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Articles du Vendredi : Sélection du 11 octobre

Écologie : des coupes incompatibles avec la planification écologique
Jade Lindgaard
www.mediapart.fr/journal/ecologie/111024/ecologie-des-coupes-incompatibles-avec-la-planification-ecologique

Aide à l’électrification des véhicules, Fonds vert, Ademe, MaPrimeRénov’ : des postes importants de dépenses du ministère de la transition écologique subissent de fortes baisses dans le budget 2025. La ministre dit assumer de prendre sa part à l’effort budgétaire.

C’est un « budget de combat » dans une « situation budgétaire difficile » : l’ambiance n’était pas à l’euphorie au matin du vendredi 11 octobre dans le grand auditorium du ministère de la transition écologique. Agnès Pannier-Runacher, tout juste dotée de ses décrets d’attribution – elle a notamment récupéré les négociations sur le climat et la sûreté nucléaire –, a justifié les coupes subies par une partie de ses services : « J’assume en tant que ministre de la transition écologique de prendre ma part à l’effort budgétaire. »

Des postes importants de dépenses subissent de fortes baisses : un demi-milliard d’euros en moins pour l’aide à l’électrification des véhicules, 470 millions d’euros retirés au budget d’intervention de l’Ademe – l’une des principales agences de l’État sur la transition écologique. L’aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’ perd 1 milliard d’euros, selon le calcul de Bercy. Tout aussi spectaculaire est la coupe supportée par le Fonds vert, qui sert à soutenir les collectivités locales dans leurs actions de transition écologique : il perd 1 milliard d’euros en autorisation d’engagement selon le ministère de la transition écologique. Au total, les aides en lien avec l’écologie sont amputées de 2 milliards d’euros en 2025, selon le ministère de l’économie.

« Le budget actuel n’est pas cohérent avec la planification écologique », analyse Damien Demailly, directeur général adjoint d’I4CE, Institut de l’économie pour le climat, un centre d’expertise indépendant. « Si le gouvernement veut couper certaines dépenses écologiques, il doit en contrepartie renforcer les réglementations ou la fiscalité écologique. Ce qu’il ne fait pas ou trop peu. » Il cite l’exemple des entreprises qui pourraient être contraintes à augmenter leur flotte de véhicules électriques, et le diagnostic de performance énergétique (DPE) qu’il faudrait appliquer alors que Michel Barnier a déjà annoncé vouloir l’alléger. Mais même avec cela, d’après les calculs d’I4CE, il faudrait au moins 17 milliards d’euros supplémentaires de dépenses de l’État d’ici à 2030, « ne serait-ce que dans les secteurs du bâtiment, de la mobilité et de la production d’énergie ».

Dans un rapport qui fait référence, l’économiste Jean Pisani-Ferry et l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz avaient estimé à 100 milliards le besoin d’investissements supplémentaires en faveur du climat d’ici à 2030. En septembre 2023, le projet de loi de finances présenté par Élisabeth Borne prévoyait « un effort historique » de 10 milliards d’euros supplémentaires – par rapport à l’an précédent – pour la planification écologique.

C’est donc à l’aune de ces montants qu’il faut mesurer le niveau de moyens accordés par l’exécutif au règlement de « la dette écologique » plusieurs fois évoquée par le premier ministre. L’écart est béant entre les moyens souhaitables et la réalité, bien pauvre, des moyens accordés.

C’est d’autant plus frappant que tous les ministères ne sont pas autant touchés que l’écologie : le ministère de la défense voit, par exemple, ses crédits augmenter de 3,2 milliards d’euros. « La voilure a été réduite », reconnaît le ministère. « Le plan de relance était conjoncturel », insiste la ministre, semblant ainsi signifier que la planification écologique n’était qu’un élément de soutien à la croissance.

À ce triste tableau s’ajoute que le « plan eau » annoncé par Emmanuel Macron ne bénéficie d’aucune hausse. Aucun moyen supplémentaire n’a non plus été trouvé pour Météo-France, le Cerema et l’IGN, trois établissements dont le rôle est majeur pour aider à adapter le pays à ses nouvelles conditions climatiques. « Ce n’est pas une copie gouvernementale d’une subtilité absolue », a reconnu Agnès Pannier-Runacher.

Le ministère de l’écologie a d’ailleurs perdu un arbitrage sur l’adaptation au changement climatique : il demandait une ligne budgétaire dédiée de 150 millions d’euros pour 2025. Bercy a refusé. Le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher veut croire que le combat n’est pas perdu et que cette option est encore sur la table.

Au total, le budget du ministère pour 2025 s’établit à 16,8 milliards d’euros (en autorisation d’engagement), « en croissance mais seulement du fait de retour à la normale du soutien aux énergies renouvelables », a résumé la ministre. Ce que désigne cette formulation alambiquée, c’est la hausse de ce qu’on appelle les « charges de service public de l’énergie », une sorte de subvention à l’achat d’électricité d’origine renouvelable.

Son montant augmente mécaniquement à mesure que les prix de marché de l’électricité baissent. Sa très forte progression (+ 4,4 milliards d’euros) est donc l’effet d’un mode de calcul et non le signe d’un volontarisme accru en soutien à l’éolien et au photovoltaïque. La France est tellement en retard dans ses objectifs de puissance renouvelable installée qu’elle est en contentieux avec la Commission européenne.

Pour autant, les moyens que se donne l’exécutif pour agir ne se décident pas seulement dans le budget du huitième ministère dans l’ordre protocolaire du gouvernement. Pour avoir une vision globale des politiques engagées, il faut prendre en compte les investissements dans les transports collectifs, notamment ferroviaires, l’agriculture, la lutte contre l’artificialisation des sols, etc.

Cela concerne les autres ministères mais aussi la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte) que le gouvernement vient de terminer et que Contexte a révélé – un document n’annonçant aucun moyen supplémentaire. Reste à savoir si des parlementaires souhaiteront et parviendront à faire vivre ce débat lors du vote du budget.

Cécile Duflot à « Sud Ouest » : « On nous dit depuis des années que taxer les hauts revenus est impossible, mais c’est faisable »
Stéphanie Lacaze
www.sudouest.fr/economie/cecile-duflot-a-sud-ouest-on-nous-dit-depuis-des-annees-que-taxer-les-hauts-revenus-est-impossible-mais-c-est-faisable-21647542.php

  • La directrice générale d’Oxfam France revient sur les mesures proposées par l’ONG pour trouver de nouvelles recettes fiscales et dégager plus de 101 milliards par an.

Oxfam France publie depuis 2021 un « manifeste fiscal » pour un modèle moins inégalitaire, en s’appuyant sur les travaux d’experts. Un document qui rencontre cette année un plus large écho, dans un contexte de crise budgétaire.

Parmi les pistes pour trouver de nouvelles recettes, Michel Barnier a annoncé qu’il allait demander une participation aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants et aux Français les plus fortunés. Ce qu’Oxfam réclame depuis longtemps…

Il n’a pas le choix. C’est une telle inversion par rapport à un discours qui est tenu depuis sept ans que ça surprend. Un des premiers choix fiscaux d’Emmanuel Macron, c’était la suppression de l’ISF et la baisse de l’APL. Au bout de sept ans, on arrive à une situation injuste et inefficace. Parce que le potentiel fiscal, il est chez les plus riches. Ce que va faire le gouvernement Barnier, c’est juste un petit rattrapage. On voit que c’est faisable de taxer les hauts revenus. Alors que depuis des années, on nous dit que ce n’est pas possible.

Dans son Manifeste, Oxfam propose donc une série de mesures pour dégager 101 milliards d’euros de recettes supplémentaires par an. Comment s’y prend-on ?

On s’appuie sur de nombreux dispositifs existants dont on améliore le taux. On supprime la flat tax [qui allège la fiscalité de l’épargne, NDLR], par exemple. En ce qui concerne la taxe sur les super profits, il s’agit d’estimations. C’est pour ça qu’on dit au moins 101 milliards, on s’appuie sur des estimations plutôt conservatrices. Mais cela pourrait être plus. La logique derrière ce Manifeste, c’est de lutter contre les inégalités, de faire contribuer ceux qui ont les moyens et ceux qui ont gagné de l’argent sans rien faire.

Justement, « une taxation automatique des superprofits » est préconisée. Qu’est-ce que cela signifie ?

Les superprofits s’évaluent parce qu’ils ne se justifient ni par des investissements, ni par une hausse de la production, ni par un saut technologique qui amènerait une nouvelle rentabilité. Ce sont des effets d’aubaine, comme la guerre en Ukraine ou le Covid. Et il y en a encore aujourd’hui, chez les énergéticiens notamment. Quand on bat des records de distribution de dividendes, il y a bien des gens qui s’enrichissent, ce n’est pas de l’argent virtuel. Sur les 120 plus grandes entreprises françaises, si on prend la méthode de la Commission européenne qui prend en compte tous les profits qui dépassent la moyenne observée sur les quatre années précédant l’année fiscale en ajoutant la croissance naturelle, on obtient 65 milliards d’euros de superprofits pour l’année 2022. Techniquement, taxer les super profits, c’est tout à fait faisable. D’ailleurs, on voit que Patrick Martin, le président du Medef, s’y prépare.

Le Manifeste propose de récupérer plus de 20 milliards d’euros en réformant l’impôt sur les successions.

On a une évaluation qui est assez robuste. La réalité, c’est que le taux maximal d’imposition sur les successions est de 45 %, mais si vous héritez de votre tante ou de votre marraine, c’est 60 %. Alors que les plus riches des plus riches et parmi eux les milliardaires, ont un taux moyen de 10 %. C’est régressif. Et la particularité, c’est qu’on a la moitié des milliardaires français qui ont plus de 70 ans. Le manque à gagner pour l’État sur ces successions, c’est 160 milliards d’euros, simplement en remettant les règles à l’équité.

Comment les plus riches parviennent-ils à ne payer que 10 % de frais de succession ?

Par plein de systèmes. Déjà en anticipant la succession. On peut donner un demi-million d’euros tous les quinze ans à ses enfants sans payer de frais de succession. Il y a aussi un dispositif qui s’appelle le pacte Dutreil. Au départ, il est prévu pour que les héritiers de PME ou de petites entreprises ne soient pas obligés de vendre l’entreprise familiale pour payer les frais de succession. On est absolument d’accord avec ce système. Le problème, c’est qu’avec le temps et des petits amendements, on a complètement mité ce dispositif. Maintenant, on peut faire passer une maison en bien meublé professionnel et la léguer en faisant passer 75 % de sa valeur au travers des frais de succession. Il est possible de faire remonter dans une holding dite professionnelle des châteaux, des yachts, etc. Le dispositif a été détourné, il faudrait le remettre à jour. Il suffit de plafonner l’enveloppe. On propose 2 millions, c’est peut-être un peu juste, on pourrait aller jusqu’à 5 ou même 10 millions. Mais au-delà, non.

Oxfam préconise également la mise en place d’une fiscalité écologique. Qu’est-ce que c’est ?

Il faut arrêter de subventionner les activités climaticides, comme la détaxation du kérosène. Il y a aujourd’hui tout un tas de dispositifs fiscaux qui sont en fait une double peine. Cela fait baisser les recettes et augmenter le coût global pour la société, parce qu’on sait que les conséquences du changement climatique vont être extrêmement coûteuses. Par ailleurs, on veut réinstaurer un ISF qui serait vert. En fonction de la qualité du patrimoine et de sa dimension écologique ou non, il serait taxé différemment. Cela pousserait à choisir des investissements plus verts et à limiter les investissements dans les fossiles.

Au-delà des recettes possibles, vous donnez des pistes pour utiliser cet argent. On ne rembourse pas la dette ?

Il ne faut jamais oublier que l’État, ce n’est pas comme votre porte-monnaie. Si vous avez moins d’argent, vous allez en dépenser moins. Et si vous dépensez plus, ça ne va pas vous en rapporter plus. L’État oui. La dépense publique, c’est de la production de richesse. Aujourd’hui, on a le choix entre rien faire pour la transition écologique, et investir. Ne rien faire, c’est possible, mais les conséquences vont être beaucoup plus coûteuses qu’investir. On n’a pas le choix.

Comment sont reçues les propositions d’Oxfam ?

Déjà, le rapport sur les super héritages n’a pas eu le même accueil. Avant on nous disait : « Vous n’aimez pas les riches. » Là, tout le monde est conscient qu’il y a un hic. Sur le Manifeste fiscal, je vais demander à rencontrer tous les présidents de groupe pour leur montrer que ces pistes existent. La situation actuelle de l’Assemblée va obliger au débat. Certains sont dans des postures, mais il va bien y avoir des gens un peu honnêtes.

On est obligé de se poser cette question des recettes et surtout des recettes auprès des ultra-riches qui ont été tellement favorisés ces dernières années. Même si on appliquait l’intégralité du manifeste d’Oxfam, les milliardaires seraient toujours milliardaires. On leur demande simplement une juste part.


Baisses d’impôts : à qui ont-elles profité depuis 2017 ? « Les plus fortunés ont beaucoup plus gagné que le reste de la population »
Olivier Saint-Faustin
www.sudouest.fr/economie/impots/baisses-d-impots-a-qui-ont-elles-profite-depuis-2017-les-plus-fortunes-ont-beaucoup-plus-gagne-que-le-reste-de-la-population-21620622.php

Élise Huillery est professeure en économie à l’université Paris-Dauphine. Selon elle, les mesures fiscales adoptées ces dernières années ont bénéficié à tous les contribuables, mais surtout aux plus aisés…

Depuis 2017, Emmanuel Macron et ses gouvernements ont pris plusieurs décisions destinées à baisser la fiscalité qui pèse sur les particuliers et sur les entreprises. Quelles sont-elles ?

Pour les entreprises, il y a eu la baisse des impôts de production et de l’impôt sur les sociétés, soit, dans chaque cas, environ 11 milliards d’euros par an. Il y a aussi l’allègement des charges patronales, qui représente 5 milliards d’euros par an. Pour les particuliers, on a eu la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), le prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou « flat tax », la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, celle de la redevance audiovisuelle, et l’allègement de l’impôt sur le revenu pour les salariés situés en milieu de barème.

En juillet, la Cour des comptes a estimé que « les baisses d’impôts et de cotisations » depuis 2018 ont « contribué à la dégradation du déficit public », avec un « impact estimé à 62 milliards d’euros en 2023 ». Qui en a le plus profité ?

Ça a surtout profité aux plus aisés. Sur ces 62 milliards, on est à peu près à la moitié pour les ménages, l’autre pour les entreprises. Mais derrière les entreprises, on trouve ceux qui les possèdent, les actionnaires, donc des ménages fortunés. Et quand on diminue la fiscalité des entreprises, ça bénéficie aux actionnaires. Au final, quand on fait la balance, les ménages les plus fortunés ont beaucoup plus gagné que tout le reste de la population.

Il y a peut-être aussi eu, tout de même, un effet sur l’emploi. Le taux de chômage a baissé, donc on peut se dire qu’une partie de cette baisse de la fiscalité pour l’entreprise a profité aux salariés. Mais ce n’est qu’une hypothèse, ça n’a pas été démontré. En fait, c’est beaucoup de bénéfices pour les plus riches et un peu pour les autres.

Ces baisses d’impôts et exonérations ont-elles eu l’effet escompté, c’est-à-dire de doper l’ensemble de l’économie ?

La transformation de l’ISF en IFI et le PFU n’ont pas eu l’effet escompté, clairement. Ces allègements auraient dû permettre une augmentation de l’investissement grâce à une augmentation de l’épargne des ménages fortunés, ce qui se serait traduit par la création d’emplois, d’activité économique. Ce qu’on a constaté, c’est qu’il n’y a pas eu d’impact sur l’investissement, quelques créations d’entreprises, mais de façon très marginale, et quelques retours d’exilés fiscaux, mais aussi de façon très anecdotique. Donc on n’a pas du tout eu la théorie du ruissellement telle qu’elle avait été imaginée en 2017 par Emmanuel Macron.

Pour réaliser des économies, Michel Barnier a confirmé le 1er octobre qu’il y aurait une baisse des dépenses, mais aussi une hausse de la fiscalité pour « les plus fortunés ». Est-ce cela, la « justice fiscale » dont on entend parler ?

Augmenter l’impôt des grandes fortunes, ce n’est pas seulement une mesure de justice, c’est aussi efficace sur le plan économique. C’est juste parce qu’on sait que les ménages les plus fortunés paient, en proportion, moins d’impôts que le reste de la population, y compris les plus pauvres. Il y a quelque chose d’absurde et injuste dans cette situation, et c’est la moindre des choses qu’ils paient au moins autant que les autres.

 

Concernant l’efficacité, le fait d’avoir baissé la fiscalité de ces ménages n’a pas permis d’augmentation de l’investissement et de l’emploi, on le sait, donc on a perdu des milliards d’euros pour rien. Retrouver ces milliards d’euros en reprélevant des recettes fiscales sur les ménages les plus fortunés, ça va permettre de retrouver de la marge de manœuvre pour rembourser la dette ou pour faire des investissements d’avenir qui produiront, à terme, plus de richesses.

Et concernant les entreprises, quelles pistes vous semblent-elles pertinentes ?

Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une dépense fiscale qui n’a pas montré d’effet sur les grosses entreprises. Or, ce sont elles qui bénéficient de la plus grande partie de ce CIR. Là, il y a 7 milliards qui pourraient être récupérés. Les exonérations de cotisations patronales sur les salaires au-delà de 2,5 fois le smic pourraient aussi être révisées car elles n’ont pas montré d’efficacité. Encore 7 milliards à gagner.

En outre, en France, il y a aujourd’hui beaucoup d’optimisation fiscale, ce qui permet aux grandes entreprises de déclarer dans des paradis fiscaux des profits effectués dans notre pays. Il faut rappeler que, comme pour les ménages, les grosses entreprises paient beaucoup moins d’impôts que les petites et moyennes entreprises… Là, il y aurait 8 milliards à récupérer.

 

Au Pays Basque, l’agriculture est agri-culturelle
Francis Poineau
www.enbata.info/articles/au-pays-basque-lagriculture-est-agri-culturelle

Au-delà de la production alimentaire et du rôle dans l’entretien des surfaces et du paysage, l’agriculture au Pays Basque a une dimension agri-culturelle, voire civilisationnelle articulée autour du nom de la maison : l’Etxe.

En effet, le paysan porte le nom de la maison sur laquelle il travaille ; c’est un élément d’identité qui permet de le situer géographiquement et socialement. D’ailleurs, l’une des premières questions qu’on demande à quelqu’un pour mieux le connaître, c’est de savoir d’où il vient. De quelle province, de quel village, voire de quel quartier pour finir par le nom de la maison.

La référence géographique

Dans un territoire où l’habitat dispersé est majoritaire, et qui permet de valoriser tout l’espace disponible de par sa vocation d’élevage avec les trois quarts des surfaces en herbe, cela permet de situer la personne dans son contexte géographique mais aussi historique, de par l’évocation du nom de la maison. Dans les villages, à l’école, les enfants s’appellent par le nom de la maison et aussi bien sûr par leur prénom. En estive aussi, la référence c’est le nom du cayolar, tant pour les bergers qui y résident tout l’été que pour les paysans qui envoient leurs animaux en transhumance. La référence à l’entité géographique se cultive aussi dans les animations des vallées au Pays Basque intérieur. La Foire de la vallée des Aldudes, celle du secteur d’Hergarai, celle d’Oztibarre, où les paysans et bergers sont à l’origine de ces rassemblements festifs et conviviaux, où les générations se côtoient et participent activement à l’évènement. De même en Soule, autour de la transhumance montante pour les vaches au-dessus d’Aussurucq, pour la fête des bergers à Ahusquy, et pour la transhumance descendante à Licq-Athérey. Dans tous ces évènements, les paysans sont identifiés par le nom de leur maison.

La référence sociale et culturelle

Bergers et paysans forment aussi la catégorie sociale qui véhicule majoritairement la langue basque et participent activement aux évènements culturels tels que les chants, danses, libertimendu, mascarades, pastorales et dont certains en sont même les auteurs.

Le paysan porte le nom de la maison qui est au centre des relations avec le voisinage et les codes sociaux de solidarité qui s’y rattachent. Par exemple, lors d’un décès dans une maison, il incombe au premier voisin de porter assistance au-delà des divergences politiques ou syndicales, et de remplir son rôle. Les valeurs d’entraide et de solidarité sont au coeur de ce qui reste de cette civilisation agropastorale qui a permis de maintenir un nombre important de paysans.

D’ailleurs, la pérennité de cette identité culturelle se fait assez naturellement dans le cadre de la transmission familiale et représente un enjeu majeur pour l’intégration des Hors Cadre Familiaux non issus du milieu paysan local.

C’est une dimension essentielle à prendre en compte, beaucoup plus que cela n’est fait, et qui mériterait un peu de recherche sur l’antériorité de la ferme afin que le nouvel arrivant s’imprègne de cette réalité qui fait partie, qu’il le veuille ou non, de sa nouvelle identité souvent connue de son voisinage. Au passage, dans les villages, comment ne pas déplorer l’effacement du nom des maisons, remplacé par un vulgaire numéro lors de la mise en place du nouvel adressage organisé par La Poste et les mairies ?

La référence marketing

Pour les producteurs fermiers, la mise en avant du nom de leur ferme semble une évidence pour signaler leur lieu de production et de commercialisation. Cela donne plus de force à l’origine et à la traçabilité du produit quand il y a un cahier des charges qui y est associé. A cet égard, la démarche Idoki des producteurs fermiers est assez exemplaire. Quand cela est organisé de façon collective, cela donne plus de valeur à la démarche en soulignant la complémentarité des productions et la diversité au sein d’une même production. Cependant, il existe des démarches individuelles qui se servent du nom de la ferme comme celui d’une marque commerciale, avec des pratiques qui sont plus artisanales que paysannes.

La logique mercantile s’est aussi emparée de l’identité du Pays Basque en réservant des noms basques dans la politique de marque des entreprises agroalimentaires. Certaines entreprises poussant même le raisonnement jusqu’à considérer que les paysans leur appartiennent, et certains paysans se sentent profondément liés à « leur » entreprise.

Une identité paysanne à préserver et transmettre

L’image attractive du Pays Basque intérieur est dépendante de l’activité paysanne. C’est elle qui fait la force du marketing. Elle est le fruit d’une bonne répartition de l’activité sur l’ensemble du territoire dans une logique paysanne plus qu’industrielle. A ce titre, les paysans mériteraient une meilleure valorisation de leur production qui est en partie spoliée par les entreprises de transformation et la grande distribution.

Plutôt que d’encourager le développement des productions par la concentration des élevages, et la fuite en avant individuelle au service des industriels, on doit diversifier les ateliers pour répondre aux besoins alimentaires locaux en renforçant cette identité qui est la base de l’agriculture paysanne au Pays Basque.

On a effectivement tout intérêt, au-delà des clivages syndicaux, à relever le défi de la transmission de nos fermes en cultivant les valeurs de solidarité, garantes d’un savoir-faire et d’un savoir-vivre. Préserver l’identité paysanne du Pays Basque est un enjeu majeur pour l’avenir, c’est un défi à relever en assurant le maintien, voire en faisant revivre le plus de fermes possible sur notre territoire.

 

Klima aldaketaren areagotzeak ezbaian jartzen du arrisku guztiak aseguratzeko aukera
Nicolas Goñi
www.argia.eus/argia-astekaria/2888/klima-aldaketaren-areagotzeak-ezbaian-jartzen-du-arrisku-guztiak-aseguratzeko-aukera

Karibea eta Ipar Amerika jo dituen Helene urakanak erakutsi bezala, klima aldaketak indarturiko muturreko eguraldien kostua kolosala da. Hainbertze, non eta aseguruak horren arabera garestituko diren, arrisku berriei aurre egiteko asmoz. Klimaren bilakaera hori gelditu ezean, aseguruak ordaindu ezina ere gertatu daiteke noizbait, eta horrek hainbat jarduera ekonomikoren bukaera eta eskualde zenbaiten hustea ondorioztatuko luke. Austeritatea zergatik ez da zor klimatikoaz arduratzen?

Helene urakanak oso gogor jo ditu Kuba eta AEBetako hego-ekialdea, azken honetan 167 pertsona hilik.

Floridako ipar kosta –Big Bend eskualdea– jo duen urakan handiena izan da, eta Kubako Pinar del Río probintziatik AEBetako Virginiako Estatura arte zabaldu dira uholdeak, lur jausiak, urtegien gainezkatzeak eta elektrizitate hornidura eteteak. Ipar Karolina mendebaldeko Mendi Beltzen eskualdean uholde bereziki gogorrak izan dira. AccuWeather eguraldi aurreikuspen agentziaren arabera, AEBetan kalte materialak 145.000 milioi dolarretik gorakoak izanen dira.

Peter Kalmus klimatologoa harritu zen hedabide handietan hondamendi hori ez baitzen klima aldaketarekin lotzen. Hala adierazi zuen Democracy Now hedabidearekin egindako elkarrizketan: “The New York Times egunkarian Ipar Karolinaren mendebaldeko uholdeei buruzko artikuluak irakurtzen aritu naiz. Artikuluek klima aldaketa ez zuten aipatzen, ezta aipu bat ere; nahiz eta horrek berak eragin uholdeak. Horretaz harago gehiegizko beroketa atzeraezinaren testuinguru zabalagoan gaude, erregai fosilen industriak eragindakoa. Hainbat hamarkadaz gezurretan eta ekintzak oztopatzen ibili dira. Planeta gehiegi berotzen ari da. Atzeraezina da. Erregai fosilen industriaren eragina da. Eta ‘industria’ diot zehazki, ez ‘erregai fosilak’, industria horrek dituelako sistematikoki ekintzak oztopatu azken ia 50 urteotan, hamarkadaz hamarkada. Hori okerrago izanen da planetak berotzen jarraitu ahala. Etorkizunean ekaitz latzagoak ikusiko ditugu. Erregai fosilak erretzen jarraitzen duguno eta industria hori desinformazioa zabaltzen eta ekintzak oztopatzen uzten deno, planetak berotzen segitzen du. Ozeano beroagoek dituzte elikatzen halako ekaitzak, zaluago areagotzen direnak eta askoz indartsuagoak direnak. Egurats beroagoek ur gehiago eduki dezaketenez ditugu halako euriteak pairatzen, oraintxe gertatzen ari diren uholdeak eragiten dituztenak. Nire ustez, hori da irudika dezakegun gauza zitalena: erregai fosilen sektoreko buruzagi eta lobbylariek gezurretan ibiltzen jarraituko dutela beren banku kontuak betetzeko gisan, eta hori gure planetaren eta gizateriaren etorkizunaren kalte atzeraezinerako”.

Nork ordainduko du?

Erregai fosilen industriak hamarkada horietan irabazteari utzi nahi ez izanagatik, hainbat mendez faktura ordaindu beharko dugula oroitarazten digu Kalmusek. Jende askok oraindik klima aldaketaren ondorioak ukatzen jarraitzen badu ere –ARGIAren 2837 aleko Muturreko eguraldiak ez dira gai haiek bakarrik kontzientziak pizteko erreportajean aipatu bezala–, aseguru-etxeek gero eta argiago dute: arriskuak jada ez dira joan den mendean bezalakoak, eta arrisku horien aurrean asegurua egiteko baldintzak ezberdinak izan beharko dira. Frantziako aseguru-etxeen federazioak, adibidez, aurtengo martxoan argitaratu duen txostenean azpimarratu du eguraldiari loturiko kalteak areagotu direla maiztasunean eta larritasunean. Dioenez, Frantziako Estatuan kalte horiek 6.500 milioi euroko kostua izan zuten 2023an, aseguruen sektorerako inoizko hirugarren urte garestiena izan zen. Azken lau urteotan muturreko eguraldien kalteen kostua urtean 6.000 milioi eurotik gorakoa izan da –aurreko hamarkadan baino nabarmen goragoa eta aurreikuspenek ziotena baino %18 altuagoa–. Kostu handiena izan dute kazkabar ekaitzen kalteek, 2022ko lehortekoek eta 2023ko ekaitz eta uholdeenek. Kalte zuzenez gain, zeharkako ondorioak ere badituzte, demagun, azpiegitura eta finantza arazoak ere sortuta. Etxebizitzetarako bereziki kezkagarriak dira, adibidez, lehorte eta sasoi euritsuen aldizkatzeak ondorioztaturiko lur buztintsuen uzkurtze eta hanpatzeak. Buztinen joera horiek etxeen hoditeria kaltetu dezakete, eta eraikinetan pitzadurak sortu, epe luzean hainbat etxeren bizigarritasuna kolokan ezarrita.

Sorpresarik gabe, muturreko eguraldien ugaritzearen –eta ugaritze honen azelerazioaren– ondorioz aseguru-etxeek beren prezioak igoko dituzte. Hala iragarri dute bederen Frantziako Estatukoek, eta ez dira ziur aski garestituko diren bakarrak.

Etxebizitzen eta lanbide-kontratuen prima %12tik %20ra igoko da 2025an, eta suteen aurkakoa %6tik %9ra. Igoera horiekin espero dute 1.200 milioi euro gehiago biltzea, 2015etik aseguruen sektoreak pairatu duen defizita leuntzeko asmoz.

Dena ordaintzeko, hazkunde gehiago?

Izan kalte zuzenen kostuen bitartez edo kalteen arriskuari aurre egiteko aseguruen kostuen bitartez, klima aldaketak jarduera ekonomikoentzako aukerak murriztuko ditu. Ekonomialari batek beharbada erran lezake arrisku berriek bertze hainbat sektore garatuko lituzketela, hala nola eraikinen konponketa edota uholdeak desbideratzeko dikeen erainkuntza, eta horrek BPGaren hazkundea ondorioztatuko ligukeela. Aupa! Baina mundu materialari dagokionez, hau da, elikatzen eta aterpetzen gaituenari dagokionez, ez genuke aberasterik sumatuko, prekarizazioa baizik. Zer gertatuko da, adibidez, urakan edo tifoi arrisku handiegia izateagatik eraikin eta enpresa gehienei asegurua egitea garestiegia bilakatzen bada Floridan, Texasen, Japoniako hegoaldean edo Taiwanen? Edo Belgika, Alemania edo Txekiako hainbat eskualdetan uholde arriskua garestiegia bilakatuko bada? Edo bertze hainbat tokitan nahaspilatzen diren lehorte, bero uhin eta uholde arriskuak –Kalifornia edo Mediterraneo ingurua kasu– garestiegiak bilakatuko badira? Jarduera asko ekonomikoki bideraezinak bihurtuko lirateke, inbertsio guziak edonoiz deuseztatzeko arriskuagatik eta berreraikitzeko aukera eta laguntza oso murritzengatik. Enpresa gero eta gehiagok, ziur aski, itxi edo alde eginen luke, eraikinetan edota azpiegituretan kalte konpondu gabeak metatuko lirateke, eta ihes egin ezin dutenak baizik ez lirateke geldituko eskualde horietan.

Errefuxiatuen aurkako neurriak zorrozten ari diren une honetan, ez dugu aski ongi ulertu gu edo gure haurrak errefuxiatu izan daitezkeela noizbait, hondamendien kalte konponezinen ondorioz. Eta austeritatea berriz modan jartzen ari den une honetan, ez dugu aski ongi ulertu belaunaldi berriei uzten diegun zor atmosferikoak –pilatutako berotegi efektu gasak– etorkizuneko oparotasuna zenbat kaltetuko dien.