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Articles du Vendredi : Sélection du 8 septembre 2017

«L’augmentation de la puissance des cyclones est causée par le changement climatique»

Entretien avec Christelle Barthe chargée de Recherche au CNRS au Laboratoire de l’atmosphère et des cyclones
https://reporterre.net/L-augmentation-de-la-puissance-des-cyclones-est-causee-par-le-changement

Hydrocarbures. Un projet, loin de faire loi pour les ONG environnementales

Éric Serres Rubrique Une planète et des hommes
www.humanite.fr/hydrocarbures-un-projet-loin-de-faire-loi-pour-les-ong-environnementales-641622

Décidons de l’avenir de notre territoire

Martine Bouchet
www.enbata.info/articles/decidons-de-lavenir-de-notre-territoire

La désobéissance civile de Cédric Herrou “incarne la conception vivante de la démocratie”

Romain Jeanticou
www.telerama.fr/idees/la-desobeissance-civile-de-cedric-herrou-incarne-la-conception-vivante-de-la-democratie

Katalunian laster 172 udalerri gehiagok ezarriko dute Atez Ateko bilketa

Pello Zubiria Kamino
www.argia.eus/blogak/zero-zabor/2017/09/04/katalunian-laster-172-udalerri-gehiagok-ezarriko-dute-atez-ateko-bilketa

«L’augmentation de la puissance des cyclones est causée par le changement climatique»

Entretien avec Christelle Barthe chargée de Recherche au CNRS au Laboratoire de l’atmosphère et des cyclones
https://reporterre.net/L-augmentation-de-la-puissance-des-cyclones-est-causee-par-le-changement

Le cyclone Irma s’est abattu sur les Antilles mercredi 6 septembre, ravageant notamment les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthelemy. Les climatologues restent prudents, mais prévoient que l’intensité des cyclones va continuer à croître avec le changement climatique. Entretien avec la chercheuse Christelle Barthe.

Après Houston et le cyclone Harvey, les Antilles subissent les vents et pluies dévastatrices de l’ouragan Irma. Après s’être renforcé dans la journée de mardi 5 septembre, se classant en catégorie 5, soit la plus élevée sur l’échelle de Saffir-Simpson, il a traversé mercredi les îles Saint-Barthelemy et Saint-Martin, l’œil du cyclone passant précisément sur ces deux îles françaises.

Se déplaçant à une vitesse de 24 km/h, Irma est accompagné de vents d’une rare violence pouvant atteindre 300 km/h ainsi que de rafales allant jusqu’à 350 km/h et qui font de cette tempête un phénomène puissant et sans précédent. Les dégâts sur les îles sont immenses et l’on dénombrait jeudi matin sept morts et vingt-trois blessés, un bilan sans doute incomplet.

Nous avons interrogé Christelle Barthe, chargée de Recherche au CNRS au Laboratoire de l’atmosphère et des cyclones, sur les causes d’un tel cyclone destructeur.

Reporterre — Peut-on distinguer l’impact du changement climatique du cycle naturel des cyclones ?

Christelle Barthe — Il reste très difficile de distinguer l’impact du changement climatique de la variabilité naturelle du phénomène et il est actuellement impossible d’attribuer le changement climatique à un cyclone en particulier. En effet, les scientifiques et climatologues ont très peu de recul sur les cyclones tropicaux car ils ne disposent de données fiables que depuis une trentaine d’années. Même si tous s’accordent à dire que le réchauffement climatique a bien un impact sur l’activité cyclonique, il reste compliqué d’établir avec précision la nature de cet impact.

Doit-on s’attendre à une augmentation de la fréquence et puissance des cyclones dans les prochaines années ?

S’il apparaît que la fréquence et le nombre de cyclone restent stables (environ 90 par an dans le monde) et ne sont à priori pas amenés à évoluer, on constate une augmentation de la puissance et de l’intensité des cyclones, et elle est en partie causée par le changement climatique. Cela est dû au fait que les températures des océans qui se réchauffent, ce qui favorise et alimente l’activité cyclonique.

Les scientifiques prévoient une augmentation des vents cycloniques de 10 % et une augmentation des précipitations associées aux cyclones de 20 %.

C’est donc une augmentation des cyclones à forte intensité, comme Harvey et Irma qui est attendue dans les prochaines années.

Lorsque les cyclones touchent terre, leur intensité diminue généralement, mais cela n’a pas été le cas pour Harvey. Pourquoi ?

Lorsque le cyclone Harvey a atteint les côtes de Houston, son intensité a bien diminué et il a été rétrogradé au stade de tempête tropicale. Mais sa vitesse de déplacement étant très lente, environ 16 km/h, il est resté stationnaire au-dessus de Houston provoquant trombes d’eau, inondations et nombreux dégâts.

L’enchaînement rapide du cyclone Harvey avec le cyclone Irma est-il normal ?

Là aussi les scientifiques manquent de recul, mais l’enchaînement des cyclones Harvey et Irma n’est pas une première. On se souvient des cyclones Katrina et Rita qui s’étaient également succédé en août et septembre 2015. Ils ne sont pas non plus inhabituels dans la mesure où ils empruntent tous deux la route classique des cyclones. Irma appartient à la famille des cyclones dits « cap-verdiens » : il s’est formé au large des côtes africaines avant de puiser son énergie en traversant l’Atlantique, où la température de l’eau est actuellement de 29 °C.

Même si les climatologues n’attribuent pas directement ces cyclones et leur succession au changement climatique, leurs recherches tentent de comprendre et d’expliquer pourquoi ces cyclones se sont développés et pourquoi certains ont une tendance à s’enchaîner. Les données arrivent petit à petit, ce n’est qu’en comparant ces enchainements de cyclones à ceux des années à venir que l’on pourra déterminer s’ils sont causés par le changement climatique ou s’ils font partie du cycle naturel des cyclones.

Peut-on prévoir la trajectoire d’un cyclone et son intensité ?

L’intensité d’un cyclone reste très compliquée à prévoir. Sa trajectoire par contre, est plus facile à définir. Depuis une vingtaine d’années, les prévisions de trajectoires de cyclones tropicaux ont largement progressé, grâce aux modèles de prévision numérique. Aujourd’hui, la position d’un cyclone est prévue 24 heures à l’avance avec une erreur moyenne inférieure à 100 km.

Hydrocarbures. Un projet, loin de faire loi pour les ONG environnementales

Éric Serres Rubrique Une planète et des hommes
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Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a présenté mercredi en Conseil des ministres, le projet de loi visant à en finir avec la modeste production d’hydrocarbures en France. Si les ONG se félicitent de l’acte symbolique, elles regrettent les trop nombreux angles morts du projet.

Mercredi en fin de matinée, les collectifs Non au Pétrole et Gaz de Schiste et de Couche et l’Apel 57, ainsi que 350.org, les Amis de la Terre et Attac se sont réunis afin de faire le point sur le projet de loi proposé par le Ministre de l’écologie Nicolas Hulot, concernant l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures. Pour rappel, il s’agit d’interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels dans le sous-sol national (dans la zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés et également sur le plateau continental). Une manière, entre autre, de mettre fin au flou laissé par la loi Jacob du 13 juillet 2011 qui interdisait la fracturation hydraulique, mais ne refusait pas l’utilisation de nouvelles techniques.

Premier de cordée, Maxime Combes pour Attac a rappelé l’un des grands objectifs, que non seulement la France, mais aussi tous les pays du monde se doivent de respecter si l’on ne veut pas dépasser la barrière des deux degrés à l’horizon 2100 : « C’est un projet de loi aux objectifs ambitieux et appropriés. Il faut en effet fermer les puits d’hydrocarbures et ne plus investir dans l’exploration ni l’exploitation si l’on ne veut pas aller à l’encontre de l’article 2 des accords de Paris. Nous devons restreindre l’offre gaz, pétrole, charbon. C’est « LA » condition pour réussir la transition énergétique. Cela nécessite donc une exemplarité totale. »

Exemplarité que semble vouloir revendiquer Nicolas Hulot, qui a déclaré vouloir faire de la France le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique.

Exemplarité, que les ONG auraient voulue plus prononcée et moins vague. Ainsi Isabelle Levy du Collectif du Pays Fertois : « il y a du flou dans ce projet et notamment sur la possibilité de continuer à exploiter le gaz de houille. Or le gaz de houille est un terme générique qui comprend et le gaz de mine -qui se trouve dans les anciennes mines du nord de la France et que l’on extrait par pompage car dangereux-, mais aussi le gaz de couche, qui lui se trouve dans l’Est et nécessite des techniques invasives. » Ce méthane est en effet contenu dans les couches profondes de charbon entre 1.000 et 2.000 m de profondeur et nécessite pour une exploitation industrielle beaucoup plus qu’un simple forage. « Ce qui inquiétant dans cette loi, c’est que rien n’est prévu pour contrôler les techniques employées ainsi que pour sanctionner les entreprises en cas de fraude » continue Isabelle Levy.

« S’attaquer une bonne fois pour toute au code minier »

Pour Juliette Renaud des Amis de la terre, la solution est pourtant toute trouvée : « s’attaquer une bonne fois pour toute au code minier. Il faut le mettre au goût du jour et des enjeux de demain. Il faut notamment revoir l’article 132.6 sur le droit de suite, qui permet aux industriels de renouveler leurs permis puis concessions sur des périodes beaucoup trop longues. En n’agissant pas ainsi le gouvernement évite de s’attaquer aux projets miniers en général. »

La spécialiste des industries extractives va plus loin dans ses doutes face au projet de loi : « Certaines concessions iront au-delà de la date de 2040 annoncée par le gouvernement. »

Un point de vue que partage Nicolas Haeringer, de l’ONG 350.org : « L’octroi de permis d’exploitation n’est pas complètement gelé. Si une compagnie qui dispose aujourd’hui d’un permis de recherche découvre un gisement, elle pourrait demander une concession d’exploitation dans la foulée, ce qui repousserait de plusieurs années la fin de la production de pétrole. En apparence, c’est une loi pionnière. Mais en réalité, il s’agit d’un texte en demi-mesure, qui contient pas mal de manques et d’angles morts. » Et de conclure : « Le projet de loi manque d’ambition, à l’image de l’action climatique internationale. C’est une occasion manquée. »

Décidons de l’avenir de notre territoire

Martine Bouchet
www.enbata.info/articles/decidons-de-lavenir-de-notre-territoire

Martine Bouchet est membre du CADE (Collectif des Associations de Défense de l’Environnement) et de l’association Stop Mines EH qui s’est créée avec comme objectif de stopper le projet de mines d’or. A quelques jours de la manifestation du samedi 16 septembre à 16h00 qu’organise à Bayonne le Collectif Stop Mines EH, elle répond aux questions d’Alda! sur les enjeux de cette nouvelle mobilisation anti-mines d’or en Iparralde.

Comment est né le Collectif Stop-Mines EH?

L’alerte, qu’une demande de permis de recherche de mines d’or était demandée, est arrivée au CADE (Collectif des Associations de Défense de l’Environnement) par l’intermédiaire d’un collectif breton qui avait mis en place une veille sur internet (collectif que nous ne remercierons jamais assez !). Nous étions alors à l’été 2015. Nous avons alors jugé indispensable d’alerter le plus de monde possible et de donner les informations que nous avons réussi à récolter. Nous avons vite compris que ces éléments ne seraient donnés ni par SudMine, l’entreprise qui a déposé la demande, ni par les représentants de l’Etat qui cherchaient à instruire le dossier en catimini. Car sans vouloir refaire tout l’historique du dossier, disons que sans les Bretons, nous ne saurions toujours pas au jour d’aujourd’hui qu’un permis est demandé. Et que si la mobilisation n’avait pas été celle qui a eu lieu, le permis serait sans doute accordé depuis longtemps et les premiers forages faits dans la plus grande discrétion. Nous avons donc organisé des réunions publiques dans plusieurs villages concernés. Partout, des habitants ont manifesté leur volonté de s’impliquer dans la lutte et le collectif Stop Mines EH s’est monté ainsi, fin 2015.

Comment s’est organisé le collectif et quelles sont ses caractéristiques principales ?

L’intérêt est que le collectif a des relais dans chacun des villages, ce qui permet d’avoir une bonne couverture par exemple pour afficher ou tracter. Il s’est monté en association (affiliée au CADE) et est devenu l’élément moteur de la lutte. Réunions, stands, campagnes d’affichage (notamment en collaboration avec les mairies à chaque entrée des villages)… le mode d’action est assez classique. Mais il y a quand même une particularité : la mobilisation unit plusieurs structures, notamment agricoles (EHLG, l’AOP Ossau-Iraty et l’AOP Piment d’Espelette, ELB, BLE, Idoki, Xapata (cerise), mais aussi les Inter-AMAP, Bizi! et bien sûr le CADE.

Stop Mines EH est donc une jeune structure mais qui s’appuie sur un réseau solide.

Quels ont été les résultats des premières mobilisations ?

Le but de Stop Mines EH est d’empêcher que le permis de recherche soit accordé. Il est difficile d’obtenir de ce point de vue des résultats partiels. Malgré tout, sur le chemin de la victoire, on peut dire qu’on est arrivé à maintenir une mobilisation solide et unitaire de nos partenaires et des élus. A titre d’exemple, SudMine a dû annuler une réunion dite “de concertation” à l’été 2016, nombre de participants faisant savoir qu’ils ne s’y rendraient pas. En 2015, le projet pouvait paraître n’être qu’une grande blague sans lendemain. Quand il y a eu la consultation publique par internet en février 2017, beaucoup ont compris que la menace était réelle. On a fait alors une belle démonstration de force à Espelette.

Quels sont les enjeux de la mobilisation du 16 septembre ?

L’enjeu est d’obtenir une décision ministérielle qui soit un rejet de la demande de SudMine. Car la décision n’est pas encore prise. Elle devrait l’être en octobre ou novembre 2017. En fait, on est inquiet. Après le changement de gouvernement, des élus ont interpellé le nouveau ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Monsieur Etchegaray notamment, président de la CAPB, a reçu une réponse très formelle, accusant réception et indiquant avoir demandé à Paul Delduc, directeur de l’aménagement, du logement et de la nature d’étudier le dossier. On aurait pu espérer quelque chose plus indicatif des intentions ministérielles. On a connu des courriers plus encourageants. Mais en fait, l’enjeu dépasse aussi la simple question de ce permis minier. Je n’ai personnellement jamais connu un tel contexte de mobilisation où tous les élus (maires, députés, CAPB, Région) aient fait connaître leur opposition. Récemment, les trois chambres consulaires : chambre d’agriculture, chambre des métiers et CCI ont fait de même.

Tous ces avis ne sont que consultatifs, s’est entendu dire Sylviane Alaux, l’ancienne députée de la circonscription, par les fonctionnaires en charge du dossier.Ces derniers lui ont annoncé que le permis serait accordé, car il n’y avait aucune raison qu’il ne le soit pas. Tous ces avis unanimement contre et aucune raison valable pour refuser le permis ! Il reste du chemin à parcourir pour que la volonté des habitants à décider de l’avenir de leur territoire soit pris en compte. L’enjeu est donc aussi de revendiquer notre place dans les décisions qui nous concernent. Si le projet était accordé, il est bien évident que la mobilisation se poursuivra. On ne le laissera pas faire.

Que faire pour assurer le succès de la manifestation du 16 septembre à Bayonne ?

On a fait beaucoup d’affichage, on va lancer des appels à la presse, par mails, sur les réseaux sociaux. Et chacun peut les relayer ! On veut aussi une manifestation vivante. Bizi ! a prévu de faire un char qui mettra une certaine animation. On prévoit aussi une soirée après la manif au Gaztetxe de Bayonne. Le succès sera avant tout le nombre de manifestants : il faut venir, en famille, entre amis et voisins !

La désobéissance civile de Cédric Herrou “incarne la conception vivante de la démocratie”

Romain Jeanticou
www.telerama.fr/idees/la-desobeissance-civile-de-cedric-herrou-incarne-la-conception-vivante-de-la-democratie

Pour avoir aidé des migrants sans-papiers, l’agriculteur Cédric Herrou a été condamné mardi 8 août 2017 à de la prison avec sursis. Son initiative évoque la désobéissance civile, un principe politique indispensable du progrès et du mouvement démocratique, selon le philosophe Manuel Cervera-Marzal.

Depuis bientôt deux ans, l’agriculteur Cédric Herrou, militant de l’association Roya citoyenne, conduit, héberge et nourrit des centaines de migrants clandestins qui tentent de traverser la frontière italo-française. Il a été condamné mardi 8 août à quatre mois de prison avec sursis pour aide à l’immigration clandestine. Après avoir été relaxé en première instance, il a également été condamné à mille euros de dommages et intérêts pour l’occupation illicite d’un bâtiment SNCF désaffecté dans lequel il logeait cinquante-sept migrants érythréens, dont vingt-neuf mineurs.

L’agriculteur, qui affirme « faire le travail de l’Etat » puisque « c’est le rôle d’un citoyen d’agir lorsqu’il y a défaillance de l’Etat », dresse face à la loi de l’Etat celle de la conscience. En cela, son action, même s’il ne s’en est pas revendiqué explicitement, s’inscrit dans le mouvement de la désobéissance civile. L’expression, que l’on doit au philosophe et poète américian Henry David Thoreau (1817-1862), affirme la primauté de la conscience morale sur l’ordre politique et justifie des actes de résistance en dehors du cadre légal pour s’opposer à une loi jugée injuste.

Thoreau distinguait la loi et le bien, brandissant sa seule obligation « de faire à toute heure ce [qu’il croit] être bien », tandis qu’Aristote distinguait la légalité – stricte conformité au droit positif, c’est à dire conforme à la justice – de la légitimité – la concordance au droit naturel, soit le droit des lois morales. A partir de ces théories, Manuel Cervera-Marzal, philosophe et sociologue à la Casa de Velàzquez de Madrid, a étudié les mouvements de désobéissance civile, cette résistance où « la loi de la majorité n’a rien à dire là où la conscience doit se prononcer ».

Les actions de Cédric Herrou et de plusieurs habitants de la Roya, qui viennent d’être pénalement condamnées, sont considérées par beaucoup comme de la désobéissance civile. Chacun ne pourrait-il pas ainsi, lorsqu’il commet un délit, invoquer ce concept ? Comment situer la limite entre délit et désobéissance ?

Dès que l’on justifie une action comme de la désobéissance civile, il y a le risque que chacun déclare que la loi viole sa conscience et s’autorise à la transgresser. Cela menacerait d’effondrer la société. La désobéissance civile, ce n’est donc pas seulement désobéir à la loi, c’est accomplir une action illégale dans un but d’intérêt général. Planquer son argent pour ne pas payer d’impôts, ce n’est pas de la désobéissance civile. Cédric Herrou ne désobéit pas pour son propre compte, il n’a rien à y gagner lui-même, il le fait en faveur d’un groupe d’individus en détresse et vulnérables. C’est donc désintéressé. Le deuxième critère pour définir un acte comme de la désobéissance civile, c’est le caractère non-violent. Pour défendre les migrants, si quelqu’un prend un fusil et s’attaque au préfet, aux gardes-frontières ou aux juges, ce ne sera pas non plus de la désobéissance civile. Celle-ci est par essence non-violente et ne porte pas atteinte à l’intégrité physique des autres.

Désobéir au nom de ce qui est juste, c’est décréter que la loi est injuste. La désobéissance civile est-elle compatible avec l’Etat de droit ?

Oui, car l’Etat de droit repose sur deux piliers : d’abord, le fait que la loi s’applique à tous et que chacun doit la respecter. Mais aussi un second, qui est que les citoyens soumis à cette loi ont un droit de regard sur elle. En démocratie, ceux à qui s’applique la loi l’élaborent aussi. Il ne s’agit pas d’obéir de manière aveugle à ce que pourraient décider les gouvernants, mais d’exercer un regard critique. Si la loi enfreint les principes humains universels, alors les citoyens garants de cette démocratie s’autorisent à sortir du cadre de la loi.

Pour Spinoza, une loi injuste est une loi qui ne suscite pas les mêmes espoirs ou les mêmes craintes pour tous les citoyens. Pour Pascal, elle est une loi qui n’est pas conforme à la coutume. Pour Aristote, elle est une loi qui est mal appliquée par le juge. Comment déterminer quelles lois sont injustes ?

C’est bien sûr un débat sans fin. Toutes ces définitions ne sont pas forcément compatibles. Il y a selon moi à nouveau deux critères pour juger si une loi est juste. Le premier, c’est celui qu’évoque Martin Luther King dans un texte qu’il écrivit sur du papier toilette alors qu’il était incarcéré à la prison de Birmingham. Une loi est juste si elle s’applique de façon identique à tous – c’est l’égalité devant la loi. Ce principe est enfreint dans de très nombreux cas : un enfant de cols blancs a toujours moins de chance de se faire condamner qu’un enfant issu des quartiers populaires. Le second critère, c’est que ceux à qui s’applique la loi doivent participer à son élaboration. Les Noirs, pour rester sur le même exemple, n’avaient pas le droit de vote aux Etats-Unis. Aujourd’hui en France, les migrants subissent des lois sur l’immigration sur lesquelles ils n’ont pas leur mot à dire. La revendication de ceux qui les défendent, c’est d’élargir la communauté de citoyens. Cela paraît utopique alors que ça s’est fait, par exemple en Espagne en 2004, où 700 000 sans-papiers ont été régularisés sans que cela ne génère un afflux massif.

Le philosophe américain John Rawls avait une définition plus restreinte de la désobéissance civile, dont l’exercice supposait selon lui que toutes les voies légales permettant de contester une décision gouvernementale aient été épuisées. Cédric Herrou n’a-t-il pas d’autre moyen d’action légal ?

Si, mais Rawls impose cette condition d’épuisement ; or, les voies légales sont inépuisables, il y a toujours possibilité de faire appel, de se pourvoir devant une autre cour… Les relances sont infinies. Nous sommes ici dans une situation d’urgence, avec des hommes et des femmes en détresse. On parle d’Erythréennes qui se prostituent pour passer de frontière en frontière. De mineurs en haillons qui traversent des forêts. Peut-on se permettre d’attendre ? C’est la même problématique avec les désobéissances liées aux pesticides ou aux OGM avec l’écologie : c’est tout de suite que les vies sont menacées. Si les actions de désobéissance civile devaient respecter ce critère d’épuisement des voies légales, aucune ne serait légitime.

La justice a inscrit la mobilisation de Cédric Herrou non dans une action de solidarité individuelle mais dans le cadre d’une « contestation globale de la loi (…), une cause militante ». Dans vos travaux, vous montrez comment Gandhi cherchait à supprimer le régime colonial et King à mettre à bas les lois Jim Crow. La désobéissance civile est-elle forcément un acte politique au-delà d’un engagement moral et individuel ?

Oui. La disctinction que fait Hannah Arendt est importante : l’objection de conscience est différente de la désobéissance civile. La première est individuelle, elle tient par exemple du refus de faire son service militaire pour des raisons morales ou religieuses. Ce que l’on demande alors, c’est simplement de ne pas aller à l’armée. La désobéissance demande un changement de la loi, qui serait dans ce cas-là de conscrire le service militaire. Il s’agit d’une action collective accomplie dans un but. Lorsque j’invoque l’objection de conscience, je cherche à préserver mon intégrité pour que mes actions restent en cohérence avec mes croyances. La désobéissance civile est une affaire sociale et politique.

Dans l’arrêté, Cédric Herrou est condamné car son action est plus que ponctuelle et qu’elle tient du militantisme. Je ne veux pas parler pour lui, mais il fait référence dans ses déclarations à un racisme d’Etat et à la faillite de la politique de celui-ci, pas à une seule loi. C’est tout l’enjeu : la désobéissance civile peut-elle être globale ? Pour Gandhi et Martin Luther King, oui : ils se battent contre un système. La désobéissance de King est le premier pas vers la révolution non-violente. Gandhi distinguait quant à lui la désobéissance civile défensive, dans laquelle il s’agit de contester quelques lois dans un système globalement juste, et la désobéissance civile offensive, qui est celle qu’il mit en place pour contester un système dans son intégralité.

Selon vous, les « désobéissants » sont convaincus que si l’opinion publique prend connaissance d’une injustice, celle-ci ne pourra perdurer. La question de l’accueil des migrants, largement connue et débattue, est clivante pour les Français et l’injustice perdure. N’est-ce pas dores et déjà un échec des actions pro-migrants illégales ?

Au lieu de peser sur les gouvernants, ils choisissent de le faire indirectement via l’opinion publique. Bien que cela ne veuille pas dire qu’ils auront gain de cause, il leur semble plus efficace de toucher l’opinion. Il est clair que la bataille est mal engagée pour les désobéissants car aujourd’hui en France, les migrants sont vus de trois façons : de potentiels terroristes – c’est la ligne d’Eric Ciotti –, des gens d’une autre culture venus prendre l’emploi et l’argent des Français – c’est la fameuse politique plus « efficace » que « généreuse » de Gérard Collomb et c’est la vision dominante –, et enfin, très minoritaire, la vision de personnes humaines à accueillir. Mais les mouvements de désobéissance civile ont toujours été minoritaires, c’était le cas de celui des Noirs aux Etats-Unis. Ils sont parfois longs avant de parvenir à toucher l’opinion. Au travail d’exposition du problème s’ajoute ensuite un travail de conviction. Ce type d’action se situe sur deux fronts : l’aide immédiate et la pédagogie envers les concitoyens.

Vous avez travaillé sur les rapports entre le militantisme et les médias. Quel rôle joue la médiatisation dans la désobéissance civile et celle-ci a-t-elle besoin d’être incarnée et personnalisée ?

La médiatisation joue un rôle énorme. Aujourd’hui, la désobéissance civile est souvent plus efficace qu’une manifestation. Il y a plusieurs milliers de manifestations par an à Paris et la très grande majorité passent inaperçues car elles ne sont pas relayées. La désobéissance civile a un côté spectaculaire, théâtral – je pense à José Bové au McDonald’s de Millau, au préservatif d’Act Up place de la Concorde, aux occupations de logements vacants par Jeudi-Noir… La dramaturgie fait que quelques personnes, parfois seulement une dizaine, font plus parler d’eux que des milliers de manifestants. Ils ont totalement compris les rouages de la société du spectacle et ce qui intéresse les médias. Martin Luther King était déjà lui-même un homme d’image dans les années 1960, époque de la généralisation des postes de télévision dans les foyers. Lorsqu’il demande à un enfant noir d’entrer dans une bibliothèque réservée aux Blancs, la photo du policier qui arrête cet enfant a un pouvoir incroyable. Les désobéissants jouent sur des codes symboliques et c’est un savoir-faire qui leur est spécifique.

Par ailleurs, pour répondre à votre deuxième question, qui dit médiatisation dit personnalisation. On retient les grands leaders même s’ils ont toujours des gens derrière eux. Gandhi avait beaucoup de soutiens et ses actes de désobéissance s’accompagnaient d’ailleurs de mouvements de contestation traditionnels. Il s’agit de mouvements collectifs qui ne se cantonnent pas à quelques figures de proue – celles-ci doivent être représentatives d’un groupe.

Comment analysez-vous l’évolution des formes de contestation traditionnelles par rapport à celle des mouvements sortant du cadre légal ?

En France, depuis la Seconde Guerre mondiale, les courbes se croisent. D’un côté, les formes de contestation traditionnelles – boycott, vote, grève, manifestations… – ne cessent de décroître : le taux de syndicalisation qui était de 40 % en 1945 est passé à 25 % en 1970 puis à 10 % aujourd’hui, le nombre de grèves est en baisse et l’abstention en hausse. Les manifestations sont de plus en plus nombreuses mais de plus en plus inoffensives : avant, elles étaient considérées comme insurrectionnelles, aujourd’hui elles ont été routinisées et n’ont plus leur force subversive.

En parallèle, on assiste à une montée en puissance des actions extra-légales. Avec les ZAD [zones à défendre, ndlr], où le rapport avec la violence est plus complexe, mais aussi avec l’activisme en ligne des hackeurs comme Anonymous, les lanceurs d’alerte comme Edward Snowden, Irène Frachon ou Antoine Deltour… Thoreau avait une très belle formule : « Le destin d’un pays ne dépend pas du type de bulletin que vous déposez dans l’urne une fois par an, mais du type d’homme que vous déposez depuis votre chambre jusque dans la rue chaque matin. »

Peut-on alors affirmer que les militants et les luttes sociales se sont radicalisés ?

Oui, avec leur sortie du cadre de la loi. Plutôt que d’envoyer une pétition à Gérard Collomb, ils vont aller directement aider les migrants. Mais on assiste aussi à une radicalisation des actions violentes : un phénomène nouveau apparu avec la contestation de la loi Travail, outre Nuit debout, est celui du cortège de tête. Il y a toujours eu dix ou vingt blacks blocs, ultra minoritaires, en queue de cortège des manifestations, mais ils ont pris ici beaucoup d’importance : ce sont eux en tête et plus les syndicats. Les seuils sont devenus importants, on parle de trois ou quatre mille personnes qui quittaient les cortèges syndicaux pour aller en découdre.

Mais il faut mettre cela en parallèle avec une autre radicalisation – celle de l’Etat. Les deux s’alimentent comme l’œuf et la poule. L’Etat se permet d’être davantage sécuritaire, policier, répressif, surveillant. Il y a quinze ans, on aurait trouvé impensable d’interdire des manifestations, de réduire le droit de grève avec la loi sur le service minimum car il s’agit de libertés fondamentales constitutionnelles. Nous vivons une période de polarisation qui se traduit en France par un renforcement des clivages.

Vous affirmez que ces formes de contestation qui sortent du cadre légal apportent « un nouveau souffle » à la démocratie. Comment ?

La démocratie n’a jamais été un régime figé une fois pour toutes, ni la formule définitive des institutions. Il n’y a démocratie que par la démocratisation : c’est une asymptote qui tend vers l’infini. C’est un mouvement, une dynamique et non un totem. La désobéissance civile incarne cette conception vivante de la démocratie en cela qu’elle dit ceci : « Ce que l’on a est bien, mieux que les régimes dictatoriaux, mais on peut aller plus loin. » Le progrès, les exemples historiques nous le montrent, passe par des mouvements qui sortent du cadre de la loi car celle-ci est parfois sclérosée, avec des tendances mortifères. Pour lui redonner du souffle, il faut sortir en apparence de la démocratie pour l’approfondir : c’est tout le paradoxe de la désobéissance civile. Elle n’exerce pas des actions contre la loi ou illégales, mais des actions extra légales qui sortent de la loi pour la réaffirmer.

A lire 

Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, essais de politique contemporaine, Calmann-Lévy.
Manuel Cervera-Marzal, Désobéir en démocratie, la pensée désobéissante de Thoreau à Martin Luther King, Aux forges de Vulcain.
Manuel Cervera-Marzal, Les Nouveaux Désobéissants : citoyens ou hors-la-loi ?, Au bord de l’eau.
John Rawls, Théorie de la justice, Points.
Henry David Thoreau, La Désobéissance civile, Gallmeister.
Henry David Thoreau, Résister, Fayard.

Katalunian laster 172 udalerri gehiagok ezarriko dute Atez Ateko bilketa

Pello Zubiria Kamino
www.argia.eus/blogak/zero-zabor/2017/09/04/katalunian-laster-172-udalerri-gehiagok-ezarriko-dute-atez-ateko-bilketa

Albistea Kataluniako Hondakinen Agentziaren buruak eman du abuztuan: urte eta erdiko epean 172 udalerri gehiagotan ezarriko dutela Atez Atekoa, 490.000 herritarri zerbitzu emateko.

Orain bertan Katalunian Atez Atekoan biltzen badira 107 udalerritako 300.000 biztanleren hondakinak, 2019an 800.000 inguruk funtzionatuko dute sistema horrekin. Herri horietako askok, gainera, sortzez besteko ordainketa sistema ere ezarriko dute, Agencia Catalana de Residuseko lehendakaria den Josep Maria Tosteek adierazi duenez. Horrela beteko dute Katalunian ezarritako lege berriaren eskakizun zehatz bat, alegia, hondakin guztien jatorria garbi identifikatu beharko dela. [Ageri denez, Gipuzkoan hondakinen kontrairaultzan herri batzuetan alderantzizko bidea egiten ari dira, hondakinen identifikazio eta jatorriaren pertsonalizazioa lausotzeko obsesioan].

Udalerrien tamainan ere jauzia egiten ari dira Kantalunian, gero eta handiagoetan ezartzen baita Atez Atekoa. Laster hastear dira, esaterako, Lleida hiriburuan eta hori izango da 100.000ean abiatuko den lehenbizikoa. Residuos Profesional guneak titulatu duen moduan, “Reciclar dejará de ser voluntario en Lleida“. Baina, gainera, Lleidako probintziako eskualde batzuek laster sistema hori zabalduko dute orain ari diren herrietatik guztietara.

Principatetik kanpo baina Katalan Herrialdeetan, Menorkako hiriburu Maok ere laster ezarriko du Atez Atekoa bere 29.000 biztanleentzako.