Montreuil, le 1er novembre 2010 – Trois ans après les engagements des tables rondes du Grenelle de l’environnement et le discours enflammé de Nicolas Sarkozy le 25 octobre 2007, le Réseau Action Climat fait le point sur le dossier « climat-énergie » et épluche point par point les mesures annoncées et celles mises en œuvre.
« Le moins que l’on puisse dire c’est que le « New deal » écologique promis par le Président de la République n’a pas eu lieu », constate Olivier Louchard, Directeur du RAC-France. « Au contraire, ce que certains redoutaient déjà en 2007 est arrivé : les petites avancées que le gouvernement affiche ne doivent pas masquer l’absence criante de mesures de rupture, structurantes et réellement efficaces ».
L’enterrement de la taxe carbone, emblème de l’hypocrisie du gouvernement
« L’abandon de la taxe carbone au lendemain des élections régionales aura eu un mérite : faire tomber les masques, commente Karine Gavand, responsable climat à Greenpeace. Il est clair désormais que l’environnement est avant tout une tactique électorale, et l’opportunisme politique de Nicolas Sarkozy sans bornes. La mise en place de cette mesure, structurante et structurelle, vendue par le candidat à la présidentielle comme le pilier de sa politique environnementale, aurait eu le mérite d’enclencher une réelle prise de conscience au sein de la société française. Le renoncement du gouvernement, après le fiasco de Copenhague, encourage, dangereusement, le sentiment d’un « à quoi bon ? ».
Transports : le dossier noir
Côté transports, c’est la consternation. « Malgré certaines avancées, les résultats du Grenelle ne sont pas à la hauteur des enjeux. Aucun financement pérenne des transports urbains et ferroviaires n’a été mis en place, le vélo reste ignoré par l’Etat et les investissements routiers sont relancés au mépris de tout bon sens. » déclare Jean Sivardière, président de la FNAUT.
Énergie : des objectifs ambitieux, des moyens modestes
Alors que des objectifs satisfaisants ont été fixés sur l’énergie (23 % d’énergies renouvelables en 2020, – 38% de consommation d’énergie pour le bâtiment existant…), les outils mis en place ne sont pas du tout à niveau. Pour Raphaël Claustre du CLER, « le Grenelle a pourtant suscité des envies, les acteurs des territoires se mobilisent, les collectivités, les entreprises et les associations agissent maintenant ensemble. Mais l’Etat semble reculer de plus en plus face à ce mouvement ». En soufflant le chaud et le froid sur les énergies renouvelables, le gouvernement empêche le développement serein de ces filières pourtant créatrices d’emplois locaux.
Concernant les autres sujets majeurs, le bilan est tout aussi insuffisant (voir note détaillée ci après) : absence de mesures climat sur l’agriculture, imposture sur les agrocarburants, taxe sur les incinérateurs dépouillée de son contenu, deux EPR programmés, etc. A noter néanmoins quelques avancées sur les politiques territoriales et l’urbanisme.
Pour télécharger le rapport complet, cliquez sur l’image suivante :
Ou pour lire la note détaillée, cliquez ici :
3 ans après : Bilan du Grenelle de l’environnement
Note détaillée
Rappel n°1 : la loi Grenelle 1 a placé la lutte contre le changement climatique au « premier rang des priorités » (article 2).
Rappel n°2 : toute absence de décision ou mauvais choix aujourd’hui est un recul face à l’urgence climatique et un mauvais coup porté aux générations futures.
Fiscalité : la Contribution Climat Energie au point mort
Ce devait être LA mesure permettant d’asseoir enfin une fiscalité écologique efficace en France. Désormais renvoyée à une improbable décision européenne, personne n’ose l’envisager, ni même la proposer pour la loi de Finances 2011 actuellement examinée au Parlement. Le rendez-vous est d’ores et déjà pris avec les candidats aux présidentielles 2012.
Le dossier noir des transports
Premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 26% des émissions nationales, les transports risquent de le rester encore très longtemps : relance d’un programme routier/autoroutier (plus de 1000 km), taxe kilomètres poids lourds reportée à 2012 (enfin peut-être), casse de l’activité wagons isolés dans le plan Fret, autorisation de circulation pour les 44 tonnes (denrées agricoles), etc. Quant au secteur aérien, le plus énergivore par passager et km parcouru, il est préservé : le kérosène reste le seul carburant exonéré de taxes et l’aéroport Notre Dame des Landes est bien inscrit dans le projet de schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Résultat : l’objectif pour 2012 d’augmenter de 25% la part modale du fret non routier et non aérien (soit 17,5%) ne sera pas atteint. Au contraire, au lieu d’augmenter, cette part a diminué pour ne représenter que 12% en 2009 alors qu’elle était de 14% en 2006 (année de référence). Par ailleurs, le soutien à l’alternative que représente le vélo pour les déplacements individuels de courte distance se fait toujours attendre en France : alors que la part modale du vélo en Europe du nord et en Allemagne est à deux chiffres, ici elle est à peine de 3%.
L’agriculture parent pauvre des mesures climat
L’agriculture est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre (21%) en France. Les discussions se sont surtout focalisées sur les consommations énergétiques (émissions de CO2) avec le lancement d’un plan de performance énergétique des exploitations agricoles. Même si une relance des protéagineux et autres légumineuses a été décidée, aucun objectif précis ou mesure significative n’a été retenue pour réduire drastiquement les émissions de N2O et de CH4 qui représentent pourtant plus de 90% des émissions agricoles.
Imposture sur les agrocarburants
Le Grenelle demandait une étude exhaustive et contradictoire sur les bilans énergétiques et GES des agrocarburants produits en France. En laissant de côté l’impact du changement d’affectation des sols indirect (conversion de jachères ou de prairies, déforestation au Sud), les bilans GES des agrocarburants ne peuvent pas être considérés comme complets. Pourtant, ces données continuent à être la caution des avantages fiscaux pour les filières industrielles d’agrocarburants, la défiscalisation étant reconduite tous les ans dans la loi de finances. Le RAC demande la suppression de ces aides injustifiées car les quelques 480 millions d’euros qui seront octroyés aux industriels en 2011 trouveraient bien meilleur emploi auprès de filières qui réduisent réellement les émissions de GES et permettent à la France d’améliorer son indépendance énergétique.
Bâtiments : progrès sur le neuf, enlisement sur l’ancien
La généralisation des bâtiments neufs à basse consommation semble sur la bonne voie bien que les retards s’accumulent. C’est déjà ça. Mais l’enjeu réel se situe bien sûr ailleurs : la rénovation thermique des bâtiments existants. Alors que la loi Grenelle 1 fixe un objectif très ambitieux (38 % de baisse de consommation du parc d’ici 2020), les outils et les moyens déployés ne sont pas à la hauteur de l’enjeu et pourraient même être contre-productifs si les rénovations sont faites à moitié, rendant l’atteinte d’une bonne performance énergétique impossible. De plus, l’immense chantier promis tarde à se mettre en place, faute de programme précis, de moyens d’envergure et de forte mobilisation des professionnels.
Énergie : fossile et nucléaire toujours, les ENR en galère
L’objectif européen de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2020 (contre 10% aujourd’hui) a été inscrit dans la Loi Grenelle 1. Cela signifie qu’il faudra maîtriser notre consommation d’énergie et développer massivement les énergies renouvelables, ce qui est loin aujourd’hui d’être le cas. En décidant de construire deux nouveaux EPR, le gouvernement a réaffirmé sa politique résolument pro-nucléaire. Ceci est un non sens absolu puisque le pays est en surcapacité. Rappelons également qu’en plus d’être inutile, l’EPR est inefficace en économie de CO2 et très coûteux. Et que dire du terminal charbonnier à Cherbourg, projet qui mise sur un développement de la filière charbon en Europe ? La feuille de route énergétique du Grenelle prévoit de faire passer la production à partir d’ENR de 20 Mtep à 37 Mtep d’ici 2020. En représentant près d’un tiers des nouvelles productions (5 Mtep), la filière éolienne doit y jouer pleinement son rôle. Pourtant les dispositions de la loi Grenelle 2 ont rendu plus contraignantes les règles d’implantations d’éoliennes (classement ICPE, seuil minimum de 5 éoliennes par parc, etc.), ce qui risque fortement de mettre un coup d’arrêt au développement de la filière. Les récentes communications du gouvernement montrent par ailleurs un manque de soutien à la filière photovoltaïque qui est tout aussi inquiétant. Du côté de la chaleur renouvelable, si l’on peut se réjouir de la création du fonds chaleur, il est urgent de mener un travail de mobilisation de la ressource biomasse avec les collectivités. Enfin, l’information citoyenne de proximité sur les questions d’énergie a été complètement occultée, ce qui n’incite pas les français à s’intéresser à des enjeux qui les concernent individuellement et collectivement.
La taxe sur les incinérateurs et les centres de stockage dépouillée de son contenu
La TGAP, mesure phare du Grenelle sur les déchets, présente l’avantage de renchérir le coût du stockage, à l’origine de 13% des émissions annuelles de méthane en France, et de l’incinération des déchets, qui produit annuellement autant de CO2 que 3 millions de voitures. La portée de cet outil fiscal, incitatif à la réduction et au recyclage, a malheureusement été significativement réduite par l’action de certains industriels qui ont su négocier des modulations sur la base de critères sans rapport avec l’objet de la taxe. D’un montant initialement prévu entre 10 et 20 euros par tonne de déchets, la TGAP a vu ses montants réduits de 1,5 à 7 euros par tonne de déchets. La TGAP « version light » survivra-t-elle à la prochaine loi de finances ? La transition vers une politique déchets moins émettrice de gaz à effet de serre et plus préservatrice de nos ressources est loin d’être assurée.
Politiques territoriales et urbanisme : des avancées néanmoins
Le Grenelle a identifié les collectivités territoriales comme étant des acteurs incontournables des politiques climat-énergie. A ce titre, les régions, départements, communautés urbaines, communautés d’agglomération ainsi que les communes et communautés de communes de plus de 50 000 habitants doivent avoir adopté un plan climat-énergie territorial pour le 31 décembre 2012. Si cette obligation constitue une avancée majeure, il est regrettable que le texte de loi restreigne le champ d’action aux compétences de la collectivité et délaisse par conséquent l’approche territoriale. Autre biais majeur : l’obligation ne couvre pas l’ensemble du territoire français et met ainsi les communes et intercommunalités de moins de 50 000 habitants et les territoires de projet (pays, Parcs Naturels Régionaux), soit en pratique les territoires ruraux, sur la touche.
Concernant l’urbanisme, de réelles avancées ont été obtenues avec la nécessité de prendre en considération la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables dans les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU).