeur dans le pays, constitue un coup dur pour l’atome.

Trente-deux ans après Three Miles Island (incident classé 5 sur 7 sur l’échelle internationale des événements nucléaires) et vingt-cinq après Tchernobyl (niveau 7), la catastrophe japonaise a remis sur le devant de la scène la question de la sûreté nucléaire. Ce lundi 14 mars, la chancelière allemande, confrontée à une opposition anti-nucléaire forte, a annoncé la suspension, pendant trois mois, de la prolongation de l’activité des 17 centrales nucléaires du pays tandis que la Suisse suspendait ses projets de renouvellement de centrales. Dès dimanche, l’Autriche avait, quant à elle, exigé la réalisation de tests de résistance des centrales nucléaires en Europe pour vérifier notamment si elles sont “sûres en cas de tremblement de terre”. Aux Etats-Unis aussi, alors que le pays compte pas moins de 104 centrales, le sénateur démocrate Joe Lieberman, partisan de l’atome, a appelé à “faire une pause”, “le temps de digérer ce qui s’est passé au Japon”.
Même la France a changé de ton : lundi, le ministre de l’énergie, Eric Besson, a jugé “préoccupante” la situation dans les centrales japonaises et admis qu’une “catastrophe nucléaire” n’est plus à exclure, après avoir minimisé l’ampleur de la catastrophe, au lendemain du séisme.
Ces pays pourraient ne pas être les seuls à réaliser un rétropédalage sur ce sujet… explosif. Car les projets de centrales ne manquent pas. Soixante-cinq réacteurs nucléaires sont ainsi actuellement en cours de construction sur la planète, dans 15 pays, dont 27 en Chine, 11 en Russie et 5 en Corée du Sud. Les pays émergents se bousculent aussi au portillon. Rien qu’au cours du dernier mois, dix-sept pays ont déposé un dossier auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique pour construire leurs premières centrales. Parmi eux, le Chili, pays abonné aux séismes, ou le Bangladesh, victime de fréquentes inondations. Au total, selon la filière, le potentiel de nouvelles centrales dans le monde était estimé entre 200 et 300 entre 2010 et 2030.
Alors, Fukushima portera-t-elle le coup de grâce, tant attendu par les anti-atome, au développement du nucléaire ? Pour les écologistes, il y aura sans aucun doute un avant et après le 11 mars 2011. Ainsi, pour Sofia Majnoni, de Greenpeace France, interrogée par l’AFP, la “catastrophe” en cours au Japon “va mettre un terme à 25 ans de discours sur la sécurité nucléaire, rodé, notamment par Areva”, le groupe nucléaire français et géant mondial : il “paraît impensable qu’il n’y ait pas une prise de conscience après une catastrophe de ce type.”
Les analystes, eux, bien qu’un brin plus mesurés, estiment néanmoins qu’un fort ralentissement des projets nucléaires se profile. “Le monde du nucléaire a changé (et peut-être pris fin) ce week-end. Au minimum, la catastrophe nucléaire au Japon va entraîner une hausse des coûts d’investissements (de sûreté) des opérateurs européens, et probablement des fermetures précoces de centrales”, estiment les analystes de Kepler dans une note, citée par Reuters.
“Si l’incident japonais était désamorcé, les changements de planning seraient limités dans des pays comme la Chine ou l’Inde, où les ressources fossiles sont rares et où la demande d’énergie croît rapidement”, assure de son côté Alex Barnett, analyste chez Jefferies. “Cependant, le soutien public pour des projets en Europe et aux Etats-Unis pourrait s’éroder, rendant risqués les calendriers accélérés qui sont en cours”, tempère-t-il.
Et Arnaud Bauduin, gérant actions chez OFI AM, d’ajouter : “Ce qui paraît essentiel, c’est que la voix des anti-nucléaire va de plus en plus se faire entendre. Même si la Chine ne semble pas vouloir remettre en cause ses projets, les anti-nucléaire ont marqué des points aujourd’hui.”


Dix poncifs sur la richesse


Patrick Viveret. Ecrivain, philosophe, auteur du rapport ministériel « Reconsidérer la richesse »

La richesse d’un pays n’est pas ce que l’on croit, et surtout pas ce que l’on mesure…Patrick Viveret analyse 10 idées reçues sur la richesse…Il y est question de monnaie, de tiers secteur, d’économie domestique, d’écologie…

1. Le PIB est un bon indicateur de la richesse créée
De la vache folle à l’Erika, de la tempête de décembre 1999 aux accidents de la route ou à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse : toutes ces catastrophes sont des bénédictions pour notre produit intérieur brut ! Les centaines de milliards de francs qu’elles coûtent à la collectivité ne sont pas comptabilisées comme des destructions, mais comme des créations de richesse : dès lors qu’il faut payer des garagistes pour réparer les voitures endommagées, des cimentiers pour brûler les farines animales ou des médecins pour soigner les victimes de la pollution, des valeurs ajoutées monétaires sont enregistrées dans les comptes. Ce qui contribue à gonfler le PIB (produit intérieur brut).

2. Seules les entreprises produisent de la richesse

Notre système économique repose sur la stricte séparation entre, d’un côté, des entreprises considérées comme seules productrices de richesse et, de l’autre, des activités sociales et écologiques financées par prélèvement sur cette richesse. Un tel mythe condamne les associations à quémander leurs moyens d’existence à l’État ou à les rechercher sur le marché, faute de disposer de ressources directement liées aux richesses sociales qu’elles contribuent à créer ou à préserver. En termes de comptabilité nationale, les associations concourent à faire baisser le PIB en développant des activités bénévoles plutôt que rémunérées. Ce système pervers fait des services publics un secteur suspecté en permanence de parasitisme.

3. Les indicateurs de productivité de l’ère industrielle sont toujours valables

Nous disposons d’outils de mesure de la productivité forgés pour favoriser une croissance matérielle de nature industrielle. Ceux-ci s’avèrent largement contre-productifs lorsqu’il s’agit d’affronter les trois grands défis de l’avenir : entrée dans l’ère informationnelle, enjeux écologiques, rôle des services relationnels (éducation, santé…) dans notre développement. Ainsi, en matière de santé, ce qui compte n’est pas le nombre de visites chez le médecin, mais le fait de savoir si l’on est guéri ou, mieux, si l’on échappe à tel ou tel risque. Or, dans la comptabilité actuelle, plus on fait de prévention, plus on casse la croissance (puisqu’on consomme moins de médicaments et d’heures d’hospitalisation) !

4. La monnaie sert d’abord à faciliter l’échange

Exact, mais pour une part seulement. Le mot « payer » vient du latin pacare, qui signifie pacifier et Montesquieu a développé une théorie du « doux commerce » comme alternative à la guerre. Mais, si la monnaie remplit cette fonction lorsqu’elle facilite l’échange entre partenaires, elle devient facteur de violence quand elle se fait outil de domination d’un capitalisme relevant plus de la volonté de puissance que du désir d’échange. Que des personnes désireuses d’échanger et de créer des activités ne puissent le faire au motif qu’elles sont insolvables est en contradiction avec la théorie de la monnaie comme outil d’échange.

5. L’argent reste le fondement de tout système d’échange
Le système d’échange le plus universel entre les êtres humains est en réalité celui du temps. Celui-ci remplit d’autant mieux les rôles d’unité de compte et de moyen d’échange traditionnellement dévolus à la monnaie que ses unités (heures, minutes, secondes) ont l’avantage, contrairement à l’argent, d’être universellement reconnues et invariables. Bref, ce qu’on appelle l’argent, et qui n’est en fait que la  » monnaie de marché « , n’est qu’un cas particulier de l’échange de temps. Il serait plus judicieux de dire que  » l’argent, c’est du temps  » plutôt que  » le temps, c’est de l’argent « .

6. C’est la rareté qui fait la vraie valeur d’un bien
Nous définissons la valeur, au sens économique, par la rareté. Mais cette intuition devient fausse lorsqu’elle dénie toute valeur à des biens non rares mais dont la perte serait irréparable : l’air est abondant et gratuit, mais sa disparition condamnerait l’espèce humaine. Ce qui montre que la valeur marchande est un sous-ensemble d’un système de valeurs plus élevé, dont il suffit de simuler la perte pour découvrir l’importance.

7. Les ressources planétaires sont insuffisantes pour satisfaire tous les besoins

La guerre économique actuelle, que l’on nous présente comme liée à des logiques de rareté et de survie, se situe dans un contexte où les besoins fondamentaux des six milliards d’êtres humains peuvent être satisfaits. Les chiffres du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) sont éloquents : il faudrait environ 40 milliards de dollars par an pour éradiquer la faim, permettre l’accès à l’eau potable pour tous, pour les loger décemment et combattre les grandes épidémies. Soit dix fois moins que pour les dépenses mondiales de publicité !

8. L’économie est née de la nécessité d’affecter des ressources rares
Dans la plupart des cas, ce n’est pas la rareté mais l’abondance qui caractérise la nature : que l’on pense à l’abondance des espèces, des cellules et, de manière générale, à la formidable profusion dont témoigne le phénomène de la vie… Loin que l’économie apparaisse comme l’activité de base, condition de toute survie, elle est beaucoup plus, à partir de sa réinvention moderne au XIXe siècle, l’idéologie dominante de la société industrielle.

9. L’économie joue un rôle central dans toutes les sociétés humaines
S’il est un trait commun à la plupart des civilisations, c’est la subordination du travail, de la production et, plus largement, de la sphère économique à des activités ou des valeurs jugées plus fondamentales comme la politique, la culture, la philosophie. Même Adam Smith, le père de notre économie politique, estimait que le vrai rôle de l’économie était, en organisant l’abondance, de réunir les conditions pour construire ensuite une  » république philosophique « . Quant à Keynes, il considérait que l’économie devrait occuper, à terme, une place réduite dans l’activité sociale et les économistes accepter que leur rôle ne soit pas plus important que celui des  » dentistes « .

10. Il n’y a pas d’alternative au plan international sur ces questions
Dès aujourd’hui, on peut s’appuyer sur un courant de recherche international pour faciliter la transformation de nos systèmes de représentation de la richesse. En témoignent les indicateurs de développement humain et de pauvreté élaborés par le Pnud, ceux de l’Union européenne sur des indicateurs environnementaux et sociaux, le débat récent sur la  » responsabilité sociale de l’entreprise  » et même certaines études de la Banque mondiale et de l’OCDE sur  » le capital social  » et le  » capital naturel « . Enfin et surtout, l’exigence croissante de la société civile mondiale pousse les acteurs institutionnels et économiques à bouger sur cette question : la rencontre de Québec  » globaliser la solidarité « , organisée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire, et le Forum social mondial de Porto Alegre ont tous inscrit la reconsidération de la richesse à leur ordre du jour. Du coup, il devient difficile d’arguer du fait que la France ne saurait s’engager seule dans une stratégie de transformation pour justifier l’immobilisme.