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Articles du Vendredi : Sélection du 14 février 2014 !

Obama et Hollande appellent à agir pour le climat

AFP
www.liberation.fr/monde/2014/02/10/l-appel-d-obama-et-hollande-a-agir-pour-le-climat_979051

Climat : les leçons de la conférence de Varsovie avant d’aborder celle de Paris

Geneviève Azam, Maxime Combes, Nicolas Haeringer
www.bastamag.net/Climat-les-lecons-de-Varsovie du 18/12/2013

Transition de la société : passer du rêve à la réalité

Benoît Thévard
www.avenir-sans-petrole.org/article-transition-de-la-societe-passer-du-reve-a-la-realite-57886421.html

Genève : l’écosocialisme européen a pris date

Benito Perez
http://cadtm.org/Geneve-l-ecosocialisme-europeen-a

Les 1 500 filiales « offshore » des entreprises du CAC 40

Mathilde Damgé
www.lemonde.fr/economie/article/2014/02/13/cac-plus-de-1-500-filiales-offshore-pour-40-entreprises_4365506_3234.html

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Obama et Hollande appellent à agir pour le climat

AFP
www.liberation.fr/monde/2014/02/10/l-appel-d-obama-et-hollande-a-agir-pour-le-climat_979051

La tribune des deux dirigeants coïncide avec le début de la visite de Hollande à Washington et rappelle notamment l’importance de la conférence sur le climat prévue l’an prochain sous l’égide de l’ONU.

Les présidents français et américain lancent un appel commun à un accord ambitieux sur le climat, dans une tribune publiée lundi par Le Monde et le Washington Post, où ils présentent leur partenariat comme un «modèle». «Alors que nous préparons la Conférence sur le climat qui doit se tenir à Paris l’an prochain, nous continuons à appeler tous les pays à s’associer à notre recherche d’un accord mondial ambitieux et global pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre par des mesures concrètes», écrivent François Hollande et Barack Obama dans ce texte publié au matin d’une visite d’Etat de trois jours du président français outre-Atlantique.

Le sommet sur le climat organisé en septembre par l’ONU «nous donnera l’occasion de réaffirmer nos ambitions», ajoutent-ils d’une seule voix. «Comme toujours, l’avenir que nous voulons doit se mériter», lancent-ils. Intitulé Une alliance transformée, le texte, illustré d’une photo des deux hommes côte à côte et tout sourire, détaille leur proximité de vues sur nombre de dossiers. «Enraciné dans une amitié de plus de deux siècles, notre partenariat toujours plus étroit constitue un modèle de coopération internationale», affirment Hollande et Obama.

Extrait de la Tribune : www.lemonde.fr/international/article/2014/02/10/une-alliance-transformee-par-barack-obama-et-francois-hollande_4363116_3210.html

 

« L’AVENIR QUE NOUS VOULONS DOIT SE MÉRITER »

Notre leadership en matière de lutte contre le changement climatique est une composante de ces efforts. Alors même que nos deux pays réduisent leurs émissions de carbone, nous pouvons développer les partenariats en matière d’énergie propre qui créent de nouveaux emplois et nous font progresser vers une croissance sobre en carbone. Nous pouvons faire davantage pour aider les pays en développement à se tourner vers des sources d’énergie sobres en carbone et à faire face à la montée du niveau des océans et à la violence des tempêtes.

Alors que nous préparons la Conférence sur le climat qui doit se tenir à Paris l’an prochain, nous continuons à appeler tous les pays à s’associer à notre recherche d’un accord mondial ambitieux et global pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre par des mesures concrètes. Le sommet sur le climat au niveau des chefs d’État et de gouvernement, organisé en septembre prochain par le Secrétaire général des Nations Unies, nous donnera l’occasion de réaffirmer nos ambitions pour la conférence de Paris sur le climat.

Les défis de notre temps ne disparaîtront pas tout seuls et les possibilités offertes par notre monde interconnecté ne se réaliseront pas toutes seules. Comme toujours, l’avenir que nous voulons doit se mériter. Pendant plus de deux siècles, nos deux peuples ont fait front pour défendre notre liberté commune. À présent, nous assumons, une fois encore, nos responsabilités, non seulement l’un envers l’autre, mais envers un monde qui est plus sûr grâce à la pérennité de notre alliance réaffirmée aujourd’hui.

Climat : les leçons de la conférence de Varsovie avant d’aborder celle de Paris

Geneviève Azam, Maxime Combes, Nicolas Haeringer
www.bastamag.net/Climat-les-lecons-de-Varsovie du 18/12/2013

Des pays qui revoient leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2 à la baisse, un Fonds vert pour le climat toujours vide, des mouvements sociaux qui quittent les négociations quand l’industrie des énergies fossiles y conserve sa mainmise… La 19e conférence sur le climat qui s’est achevée fin novembre à Varsovie, en Pologne, a tout d’une caricature. Seule certitude : la France accueillera la conférence de l’Onu sur le climat en 2015. Dans cette tribune, des membres d’Attac France recommandent au gouvernement quelques pistes pour se libérer du poids des intérêts privés.

Le 21 novembre, la France a été officiellement désignée comme pays hôte de la conférence de l’Onu sur le climat de 2015. En septembre dernier, le gouvernement annonçait vouloir aboutir à « un accord applicable à tous, juridiquement contraignant et ambitieux, c’est-à-dire permettant de respecter la limite des 2°C ». À l’issue de la conférence de Varsovie (Pologne), dix-neuvième du nom, qui fut l’une des conférences de l’Onu les plus caricaturales de ces vingt dernières années, on en est loin. Très loin.

« Assez c’est assez », « assez de discours, des actes ». Sous ces slogans, les mouvements sociaux et ONG présents à Varsovie, constatant l’absence d’avancées répondant au désastre climatique déjà vécu par des millions de personnes, ont quitté la conférence. Une première. L’accord trouvé « in extremis » permet tout juste de poursuivre les négociations.

Des objectifs de réduction d’émissions repoussés… à plus tard

Le nouveau rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) invitait pourtant à s’engager immédiatement sur d’importantes réductions mondiales d’émissions de gaz à effets de serre (GES), sans attendre 2020. Au contraire, l’Australie, le Canada et le Japon ont revu leurs objectifs à la baisse pour 2020, alors que l’Union européenne refuse de revoir les siens à la hausse. Or, en calcul cumulé, ce sont 8 à 12 milliards de tonnes de CO2 qui sont émis en trop chaque année pour ne pas dépasser les 2°C de réchauffement d’ici la fin du siècle (soit environ 20 fois les émissions de CO2 de la France).

Les contours d’un accord pour la période post-2020, accord qui devrait être adopté à Paris en 2015, sont flous et peu convaincants. Les objectifs de réduction d’émission sont en effet repoussés à plus tard et confiés au libre choix de chacun des pays, sans cohérence a priori avec les objectifs globaux à atteindre. Du côté des financements, le Fonds vert pour le climat annoncé en grande pompe chaque année depuis quatre ans n’est toujours pas abondé, tandis que les 100 millions d’euros annoncés pour le fonds d’adaptation ne permettront même pas d’acheter un parapluie à chacun des habitants des pays vulnérables concernés.

 

 

 

 

En se rapprochant de la position des États-Unis consistant à laisser chaque pays définir lui-même son niveau d’engagement, l’Union européenne perd toute possibilité de « leadership ». Sur le point d’abandonner tout objectif contraignant de développement des énergies renouvelables et d’efficacité énergétique à l’horizon 2030, ne maintenant qu’un objectif très insuffisant de réduction d’émissions de GES – on parle de – 40 % par rapport à 1990 – l’Union européenne sape toute possibilité d’obtenir un accord politique à la hauteur des enjeux. Pour sa part, s’il souhaite réellement un accord permettant de respecter la limite des 2°C, le gouvernement français doit préalablement obtenir une nette revalorisation à la hausse des objectifs du nouveau plan énergie-climat actuellement en discussion à l’échelle de l’UE.

« On ne négocie pas avec le climat »

De la conférence de Varsovie, le gouvernement français doit tirer un autre enseignement. Selon une étude récente publiée par la revue Climatic Change, 90 entreprises sont responsables, à elles seules, des deux-tiers des émissions de gaz à effets de serre émis sur la planète depuis 1854. La conférence de Varsovie a malgré tout été polluée par la présence active de l’industrie des énergies fossiles, favorisée par le gouvernement polonais qui ne cesse de promouvoir le charbon et les gaz de schiste.

Le rapport du GIEC est pourtant explicite à cet égard : il faut résolument réduire, puis abandonner les énergies fossiles – une revendication des mouvements pour la justice climatique. Ces positions opposées sont inconciliables. Nulle négociation ou synthèse avec les lois de la biosphère n’est possible : « on ne négocie pas avec le climat ». À la question du vivre ensemble s’ajoute désormais celle de la préservation de la possibilité d’une vie humaine sur la Terre. La conférence de Paris peut être une immense occasion de redonner un sens politique à ces négociations. Le choix des alliances du gouvernement, en France et dans l’Union européenne, dessinera largement le contenu de l’accord final.

Pour ouvrir la brèche, nous invitons le gouvernement français à étudier et soutenir notre proposition visant à s’inspirer des règles de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour se libérer du poids des intérêts privés. La Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’OMS, entrée en vigueur en 2005, consacre en effet dans le droit international le principe selon lequel l’industrie du tabac ne doit jouer aucun rôle dans l’élaboration des politiques de santé publique, en raison du « conflit fondamental et irréconciliable entre les intérêts de cette industrie et ceux de la politique de santé publique » (article 5.3). Nous considérons qu’il devrait en être de même, dans le cadre de la Convention climat des Nations unies, pour l’ensemble des industries des énergies fossiles et des secteurs les plus émetteurs de gaz à effets de serre. Dans la perspective d’une conférence 2015 placée sous le signe de la justice et de l’ambition climatique, de l’urgence à agir, il s’agit d’une mesure légitime et indispensable.

Geneviève Azam, économiste, porte-parole d’Attac-France
Maxime Combes, économiste, membre d’Attac France
Nicolas Haeringer, membre du Conseil scientifique d’Attac France

Transition de la société : passer du rêve à la réalité

Benoît Thévard
www.avenir-sans-petrole.org/article-transition-de-la-societe-passer-du-reve-a-la-realite-57886421.html

Martin Luther King rêvait de voir naître, un jour, une société de liberté et d’égalité entre les Hommes. Faisant le constat des terribles discriminations entre les classes sociales, les origines, les couleurs de peau, il a exprimé son profond désir de changement pour l’amélioration des relations humaines.

Il était bien ancré dans la dure réalité et souhaitait voir réaliser son rêve.

 

Qu’en est-il de ce monde que l’humanité a forgé depuis le début de ce siècle ?

Les habitants des pays modernes et dits « développés » ont été les témoins et les acteurs d’une irrésistible ascension du confort, de la mobilité, de la consommation, de l’hygiène etc … Les acquis matériels mais aussi sociaux n’ont jamais cessé d’augmenter au même rythme que la croissance économique, que la consommation des ressources et de l’énergie.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et le début des 30 glorieuses, les progrès techniques et sociaux ont été considérables dans notre pays. Les machines (ou  la main d’œuvre de certains pays) ont remplacé l’humain pour les tâches ingrates et répétitives, l’espérance de vie a progressé, les supermarchés sont pleins et ouvrent même le dimanche.

Notre société a été conçue sur la base indispensable de ressources infinies. Beaucoup pensent encore que la Terre pourrait nous fournir, sans limites, les moyens de permettre à tous l’accès au confort matériel, à la mobilité, à la santé, à la technologie, au système de retraite ou à la sécurité sociale.

 

Nous sommes bien ancrés dans un rêve, souhaitons-nous revenir à la dure réalité ?

Le confort matériel et énergétique dont nous bénéficions est fragile et superficiel, il n’est possible qu’en présence d’inégalités planétaires sur lesquelles nous avons tendance à fermer les yeux.

Victor Hugo (1802-1885) disait ceci: « Sans cesse le progrès, roue au double engrenage, fait marcher quelque chose en écrasant quelqu’un ! »

Tout cela aurait pu durer longtemps si la Terre, elle même, ne nous imposait pas ses propres limites. Dans ces circonstances, agir ne relève plus de l’altruisme et de la générosité, mais de la recherche de solutions pour répondre à nos propres besoins.

Face à cette situation, il y a trois catégories de personnes:

Tout d’abord les gros dormeurs, ceux qui n’ont aucune conscience des problèmes.

D’autres se sont réveillés et, prenant conscience de la réalité, ont préféré se rendormir afin de rêver au plan B que les puissants de ce monde garderaient secret jusqu’au dernier moment.

Les derniers sont bien éveillés depuis longtemps et se sentent bien seuls face aux difficultés qu’il faut surmonter sans l’aide de tout un peuple encore profondément endormi.

 

Le réveil par la sensibilisation

Qui peut avoir envie de sortir volontairement d’un rêve merveilleux ? Il est décidément humain de se complaire dans une situation confortable et d’en profiter jusqu’au bout.

Faut-il en déduire que nous ne ferons rien tant que nous ne serons pas dans le mur ? C’est ce qui décourage beaucoup d’esprits éveillés.

Voici donc le premier défi que nous avons à relever : expliquer, démontrer, argumenter, prouver !

Pour les endormis de toujours, il faut les réveiller doucement en expliquant la situation, c’est-à-dire que la quantité d’énergie disponible va inévitablement diminuer, que cela rendra inopérants de nombreux pilliers de notre système et qu’il est donc préférable de ne pas attendre l’horrible sonnerie du réveil pour passer à l’action !  Pour ceux qui ont décidé de mettre la tête sous l’oreiller et de se rendormir, il s’agit de démontrer que le « très confidentiel plan B »  gardé bien au chaud par les puissants de ce monde ne peut pas exister car en termes d’énergie, il est vain d’attendre un miracle.

Cette sensibilisation passe nécessairement par des sites internet, des vidéos, des conférences, des débats, des livres, des tribunes, tout ce qui permet de faire passer des messages au plus grand nombre.

 

L’action

Alerter la population sur les problématiques de l’avenir ne peut suffire. Par exemple, certains films perçus comme moralisateurs laissent le spectateur face à sa propre culpabilité sans lui donner les moyens d’engager un réel changement dans sa vie et de passer à l’action.

Il est donc fondamental d’accompagner le réveil, et donc la prise de conscience du problème, par des outils que chacun pourra s’approprier. D’ailleurs, qui n’a jamais entendu dire : « j’ai bien compris la situation et j’aimerais pouvoir faire quelque chose … mais quoi ? »

Les initiatives telles que le tri des déchets, le recyclage, l’utilisation d’appareils plus efficaces, les petites économies d’eau et d’électricité quotidiennes dans les logements sont autant d’idées qui sont maintenant admises par tous (admises mais pas forcément mises en œuvre !).

Pourtant, cela ne suffira pas. Nous avons atteint les limites de l’action individuelle dans un système globalisé, il est temps de rechercher et de mettre en application des solutions collectives et adaptées aux configurations locales.

 

Des solutions locales pour un désordre global

Je reprends volontairement le titre du film de Coline Serreau car je le trouve parfaitement adapté à la situation. Face aux problématiques du pic pétrolier et des changements climatiques, les solutions globales n’émergent pas. Il est trop complexe de trouver des solutions applicables à tous, quelles que soient les situations économiques, alimentaires, climatiques, sanitaires ou énergétiques.

La dernière tentative globale de résolution des problèmes alimentaires des pays en voie de développement a été la révolution verte. Le résultat est catastrophique, il ne génère que dépendances, pollutions, inégalités et exploitation des plus faibles par les plus puissants.

En revanche, ceux qui ont osé mettre en œuvre des solutions différentes, en fonction de leurs besoins et de leurs ressources locales ont réussi à mettre en place un système durable, sain et souvent très efficace.

C’est pourquoi le rassemblement des communautés locales dans un projet commun de réorganisation des échanges semble indispensable et inévitable. La solution serait donc là, sous nos yeux.

 

Objectif Résilience

Si vous êtes bien réveillés (pincez-vous pour vérifier !) alors il est temps de passer à l’action. N’attendez pas plus longtemps pour réveiller vos voisins, votre famille, vos amis. Communiquez au sein de votre quartier ou de votre village et unissez les forces vives pour réveiller tout le monde.

Des milliers d’idées peuvent naître de l’émulation collective et je vais citer cette phrase dont je ne retrouve pas l’auteur :

« Le métier de l’habitant c’est d’habiter. Il est donc l’expert de ses propres conditions de vie, c’est pourquoi il doit absolument participer à la décision même s’il n’est pas le décideur final. »

La résilience locale est un but à atteindre pour tous, individuellement et collectivement.

Il est donc indispensable que chacun puisse s’approprier cette notion, évaluer ses vulnérabilités et celles de la communauté, et chercher ainsi les meilleurs outils pour qu’ensemble nous devenions résilients et que nous soyons prêts à envisager l’avenir avec plus de sérénité.

 

Retournement de situation

Vous le savez bien, le rêve que j’ai décrit plus haut n’est pas si parfait. En effet, le confort matériel dont nous bénéficions n’efface pas tous les maux de notre société (solitude, inégalités, exclusion, stress, pauvreté, gaspillage …).

A l’inverse, ce que je viens de décrire comme « la dure réalité » pourrait devenir au contraire une formidable opportunité pour mettre en place une organisation résiliente, collective, durable et solidaire. Et si nous rendions la réalité plus belle que le rêve ? Encore faut-il se réveiller à temps …

(Article écrit en 2010 et toujours d’actualité)

Genève : l’écosocialisme européen a pris date

Benito Perez
http://cadtm.org/Geneve-l-ecosocialisme-europeen-a

Les comptes rendus des autres ateliers et plénières seront bientôt disponibles sur le site des rencontres de Genève : http://alterecosoc.org/

ENJEUX • Trois jours de débats ont esquissé des pistes de convergence entre les revendications sociales et la défense de l’écosystème. Un réseau écosocialiste européen est né.

« Cela fait du bien d’entendre des choses nouvelles ! » La remarque d’une militante espagnole, saisie au vol samedi à la Maison des associations, en dit long sur l’atmosphère qui a régné trois jours durant à Genève. La proposition des organisateurs de relire les valeurs socialistes à l’aune de l’impératif écologique a tenu en haleine près de cent cinquante militants lors de neuf d’ateliers et plusieurs séances plénières. Vendredi, un meeting plus classique avait déjà rassemblé la foule, quelque deux cents personnes envahissant Uni-Mail pour entendre notamment un excellent Daniel Tanuro exposer les bases du combat écosocialiste. Dimanche, les militants ont formalisé la naissance d’un réseau européen, dont la seconde rencontre se tiendra l’an prochain en Espagne.

Faire converger le combat pour la justice sociale et les préoccupations environnementales ? Le défi, visiblement, préoccupe des militants d’horizons divers, altermondialistes, libertaires, gauchistes, décroissants, activistes politiques, culturels, paysans, syndicalistes, jeunes et vieux, hommes et femmes, dans une relative parité… Ne s’attendant pas à une telle participation, les organisateurs avaient prévu que les travaux se dérouleraient dans seulement trois ateliers simultanés. Du coup, les plus courus tournèrent parfois plus au meeting qu’à la séance de travail.

En marge des ateliers, une visite ironique et militante de la Genève financière s’est déroulée samedi après-midi. L’occasion pour le militant andalou Juan Manuel Gordillo de pourfendre une banque privée genevoise, accusée d’héberger l’argent de la corruption et de la royauté espagnole.

Le rôle des syndicats

Reste que la qualité fut aussi au rendez-vous. En témoigne le débat sur « le rôle des syndicats » dans le tournant écosocialiste : où comment opérer la jonction entre les intérêts des salariés et ceux de la planète.

Côté pragmatique, Louis-Marie Barnier, syndicaliste chez Air France et sociologue, et Dominique Malvaud, militant de Sud-Rail, second syndicat des cheminots français, qui voient dans la santé au travail le domaine qui fait le mieux se rejoindre soucis de l’environnement et intérêt immédiat du travailleur. L’affaire des convois nucléaires contaminés, éclatée en 1998 dans la presse, est emblématique. A l’époque, « la première réaction du syndicat a été d’exiger la protection des salariés tout en défendant le maintien de cette activité au sein de la SNCF par crainte de licenciements », raconte M. Malvaud.

Mais rapidement, Sud-Rail s’aperçoit que l’affaire dépasse quelques wagons contaminés et que de très nombreux matériaux transportés sont radioactifs. « On croyait travailler pour la SNCF et on se découvrait employés d’Areva ! » Décision est prise d’exiger le droit de retrait des cheminots concernés.

Cinq ans plus tard, de réflexions collectives en informations sollicitées à des ONG spécialisées, Sud devient un syndicat anti-nucléaire, ce qui en France est loin d’être anodin.

Mieux : la prise de conscience écologique s’est poursuivie, Sud-Rail fournissant désormais d’importants contingents de manifestants lors des mobilisations anti-OGM ou contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. « Il est clair que les questions de salaires et de conditions de travail pèsent beaucoup au sein d’un syndicat, mais cet exemple montre qu’une évolution est possible avec le temps », souligne Dominique Malvaud. Qui refuse de laisser l’écologie aux intellectuels. « Le rôle du militant écosocialiste est de saisir ce type d’opportunités, d’amener les ouvriers à se poser ces questions », dit-il.

Louis-Marie Barnier renchérit : les syndicats s’étant historiquement construits dans l’usine, autour des rapports de travail, leur évolution doit partir de ceux-ci. Et les questions de sécurité et de santé offrent l’axe idéal pour aborder le travailleur « là où il est ».

Reconversion industrielle

Pas d’accord ! réagit le décroissant Christian Sunt. Pour ce travailleur forestier, les syndicats sont d’abord nés de la lutte pour l’émancipation sociale, d’où la création de coopératives ouvrières de production mais aussi de consommation, d’habitat, de lieux de socialisation. « Nous devons rompre la division artificielle creusée entre l’ouvrier et le consommateur, qui ne font qu’un » et d’appeler à « nous interroger sur comment nous fabriquons mais aussi sur qu’est-ce que nous fabriquons ».

Une piste également suivie par ELA, premier syndicat basque, qui – partant d’une critique radicale du modèle capitaliste – a établi une liste d’activités économiques que le mouvement aimerait voir décroître et une de celles à encourager. Pour Ainhara Plazaola, ces emplois « socialement désirables et écologiquement acceptables » diffèrent des « emplois verts » chers au développement durable par le fait qu’ils ne devront pas seulement être créés à côté des activités humaines existantes mais les remplacer si nécessaire.

Transition écologique, transformation de l’appareil productif, reconversion industrielle, chacun est bien conscient de l’ampleur de la tâche pour un courant encore naissant comme l’écosocialisme. Pourtant, le débat doit impérativement être mené. Faut-il défendre une usine automobile au nom de l’emploi ou s’engager pour sa reconversion ? « La fermeture du site – avec les angoisses inhérentes – est le pire moment pour en débattre », explique Louis-Marie Barnier.

Christian Sunt abonde et appelle à s’inspirer des syndicats paysans, type Uniterre ou Confédération paysanne, dont l’activité quotidienne est imprégnée de la nécessité de changer de modèle et de quitter le productivisme.

Exemple à l’appui, le syndicaliste d’Air France plaide pour une politisation de ce débat qui dépasse les employés. « D’un commun accord, direction et syndicats avions voulu transférer la ligne Strasbourg-Paris vers le TGV, or 85% des usagers ont préféré changer de compagnie plutôt que prendre le train ! »

Outre la reconversion de la production, nombre de mesures phares de l’écosocialisme impliquent de passer à l’échelle politique. Ainsi la réduction du temps de travail, qui permettra de lutter contre l’exclusion et la surproduction, ou le renchérissement du pétrole, qui doit pénaliser les délocalisations, etc.

Pour Francis Taylor, de Climat et Justice sociale, les syndicats tiennent dans cette double crise, écologique et économique, une chance de renverser la tendance, après quarante ans de défaites. « Le salarié a une profonde conscience que le système est en crise, il faut mettre des mots et des luttes sur ce sentiment. »

 

Vers l’Espagne

Riche, passionné, l’atelier n’aura eu qu’un défaut : la quasi-absence des syndicalistes suisses. Partie remise ? L’éventuel rattrapage passera par l’Espagne, puisque c’est là que les participants ont choisi de poursuivre leurs débats. Grisés par la réussite du week-end, ils ont formalisé la naissance d’un réseau écosocialiste européen dont l’ambition première sera de créer un « pôle large » écologiste et anticapitaliste en marge de la Conférence climatique de Paris en novembre 2015. Au cœur du consensus, selon Gilles Godinat, l’un des organisateurs, « l’idée que la crise nous offrait une opportunité historique de repenser le modèle de production ». Avec une priorité absolue : la relocalisation et l’humanisation des activités économiques. Belle ambition.

Les 1 500 filiales « offshore » des entreprises du CAC 40

Mathilde Damgé
www.lemonde.fr/economie/article/2014/02/13/cac-plus-de-1-500-filiales-offshore-pour-40-entreprises_4365506_3234.html

Les groupes du CAC 40 disposent de plus de 1 500 filiales dans les paradis fiscaux, selon une enquête publiée jeudi 13 février par la revue Projet. Ses auteurs assurent que, d’après leurs recherches, « la présence dans les paradis fiscaux n’a pas diminué depuis […] 2009 ».

 

Les fleurons de la place française disposent d’exactement 1 548 sociétés dans des paradis fiscaux, selon les dernières publications de résultats des entreprises elles-mêmes (cotées, elles ont l’obligation d’indiquer à leurs actionnaires la liste complète de leurs filiales), données croisées avec celles des études faisant autorité (les travaux de l’association Tax Justice Network notamment) et la liste la plus récente des paradis fiscaux du Forum mondial sur la transparence.

« Avec 214 filiales offshore, BNP Paribas se place en tête suivie de LVMH (202), Kering (99), Crédit agricole (86) et Schneider Electric (75) », précise Projet.

LE DEGRÉ DE CIVISME FISCAL DES MULTINATIONALES

Le procédé est simple, rappelle la publication jésuite : « Des filiales aux Iles Caïmans, au Luxembourg ou en Irlande présenteront des résultats fortement excédentaires, alors que les bureaux y seront peu peuplés, voire inexistants. » En l’occurrence, les terres de prédilection des entreprises tricolores sont des pays voisins : Pays-Bas, Belgique, Suisse et Luxembourg.

« L’on s’arrangera en revanche pour que la filiale française ou indienne, plus fortement imposée, évite d’afficher des bénéfices trop élevés », ajoute l’étude. Des pratiques qui n’amenuisent pas seulement la contribution fiscale de l’entreprise mais grignotent aussi l’intéressement des salariés aux bénéfices.

L’étude admet que cet inventaire ne suffit pas à « mesurer le degré de civisme fiscal des entreprises multinationales ». Avoir une filiale ou des comptes à l’étranger ne constitue pas en soi une tentative d’évasion fiscale ; c’est le cas, en revanche, quand le montage est volontairement complexe, masquant manifestement son véritable bénéficiaire.

La solution pour lever le doute, insistent depuis plusieurs années les militants en faveur de la transparence, serait de publier non seulement le nombre de filiales et leur localisation mais aussi des données plus complètes sur leur nombre de salariés, leur chiffre d’affaires et leurs bénéfices.

PARTIE VISIBLE DE L’ICEBERG

Car ces quelque 1 500 filiales « offshore » pourraient n’être que la partie visible de l’iceberg. Par exemple, France Télécom annonce 400 entités, mais n’en liste que 32. Danone publie les noms de 99 filiales sur 252 annoncées, Capgemini 124 sur 136, Legrand 34 sur 157, Veolia Environnement 106 sur 2 728 et Vivendi 57 sur 690.

« Vingt-trois sociétés du CAC 40 ne publient pas la liste complète des entités qu’elles consolident dans leurs comptes [y compris des groupes dans lesquels l’Etat possède une participation, comme EADS, GDF Suez ou France Télécom] », regrettent les auteurs de l’étude.

Parmi les grands groupes français, seuls ceux ayant une activité bancaire seront (à partir du 1er juillet 2015) tenus de donner les détails complets de leur structure, bénéfices compris.

Le Parlement français a certes adopté le principe d’une transparence pour tous les secteurs au-delà des banques, mais avec une réserve importante : les autres pays de l’Union européenne doivent adopter une mesure identique pour qu’elle devienne effective en France. « La transparence pays par pays figurera-t-elle parmi les contreparties du pacte de responsabilité ? », s’interroge la revue militante.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) étudie également cette possibilité d’étendre le principe de transparence au-delà du secteur bancaire, « mais des lobbies font tout pour en amoindrir la portée », avance Projet. La consultation publique que l’institution a ouverte sur le sujet se clôt à la fin de ce mois.