Bizi !

Articles du Vendredi : Sélection du 9 décembre 2016

Le littoral landais recule plus vite que prévu

Lisa Melia
www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/le-littoral-landais-recule-plus-vite-que-prevu-1480963280

Réchauffement climatique: «nous avons passé le point de non-retour»

Jean-Marie Pottier
http://m.slate.fr/story/130343/rechauffement-climatique-point-non-retour

L’absurde haine de la droite réactionnaire envers le principe de précaution

Corinne Lepage, Ancienne ministre de l’Environnement, avocate et présidente de Cap 21 – Le Rassemblement citoyen.
https://reporterre.net/L-absurde-haine-de-la-droite-reactionnaire-envers-le-principe-de-precaution

Le procès de l’évasion fiscale

Alda!
www.enbata.info/articles/le-proces-de-levasion-fiscale/

Eloge de l’évasion fiscale

Jean Gadrey
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2016/12/09/eloge-de-l%e2%80%99evasion-fiscale

Hustuz doan elikadura

Ainhoa Larrabe Arnaiz
www.berria.eus/paperekoa/1855/030/001/2016-12-07/hustuz_doan_elikadura.htm

Le littoral landais recule plus vite que prévu

Lisa Melia
www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/le-littoral-landais-recule-plus-vite-que-prevu-1480963280

D’ici 2050, le littoral de l’ancienne région d’Aquitaine aura reculé de 50 mètres. C’est la conclusion de la deuxième étude de l’Observatoire de la Côte Aquitaine. La première étude, en 2011, dressait un constat moins alarmiste.

En 2011, l’Observatoire de la côte aquitaine estimait que le recul du trait côtier dans les Landes s’établirait à environ un mètre, chaque année, jusqu’en 2040. Désormais, les chercheurs sont nettement plus pessimistes : ils tablent sur un recul moyen annuel d’1,70m dans notre département. En Gironde, il atteindrait 2,50m.

« Cette nouvelle étude était nécessaire pour intégrer l’impact des tempêtes de l’hiver 2013-2014, explique Cyril Mallet, ingénieur et chef de projet Littoral pour le BRGM, le bureau de recherches géologiques et minières. Bien sûr, elles accélèrent l’érosion du trait de côte. » Il y a deux ans, sous l’effet de la météo, le littoral a reculé de plusieurs dizaines de mètres, jusqu’à 40 m sur les plages de Soulac-sur-Mer dans le Médoc. Les nouvelles analyses anticipent donc un recul de 20m d’ici 2025 et 50m d’ici 2050.

L’étude se veut aussi plus précise : « les communautés de communes ont initié des stratégies locales pour aménager le littoral aquitain, indique Cyril Mallet. Leurs données sont plus fines que celles que nous avions utilisées en 2011, elles nous ont donc servi pour le nouveau rapport. » Enfin, l’effet du changement climatique est lui aussi pris en compte.

Les Landes épargnées

A première vue, le littoral landais semble plus stable que celui de la Gironde : le sable se déplace du nord vers le sud, sous l’effet des houles dominantes en provenance du Nord-Ouest. La couche sédimentaire des Landes, qui s’étend du bassin d’Arcachon jusqu’à l’Adour, bénéficie du sable qui pourrait arriver du nord de l’Aquitaine.

Dans le détail, en revanche, certains secteurs souffrent davantage, notamment Biscarosse, le nord de Mimizan et Capbreton. « Un phénomène d’érosion chronique touche Capbreton, jusqu’à Labenne, voire le littoral d’Ondres qui a été durement touché au cours de l’hiver 2013-2014« , précise Cyril Mallet.

Le reste du département n’est pas, pour autant, complètement épargné. « Le littoral landais peut rester protégé pendant 10 ou 20 ans et subir, soudainement, un coup d’érosion assez important« , prévient l’ingénieur. Il relativise, cependant : la côte landaise bénéficie d’aménagements, qui permettent d’entretenir la dune et de freiner l’érosion. « D’une manière générale, l’ONF, l’office national des forêts, réalise un travail efficace d’accompagnement des processus naturels. »

Une problématique nationale

Les autorités se sont rapidement saisies de cette disparition annoncée de la côte. Sous l’égide de l’Observatoire de la Côte Aquitaine, le BRGM, l’Etat, les instances départementales et régionale, le syndicat mixte du bassin d’Arcachon et l’ONF travaillent de concert pour analyser la progression de recul côtier. La député socialiste du Médoc Pascale Got vient de déposer un projet de loi pour mieux reconnaître juridiquement ce risque.

« La situation n’est pas limitée à la côte aquitaine, confirme Cyril Mallet, une grande majorité du littoral français est confronté à la même situation. » Dans la région Nouvelle Aquitaine, le recul du trait de côte est encore plus prononcé dans le sud de la presqu’île d’Oléron. La Méditerranée connaît le même phénomène. « Seule certitude, conclut Cyril Mallet, il n’y aura pas de possibilités de retour en arrière selon nous. C’est une évolution inéluctable. »

Réchauffement climatique: «nous avons passé le point de non-retour»

Jean-Marie Pottier
http://m.slate.fr/story/130343/rechauffement-climatique-point-non-retour

Une nouvelle étude vient renforcer les craintes d’un «cercle vicieux» en matière d’émissions et de réchauffement.

«Il est approprié de dire que nous avons passé le point de non-retour en matière de réchauffement climatique et que nous ne pouvons en inverser les effets, mais nous pouvons certainement les atténuer. Le changement climatique pourrait s’avérer considérablement plus rapide que nous le croyions.»

Ces propos alarmistes sont tenus au quotidien britannique The Independent par Thomas Crowther, de l’université de Yale, auteur principal d’une nouvelle étude publiée par le journal Nature qui s’est intéressée à une préoccupation de longue date: la capacité du sol à stocker le dioxyde de carbone en fonction du réchauffement climatique. Ou, pour le dire autrement, dans les mots de Mashable, à une «bombe à retardement au CO2».

Cette étude, fondée sur 49 expériences de terrain menées ces vingt dernières années en Amérique du nord, en Europe et en Asie, a constaté que l’équivalent de 55 milliards de tonnes de dixoyne de carbone non prises en compte jusqu’ici allaient être émises par le sol d’ici 2050 en raison d’un réchauffement de 2° C. Soit l’équivalent des émissions des États-Unis. «Ce phénomène de cercle vicieux constitue une préoccupation depuis très, très longtemps, a expliqué Thomas Crowther à la BBC. Durant les deux ou trois dernières décennies, il y a littéralement des milliers d’études qui ont essayé de traiter ce sujet et ont tenté d’identifier si l’on assister à des hausses ou des baisses des émissions de dioxyde de carbone du sol en raison du réchauffement.»

Crowther a également détaillé ce mécanisme dans le communiqué publié par l’université de Yale.

«Le stockage du dioxyde de carbone est le meilleur à des endroits comme le continent arctique et sub-arctique, où le sol est froid et souvent gelé. Dans ces conditions, les microbes sont moins actifs, ce qui a permis au dioxyde de carbone de s’accumuler au fil des siècles. Mais à mesure que le réchauffement se produit, l’activité de ces microbes augmente, et c’est là que les pertes commencent à se produire. Ce qui est effrayant, c’est que ces régions froides sont celles qui sont supposées se réchauffer le plus en raison du changement climatique.»

L’absurde haine de la droite réactionnaire envers le principe de précaution

Corinne Lepage, Ancienne ministre de l’Environnement, avocate et présidente de Cap 21 – Le Rassemblement citoyen.
https://reporterre.net/L-absurde-haine-de-la-droite-reactionnaire-envers-le-principe-de-precaution

Le principe de précaution représente, pour la droite réactionnaire, le symbole de l’obstacle au néolibéralisme et à la liberté technologique, explique l’auteure de cette tribune. C’est méconnaître la réalité : ce principe tend à devenir une norme internationale et il est facteur d’innovation, d’économie budgétaire et de progrès sociétal.

Pour une partie de la droite, la suppression du principe de précaution est devenue une forme de totem, un marqueur destiné à montrer son hostilité, voire sa haine, à l’égard de tout ce qui pourrait constituer un obstacle au néolibéralisme et à la liberté technologique, considérée comme l’expression du progrès par excellence, haine aussi à tout ce qui peut, de près ou de loin, s’apparenter à l’écologie. Cette droite est réactionnaire, car la conservation consiste à maintenir ce qui est et non pas à revenir en arrière. Comment expliquer une telle hostilité dans un pays dans lequel l’industrie, si elle invoque le principe de précaution pour justifier ses faiblesses, n’est en réalité nullement affectée par ce principe, qui reste très virtuel.

En effet, la « vieille » économie invoque constamment le principe de précaution comme un frein à l’innovation, alors que son absence d’innovation n’a strictement rien à voir avec le principe de précaution. La meilleure preuve en est, du reste, que les start-ups et les entreprises de la nouvelle économie ne se déclarent quasiment jamais gênées par l’inscription du principe de précaution dans la Constitution.

La vérité est que ce principe est un principe d’innovation, d’économie budgétaire et de progrès sociétal.

Le principe de précaution n’est pas le principe de prévention

Pour mémoire, rappelons simplement que le principe de précaution est né en Allemagne dans les années 1970, qu’il y est strictement appliqué et que l’industrie allemande n’est pas moins innovante que l’industrie française, qui serait bloquée par la constitutionnalisation du principe ! C’est notamment dans les ouvrages de Hans Jonas, parus dans les années 1970, que le principe de « responsabilité » a été développé avec, en corollaire, le principe de précaution (Vorsorge Prinzip). Ce dernier était destiné à anticiper des conséquences irréparables et irréversibles dues à des technologies nouvelles aux effets incertains. Ce principe est un principe de base du droit communautaire, puisqu’il figure dans les traités et est appliqué de manière très régulière par la Cour de justice de l’Union européenne et a fait l’objet de deux gros rapports de l’Agence européenne de l’environnement [1].

Le principe de précaution a, en réalité, un domaine d’application très restreint. Il se distingue de la prévention, qui concerne des risques parfaitement identifiés et pour lesquels un calcul de probabilité peut être envisagé. Il ne vise en effet que les risques hypothétiques résultant des nouvelles technologies. Il n’a donc strictement rien à voir avec les multiples invocations, médiatiques et politiques, faites à l’occasion d’incendies, d’accidents industriels, de phénomènes météorologiques divers et variés. Il n’a pas davantage à voir, comme le prétendent certains, dont Luc Ferry, avec un certain nombre des peurs, lesquelles renvoient à des risques bien réels dont il convient de se prémunir. Le tabac, la vitesse, le sexe (non protégé) et l’alcool tuent des milliers, voire des centaines de milliers de Français tous les ans. Le changement climatique coûte des milliards d’euros par an à l’économie mondiale, a créé 22 millions de réfugiés climatiques et met en péril, selon le Giec — qui n’est pas un organisme français et écolo —, l’avenir de l’humanité elle-même. Se prémunir de ces réalités n’a rien à voir avec le principe de précaution ; il s’agit de l’application du principe de prévention, que nos parents et grands-parents appelaient simplement la prudence.

L’innovation et la science doivent être liées au principe de précaution

Cette allergie d’une droite réactionnaire est d’autant plus paradoxale que la France est probablement un des pays au monde où l’on évoque le plus le principe de précaution pour le moins l’appliquer. Sang contaminé, amiante, pesticides, hormones de croissance, Mediator… nous avons probablement un des records européens des manquements aux principes de précaution et de prévention, y compris lorsque le risque est parfaitement identifié.

Mais, surtout, le principe de précaution est un formidable principe d’innovation. Le second volume du rapport de l’Agence européenne de l’environnement précité — et que la France n’a toujours pas traduit —, sorti en 2013 et intitulé Signaux précoces, et leçons tardives. Science, précaution, innovation [2], décrit dans un ouvrage de 800 pages sans compter les annexes, le coût des erreurs qui ont été commises faute de précaution et la manière dont l’innovation et la science doivent être liées au principe de précaution.

En effet, non seulement l’application du principe de précaution exige une recherche très renforcée, mais il est évidemment source d’innovation dans la mesure où les coûts susceptibles d’être engendrés par l’inaction et par le refus de chercher des conséquences négatives à de nouvelles technologies sont colossaux pour les entreprises comme pour les sociétés humaines.

La meilleure réponse consiste donc dans des produits et des technologies de substitution qui remplissent la même fonction — souvent améliorée — et n’ont pas les conséquences désastreuses pour la santé humaine ou l’environnement d’erreurs technologiques.

Une source de rentabilité considérable

Et, si une partie de l’économie française ne l’a pas compris, il n’en va pas de même dans le reste du monde, qui évite parfois certaines innovations.

De plus, appliquer le principe de précaution peut être une source de rentabilité considérable. Il semble bien que les fermiers états-uniens qui remettent en cause aujourd’hui l’utilisation des OGM comme trop coûteuse et sans incidence sur une productivité qui resterait inférieure à la productivité européenne puissent être un exemple particulièrement illustratif de l’intérêt de ce principe.

Enfin, supprimer le principe de précaution de la Constitution ne présente juridiquement strictement aucun intérêt. En effet, comme rappelé ci-dessus, ce principe est un principe fondamental du droit communautaire, appliqué par le juge communautaire et il commence même à devenir un principe jurisprudentiel sur le plan international. Dans ces conditions, qu’il figure ou non dans la Constitution française ne change strictement rien au fait qu’il s’agisse d’un principe obligatoire du droit français, supérieur à la loi et qui s’impose donc au législateur.

En définitive, tomber dans la caricature de la suppression du principe de précaution revient à tomber dans le déni d’une réalité juridique, économique et politique qui fait de ce principe un élément essentiel de construction des sociétés contemporaines.

[1] Ces rapports sont les deux volumes d’un même travail, intitulé « Signaux précoces et leçons tardives ». Le volume 1, paru en 2002, porte pour titre « Le principe de précaution, 1896-2000 », le second, paru en 2013 : « Ce que coûte d’ignorer les signes avant-coureurs ».

[2] Le document dans son intégralité est disponible ici, en anglais.

Le procès de l’évasion fiscale

Alda!
www.enbata.info/articles/le-proces-de-levasion-fiscale/

Le vendredi 9 décembre aura lieu à Bayonne une soirée d’information et de soutien à Jon Palais avec une conférence publique où interviendront Jon Palais et Julien Bayou, militant de Sauvons les riches et de Jeudi Noir, porte-parole d’EELV, auteur du livre Kerviel : une affaire d’Etat, 2 milliards pour la société en général. Julien Bayou répond aux questions d’Alda ! Le samedi 10 décembre à 20h30 au cinéma Itsas Mendi à Urrugne,  dans le cadre de cette même campagne de soutien à Jon Palais, c’est la projection du Film « Evasion Fiscale, le hold-up du siècle » qui aura lieu en présence de son réalisateur, Xavier Harel.

 

Qu’est-ce que l’évasion fiscale ?

L’évasion fiscale, c’est le fait pour un contribuable, particulier ou entreprise, d’esquiver l’impôt, par exemple en domiciliant ses avoirs dans ce qu’on appelle un paradis fiscal, souvent un pays qui offre des taux d’impôts très favorables ou l’opacité complète.

Quelles sont les conséquences sur le budget de l’Etat et sur la démocratie ?

Pour faire simple, si quelqu’un ou une entreprise ne paie pas sa juste part, alors le budget de l’Etat n’est pas équilibré, et on a plus de dépenses que de recettes, donc un déficit et on doit emprunter. S’ensuivent deux mauvaises solutions : soit nous tous bénéficions de moins de services publics, parce qu’il y a moins d’argent pour payer les routes, les trains, les écoles, les fonctionnaires policiers ou magistrats et infirmiers… soit on augmente les impôts de ceux qui les paient encore pour faire face aux dépenses contraintes. C’est un problème pour l’Etat et surtout une catastrophe pour notre démocratie qui repose sur un point essentiel qu’on appelle le “consentement à l’impôt”. Le consentement, c’est ce qui distingue de l’Ancien régime et ses prélèvements arbitraires. D’ailleurs on retrouve ce principe dans l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : “Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi….” Moi Julien Bayou j’accepte de payer ma juste part d’impôt parce que j’ai confiance, d’une part, que cet argent sera bien utilisé et, d’autre part que mes concitoyens contribuent également à hauteur de leurs moyens. Si cette confiance vient à s’étioler, c’est la société dans son ensemble qui se disloque.

 

Malheureusement, depuis quelques décennies se succèdent au pouvoir des gouvernements qui ont “l’impôt honteux” et surtout qui n’ont cessé de casser la progressivité de l’impôt : quand on baisse les impôts, quand on crée une nouvelle niche fiscale, c’est souvent les plus riches qui en profitent. Dès lors, l’Etat s’endette et les classes populaires ou moyennes paient proportionnellement de plus en plus, surtout quand on “compense” la baisse de l’impôt sur le revenu par la hausse de la TVA, qui elle touche tout le monde au même taux et donc frappe proportionnellement plus les plus pauvres.

Que peuvent faire les citoyen-ne-s pour changer la donne sachant que la cellule de régularisation de Bercy ne récupère que 2 à 3 milliards d’euros par an alors qu’en 2007, la Cour des comptes avait estimé la fraude fiscale à un montant annuel de 30 à 40 milliards d’euros ?

Nous devons marteler que l’argent dont on a besoin, il est disponible à condition de s’attaquer véritablement à cette fraude fiscale. Chaque fois qu’un politique nous dit “il n’y a pas d’argent” —en général pour la transition écologique ou les services publics, car de l’argent on en trouve toujours pour les banques, le nucléaire ou les grands projets inutiles— nous devons marteler comme on pouvait l’entendre lors du mouvement Nuit debout, “de l’argent il y en a, il est dans les caisses au Panama ! Attaquez-vous à la fraude et rétablissez l’égalité devant l’impôt.” L’évasion fiscale coûte 1 000 euros par an à chaque Français. Et chaque année, on nous annonce que les caisses de l’État sont vides, alors que les marges de manoeuvre budgétaires sont englouties dans ces cadeaux fiscaux sans contreparties, qui alimentent la rente, brident l’innovation et la transition vers ce pays de justice et de prospérité que nous avons pourtant à portée de main.

En 2013 vous interpellez le ministère de l’économie (en saisissant le tribunal administratif) sur les conditions du remboursement par l’État de 1,7 milliard d’euros à la banque Société générale. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette affaire d’Etat que vous décrivez dans votre dernier livre Kerviel : une affaire d’Etat, 2 milliards pour la société en général ?

Avec cette affaire dite Kerviel dont tout le monde a entendu parler, j’ai le sentiment qu’on touche à la caricature de l’inégalité devant l’impôt. Si vous ou moi décidons de retrancher quelques milliers d’euros de notre déclaration d’impôts, il nous faudra convaincre le fisc, invoquer le bon argument et la bonne décision de justice ; et si nous passons outre, nous nous exposons à des pénalités magistrales. Et c’est tant mieux. Mais rien de ça pour le contribuable qu’est la Société Générale : quand elle retranche 2,2 milliards de sa feuille d’impôts, invoquant l’escroquerie dont elle dit avoir été victime, Bercy ne dit rien, voire encourage. C’est pour ça que je parle d’une affaire d’Etat.

Pour qu’une banque puisse faire le “casse du siècle” – 30 euros par Français – il faut des complices en haut lieu. En l’occurrence, il s’agit des administrations Lagarde et Woerth qui ont accepté ce crédit d’impôt alors même que la justice n’avait pas tranché sur les responsabilités de la banque et de son ex trader. Il a fallu attendre septembre dernier pour que la justice tranche : Kerviel a triché mais la banque est la principale responsable de ses pertes. Dès lors elle n’avait pas le droit de s’offrir ce cadeau fiscal, et cet argent doit revenir aux Français-e-s.

J’en veux aux “responsables” de mon pays, de droite comme socialistes, d’avoir pudiquement détourné le regard pendant que la banque se gavait impunément de ces 2 197 millions d’euros offerts sans justificatif, quand, dans le même temps, ils multipliaient les mesures d’austérité et de restriction des services publics d’une société en crise chronique, frappée par le chômage de masse et l’exclusion.

Le secret entourant cette affaire dure depuis 2012. C’est pour ça que j’ai engagé ces recours administratifs : pour faire la transparence sur cette affaire et contraindre notre ministre à faire son job et récupérer cet argent. Il faut croire que cette pression fonctionne : après m’avoir longtemps snobé, puis tergiversé après la décision de septembre dernier, Bercy a finalement engagé la procédure pour récupérer la somme. La vigilance reste de mise car les tergiversations de Monsieur Sapin et le conflit d’intérêts dans lequel est placé son directeur de cabinet (ancien dirigeant d’une banque d’investissement de la Société Générale) n’incitent pas à la confiance. Mais grâce au recours que j’ai engagé, si Bercy venait à tergiverser à nouveau, la Cour administrative d’appel pourrait prochainement contraindre le ministère des Finances à récupérer l’argent.

Evidemment avec ce genre de démarches, on ne se fait pas que des amis. Mais je sais pouvoir compter sur le soutien de toutes celles et ceux qui refusent les conflits d’intérêts endémiques de notre démocratie et le soutien aveugle à la croissance et aux grands groupes. Dans mon livre Kerviel affaire d’Etat, je formule quelques propositions pour désintoxiquer la finance et notre démocratie, des mesures qui ne coûtent d’ailleurs qu’un peu de volonté et le courage de s’opposer aux puissances de l’argent.

Jon Palais, militant de Bizi! et d’ANV-COP21 est convoqué au Palais de Justice de Dax le 9 janvier suite à une action non-violente de désobéissance civile de « réquisition citoyenne de chaises » dans une banque facilitant l’évasion fiscale. Là aussi, que peuvent faire les citoyen-ne-s quand la légalité « reprend ses droits » sur la légitimité ?

Je suis évidemment fervent soutien de la démarche de Jon et des militant-e-s de Bizi! et d’ANP-COP21. Signataire de l’appel initial à faucher des chaises Pour le climat, appel à tous les faucheurs de chaises en septembre 2015, j’ai moi-même fini au poste à Lyon après avoir ciblé une banque HSBC, soupçonnée de complicité d’évasion fiscale. A cette époque je me souviens avoir dit aux policiers que je voulais bien faire un peu de garde à vue si le patron de HSBC en faisait aussi. On attend toujours. Cette mobilisation fonctionne : c’est grâce aux lanceurs d’alerte et à la mobilisation des citoyens que BNP a annoncé la fermeture de ses filiales dans les îles Caïman. Mais pour l’heure les banques échappent encore à leur responsabilité : grâce au travail de la plateforme paradis fiscaux et judiciaires, nous savons que BNP et Société Générale réalisent plus de 30% de leurs bénéfices logés dans les paradis fiscaux. Pour avoir dénoncé, avec d’autres, ce scandale, Jon risque gros. Nous devons montrer les muscles : le 9 janvier faisons le procès de l’évasion fiscale.

Eloge de l’évasion fiscale

Jean Gadrey
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2016/12/09/eloge-de-l%e2%80%99evasion-fiscale

Il est temps qu’un économiste de profession prenne courageusement la défense des paradis fiscaux. Ces derniers sont aujourd’hui vilipendés par des militants aveuglés par une propagande hystérique, qui n’y connaissent rien à la science économique et ne peuvent pas comprendre que ces paradis méritent leur nom, en raison de leur contribution au bien commun et de leur capacité à faire ruisseler la richesse du monde sur tout le monde.

Je sais que demain sont prévues des actions de dénonciations de ces paradis où l’on va retrouver la cohorte des ignares et des « alter » de tout poil, les alter non violents d’ANV-COP21 et autres «faucheurs de chaises », les alter bérets basques d’Alternatiba, les altermarxogaucho d’Attac, les alter secouristes chrétiens du Secours Catholique, les alter contre la pauvreté mondiale d’Oxfam et les alter solidaires du CCFD, les alter écolo des Amis de la Terre ou de Greenpeace et divers autres. Cela va dégouliner de bons sentiments et de mots d’ordre de justice, là où il ne devrait être question que d’efficacité économique et de contribution à la croissance, le seul vrai bien commun, celui dont tous les autres résultent.

Mais de quoi se mêlent-ils ? Les paradis fiscaux ce n’est pas une question sociale ou écolo, c’est une question économique et financière et seuls les économistes peuvent en parler. Point barre. Comme le disent mes pairs Cahuc et Zylberberg, il faut se «débarrasser» du «négationnisme économique». Comment ?

D’abord en rétablissant la vérité, telle qu’on la trouve sur des sites sérieux de conseils en évasion fiscale, ou dans des écrits économiques expliquant le rôle éminent de ces paradis dans la bonne santé de l’économie mondiale, dans la nécessaire fluidité des mouvements de capitaux, et dans la limitation des contraintes étatiques qui entravent la croissance.

PREMIER POINT : LES PARADIS FISCAUX SONT UNE PROTECTION LEGITIME CONTRE L’ARBITRAIRE DES ENFERS FISCAUX, ces pays où l’on pratique le « matraquage fiscal » d’entreprises et de personnes dont le seul délit est d’avoir bien réussi dans la vie. Ces dernières sont violemment matraquées par une inquisition fiscale à côté de laquelle celle de l’église au 13° et 14° siècle paraît une aimable plaisanterie, en dépit de quelques tortures et excès mineurs n’affectant pas les grands équilibres économiques.

Comme le démontre fort bien le « Journal de Montréal » du 29 janvier 2016, « s’il existe des paradis fiscaux, c’est pour échapper aux enfers fiscaux. Les entreprises n’ont donc ni à se défendre ni à s’excuser de faire migrer leurs profits. Leurs comportements révèlent simplement que le système fiscal de leur pays est confiscatoire et toxique… lorsque le régime fiscal flirte avec l’extorsion, lorsque les cas de corruption et de dilapidation de fonds publics sont légion, pourquoi alimenterait-on davantage l’appétit gargantuesque d’un État glouton? ». Bien envoyé, non ?

Allez comprendre : ce sont les mêmes « alter » qui défendent le droit des migrants à vivre dignement dans un pays d’accueil et qui s’indignent quand on exige que les capitaux puissent s’épanouir librement dans un autre pays. Deux poids, deux mesures. On trouve normal que la star du foot Cristiano Ronaldo, Portugais d’origine, joue dans un autre pays, mais anormal qu’il verse son argent, gagné à la sueur de ses pieds, sur un compte dans un troisième pays ? Cela frise la xénophobie, non ? C’est juste un grand pont réussi par un artiste.

DEUXIEME POINT : l’évasion fiscale relève typiquement de l’ANV, action non violente. Pas besoin de forcer une frontière ou de braquer une banque. Quelques clics de souris et les informations d’un très pacifique conseiller de banque suffisent pour créer un compte ou une société dite offshore («au large», ou « en mer »), un terme inapproprié quand on pense au Luxembourg, à la Suisse ou à l’Etat du Delaware, qui sont juste des paradis sur terre.

Une fois cette opération réalisée, si vous avez été bien conseillé, aucun inquisiteur fiscal ne viendra vous demander de comptes sur vos comptes, ni vous matraquer sauvagement. Votre nom ne figurera nulle part. Vous pourrez même, si tout va bien, payer zéro impôt sur les profits, revenus et patrimoines ainsi mis à l’abri des violences fiscales.

Oui, L’EVASION FISCALE EST UNE ACTION NON VIOLENTE EN REPONSE PACIFIQUE A LA VIOLENCE DES ETATS PREDATEURS. Elle n’est pas toujours légale, mais pour qui connaît les lois de l’économie et de l’entreprise, elle est légitime. Mieux, si elle devient une action collective, elle pourra obliger le législateur à tenir compte de ces lois de l’entreprise, comme le propose l’excellent Journal de Montréal déjà cité : « Puisque les entreprises s’exilent parce qu’elles considèrent que l’impôt est injuste et spoliateur, la solution consiste à rivaliser avec les havres fiscaux. Il faut donc concevoir un régime fiscal acceptable et, pourquoi pas, faire du Canada le plus attrayant des paradis fiscaux. ». A nouveau, bravo !

Ce qui me conduit au TROISIEME POINT, bien mis en avant par nombre de think tanks libéraux dans le monde comme en France : l’existence des paradis fiscaux est une puissante incitation, pour tous les Etats « obèses », à réduire la voilure et à baisser fortement les dépenses, les recettes, et le nombre de fonctionnaires. Au fond, LES PARADIS FISCAUX SONT DES LANCEURS D’ALERTE, et à ce titre il faut les protéger !

Voici ce qu’on trouve chez les héritiers français de Milton Friedman, dont l’économiste Pascal Salin et ses proches (on les trouve sur le « Wikilibéral ») : « La France est devenue un enfer fiscal. Or, au lieu de s’efforcer de sortir les citoyens de cet enfer, les gouvernements préfèrent s’attaquer aux “paradis fiscaux”. Au nom de l’égalité, on ne supporte pas que certains soient au paradis alors que d’autres sont en enfer, mais, au lieu de conduire tout le monde au paradis, on essaie d’enfermer tout le monde en enfer. » (Pascal Salin, La Tyrannie fiscale, 2014). Ou encore : « Si les états gloutons n’étaient pas soumis à la menace de voir leurs capitaux fuir vers des cieux plus cléments, ils imposeraient plus encore qu’aujourd’hui leurs populations et le fruit de leur travail, ce qui obérerait plus encore qu’aujourd’hui leurs économies. » (Vincent Bénard : Les paradis fiscaux, une nécessité pour les états fiscalement avides).

QUATRIEME POINT, sans doute le plus important : LE PARADIS FISCAL, C’EST BON POUR LA CROISSANCE, POUR L’EMPLOI, ET MEME POUR REDUIRE LA PAUVRETE. C’est là que le vulgum pecus (en français, le péquin moyen) est largué, mais la vérité de l’économie n’est pas faite pour lui. Je vais une nouvelle fois citer l’extraordinaire analyse du Journal de Montréal :

« Préférer la compétition fiscale à la dictature fiscale permettrait de rapatrier les 170 milliards que les Canadiens possèdent dans les paradis fiscaux, en plus d’attirer les avoirs de milliers d’étrangers. Ces capitaux serviraient à financer des investissements, à créer des emplois et à réduire la pauvreté. Il suffit de constater le niveau de vie enviable des paradis fiscaux pour comprendre que, pour faire prospérer une économie, il faut attirer la richesse et non la faire fuir ! ». Superbe, non ?

Fort heureusement, cette analyse impeccable n’est pas isolée. Sur le site de conseil en placements dans les paradis fiscaux « paradis fiscaux 2.0 » (le 2.0 signifie la démocratisation de l’évasion fiscale, un réel progrès dans le sens de l’égalité et de l’universalité du droit à l’évasion), on trouve un excellent passage sur « Ce que les médias ne disent pas sur les Paradis Fiscaux » :

« Ce que ne mentionnent pas ou peu les médias c’est que les Paradis Fiscaux sont un des moteurs de l’économie actuelle (les B.V.I représentent la plus importante source d’investissements en Chine par exemple), et en les supprimant de nombreuses entreprises et grands groupes seront obligés de licencier en masse à cause d’un manque d’optimisation fiscale et d’un manque de compétitivité à l’échelle mondiale. » [Note du titulaire du blog : les B.V.I. sont les « British Virgin Islands », les îles vierges de toute imposition, la forme de virginité la plus recherchée par les capitaux migrants]

Poursuivons la citation, qui vaut le détour : « Les entreprises qui utilisent des paradis fiscaux réinvestissent localement et peuvent se développer davantage. Tout ceci crée une dynamique, et si la France peut encore héberger des Grands Groupes sur son sol c’est justement parce qu’ils peuvent réduire à 8% leurs impôts par le biais d’optimisations fiscales multiples. Mais la plupart des entrepreneurs n’ont pas les moyens de Amazon, Apple ou Paypal et ne peuvent pas avoir recours aux services très coûteux de KPMG ou Price Waterhouse pour les conseiller sur les structures financières complexes à mettre en œuvre.

Seulement voilà, depuis quelques années Internet a rendu les Paradis Fiscaux très accessibles, ils ne sont plus seulement le privilège de Grands Groupes. N’importe quel chef d’entreprise, créateur d’entreprise ou nomade digital peut maintenant bénéficier des conditions avantageuses offertes par les paradis fiscaux. » Cette fin de citation annonce des lendemains qui chantent pour la démocratie bien comprise, dont le slogan pourrait être « nous irons tous au paradis ».

Je dois toutefois terminer par de mauvaises nouvelles, qui me font redouter des lendemains moins paradisiaques. D’abord, alors que normalement les économistes devraient massivement se faire les avocats de l’évasion fiscale au nom de la croissance et du « moins d’Etat », voilà qu’à l’échelle mondiale 300 d’entre eux, et pas des moindres, ont publié en juin dernier une lettre dans laquelle ils exhortent les dirigeants politiques d’adopter des mesures communes pour mettre un terme à l’opacité financière offshore à l’échelle mondiale.

Ensuite, comme le déplore l’excellent site « paradis fiscaux 2.0 » les grands médias, pourtant d’habitude plus complaisants avec les milieux d’affaires, ne sont pas tendres avec l’évasion fiscale, et l’OCDE elle-même s’en prend maintenant à ce droit à l’évasion pourtant fondamental. Elle le fait certes de façon encore limitée, mais néanmoins insupportable.

Il me reste à souhaiter l’échec des mobilisations de demain et la fermeté de la BNP-Paribas face aux calomnies déversées sur elle (sans compter ses chaises qui se sont évadées il y a un an). Mais je ne sais pas pourquoi : je crains fort que ces mobilisations fassent parler d’elles.

Précision 1 : il m’est arrivé dans le passé que certains de mes billets (se voulant) humoristiques soient lus au premier degré par des personnes ne me connaissant pas. Et que je me fasse alors enguirlander. Merci par conséquent de ne pas en rester au premier degré…

Précision 2 : il est facile de démonter sur la base de faits convergents tous les arguments à la gloire de l’évasion fiscale. Je n’ai pas jugé utile de le faire dans ce billet. Un seul des arguments est vrai : les paradis fiscaux jouent un grand rôle comme pression néfaste au dumping fiscal partout dans le monde et donc comme facteur de destruction des biens communs sociaux et écologiques.

Hustuz doan elikadura

Ainhoa Larrabe Arnaiz
www.berria.eus/paperekoa/1855/030/001/2016-12-07/hustuz_doan_elikadura.htm

Elikaduraren industriak eragin zuzena du klima aldaketan. Jakien kontsumo ereduaren eraginez berotzen ari da planeta; horren ondorioz, gero eta zailagoa izango da sasoian sasoiko uztak jasotzea. Jakiek gero eta propietate gutxiago dutela diote ikerlariek, eta osasun arazo berriak sortuko dira horren eraginez.

Elkarri lotuta daude klima eta elikadura; batak eragina du bestean. Eguraldiaren arabera jasotzen da baserrietako uzta, adibidez, eta jasotako elikagai horiekin betetzen dira platerak, gero. Kate zuzenena da hori, eta, askorentzat, logikoena. Baina ez da inondik inora ere logikoa gaur egungo egoera, edozein sasoitako edozein jaki kontsumitzen baita edonoiz. Esaterako, abenduan tomate bat erostea normaltzat jo daiteke gaur egun, nahiz eta uda sasoiko barazkia den. Baina, kliman, eragina du normaltasun horrek; edozein sasoitan edozein sasoitako jakiak eskura izateak kutsadura eragiten baitu. Zehatz adierazita: gaur egungo elikaduraren industriak eta ekoizpenak, berotegi gasen %44 eta %57 sortzen ditu. Ehuneko horren barruan daude, besteak beste, jakien garraioak, prozesatzeak eta ongarri kimikoen erabilerak. Klima aldatzen ari da elikaduraren ondorioz. Eta hasierako tokira buelta berriz: klima aldaketaren eraginez, gero eta zailagoa da sasoian sasoiko uztak jasotzea. Elkarri lotuta doaz, baina elkar gero eta banatuago daude biak. Gaur egungo bizimoduak eta kontsumitzeko erritmoak aldaketa sakona behar dutela ohartarazi dute politika, ekonomia eta ingurumen arloko adituek azken urteetan. Kutsaduraren eraginez, areagotzen ari da klima aldaketak abereetan ala landaredian duen eragina. IPPC Klima Aldaketari Buruzko Gobernu Arteko Taldearen arabera, klimaren auziak eragin zuzena izango du osasunaren eta elikaduraren kalitatean. Nekazaritzari dagokionez, iragarri ezinezko ekintza izango da landatzen den uzta batuko den ala ez. Klimagatik ez, globalizazioaren eraginez aldatu da elikatzeko era. Eta kontsumoak sortutako kutsaduraren ondorioz, aldaketak izango dira nutrizioan. Elikadura arazoei eta planetaren iraunkortasunari aurre egiteko «logika» aldarrikatu du Unai Aranguren EHNE-Bizkaia sindikatuko kideak: «Duela 50 urte eskualde gehienetan genuen elikadura sistema lokala, baina galdu egin da hori. Globalizazioaren eraginez, munduko edozein tokitatik iristen den edozein produktu jaten dugu». Kontrako bidea hartu dute multinazionalek.

Krisiak indartzeko erabiltzen dituzte botere guneek, sindikatuko kidearen arabera. Eta hala egin dute klimaren auziarekin ere. «Klima aldaketarekin aukera bat ikusi dute multinazionalek. Badakite egoerak horrela jarraituz gero landareak, animaliak eta nekazaritza egoera berrietara egokitu beharko direla». Eta aurkitu dute egokitzapen hori egiteko bidea: Klimatikoki inteligentea den nekazaritza (CSA) izenarekin bataiatu dute proposamena. Baserritarrei hazi «bereziak» eskaintzea du helburu CSAk. «Klima aldaketei aurre egiteko eta uzta bermatzeko gaitasuna duten haziak sortu dituzte».

Helburu ekonomikoari erantzuten dio CSA proposamenak Arangurenen arabera, eta jasangarritasunetik eta herritarren osasunetik urruntzen da ekoizpen mota hori. Bi arrazoi nagusi aipatu ditu. Batetik, baserritarrak «bereziak» diren hazi horiek erostera behartu, eta multinazionalekin duten dependentzia areagotzea lortzen dute enpresek. Eta, bestetik, beren-beregi hazi horiek tratatzeko ongarriak eta, oro har, tratamendu kimikoak ere saltzen dituzte enpresek, «pakete berean».

Arangurenekin bat dator Javier Andaluz Ekologistak Martxan elkarteko kidea. «Sortzen dituzten haziak transgenikoak dira, eta ezin dira berriz landatu. Horrela ziurtatzen dute, urtero, Bayer eta antzeko multinazionaletara joko dutela baserritarrek hazi bila. Eta enpresek hartzen dute produkzio kate osoaren kontrola». Klimatikoki inteligentea den nekazaritza-ri aurre egiteko, inteligentzia aldarrikatu du Arangurenek. «Nekazariek historikoki erabilitako eredua da inteligenteena. Eredu jasangarriak eta iraunkorrak landu dituzte baserritarrek: lurrari, ingurumenari eta gizarteari lotutakoak, alegia. Eta hori da nekazaritzak kliman eraginik ez izateko ala eragin baikorra izateko era bakarra».

Propietatez husten

Husten ari dira elikagaiak. Berezko dituzten propietateak galtzen ari dira jakiak, Arangurenen hitzetan. «Duela 50 urte sagar batetik jasotzen genituen bitaminak hartzeko, halako hiru jan behar ditugu orain». Antzeko iritzia du Egoitz Garro nutrizionistak ere. Osasun Eskola du Tolosan (Gipuzkoa); eta argi dio tokian tokiko eta garaian garaiko produktuak kontsumitzeak garrantzia duela osasunean. «Inguruarekiko orekari eusten laguntzen digute. Eta energetikoki eta nutrizio aldetik aberatsagoak dira; ezinbesteko osagaiak dira gure osasuna zaintzeko». Azpimarratu du, garaiz kanpoko produktuak ez direla modu naturalean ekoizten. «Ongarri kimikoak erabiltzen dituzte, fruten kasuan, adibidez, behar baino lehenago biltzen dituzte gehiago irauteko. Eta horren ondorioz, nabarmen gutxitzen dira jakien propietateak».
AEBetako ikerketak aipatu ditu Garrok. «1950etik eta 1999ra ekoitzitako 43 barazki aztertu zituzten. Alde nabarmena izan zuten emaitzek. 1999. urtean ekoitzitakoen artean, B2 bitamina kopurua %3 murriztu zen, C bitamina, %15, kaltzioa %16, fosforoa %9 eta %6 proteina gutxiago zuten barazkiek». Gauza bera gertatzen ari da zerealekin ere. FAO Elikadura eta Nekazaritzarako Nazio Batuen Erakundearen arabera nabarmen egin du behera gariaren, artoaren eta arrozaren burdin, zink eta proteina kopuruak.

Harvard Unibertsitateko Samuel Myers adituaren arabera, CO2 mailak hala jarraituz gero, 2050. urterako dezente jaitsiko dira zerealen propietateak. Gariak duen zink kopurua %9 gutxituko da, %5 egingo du behera burdin kopuruak, eta proteinetan ere %6 egingo du behera. Arrozak eta artoak ere antzeko galerak izango dituzte; zinkak, burdinak eta proteinek %3, %5 eta %8 egingo dute behera. Jakiekin dagoen joera orokorraren adibideetako bat besterik ez dira zerealak; eta elikagaien nutrizio galera horrek, osasun arazo berriak sortuko dituela ere ohartarazi eta nabarmendu dute hainbat adituk.

Logikara buelta

Uste baino larriagoa da edonoiz, edonon, edozein garaitako elikagaiak jatea, Garroren ustez. «Desoreka handiak sortzen dira; defentsen jaitsiera, digestio arazoak eta bestelakoak sortzen ditu horrek». Logika kontua da. «Pentsatu ere ez dugu egiten negu gorrian udako arroparekin kalera irtetea. Hala bada, zer dugu buruan negu garaian, adibidez, tomateak ala izozkiak jaten ditugunean?». Hotza eta hezea da negua, eta elikagai beroagoak eta lehorragoak eskaintzen ditu naturak: gantzetan, karbohidratoetan eta proteinetan aberatsak direnak, alegia. Fruitu lehorrak, gaztainak, lekaleak, aza eta brokolia jarri ditu adibide gisa.

Kontrakoa gertatzen da udan. «Beroa eta lehorragoa izan ohi da klima, eta gehiago izerditzen garea. Jaki freskoagoak eta urtsuagoak daude udan horregatik; bitaminatan eta mineraletan aberatsagoak direnak: fruta, uraza eta ziazerbak, kasurako». Jakiak prestatzeko erak ere urtaroaren arabera egokitu behar direla uste du Garrok. «Udazkenean eta neguan erregosteak eta labean egindako prestaketa luzeagoak erabiliko genituzke. Udan, aldiz, arinagoak: entsaladak, lurrunetan egindakoak eta erregosiak». Udazkenean eta neguan, animalia proteina eta olio gehiago erabili beharko lirateke, eta udaberrian eta udan, alderantziz.

Ahal baino haragi gehiago

Ekologikoki uzten duen aztarnagatik jaten dugun haragi kopurua berehala murriztu beharko genukeela uste du Andaluzek. «Jasan genezakeena baino abere kopuru gehiago du munduak. Abereak elikatzeko soja eremu zabalak landatzen dira, eta kutsadura handia sortzen dute». Kontzientzia hartze horrek, ordea, elikaduraren kultura aldaketa ekarri beharko lukeela uste du. «Gaur egun oso errotuta dago bi plater jan behar direla. Eta bigarren plater horretan, arraina ala haragia jan behar dela». Europako behiek jaten duten soja transgenikoa dela dio Arangurenek. «Soja AEBetan ekoizten da, Europara garraiatu, eta tokian bertan eraldatzen da. Energia asko gastatzen da, eta oso kaltegarria da ekologia aldetik. Zer esanik ez nutrizio aldetik: transgenikoekin elikatzen diren animalien okela da gaur egun gehien kontsumitzen dena, horrek dakarrenarekin».

Egoera larria da Garroren arabera. «Ez dakigu norainoko kalteak ekarriko dituen klimak, eta gu ere nola aldatuko garen. Hipotesi asko dagoen arren, ez dakigu kaltearen benetako tamaina zein izango den.

Argi dago ekoizpen mota hau aldatu beharko genukeela; geure burua eta lurra maite baldin baditugu, behintzat». Tokian tokiko eta sasoian sasoiko elikadura kontsumoaren aldeko hautua, aspaldiko kontua izango litzateke klima aldaketaren auzian eta gizartearen osasunean arreta jarri izan balitz.
Baina beste norabide batean egin dira aldaketak. «Edozein lekutako eta edozein garaitako elikagaiak kontsumitzen ditugu, eta badirudi ez ditugula begiak ireki nahi. Elikadurarekiko kalte hori, hain zuzen, aspaldidanik ari gara sufritzen».